Rapport d'information n° 336 (2009-2010) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 25 février 2010

Disponible au format Acrobat (418 Koctets)

N° 336

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur les travaux de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la première partie de la session ordinaire 2010 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu, Gisèle Gautier, MM. Francis Grignon, Jean-Pierre Masseret et Philippe Nachbar, délégués titulaires ; M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-François Le Grand et Yves Pozzo di Borgo, délégués suppléants.

INTRODUCTION

2010 est une année charnière pour le Conseil de l'Europe : présentation des orientations de la réforme du Conseil de l'Europe voulue par le nouveau Secrétaire Général, M. Thorbjørn Jagland, élu en septembre dernier, élection pour la première fois d'un parlementaire turc à la présidence de l'Assemblée parlementaire, ratification par la Russie du protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l'Homme qui devrait permettre un désengorgement progressif de la Cour et annonce d'une réforme en profondeur du Conseil de l'Europe en vue de renforcer son rôle politique. A ces éléments, il convient d'ajouter la réunion de la conférence interministérielle de Laeken les 18 et 19 février réunissant les États membres autour de l'avenir de la Cour européenne des droits de l'Homme.

La délégation française entend accompagner le nécessaire travail de réforme impliqué par un tel projet. Elle milite d'ores et déjà au sein des assemblées dont elle est issue pour une meilleure reconnaissance de la qualité des travaux du Conseil de l'Europe et la modernité du message de celui-ci. Si elle conçoit que des préoccupations budgétaires puissent conditionner l'impératif de réforme affiché, elle n'entend pas pour autant cautionner une dégradation des conditions de travail au sein de son Assemblée parlementaire.

La réforme doit déboucher sur un légitime recentrage sur « le coeur de métier » du Conseil : primauté de l'État de droit, suivi des institutions démocratiques et respect des droits de l'Homme mais aussi pérenniser les activités aux quelles il apporte une réelle valeur ajoutée. Le programme de la première partie de session de 2010 souligne combien ces trois thèmes relèvent de l'actualité au regard de la situation des migrants placés en rétention administrative, des difficultés pour les réfugiés à exercer effectivement leur droit au retour ou des crises politiques que traversent la Bosnie-Herzégovine ou l'Albanie. De nouveaux enjeux tendent de surcroît à apparaître, comme l'ont montré les débats sur la liberté dans les médias ou le phénomène de traite des êtres humains.

Le combat en faveur des droits de l'Homme demeure une préoccupation constante. Le Conseil de l'Europe possède, à cet égard, une légitimité en la matière qu'il convient de conforter.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

Composition de la délégation en janvier 2010

Membres titulaires

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l'Europe

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l'Europe

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l'UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

Mme Claude GREFF

Député

UMP

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

M. François LONCLE

Député

SRC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Jean-Claude Mignon (Seine et Marne - UMP), président de la délégation française, a été réélu vice-président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à l'occasion du renouvellement de son Bureau. Au titre des ces fonctions, M. Mignon a présidé cinq fois la séance au cours de cette partie de session.

M. Mignon et plusieurs de ses collègues ont, par ailleurs, déposé une proposition de résolution sur le suivi de la réforme du Conseil de l'Europe destinée à évaluer régulièrement, au sein de l'Assemblée, les propositions développées par le nouveau secrétaire général du Conseil de l'Europe, M. Thorbjørn Jagland.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP) a déposé une proposition de résolution intitulée « Davantage de femmes dans les instances de décisions économiques et sociales » destinée à inciter les Etats membres à garantir un meilleur accès aux femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance des entreprises, des instances dirigeantes des organisations syndicales et professionnelles, des organismes consulaires et des grandes associations professionnelles.

M. François Rochebloine (Loire - NC) a déposé une proposition de résolution intitulée « Pour l'abandon de la vengeance individuelle en Albanie » rappelant l'incompatibilité de tout code de l'honneur avec les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe.

A l'occasion du renouvellement des commissions, M. Jean-Claude Mignon a été désigné par le groupe PPE/DC pour siéger à la commission du règlement, où la France n'était plus représentée. Mme Josette Durrieu (Hautes - Pyrénées - SOC) a été élue première vice-présidente de la commission de suivi. Mme Gautier a par ailleurs été élue première vice-présidente de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes.

C. RENCONTRES ORGANISÉES PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Le 24 janvier, veille de l'ouverture des débats, le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe, M. Paul Dahan, a réuni la délégation pour un dîner de travail, en compagnie de M. Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits de l'Homme afin d'envisager avec lui les conséquences de la ratification par la Russie du protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l'Homme et pour aborder les enjeux de la conférence ministérielle d'Interlaken sur l'avenir de la Cour, organisée les 18 et 19 février.

Le 26 janvier, les membres de la délégation ont par ailleurs rencontré leurs homologues de la délégation espagnole, présidée par M. Juan Moscoso del Prado Hernàndez, pour un échange de vues sur l'avenir du Conseil de l'Europe.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. PROGRAMME DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2010

Lundi 25 janvier 2010

- Rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente ;

- Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par Mme Micheline Calmy-Rey, Cheffe du département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, Présidente du Comité des ministres ;

- Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Mardi 26 janvier 2010

- Situation au Proche-Orient, précédé des interventions de MM. Daniel Ayalon, vice-ministre des Affaires étrangères d'Israël et Mohammed Shtayyeh, ministre des travaux publics et du logement de l'Autorité nationale palestinienne ;

- Intervention de M. Georges A. Papandréou, Premier ministre de la Grèce ;

- Intervention de M. Franco Frattini, ministre des affaires étrangères de l'Italie ;

- Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine ;

- La lutte contre la traite des êtres humains : promouvoir la convention du Conseil de l'Europe, précédé d'une intervention de Mme Joy Ngozi Ezeilo, Représentante spéciale des Nations unies sur la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Mercredi 27 janvier 2010

- Discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre ;

- La corruption judiciaire ;

- La liberté de religion et autres droits de l'Homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane en Thrace ;

- Respect de la liberté des médias, précédé d'une intervention de M. Miklós Haraszti, représentant de l'OSCE pour la liberté des médias ;

- Les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans les États membres du Conseil de l'Europe ;

- Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux.

Jeudi 28 janvier 2010

- Débat d'urgence : Que peut faire l'Europe pour Haïti ? ;

- Rétention administrative des demandeurs d'asile et des migrants réguliers ;

- Résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées, précédé d'une intervention de M. Wolfgang Petritsch, ambassadeur, ancien Haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine ;

- Le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie.

