EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 février 2010 sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l' examen du rapport d'information de M. Jean-Pierre Chevènement sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France .

M. Josselin de Rohan, président , a rappelé que, dans la perspective de la prochaine Conférence quinquennale d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), le débat international s'était intensifié sur les questions de désarmement et de non-prolifération nucléaire. Le président Obama a marqué les esprits en évoquant, à Prague, en avril 2009, la perspective d'un monde sans armes nucléaires, mais on mesure aujourd'hui les conditions nombreuses à réunir et les obstacles à franchir pour aller dans ce sens, alors que le cas de la Corée du Nord ou celui de l'Iran montrent combien il est difficile de maîtriser la prolifération nucléaire. Cette échéance internationale importante justifiait que la commission, à travers un rapport d'information, mette à la disposition du Sénat un document d'analyse complet et actualisé et qu'elle se prononce sur les positions que la France devrait adopter. Pour cette même raison, un débat sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France sera organisé, à sa demande, en séance publique le mardi 23 mars 2010.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a indiqué que la 8 ème Conférence d'examen du TNP se déroulerait à New-York du 3 au 28 mai 2010. Alors que la précédente, en 2005, avait été considérée comme un échec, faute de progrès ou d'engagements sur les différents aspects de la mise en oeuvre du traité, la Conférence d'examen de mai prochain semble devoir se dérouler sous des auspices plus favorables et a suscité des attentes. Le rapport d'information vise à éclairer de manière aussi complète et objective que possible les enjeux des différentes questions en débat, sachant que certains éléments importants restent encore à préciser, comme la teneur exacte du futur accord américano-russe destiné à succéder à l'accord START I, dont la conclusion, prévue pour décembre 2009, a pris du retard, ou encore la « Nuclear Posture Review » devant déterminer les orientations de l'administration américaine en matière nucléaire militaire.

M. Jean-Pierre Chevènement , rapporteur, a indiqué que la partie introductive du rapport d'information visait à dresser un état des lieux, vingt ans après la guerre froide, du désarmement et de la non-prolifération nucléaire. Il en a résumé les principales caractéristiques.

Tout d'abord, le volume total des arsenaux nucléaires a été réduit des deux-tiers par rapport à son point culminant au cours de la guerre froide. Selon les estimations, les Etats-Unis (9 400 armes nucléaires) et la Russie (13 000 armes nucléaires) détiennent à eux seuls environ 96 % des armes nucléaires. Le désarmement américano-russe s'est effectué dans le cadre de plusieurs accords bilatéraux : le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) de 1987, l'accord START I de 1991 et le traité SORT de 2002. Un traité « post-START », en cours de conclusion, devrait ramener le nombre de têtes nucléaires opérationnellement déployées des Etats-Unis et de la Russie à un maximum compris entre 1 500 et 1 675 sur une période de sept ans. Il faut toutefois apprécier avec prudence les plafonds fixés par ces accords. Ils ne comprennent pas les armes en réserve des deux Etats, ni les armes nucléaires tactiques qui restent en nombre considérable dans l'arsenal russe.

La France (moins de 300 têtes nucléaires) et le Royaume-Uni (moins de 200) ont diminué de leur propre initiative le format de leurs forces nucléaires, calibrées selon un principe de stricte suffisance ou de dissuasion minimale.

La Chine est, en revanche, la seule puissance nucléaire reconnue par le TNP à ne pas réduire son arsenal. Elle cherche à se doter d'une capacité de seconde frappe en améliorant sa composante sol-sol et en se dotant d'une composante sous-marine.

L'Inde et le Pakistan, qui n'ont jamais signé le TNP, ont officialisé par des essais, en 1998, leur capacité nucléaire et disposent chacun de quelques dizaines de têtes nucléaires. Israël, troisième Etat non signataire du TNP, dispose également d'une capacité nucléaire présumée, qu'il n'a jamais officiellement reconnue.

