3. La nécessité de concrétiser les garanties internationales d'accès au combustible nucléaire

Comme on l'a précédemment indiqué, la résolution 1887 du Conseil de sécurité a souligné l'intérêt des approches multilatérales du cycle du combustible nucléaire « comme moyen de répondre au besoin croissant de combustible nucléaire et de service dans ce domaine et de réduire au minimum le risque de prolifération » et il a prié « le Conseil des gouverneurs de l'AIEA d'adopter dès que possible des mesures à cette fin ».

Les propositions se sont en effet accumulées et superposées depuis près de cinq ans. On ne peut que constater une certaine lenteur dans la concrétisation de la démarche, tout comme un besoin de clarification des objectifs et de coordination des différentes initiatives.

Le thème de l'approche multilatérale du cycle du combustible est diversement reçu dans les enceintes internationales. Certains Etats le perçoivent surtout comme une volonté de restreindre l'accès aux technologies de l'enrichissement et du retraitement. Il est significatif qu'au sein du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, des pays tels que l'Argentine, le Brésil, Cuba, l'Egypte, la Malaisie, le Pakistan, l'Afrique du Sud ou le Venezuela se soient prononcés contre le projet russe de réserve d'uranium qui ne lésait pourtant les intérêts d'aucun groupe d'Etats.

Il apparaît donc désormais nécessaire de rapidement définir un cadre équitable et accessible à tous les Etats demandeurs qui respectent les normes convenues de non-prolifération nucléaire , quitte à retenir le principe d'une mise en oeuvre par étapes.

Il faudra clairement montrer comment les approches multilatérales retenues permettront aux objectifs de garantie d'accès au combustible nucléaire et de non-prolifération de se conforter mutuellement, sans porter atteinte aux droits reconnus par l'article IV du TNP.

A court terme, la mise en place d'un mécanisme d'assurance d'approvisionnement, serait à cet égard une première étape indispensable.

Ce mécanisme serait établi par un accord international conclu sous l'égide de l'ONU ou de l'AIEA et engageant l'ensemble des Etats fournisseurs. Il n'interviendrait qu'en complément du marché, dont il ne devrait en aucun cas perturber le fonctionnement normal (action à la marge, application du prix du marché). Il jouerait, sous la supervision de l'AIEA, en cas d'interruption des approvisionnements motivée par des considérations politiques, et non dans le cas de désaccords commerciaux ou de situation de non-respect des obligations de non-prolifération. L'adhésion à ce mécanisme résulterait exclusivement d'une démarche volontaire des Etats et n'impliquerait aucun renoncement aux droits reconnus par l'article IV du TNP.

On peut penser qu'un engagement juridiquement contraignant des Etats fournisseurs pourrait suffire à constituer la réserve « virtuelle » de combustible nécessaire au fonctionnement du mécanisme. Mais une réserve physique (« banque » de combustible) peut être mise à la disposition de l'AIEA, comme cela a été fait par la Russie. Un accord international permettrait de couvrir d'autres initiatives de « banque » de combustible, notamment celle de la NTI.

À plus long terme, le cadre multilatéral pourrait incorporer les activités ou installations à caractère multilatéral , telles que le centre d'Angarsk en Russie ou le projet d'usine « sanctuarisée », placée sous la totale responsabilité de l'AIEA, que l'Allemagne a proposé.

Une approche régionale mériterait d'être privilégiée. Elle permettrait de parer aux critiques sur le monopole des compagnies occidentales tout en favorisant un traitement global des questions liées à la non-prolifération dans certaines zones où ces questions n'ont pas été réglées. On peut ainsi imaginer que soient réalisées, sur une base régionale, des usines multinationales d'enrichissement ou de retraitement, sous la seule réserve d'un contrôle rigoureux de l'AIEA.

La mise en place d'une installation multinationale d'enrichissement au Moyen-Orient se justifierait, dans la mesure où nombre d'Etats de la région ont déclaré vouloir se tourner vers l'énergie nucléaire civile. Ce serait un facteur positif dans la perspective, aujourd'hui peu crédible, d'une transformation de la région en zone exempte d'armes de destruction massive.

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