Vendredi 29 janvier 2010

- Quinze ans après le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

- aux termes de l'article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée mais relève des gouvernements ;

- définie à l'article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l'Assemblée sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité ;

- les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'Assemblée par le Comité des ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

Situation au Proche-Orient

Rapporteur : M. Piero Fassino (Italie - SOC)

• Résolution n°1700

Les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans les États membres du Conseil de l'Europe

Rapporteur : M. Hendrik Daems (Belgique - ADLE)

• Résolution n°1705

• Recommandation n°1898

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

La corruption judiciaire

Rapporteur : M. Kimmo Sasi (Finlande - PPE/DC)

• Résolution n°1703

• Recommandation n°1896

La liberté de religion et autres droits de l'Homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane en Thrace (Grèce orientale)

Rapporteur : M. Michel Hunault (France - GDE)

Résolution n°1704

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Quinze ans après le Programme d'action de la conférence internationale sur la population et le développement

Rapporteure : Mme Christine McCafferty (Royaume-Uni - SOC)

Recommandation n°1903

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rétention administrative des demandeurs d'asile et des migrants irréguliers en Europe

Rapporteure : Mme Ana Catarina Mendonça (Portugal - SOC)

• Résolution n°1707

• Recommandation n°1900

Résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Jørgen Poulsen (Danemark - ADLE)

• Résolution n°1708

• Recommandation n°1901

Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Respect de la liberté des médias

Rapporteur : M. Andrew McIntosh (Royaume-Uni - SOC)

Recommandation n°1897

Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

La lutte contre la traite des êtres humains : promouvoir la convention du Conseil de l'Europe

Rapporteure : Mme Gisela Wurm (Autriche - SOC)

Résolution n°1702

Recommandation n°1895

Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux

Rapporteur : Mme Lydie Err (Luxembourg - SOC)

Résolution n°1706

Recommandation n°1899

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine

Co-rapporteurs : MM. Mevlüt Çavu°oðlu (Turquie - GDE) et Kimmo Sasi (Finlande - PPE/DC)

• Résolution n°1701

• Recommandation n°1894

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie

Co-rapporteurs : MM. Jaako Laasko (Finlande - GUE) et David Wilshire (Royaume-Uni - GDE)

• Résolution n°1709

• Recommandation n°1902

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 25 janvier 2010

- Rapport d'activité : M. Denis Badré, sur l'observation des élections présidentielles en Ukraine ;

- Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par Mme Micheline Calmy-Rey : Mmes Maryvonne Blondin et Gisèle Gautier, M. Jean-Claude Mignon ;

- Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe : MM. Denis Badré et Jean-Claude Mignon.

Mardi 26 janvier 2010

- Situation au Proche-Orient : Mme Josette Durrieu ( intervenant au nom du groupe socialiste ), MM. Laurent Béteille et Jean-Paul Lecoq ( intervenant au nom du groupe GUE ) ;

- Intervention de M. Franco Frattini, ministre des affaires étrangères de l'Italie : Mme Maryvonne Blondin ;

- La lutte contre la traite des êtres humains : promouvoir la convention du Conseil de l'Europe : Mme Maryvonne Blondin et M. André Schneider.

Mercredi 27 janvier 2010

- Discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre : Mme Gisèle Gautier et M. Jean-Paul Lecoq ( intervenant au nom du groupe GUE ) ;

- La corruption judiciaire : M. Laurent Béteille ;

- La liberté de religion et autres droits de l'Homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane en Thrace : MM. Bernard Fournier, Michel Hunault ( rapporteur ), François Rochebloine et René Rouquet ( intervenant au nom du groupe socialiste ) ;

- Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux : M. Jean-Paul Lecoq (intervenant au nom du groupe GUE).

Jeudi 28 janvier 2010

- Rétention administrative des demandeurs d'asile et des migrants réguliers : MM. Bernard Fournier et Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE) ;

- Le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie : M. Yves Pozzo di Borgo.

III. LES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES EN UKRAINE

A l'occasion de l'examen du rapport d'activité du Bureau, un compte rendu de la mission d'observation des élections présidentielles en Ukraine a été effectué devant l'Assemblée. Le premier tour des élections présidentielles ukrainienne, qui s'est déroulé le 17 janvier 2010, a, en effet, donné lieu à l'envoi d'une commission ad hoc du Bureau de l'Assemblée parlementaire en vue d'observer tant l'organisation du scrutin que son déroulement.

Ce scrutin présidentiel avait valeur de test au regard des tensions latentes sur la scène politique locale. La précédente élection présidentielle de novembre 2004 avait, quant à elle, débouché sur la « Révolution orange ». La préparation des élections laissait, par ailleurs, entrevoir un scrutin délicat à mettre en oeuvre et peu en phase avec les valeurs défendues par le Conseil. L'absence de clarté du code électoral, les négociations incessantes autour d'amendements à apporter à sa rédaction, y compris dans les derniers jours de la campagne, laissaient planer un doute sur la régularité des opérations électorales.

Dans son rapport, la commission souligne le respect par l'Ukraine des principales normes du Conseil de l'Europe et de l'OSCE. Elle a néanmoins relevé que le cadre juridique restait à améliorer, le code électoral devant être encore amendé.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC) a relevé, dans son intervention, les difficultés majeures que présente l'actuelle législation électorale :

« Première élection présidentielle depuis la Révolution orange, le scrutin en Ukraine a évidemment valeur de test, au plan politique comme au plan juridique.

La progression vers la maturité démocratique est un long chemin. L'histoire de tous nos États le montre suffisamment. Nous ne pouvons, donc, espérer d'emblée une pratique électorale parfaite.

Le rapport de notre collègue Eörsi me paraît à cet égard très bienvenu.

La préparation des élections laissait entrevoir un scrutin délicat à mettre en oeuvre et peu en phase avec les valeurs que nous défendons. L'absence de clarté du Code électoral, les négociations incessantes autour d'amendements à apporter à sa rédaction laissaient planer un doute sur la régularité des opérations électorales. Nos inquiétudes étaient excessives. Tant mieux !

Le respect constaté de la plupart des normes de notre Conseil de l'Europe ne saurait pour autant dispenser l'Ukraine de poursuivre son travail de réforme du Code électoral.

La réduction récente de cinq à deux jours du délai autorisé pour le dépôt d'un recours en est un exemple emblématique.

L'exigence d'une garantie de plus de 200 000 euros par chacun des candidats pose également problème. Nous avons connu de telles formules dans notre pays, en d'autres temps, par exemple sous le Second Empire. Il est clair que la démocratie ne peut être réservée aux riches. Et nous ne sentons pas souffler ici l'esprit de la Révolution orange.