Enfin, la Corée du Nord s'est retirée du TNP en 2003 et a réalisé deux essais nucléaires en 2006 et 2009, sans pour autant disposer, selon les experts, d'armes nucléaires véritablement opérationnelles. Comme l'Inde et le Pakistan, elle développe ses capacités balistiques.

Le TNP, qui constitue le môle de l'ordre nucléaire mondial, a ainsi ralenti la prolifération nucléaire, sans pour autant l'empêcher. L'adhésion de la quasi-totalité des Etats et sa prorogation indéfinie en 1995 ont permis de le consolider. Les facteurs de fragilisation demeurent cependant, avec les crises nord-coréenne et iranienne, qui montrent les limites de l'autorité de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), alors qu'un nombre important d'Etats n'ont toujours pas accepté les procédures de vérification renforcées prévues par le modèle de protocole additionnel dit « 93+2 ». De manière plus générale, le TNP fait l'objet d'une contestation latente mettant moins en cause la distinction entre puissances nucléaires reconnues par le traité et Etats non dotés que la dépendance des Etats désireux d'accéder aux bénéfices des usages pacifiques de l'énergie nucléaire vis-à-vis des Etats détenteurs de technologies. Le traitement particulier accordé à l'Inde, Etat non signataire du TNP avec lequel ont néanmoins été conclus des accords de coopération nucléaire civile, a été critiqué. Toutefois, les engagements pris par l'Inde en contrepartie ont permis à ce pays, qui reste en dehors du TNP, de se rapprocher du régime international de non-prolifération nucléaire.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a estimé que, en dépit de ses imperfections et de ses fragilités, le TNP demeurait un instrument irremplaçable pour la sécurité internationale, aucun Etat n'ayant intérêt à voir, dans sa région, l'un de ses voisins se doter de l'arme nucléaire. Considérant qu'il ne pouvait y avoir d'autre alternative que de soutenir et de consolider le TNP, il a souligné la nécessité de faire avancer trois objectifs :

- progresser sur la voie du désarmement général et nucléaire ;

- assurer l'accès de tous les Etats qui le souhaitent aux bénéfices de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire ;

- garantir la sécurité des Etats en luttant contre la prolifération, mais aussi en traitant les causes profondes qui la sous-tendent.

S'agissant des perspectives de désarmement nucléaire, M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a indiqué qu'elles paraissaient avoir été relancées après le discours du président Obama à Prague. Toutefois, il fallait lire ce discours dans son intégralité pour bien comprendre que le président Obama, tout en souhaitant un monde sans armes nucléaires, ne pensait pas le voir de son vivant et attachait à la lutte contre la prolifération, aux risques liés au terrorisme nucléaire et, bien entendu, au maintien de la sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés, au moins autant d'importance qu'au désarmement.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a estimé que l'on ne pouvait proclamer un objectif de désarmement nucléaire sans s'attacher d'une part à réunir les conditions qui pourraient concrètement le rendre accessible, et d'autre part à maintenir pour tous les Etats un niveau de sécurité au moins égal à celui qui était assuré par les armes nucléaires.

Il a ainsi considéré qu'il fallait dans un premier temps chercher à aller vers une « zone de basse pression nucléaire », dans le cadre d'un processus graduel.

La première priorité à cet effet serait de réduire beaucoup plus significativement les arsenaux américain et russe, qui représentent à eux seuls un peu plus de 22 000 armes nucléaires contre à peine plus d'un millier pour les autres puissances nucléaires réunies. Le futur traité « post-START », annoncé dans les prochaines semaines, ne représente qu'un pas modeste en ce sens, et des réductions plus ambitieuses seront nécessaires ultérieurement. Le développement de la défense antimissile par les Etats-Unis constitue à cet égard un frein à la diminution des forces nucléaires russes.

La question du lien entre les réductions bilatérales américano-russe et la situation des arsenaux, beaucoup plus modestes, des autres puissances nucléaires, ne pourrait se poser qu'une fois les forces des deux principales puissances nucléaires ramenées, tous types d'armes confondus, à quelques centaines d'armes nucléaires.