Un dernier élément m'apparaît symptomatique des progrès restant à accomplir en vue de moderniser le processus électoral ukrainien : la possibilité d'ajouter le jour même du scrutin des noms d'électeurs aux listes déjà établies. Elle est en contradiction avec les normes de notre organisation. La Révolution orange souhaitait chasser des fantômes. Il n'est pas envisageable qu'ils puissent désormais voter. »

B. LA SITUATION AU PROCHE-ORIENT

La paralysie du processus de paix au Proche-Orient a conduit la commission des questions politiques de l'Assemblée à s'interroger sur les raisons d'un tel blocage. Sans prendre position, le rapport de la commission insiste sur la nécessité de parvenir rapidement à un accord entre les deux parties, en profitant notamment de l'intervention directe du président américain sur ce sujet.

Invités à intervenir devant l'Assemblée, MM. Daniel Ayalon, vice-ministre des affaires étrangères d'Israël, et Mohammed Shtayyeh, ministre des travaux publics et du logement de l'Autorité nationale palestinienne, ont symbolisé cette difficulté à entretenir et développer un dialogue régulier, chacun attendant de l'autre le premier pas. Les deux intervenants ont néanmoins insisté sur leur souhait de voir s'impliquer plus profondément le Conseil de l'Europe dans la recherche d'une solution.

Les débats n'ont pas fait apparaître l'existence d'un réel consensus de l'Assemblée sur le conflit.

Intervenant au nom du groupe GUE, M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) a insisté sur la nécessité pour Israël de respecter le droit international et de faire cesser le blocus de la bande de Gaza :

« Deux peuples, une terre. Deux légitimités. Combien d'États ? Devant cette assemblée, nous renouvelons notre attachement à la résolution 242 de l'ONU qui fixe les principes applicables à la résolution du conflit israélo-palestinien : deux États viables, un droit au retour, un statut particulier pour Jérusalem.

L'Union européenne a présenté sa position quant à la résolution du conflit : Jérusalem capitale de deux États, une paix juste et équilibrée.

Le conflit israélo-palestinien dure déjà depuis trop longtemps, le temps n'est pas un facteur d'apaisement ; il est, ici, le fossoyeur de la paix. Chaque partie joue la montre espérant que le temps jouera en sa faveur au détriment de l'autre partie : un déséquilibre démographique favorable, des « colonies » qui deviendront demain part entière de l'État d'Israël. Cette situation ne peut plus laisser la communauté internationale indifférente. De rapport en rapport, de résolution en recommandation, d'émissaire en émissaire, de réunion internationale en réunion internationale, Camp David, Charm-El-Cheik, Annapolis, demain Le Caire, Moscou, Jérusalem. Pour quels résultats ?

Deux peuples et toujours un seul État. Deux peuples et la prospérité face à la misère, deux peuples et aucune perspective de paix ?

Combien faudra-t-il de morts, de vies détruites par les attentats, le terrorisme ou la guerre pour que se fasse la paix ?

Combien de générations faudra-t-il voir sur cette terre où elles sont nées, où elles sont venues fuyant une Europe de bruit et de fureur, pour que se fasse la paix ?

Combien de résolutions, de déceptions, de conférences internationales pour qu'enfin se fasse la paix ?

« La terre où coule le lait et le miel... », la Palestine promise. Une terre aujourd'hui de feu et de sang. Aujourd'hui, c'est la terre qui enfante des fous de Dieu parce que de la pauvreté et de l'injustice ne peut sortir que le cycle de la vengeance et pas celui de la concorde.

L'opération « plomb durci » à Gaza a laissé des séquelles pour le moment irréparables : un renforcement des extrémismes, le Hamas profitant de la situation de blocus de Gaza pour construire un État islamique, une discréditation totale du Fatah, l'impossibilité de tenir des élections pour avoir un interlocuteur crédible.

Aurons-nous le courage de dénoncer cette atteinte au droit international ? Aurons-nous le courage de donner des suites au rapport Goldstone ? Aurons-nous enfin le courage d'aider Israël à sortir d'une politique que l'on pourrait qualifier de « terrorisme d'État » ?

Les Gazaouis sont prisonniers de leur peuple et d'Israël : ils sont enfermés sur leur propre terre et les premières victimes d'un blocus qui ne devrait pas les viser. Comment la terre ne pourrait pas enfanter, à nouveau, des fous de Dieu face à un tel cycle de violence ? L'opération « plomb durci », ce sont 1 330 Palestiniens morts, 14 Israéliens tués, dont 10 soldats : Goliath contre David !

Le mur de sécurité qu'Israël a édifié n'arrête pas les bombes, il matérialise la barrière mentale qui se dresse aujourd'hui entre les deux peuples. N'en est-il pas de même du tramway de Jérusalem ?

Naturellement, Israël a le droit de vivre en paix dans des frontières sûres, mais ce n'est pas en laissant pourrir la situation à Gaza, en poursuivant la politique de colonisation en Cisjordanie qu'elle mettra un terme aux bombes humaines. En empêchant les Palestiniens de circuler, elle nourrit le ressentiment qui transforme la terre nourricière en ferments de désespoir et de haine.

Sachons le dire aujourd'hui : non, le Proche-Orient ne sera plus une excuse pour le terrorisme international.

Le slogan du Président américain était : « Oui, nous pouvons ». Sachons dire aujourd'hui : « Oui, nous pouvons construire une paix équitable et durable au Proche-Orient ;  oui, nous pouvons construire deux États qui se respectent sur une même terre ; oui, nous pouvons enfin éradiquer les extrémismes qui fermentent sur le sol de l'injustice ; oui, cette génération peut voir croître côte à côte deux peuples, deux légitimités, deux États ».

Intervenant au nom du groupe socialiste, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souligné, quant à elle, l'importance d'autres protagonistes, au premier rang desquels les Etats voisins, dans le règlement du conflit :

« Force est de constater que la situation est bloquée au Moyen-Orient. Pietro Fassino a raison de souligner dans son rapport que le temps joue contre la paix. Reconnaissons que le processus a reculé, et sur un point essentiel. Le principe et la réalité de l'existence des deux États est aujourd'hui en cause, car que reste-t-il de l'État palestinien ? Il est occupé, colonisé, divisé. Le peuple palestinien est divisé, sans aucune autorité légitime. Jérusalem-Est est grignotée. La Palestine est aujourd'hui une virtualité. Et l'on veut un État palestinien !

En ce qui concerne Israël, quelles garanties d'exister et de durer, sans État palestinien ? Nous sommes dans une impasse.

Je m'interroge : comment aboutir à la paix et comment assurer la sécurité de la région ? Les propos sont pessimistes. Nous nous sentons tous concernés par une obstination à ne pas résoudre le problème.