Un deuxième pas important serait la ratification par les Etats-Unis, comme l'a souhaité le président Obama, du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), signé en 1996. Cette ratification, rejetée une première fois par le Sénat en 1999, serait cruciale, car elle pourrait entraîner celle d'autres Etats clefs comme la Chine, l'Inde ou le Pakistan. Elle redonnerait une crédibilité à l'entrée en vigueur à moyen terme d'un traité susceptible de faire obstacle à l'amélioration qualitative des armes nucléaires. Pour l'heure, la majorité qualifiée nécessaire à cette ratification n'est pas assurée au Sénat américain et l'examen du traité est repoussé à 2011.

Enfin, la relance du désarmement exigerait la conclusion d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (TIPMF) qui garantirait quant à lui le plafonnement quantitatif des arsenaux. L'ouverture de la négociation est actuellement entravée par le Pakistan, qui considère qu'un tel traité figerait un déséquilibre en sa défaveur avec l'Inde. En l'attente de la conclusion d'un tel traité, tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait devraient déclarer un moratoire sur la production de matières fissiles.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a souligné qu'un deuxième axe d'effort à promouvoir lors de la Conférence d'examen du TNP devrait porter sur la relance des usages pacifiques de l'énergie nucléaire, qui fonde la légitimité du traité et répond à l'attente d'un nombre croissant de pays. Il a rappelé que la France agissait, à travers de nombreux accords de coopération, pour un développement sûr et responsable de l'énergie nucléaire. Il a précisé que les nouvelles générations de réacteurs présentaient un haut degré de garantie en matière de sûreté et de non-prolifération. Il a insisté pour que des assurances soient rapidement données aux pays demandeurs en ce qui concerne les garanties d'approvisionnement en combustible nucléaire. Les projets évoqués depuis plusieurs années de mécanismes multilatéraux et de « banques du combustible » doivent désormais se concrétiser. Des installations d'enrichissement et de retraitement à statut international pourraient également être réalisées sur une base régionale. En ce qui concerne les transferts des technologies sensibles du cycle du combustible (enrichissement et retraitement), il serait désormais temps de lever le moratoire décrété depuis 2004 par le G8 et de le remplacer par des règles claires autorisant ces transferts sous un certain nombre de conditions bien définies, telles que l'existence d'un programme électronucléaire crédible et l'adhésion aux normes les plus élevées de sûreté, de sécurité et de non-prolifération.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a estimé que le troisième objectif, lors de la Conférence d'examen, devait être d'assurer le maintien de l'ordre nucléaire mondial, incarné par le TNP.

Cet objectif passe au moins par quatre types d'actions.

Il faut tout d'abord renforcer la mobilisation internationale autour de la résolution des crises iranienne et nord-coréenne, potentiellement très déstabilisatrices dans la mesure où elles pourraient entraîner une prolifération en cascade, d'autres Etats des régions concernées considérant ne plus devoir être liés par le TNP.

Il faut ensuite consolider le régime international de non-prolifération nucléaire, en incitant les Etats non signataires à s'en rapprocher, comme l'a fait l'Inde en souscrivant à divers engagements, mais aussi en accentuant les moyens de vérifier et d'assurer le respect du TNP. La généralisation du protocole additionnel aux accords de garanties, l'encadrement du droit de retrait et l'attribution à l'AIEA de moyens humains, techniques et financiers en rapport avec sa mission sont, de ce point de vue, essentiels.

Troisièmement, la politique de contre-prolifération, avec des actions telles que la mise en oeuvre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies ou la Proliferation Security Initiative (PSI) , doit être poursuivie, de même que la lutte contre les autres formes de prolifération, chimique, biologique, balistique, qui ont un effet très déstabilisant au plan régional.

Enfin, au-delà du renforcement des instruments internationaux et des mesures préventives ou coercitives, il est indispensable d'agir sur les déterminants régionaux de la prolifération nucléaire. La normalisation des relations entre l'Inde et le Pakistan, la création d'un Etat palestinien et la reconnaissance d'Israël par les Etats arabes et par l'Iran, la poursuite du dialogue avec ce dernier en vue d'obtenir des engagements solides permettant d'envisager une levée des sanctions, enfin une approche globale de l'organisation de la sécurité en Asie de l'Est sont autant de points clefs pour l'obtention de réels résultats en matière de désarmement nucléaire, alors que les risques de prolifération et d'accroissement des arsenaux nucléaires se concentrent sur le Moyen-Orient et sur l'Asie.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a conclu sur les positions que la France et l'Europe devaient à ses yeux défendre lors de la Conférence d'examen.

Il a estimé que la France présentait un bilan exemplaire en matière de désarmement : réduction de moitié de ses forces nucléaires, avec l'abandon de la composante sol-sol et la diminution des composantes sous-marine et aéroportée ; transparence sur le volume de son arsenal ; ratification du TICE et démantèlement des sites d'essais, arrêt de la production de matières fissiles et démantèlement des usines de fabrication. Elle peut donc aborder sans aucun complexe la Conférence d'examen. Elle n'a en aucun cas à adopter une attitude frileuse ou « défensive » et doit au contraire plaider pour des objectifs ambitieux, en interpellant l'ensemble de ses partenaires :

- ceux qui n'ont pas ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, comme les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Pakistan ;

- ceux qui n'ont pas définitivement cessé la production de matières fissiles militaires ou déclaré de moratoire, comme la Chine, l'Inde et le Pakistan ;

- ceux, encore nombreux, qui n'ont pas conclu de protocole additionnel avec l'AIEA ;

- ou encore les Etats-Unis et la Russie, qui conservent un nombre considérable d'armes nucléaires en réserve ou, s'agissant de la Russie, d'armes nucléaires tactiques.

La France doit insister sur les conditions à réunir pour permettre le désarmement nucléaire, dans la perspective d'un monde plus sûr.

Dimensionnées selon le principe de stricte suffisance, qui a conduit à des réductions successives, les forces nucléaires françaises n'ont pas à être prises en compte, à ce stade, dans un processus de négociation multilatérale de désarmement nucléaire. La France doit maintenir une dissuasion indépendante et se tenir en dehors du Groupe des plans nucléaires de l'OTAN.

La France ne saurait davantage renoncer à l'ambiguïté calculée de sa posture en donnant sans restriction des garanties négatives de sécurité ou, plus encore, des engagements généralisés de « non-usage en premier ».

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a également souligné la nécessité pour la France de sensibiliser ses alliés à l'intérêt de maintenir un principe de dissuasion en Europe, tant que les voisins de celle-ci n'ont pas renoncé à leurs armements nucléaires. Elle devrait également appeler ses alliés à la prudence sur les projets de développement d'une défense antimissile balistique en Europe, dans le cadre de l'OTAN. Ces projets pourraient entraîner les Européens dans des dépenses considérables sans garantir une couverture absolue. Ils pourraient générer un illusoire sentiment de protection nuisible à l'esprit de défense.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a indiqué que ces différentes conclusions et préconisations seraient détaillées dans son rapport écrit.