Comment apprécier le risque nucléaire ? La politique des « deux poids, deux mesures » a ses limites ! Naturellement, on ne veut pas de la bombe iranienne dans la région, mais on ne parle pas de la bombe israélienne qui nourrit sans doute un certain processus.

Quelle solution ? Et quels acteurs ? Moshé Dayan disait : « Pouvons-nous vivre sans solution ? » Non, personne ne le peut et ne le pourra. Alors, il y a des objectifs immédiats : arrêter l'occupation, arrêter la colonisation, lever le siège de Gaza, libérer les prisonniers et reprendre la négociation pour une paix globale.

Qui seront les acteurs ? J'ose dire ici - pour bien connaître le problème depuis quinze ans que je m'y rends chaque année - que ce n'est pas des protagonistes, c'est-à-dire d'Israël et des Palestiniens, que viendra l'aboutissement du processus de paix. Sur ce point, je suis en désaccord avec notre rapporteur. C'est aujourd'hui impossible.

Alors, viendra-t-il des États arabes ? Il existe le projet Beyrouth 2002. Il y a des acteurs médiateurs dont il convient de saluer le mérite : l'Égypte et la Turquie. Il y a la Syrie qui nourrit le Hezbollah, le Hamas qui accompagne la résistance palestinienne, mais qui est concernée aussi par le Golan et le Liban, et qui semble disponible. Parmi les deux acteurs majeurs, l'Europe est faible, divisée, c'est un nain politique, un tiroir-caisse, mais elle reste présente. Quant aux États-Unis, le Président Obama s'y est essayé puis a fait volte-face, mais, au demeurant, rien ne sera réglé sans eux.

Il faut sauver la paix. Il faut sauver Israël et j'espère réellement que, très prochainement, nous parviendrons à élaborer une solution envisageable pour toutes les parties. »

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a, pour sa part, rappelé son inquiétude sur la difficulté que pose le Hamas au sein de l'Autorité palestinienne :

« Je félicite notre collègue M. Fassino pour la qualité de son rapport et son analyse équilibrée. Pour autant, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un rapport de plus et si périodiquement nous ne renouvelons pas des recommandations qui restent sans effet et qui, finalement, se révèlent assez décourageantes.

A observer la situation en Israël et en Palestine, nous avons l'impression que tous les efforts consentis ne débouchent sur rien, parce que les deux parties jouent avec le temps. Lorsqu'Israël est prêt à faire des concessions, nous avons l'impression que les Palestiniens les refusent. A l'inverse, lorsque les Palestiniens sont prêts à faire des efforts, nous avons l'impression qu'Israël s'en détourne. On peut se demander si l'un ne joue pas avec l'autre. Lorsque M. Nétanyahhou est intransigeant, il sait qu'il aura éventuellement un partenaire en face et lorsqu'il met de l'eau dans son vin, c'est parce qu'il voit les Palestiniens incapables de s'organiser pour répondre à ses avances. Il y a quelque temps, M. Nétanyahhou ne voulait pas d'État palestinien. Aujourd'hui, on a le sentiment qu'il fait des concessions, mais, face à lui, comment est organisée l'Autorité palestinienne ?

Quelle peut-être aujourd'hui l'autorité de M. Abbas face à un Hamas qui règne en maître à Gaza ? Tout cela est inquiétant. C'est un jeu dramatique quand on connaît la situation du peuple palestinien.

Aujourd'hui, je suis inquiet. Des nations qui pouvaient jouer un rôle de médiateurs sont quelque peu épuisées par l'impression décourageante que rien n'avance. L'attitude des États-Unis qui pouvait paraître encourageante après l'accession de M. Obama à la présidence est un peu décevante. Il faut que les parties prennent conscience que l'avenir n'appartient à personne et qu'elles doivent accepter, de part et d'autre, de faire de vraies concessions : Israël, s'agissant de Jérusalem, et les Palestiniens, sur la question des territoires. »

Comme le souligne le texte soumis à l'Assemblée par la commission, tout accord ne sera possible que si Israël et les Palestiniens effectuent des efforts tout aussi importants que symboliques. Le gel de la colonisation par Tel-Aviv ou le développement d'enquêtes au sein de Tsahal au sujet de violations alléguées des droits de l'Homme devraient ainsi faire écho à la renonciation nécessaire à la violence par les Palestiniens, la libération du soldat Gilad Shalit et la reconnaissance du droit d'Israël à exister.

Sur le plan interne, l'Assemblée parlementaire entend accompagner les activités développées de son forum tripartite qui réunit des membres de l'Assemblée, de la Knesset et du Conseil législatif palestinien.

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

La Bosnie-Herzégovine est membre depuis 2002 du Conseil de l'Europe. Le fonctionnement de ses institutions démocratiques reste fragile du fait de l'incapacité des forces en présence sur la scène locale à parvenir à un accord sur l'adoption d'une nouvelle Constitution dépassant la logique ethnique mise en place par les accords de Dayton.

Si un nouveau processus a été lancé sous l'égide de l'Union européenne et des Etats-Unis à l'automne dernier, il n'a pas encore débouché sur l'adoption d'un nouveau texte constitutionnel. La réforme apparaît d'autant plus urgente que la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné le jeune État, le 22 décembre 2009, dans l'arrêt Sedjic et Finci, les juges relevant que la Constitution n'était pas conforme à la Convention européenne des droits de l'Homme. Les deux requérants, l'un d'origine juive et l'autre Rom, contestaient l'impossibilité d'être candidats aux élections à la Chambre des peuples au motif qu'ils n'appartiennent pas aux trois peuples constituants : Serbe, Bosniaque et Croate.

Les élections qui doivent se tenir en octobre 2010 ne sauraient avoir lieu avec comme référence juridique un texte contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme. La mise en oeuvre urgente d'un processus de réformes apparaît de fait comme une nécessité pour la commission.

La résolution telle qu'adoptée insiste également sur la nécessaire surveillance des projets de la Republika Sprska visant à contester l'autorité du Haut représentant agissant pour les Nations unies et l'Union européenne. Elle regrette l'absence de suite donnée au projet de recensement prévu dans le pays pour 2011 qui aurait permis de définir avec justesse le poids respectif des communautés.

D. LA LIBERTÉ DE RELIGION ET AUTRES DROITS DE L'HOMME DES MINORITÉS NON MUSULMANES EN TURQUIE ET DE LA MINORITÉ MUSULMANE EN THRACE

La question des droits des minorités grecques en Turquie et turque en Grèce est un dossier régulièrement débattu au sein de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, à l'image du débat organisé en juin 2008, au sein de l'Assemblée, sur le statut des îles d'Imbros et Tenedos.