A la suite de cet exposé, M. Xavier Pintat a souligné la nécessité de prendre en compte des réalités telles que le maintien d'arsenaux nucléaires très importants aux Etats-Unis et en Russie, l'accroissement de l'arsenal chinois et les risques de la prolifération, qui rendent la perspective d'un monde sans armes nucléaires inaccessible à court terme. Il a estimé qu'il serait dangereux pour la France, dans ces conditions, de s'engager dans une démarche unilatérale de désarmement alors que ses forces nucléaires sont définies à un niveau de stricte suffisance. Il a souhaité savoir à quelles conditions, aux yeux du rapporteur, pourrait se poursuivre un mouvement de réduction globale du nombre d'armes nucléaires. Par ailleurs, M. Xavier Pintat s'est étonné que le rôle de la dissuasion nucléaire soit assez peu évoqué dans les débats sur la révision du concept stratégique de l'OTAN. Ce rôle ne saurait être aussi central que durant la guerre froide, mais la dissuasion est un élément important de la sécurité collective des membres de l'Alliance. Enfin, il a estimé que sans se substituer à la dissuasion, la défense antimissile pouvait jouer un rôle complémentaire par rapport à celle-ci. Il a rappelé les compétences technologiques françaises en ce domaine et considéré qu'elles mériteraient de pouvoir être valorisées, si l'OTAN s'engageait dans des développements sur une défense antimissile du territoire européen.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a indiqué que le traité « post-START », en cours de négociation, ne devait constituer, dans l'esprit des Etats-Unis et de la Russie, qu'une étape vers des réductions plus substantielles de leurs arsenaux nucléaires. La Russie ne devrait pas s'engager, toutefois, dans des réductions drastiques. Elle s'inquiète des développements possibles de la défense antimissile aux Etats-Unis et souhaite conserver une capacité de frappe suffisante pour garantir la crédibilité de sa dissuasion. Même si elle est certainement disposée à en réduire le nombre, elle n'entend pas abandonner ses armes nucléaires tactiques qui compensent son infériorité conventionnelle et jouent un rôle sur sa frontière orientale et vis-à-vis du « proche étranger ». Les Etats-Unis, pour leur part, doivent tenir compte du niveau de l'arsenal russe et des besoins liés à la dissuasion élargie au bénéfice de leurs alliés en Europe et en Asie. Il est peu probable qu'un arsenal réduit à 500 têtes nucléaires, comme on l'évoque parfois, permette aux Etats-Unis de disposer des options nécessaires à l'exercice de cette dissuasion élargie. S'agissant de la défense antimissile, elle pourrait donner une illusion trompeuse de protection, comme la ligne Maginot, et représenterait un coût important pour une garantie incertaine. Il est en revanche nécessaire de maintenir dans la stratégie de l'OTAN un concept de dissuasion qui est essentiel à la garantie de défense collective prévue par l'article 5 du traité de Washington.

M. Josselin de Rohan, président , a estimé qu'une double pression risquait de s'exercer sur les pays européens de l'OTAN : l'une pour opérer le retrait des armes nucléaires américaines stationnées sur le territoire européen, et l'autre pour s'engager dans un programme de défense antimissile du territoire européen. Il a estimé que dans le difficile contexte budgétaire actuel, cette situation imposait une vigilance particulière sur le maintien de notre capacité de dissuasion nucléaire. Il a également considéré que le futur concept stratégique de l'OTAN ne devrait pas faire l'impasse sur la dissuasion nucléaire.

Mme Josette Durrieu a estimé qu'on ne pouvait défendre le maintien de l'ordre nucléaire mondial sans se pencher sur les situations régionales qui le fragilisent. Cela est particulièrement évident pour le Moyen-Orient. La possession de l'arme nucléaire par Israël constitue un véritable tabou. La question n'est pratiquement jamais soulevée dans les pays occidentaux, alors qu'il s'agit d'un facteur de déséquilibre majeur dans la région et un élément qui ne peut être ignoré dans le règlement du problème iranien.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a répondu qu'il insistait, dans son rapport, sur la nécessité d'apporter des réponses politiques aux situations régionales qui n'ont pas été réglées et qui ont un rôle déterminant dans la prolifération. C'est le cas bien entendu du Moyen-Orient. Le président Obama a pris des engagements, au début de son mandat, sur le conflit israélo-palestinien. Il y a un lien entre son engagement effectif dans ce dossier et la crédibilité de son discours sur le désarmement nucléaire. Il n'y aura pas de paix au Moyen-Orient sans un Etat palestinien viable et la reconnaissance d'Israël par tous les pays arabes et l'Iran. C'est à cette seule condition que l'on pourra aller vers une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient. Pour autant, il ne faut pas voir dans les capacités nucléaires israéliennes une menace pour les autres pays de la région, alors que Tel Aviv recherche surtout une garantie ultime de sécurité compensant l'étroitesse de son territoire. S'agissant de l'Iran, il est possible qu'il ne souhaite pas aller jusqu'à la réalisation d'une arme nucléaire et veuille seulement devenir un « pays du seuil », maîtrisant les technologies faisant de lui une puissance nucléaire potentielle. Dans ce cas, une normalisation des relations avec la communauté internationale serait possible à condition que l'Iran apporte les garanties suffisantes, telles que la ratification du TICE, le respect de l'interdiction de fabriquer des matières fissiles militaires et la pleine application des contrôles de l'AIEA, à travers un protocole additionnel.