Comme l'a souligné le rapporteur du projet de résolution, M. Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC) , il convient de dépasser toute approche émotionnelle du dossier :

« Le 17 mars 2006, notre Assemblée décidait de renvoyer à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, pour rapport, les propositions de résolution relatives à la liberté de religion et autres droits de l'homme des minorités non musulmanes en Turquie, et à la situation difficile de la minorité musulmane turque en Thrace.

D'emblée, je souhaite souligner combien j'ai pu compter sur l'aide précieuse de mes collègues des délégations parlementaires grecque et turque, lors de mes visites sur place ; je tiens à leur exprimer toute ma gratitude.

La question de la liberté de religion et autres droits de l'Homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane turque en Thrace a été traitée par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme sous l'angle juridique découlant du traité de Lausanne.

Ce rapport est discuté dans un contexte général marqué par des tensions à travers toute l'Europe. Le Conseil de l'Europe a pour ambition d'agir pour le respect des idéaux démocratiques et des droits de l'Homme. La question des religions et des minorités est devenue essentielle en ce début du XXI e siècle.

Le Conseil de l'Europe a vocation à promouvoir la connaissance, la compréhension des religions, afin de contribuer à une coexistence pacifique, notamment des trois religions monothéistes.

Les conflits armés, les attentats terroristes ont bien souvent dénaturé l'essence même de l'islam, entraînant la recrudescence des actes islamophobes. La lutte contre l'antisémitisme est plus que jamais d'actualité et les chrétiens, dans certaines régions des États membres du Conseil de l'Europe, sont parfois en danger.

Dans ce contexte, je souhaite que le rapport que j'ai l'honneur de présenter contribue à une meilleure compréhension de la situation des minorités religieuses dans ces deux grands pays que sont la Grèce et la Turquie. C'est dans le même esprit, et animé de ces intentions, que je me suis penché sur la situation des minorités religieuses en Grèce et en Turquie.

Dans ces pays de longue tradition religieuse et culturelle, présentés bien souvent, et à juste titre d'ailleurs, comme le berceau de la civilisation au bord de la Méditerranée, où l'on observe la coexistence des églises et des mosquées, trois religions monothéistes ont vocation à coexister dans un esprit de tolérance et de compréhension mutuelles qui, en ce début de siècle, est parfois mis à mal. C'est dans cette perspective que s'inscrit ce rapport : réaffirmer la primauté de la laïcité tout en prenant en compte la réalité des religions, dont la libre adhésion et la pratique ne doivent pas être entravées.

Il est impossible de traiter cette question sans se référer au contexte historique et au traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, lequel accorde un certain nombre de droits aux minorités non musulmanes en Turquie. La Grèce accorde les mêmes droits à sa minorité musulmane. Le traité de Lausanne a vocation à garantir l'égalité de traitement entre les membres des minorités et les membres de la majorité. Plus précisément, l'article 45 accorde à la minorité musulmane se trouvant sur le territoire de la Grèce les mêmes droits qu'aux minorités non musulmanes en Turquie. C'est l'article essentiel dans les relations entre la Grèce et la Turquie en matière de protection des minorités.

Mais dans la réalité, la notion de réciprocité s'est faite souvent en termes négatifs.

Que dit le rapport ? Que la Grèce et la Turquie devraient traiter tous leurs citoyens sans discrimination, sans prendre en compte la façon dont l'État voisin pourrait traiter ses propres citoyens.

Votre rapporteur et la commission des questions juridiques se sont félicités qu'une prise de conscience de la part des autorités des deux pays contribue à apporter des réponses appropriées aux difficultés auxquelles doivent faire face les membres de ces minorités et les encourage à poursuivre leurs efforts en ce sens. Le rapport vise à ce que la Grèce et la Turquie prennent des mesures en faveur des membres de minorités religieuses en matière d'éducation et de droit à la propriété afin que les membres de ces minorités ne soient pas perçus comme des étrangers dans leur propre pays.

En ce début du XXI e siècle, le Conseil de l'Europe a vocation à promouvoir la tolérance mutuelle afin de contribuer à la coexistence pacifique des religions.

Le Conseil de l'Europe a déjà souligné que les croyances et les traditions religieuses sont une dimension à part entière de la culture et a reconnu que la connaissance des religions joue un rôle important dans le développement de la compréhension et du respect mutuels.

Le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension interreligieuse, est aussi un moyen pour que la diversité des cultures européennes devienne une source d'enrichissement mutuel.

Le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sont les pierres angulaires de la diversité culturelle et religieuse.

La question des minorités religieuses en Grèce et en Turquie, en raison du poids de l'Histoire, est empreinte d'une charge émotionnelle très grande. C'est un sujet très sensible que nous évoquons cet après-midi dans cet hémicycle.

L'un des objectifs premiers du rapport est que l'article 45 du traité de Lausanne évoquant la réciprocité ne soit plus interprété en termes négatifs. En outre, le recours récurrent des deux États au principe de réciprocité pour refuser la mise en oeuvre des droits garantis à leurs minorités concernées par le traité de Lausanne est anachronique et nuit à la cohésion nationale de chacun des pays.

Le rapport que j'ai l'honneur de présenter au nom de la commission des questions juridiques invite la Grèce et la Turquie à traiter tous leurs citoyens sans discrimination, sans prendre en compte la façon dont l'État voisin pourrait traiter ses propres citoyens.

La Grèce et la Turquie ont témoigné récemment d'une plus grande compréhension des spécificités inhérentes aux minorités qui font l'objet de cette résolution. On ne peut que se féliciter d'une certaine prise de conscience des autorités des deux pays qui ont apporté des témoignages de leurs engagements afin de trouver des réponses appropriées aux difficultés auxquelles doivent encore faire face les membres de ces minorités.

Des dispositions ont été prises de part et d'autre de la frontière en vue d'améliorer la situation des minorités. Je voudrais aussi évoquer la visite de l'ancien Premier ministre grec en Turquie en janvier 2008, sa rencontre avec son homologue turc, expression d'une volonté constructive et de respect mutuel.

Cependant, des questions restent en suspens et nécessitent que les deux États poursuivent leurs efforts qui ne sauraient aboutir sans dialogue ouvert et constructif avec les membres des minorités concernées.

Les mesures préconisées dans ce rapport visent à encourager les autorités des deux pays à tout mettre en oeuvre afin de modifier la perception vis-à-vis des membres de ces minorités qui sont parfois perçus comme des étrangers dans leur propre pays. Or il est d'une importance capitale que les membres tant de la majorité que des minorités comprennent et ressentent que ces derniers sont des citoyens à part entière.