M. Didier Boulaud a déclaré que le groupe socialiste partageait l'opinion du rapporteur sur la nécessité, pour la France, d'adopter une posture dynamique lors de la Conférence d'examen du TNP, afin d'éviter un risque de marginalisation et des pressions excessives de ses partenaires européens. Il a appelé à une vigilance particulière sur la place accordée à la dissuasion nucléaire à l'occasion de la révision du concept stratégique de l'OTAN. Il a soutenu la position du rapporteur, écartant une participation de la France au Groupe des plans nucléaires de l'OTAN. Il a estimé qu'à un moment où les contraintes budgétaires se faisaient plus fortes, il fallait veiller à éviter toute remise en cause de la dissuasion nucléaire française et la tentation, au nom des impératifs financiers, de l'abandonner au profit d'un « parapluie » américain.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a estimé que dans le contexte actuel - maintien d'arsenaux considérables en Russie et aux Etats-Unis, risque d'instabilité nucléaire au Moyen-Orient, montée nucléaire de l'Asie - la dissuasion nucléaire restait pour la France une garantie fondamentale de paix et d'indépendance. Il serait grave que face à tant d'incertitude, l'Europe néglige les exigences de sa sécurité et se démobilise. Il est nécessaire que demeurent en Europe des pays possédant une capacité de dissuasion nucléaire.

M. Christian Poncelet s'est inquiété de la volonté du régime iranien de poursuivre ses activités nucléaires en dépit des offres de dialogue du président Obama et en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a estimé que l'accession de l'Iran à l'arme nucléaire amènerait inévitablement d'autres Etats de la région à se délier de leurs engagements et à envisager eux aussi un programme nucléaire militaire. Tout en appelant de ses voeux des évolutions politiques intérieures qui permettraient de rétablir la confiance entre l'Iran et la communauté internationale, il a estimé qu'un renforcement des sanctions était dans l'immédiat nécessaire. Il a regretté que la Chine s'oppose pour le moment à toute action en ce sens au sein du Conseil de sécurité.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a souligné les effets limités des sanctions ciblées actuellement édictées contre l'Iran, ainsi que l'opposition de la Chine à l'accentuation des pressions internationales.

M. André Vantomme a fait part de ses inquiétudes sur la dégradation des finances publiques et les risques qui en découlent sur les moyens de notre politique de défense, et en particulier la dissuasion.

M. Jean-Pierre Chevènement, rapporteur , a estimé que ces craintes étaient justifiées, mais qu'il serait à long terme désastreux de sacrifier la dissuasion nucléaire, qui est un élément fondamental de notre sécurité et ne représente somme toute qu'un investissement limité de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an, soit moins de 10 % du budget de la défense.

A la suite de ce débat, M. Josselin de Rohan, président , a indiqué que les membres de la majorité de la commission souscrivaient aux conclusions et préconisations du rapporteur.

M. André Vantomme a manifesté l'appui des membres du groupe socialiste aux conclusions du rapporteur.

M. Michel Billout a indiqué que le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstiendrait, se réservant d'exprimer ses positions sur les différentes conclusions du rapporteur lors du débat du 23 mars en séance publique.

La commission a adopté les conclusions du rapporteur et a autorisé leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

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