Le rapport que j'ai l'honneur de vous soumettre invite la Grèce et la Turquie à prendre certaines initiatives. Elles sont précisées dans mon rapport. Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de les développer. Ces mesures concernent l'enseignement, le développement économique, la désignation des autorités religieuses, mais elles tendent surtout à soutenir durablement, y compris financièrement, les initiatives visant à une meilleure compréhension entre les membres des minorités, à une meilleure organisation des campagnes contre l'intolérance et le racisme. Elles insistent sur le fait que la diversité doit être perçue, non comme une menace, mais comme une source d'enrichissement.

Mon rapport s'arrête également sur des points spécifiques. Je pense au devenir de l'un des plus anciens monastères chrétiens du monde, le monastère syriaque orthodoxe du Mor Gabriel, du séminaire de Halki. Je ne peux, dans cet hémicycle à l'occasion de ce rapport, ne pas saluer la mémoire de Hrart Dink, assassiné il y a quelques années, ne pas évoquer le problème de la liberté de choix des muftis et bien d'autres problèmes qui sont traités en détail dans le rapport.

Mais, au-delà de ces difficultés, j'évoquerai pour terminer les raisons d'espérer car j'ai pu constater, lors de mes déplacements, que pouvaient parfois cohabiter, dans une même ville, église et mosquée. J'ai rencontré des jeunes qui étaient éduqués dans un esprit de tolérance, de connaissance et de compréhension mutuelle et qui refusaient de se laisser enfermer dans une quelconque appartenance religieuse. Ces jeunes - ils me l'ont dit - souhaitaient que « l'autre » soit reconnu pour ce qu'il est et non en fonction de son appartenance à une religion.

Je n'ignore pas les tensions, la situation qui existe et dont l'examen du rapport dans cet hémicycle doit tenir compte. Il y a un mois, des mots très durs ont été employés par le Patriarche en Turquie. Je ne peux pas ignorer non plus la montée des incompréhensions contre l'islam, ni l'exigence de promouvoir la laïcité dans l'organisation des pouvoirs publics et de l'administration d'État.

Mais le Conseil de l'Europe qui a célébré ses soixante ans doit pouvoir être l'un des lieux de dialogue fructueux et contribuer à une compréhension mutuelle, facteur de paix. C'est, Monsieur le Président, l'une des ambitions de ce rapport. »

Comme l'a souligné M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), intervenant au nom du groupe socialiste, le respect des minorités religieuses est une exigence essentielle pour tout État membre du Conseil de l'Europe :

« La liberté de religion est un thème majeur dans nos sociétés contemporaines dans lesquelles la religion ne structure plus, le plus souvent, les rapports sociaux. De choix collectif, la religion est devenue un choix individuel. La liberté de religion est totalement protégée au titre de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La seule restriction qui lui est apportée est relative à la sécurité publique.

Aujourd'hui, en Grèce et en Thrace, nous rencontrons une situation paradoxale : le droit international, de protecteur qu'il était, est devenu oppresseur. En effet, les minorités religieuses en Turquie et en Grèce sont protégées au titre du traité de Lausanne de 1923 qui a mis fin à la personnalité juridique de l'empire ottoman. En dessinant de nouvelles frontières, il a fallu accorder une protection aux religions qui se trouvaient, du fait de nouveaux tracés, en situation de minorité. Le droit international était alors totalement protecteur en ce qu'il mettait en place un système de réciprocité entre les parties au traité, aucune d'entre elles n'ayant intérêt à violer les droits de la minorité se trouvant sur son territoire.

Or force est de constater que c'est justement là, aujourd'hui, que le bât blesse. Chaque partie argue de la réciprocité pour ne pas respecter la minorité sise sur son territoire. La réciprocité est donc devenue pour chaque partie un moyen de ne pas respecter les droits de l'Homme. Or, par principe, en droit international public, les conditions de réciprocité sont caduques pour les traités relatifs aux droits de l'Homme. C'est une des raisons pour lesquelles la Convention des droits de l'Homme offre aujourd'hui une meilleure protection aux minorités religieuses que le traité de Lausanne de 1923.

Le respect des minorités religieuses est une exigence essentielle dans un État de droit. Comment, en effet, promouvoir les droits de l'Homme s'il ne respecte pas les différences religieuses qui existent sur son propre territoire ?

La question du respect des minorités religieuses revêt une importante cruciale, car elle dépasse souvent le cadre de la pratique religieuse. Elle peut aussi être la marque d'une identité, d'une histoire. A ce titre, ce passé s'incarne dans les monuments, les lieux de culte auxquels les minorités sont attachées.

Aujourd'hui, c'est souvent la peur qui empêche ces minorités religieuses de vivre entièrement leur foi, leur croyance. Leur appartenance devient alors synonyme de discrimination. C'est pourquoi cette situation doit cesser. La Convention européenne des droits de l'Homme doit donc devenir un sujet d'inspiration pour le respect de minorités religieuses, car le principe même de la démocratie, c'est que la majorité ne tyrannise pas la minorité. »

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a tenu pour sa part à rappeler combien ce débat soulignait la perfectibilité de nos modèles démocratiques, la paix comme la démocratie ne garantissant pas le respect de toutes les libertés :

« L'excellent rapport de notre collègue M. Hunault permet de prendre la mesure des situations délicates dans lesquelles se trouvent certaines minorités religieuses au sein de deux États membres de notre organisation. La paix et la démocratie ne présentent pas toujours toutes les garanties pour une libre pratique religieuse.

L'objet du débat de ce jour n'est en aucun cas, me semble-t-il, de stigmatiser les deux pays cités mais bien de souligner combien nos modèles démocratiques demeurent perfectibles et comment ils doivent encore s'affranchir de pesanteurs culturelles et historiques. L'avenir du projet européen est à ce prix.

Le cas turc m'apparaît à cet égard assez emblématique, tant la notion de laïcité, valeur fondamentale de la démocratie turque, peut apparaître en décalage avec la promotion des libertés fondamentales.

Elle a été, à tort, beaucoup comparée à la laïcité française. Dans la laïcité républicaine française, la religion relève de la sphère privée. Pourtant, les religions s'expriment toutes librement. L'État n'en finance aucune et n'intervient pas dans leur organisation. Il se contente de faire respecter les droits de l'Homme. En Turquie, l'État encadre les religions. L'islam sunnite n'est pas une religion officielle, mais presque toutes les mosquées de Turquie appartiennent à l'État. Elles sont desservies par des imams fonctionnaires, formés, payés et contrôlés par le ministère des affaires religieuses. Ils doivent envoyer la copie de leur prêche du vendredi toutes les semaines au ministère. L'enseignement républicain comprend des cours où les principes de l'islam sunnite sont dispensés par ces fonctionnaires, même si les élèves peuvent se faire dispenser sous certaines conditions.

Le fait que la religion des citoyens soit inscrite sur leur carte d'identité finit d'illustrer le contrôle des religions par l'État.

Pour s'exercer plus ou moins librement, les religions doivent être « reconnues ». Quatre le sont. Ainsi, s'ils ne sont pas grecs orthodoxes, arméniens ou juifs, tous les citoyens sont officiellement musulmans sunnites. Les minorités non musulmanes reconnues peuvent ouvrir des écoles, mais les chefs d'établissement y sont secondés par des fonctionnaires musulmans qui ont droit de veto sur toutes les décisions. Quant aux églises, les hiérarques doivent êtres turcs et exercer leur ministère en Turquie. Les patriarches doivent être turcs, nés en Turquie et élus par des Turcs exerçant en Turquie. En outre leur droit de propriété est strictement réglementé.

Je ne remettrai jamais en cause la réalité de la démocratie turque, qui a toujours su s'affranchir des dérives qui ont pu la traverser. Mais elle doit désormais franchir une seconde étape, au terme de laquelle l'individu pourrait pleinement exercer ses droits, y compris et surtout dans la sphère publique.

La Grèce doit accomplir le même type de démarche en vue de consolider le caractère démocratique de son organisation politique. Son adhésion à notre organisation apparaissait en son temps comme un signe fort d'une telle aspiration, qui doit désormais se traduire dans les actes. La situation en Thrace est, à cet égard, emblématique. »

M. François Rochebloine (Loire - NC) a, quant à lui, rappelé l'importance de la notion de liberté religieuse au sein de nos systèmes politiques :

« Fidèle à sa tradition de conciliation et de persuasion, notre Assemblée aborde simultanément la question des minorités religieuses en Grèce et en Turquie. Le rapport très documenté de notre collègue M. Hunault conclut à des recommandations dont je trouve l'inspiration globalement bonne.

La libre expression des convictions religieuses est une exigence élémentaire pour les pays membres du Conseil de l'Europe, qui se réclament communément des droits de l'Homme. C'est une question de principe. Qu'elle ne se pose que dans une aire géographique précise, comme c'est le cas en Grèce, ou qu'elle intéresse les fondements mêmes de la société politique, comme en Turquie, elle est d'une égale gravité.

Cependant, la question de la liberté religieuse dépasse celle de la protection des minorités. Il ne s'agit pas seulement de compenser par des mesures spécifiques une infériorité concrète liée à l'Histoire. Il s'agit de reconnaître que la manière dont est assurée la liberté religieuse est un critère essentiel pour apprécier le degré de liberté dont on peut jouir dans un pays.

La tradition française de laïcité, telle que je la conçois, implique une distinction des domaines de compétence des autorités politiques et des confessions religieuses. Elle implique l'absence de tout statut officiel. Elle ne saurait avoir pour conséquence la méconnaissance du fait religieux par les autorités publiques. Elle admet l'expression ouverte, sans privilège mais aussi sans exclusive, des représentants des confessions religieuses à tous les niveaux du débat public. Il n'appartient pas au politique de définir ou de borner cette expression. Le passé récent de l'Est européen, où l'idéologie dominante pratiquait une telle limitation, illustre les risques qu'elle comporte pour la liberté.

Ce n'est pas au nom de la protection des minorités, mais au nom du respect dû aux confessions religieuses, expression universelle de la liberté de l'Homme, que je condamne les restrictions, confiscations, interdictions dont les chrétiens sont l'objet en Turquie. Je souhaite vivement que ces discriminations cessent, car elles donnent une image peu attirante de la conception turque de la laïcité. En tant que représentant d'un pays qui s'honore de promouvoir les valeurs de la laïcité, je ne peux que le déplorer.

Par ailleurs, l'inclusion du « dialogue interreligieux » dans le « dialogue interculturel », qui aboutit à faire de la religion une sous-catégorie de la culture, n'est pas une présentation réaliste. Elle n'est surtout pas propre à faire progresser ce dialogue interreligieux auquel, pour le bien de la paix, je suis naturellement favorable. On gagne toujours à appeler les choses par leur nom. Il convient donc de conférer aux réalités religieuses l'autonomie que la simple raison, indépendamment de toute conviction personnelle, oblige à leur reconnaître.

A ces conditions, la préoccupation exprimée par la commission des questions juridiques atteindra sa complète pertinence et sa pleine efficacité ».

La résolution telle qu'adoptée par l'Assemblée invite les deux gouvernements concernés à prendre plusieurs mesures spécifiques, notamment en ce qui concerne la scolarisation et le droit de propriété des minorités afin de corriger les discriminations constatées. La commission insiste, en outre, sur la nécessaire amélioration de l'image de ces minorités au sein de leurs pays de résidence.

E. QUE PEUT FAIRE L'EUROPE POUR HAÏTI ?

A la demande de la délégation italienne, l'Assemblée a organisé en son sein un débat d'urgence sur la situation à Haïti. L'ambition de tels échanges n'était pas de réfléchir à l'organisation de l'intervention humanitaire sur place, mais de s'interroger sur les conséquences de ce type de catastrophes en matière de droits de l'Homme.

Les modalités d'une contribution du Conseil de l'Europe à l'aide d'urgence puis à la reconstruction restent délicates à définir, comme l'ont souligné la plupart des orateurs. Le Conseil de l'Europe ne dispose ni de moyens financiers conséquents ni de pouvoir politique direct. La responsabilité d'une action dépend de ses États membres. Une organisation mondiale apparaît, à cet égard, plus qualifiée. Un certain nombre de participants au débat ont rappelé à quel point la coordination des aides octroyées par les États et les ONG devait être optimale pour éviter tout risque de dispersion et d'inefficacité concomitante. Le Conseil de l'Europe a, à cet égard, adopté un certain nombre de textes en la matière ces dernières années.

La question du droit d'ingérence est apparue en filigrane de ce débat. Les parlementaires ont insisté sur la nécessité que l'intervention étrangère en Haïti soit inscrite dans la durée et dépasse la simple réaction rapide, sous l'emprise de l'émotion. Des mesures structurelles doivent également être mises en oeuvre en vue de permettre à Haïti de devenir un État viable. Des dispositions visant à protéger effectivement la population doivent être adoptées. Des mesures doivent notamment être prises en faveur des mineurs. La disparition d'enfants dans les camps et dans les hôpitaux est un phénomène récurrent depuis la catastrophe. Organiser une évacuation légale vers l'Europe, les États-Unis ou le Canada fait courir le risque de déraciner ces enfants, à l'instar de ce qui a pu se pratiquer en ex-Yougoslavie, il y a près de vingt ans.

Le débat a également mis l'accent sur la nécessité d'annuler une partie de la dette d'Haïti, État en faillite depuis de nombreuses années. La réunion organisée en mars prochain à New York pourrait être l'occasion d'avancer sur ce dossier.

F. RÉTENTION ADMINISTRATIVE DES DEMANDEURS D'ASILE ET DES MIGRANTS IRRÉGULIERS EN EUROPE

Construits pour certains d'entre eux dans le contexte d'un afflux massif de migrants ces dernières années, deux cent trente-cinq centres de rétention administrative jalonnent le territoire de l'Union européenne pour une capacité de plus de trente mille places. Ces centres, comme tout lieu privatif de liberté, constituent un défi pour le Conseil de l'Europe, soucieux d'y faire respecter les valeurs qu'il promeut.

La commission des migrations, des réfugiés et de la population a en effet constaté que les conditions de vie et les garanties offertes aux migrants retenus peuvent être pires que celles réservées aux personnes placées en réclusion criminelle : saleté, manque d'hygiène, manque de lits, de vêtements, de nourriture ou de soins. La commission s'interroge parallèlement sur l'absence de clarté quant aux cas où la rétention est juridiquement justifiable, l'accès limité aux services d'un avocat fragilisant toute possibilité de remise en cause. Les politiques de rétention n'apparaissent pas, à trop d'égards, suffisamment transparentes.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) , intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité insister sur la confusion régulièrement entretenue entre demandeurs d'asile, migrants irréguliers et délinquants :

« Au préalable, il importe de rappeler que les demandeurs d'asile comme les migrants en situation irrégulière ne sont pas des délinquants. La rétention administrative n'est rien d'autre qu'une mesure d'enfermement qui limite la liberté d'aller et de venir de ces personnes qui, je le rappelle, n'ont commis ni crime ni délit. Elles souhaitent simplement trouver un asile ou des conditions de vie plus favorables que dans leur pays d'origine.

Ne nous voilons pas la face : les conditions de détention ou de rétention ont pour objectif, dans certains États, de dissuader les migrants et les demandeurs d'asile de choisir une autre destination.

Si l'État a le droit de se protéger et que la nationalité reste un pouvoir souverain et discrétionnaire, le traitement des personnes privées de liberté, dans l'attente que leur dossier soit examiné ou que leur reconduite à la frontière soit avérée, doit néanmoins rester un traitement humain. Or, force est de constater que ce n'est pas toujours le cas. La détention administrative doit rester le dernier recours alors qu'elle est souvent le premier.

Le projet de directive communautaire, intitulé « directive retour », qui projette une harmonisation des conditions de rétention, ouvre la possibilité aux États membres de garder les demandeurs d'asile ou les étrangers en situation irrégulière jusqu'à dix-huit mois sur leur sol, en attendant qu'une réponse soit apportée à leur demande.

Nous devons nous élever clairement contre cette proposition inique. Cela reviendrait à emprisonner pendant un an et demi une personne qui, je le répète, n'a commis ni crime ni délit.

Par ailleurs, les lieux dans lesquels s'opère la détention administrative ne sont pas conçus à cet effet. Souvent, il n'y a pas de différence entre lieux de détention, commissariats, prisons... et zones de rétention administrative.

De ce fait, la confusion entre la culpabilité et l'immigration ou la demande d'asile est d'autant plus facile, que ces personnes se retrouvent détenues dans les mêmes lieux que celles qui ont commis des délits.

Il faut clairement préciser que des centres, conçus à cet effet, doivent voir le jour pour accueillir dans des conditions décentes les personnes qui demandent l'asile ou dont la demande a été rejetée et qui attendent dans la détresse un retour dans leur pays d'origine.

Nous ne pouvons pas manquer à nos droits les plus élémentaires : traiter les personnes qui viennent chercher le refuge sous nos contrées, qu'on leur accorde ou non le droit de rester, comme des personnes humaines à part entière, comme des citoyens à part entière.

Par ailleurs, une autre confusion se doit d'être levée, celle entre migrants clandestins et demandeurs d'asile. Si le respect d'un État de droit digne de ce nom suppose qu'on les traite de la même manière d'un point de vue humain, leur situation juridique diverge. Les demandeurs d'asile sont entrés légalement dans le pays d'accueil, ils attendent seulement que leur situation soit examinée d'un point de vue administratif. Est-il alors juste qu'ils se trouvent enfermés dans des centres de rétention insalubres avec des prisonniers de droit commun ? Est-il alors juste que, fuyant la violence, ils se trouvent derrière d'autres barreaux ? Est-il alors juste que, fuyant un emprisonnement pour des raisons politiques en tant qu'opposants, ils se trouvent cette fois-ci enfermés ?

Nous mesurons bien évidemment l'iniquité d'une telle mesure. La rétention administrative ne devrait pas être autorisée pour les demandeurs d'asile. Mais n'est-ce pas la même chose pour les migrants en situation irrégulière ? Avoir fui la misère, la pauvreté, l'oppression et la violence n'en fait pas des délinquants pour autant, même si pour cela ils ont franchi illégalement des frontières. La rétention administrative doit rester l'exception dans un État de droit : des solutions alternatives doivent être trouvées.

Madame la Rapporteure, vous nous avez suggéré des idées, des exemples toujours plus humains. Évitons de faire des zones d'attente la honte de nos démocraties ! »

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a souligné, pour sa part, la volonté de la France de faire avancer sa législation en la matière :

« Nous sommes appelés à débattre d'un sujet sensible portant sur les conditions de vie, souvent précaires, des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dans le cas où celle-ci ne peut être mise en oeuvre immédiatement et qui sont maintenues à la disposition de l'administration. Il convient d'insister sur le fait que le retenu n'est pas un détenu, la Cour de cassation française qualifiant la rétention de mesure de surveillance et de contrôle.

Notre rapporteure, Mme Mendonça, a présenté des projets de résolution et de recommandation complets et exigeants qui traduisent les préoccupations de notre Assemblée.

Pour autant, il faut rappeler que, compte tenu de l'hétérogénéité des États membres du Conseil de l'Europe, le sujet de la rétention administrative doit être abordé de façon différenciée. Par exemple, du point de vue de la France, le titre même du rapport n'a guère de sens puisqu'un demandeur d'asile ne peut faire l'objet d'une mesure de rétention administrative, qui ne concerne que les migrants en situation irrégulière. De même, mon pays applique une durée de rétention de trente-deux jours, soit l'une des plus courtes en Europe.

Il me semble que la France respecte globalement les dix principes directeurs définissant les circonstances dans lesquelles la rétention administrative est légalement admissible, ainsi que les quinze règles européennes définissant les normes minimales applicables aux conditions de rétention, mentionnés dans le rapport.

La France a pu faire l'objet de critiques, notamment de la part du Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, relatives aux conditions de vie et d'accueil dans les centres de rétention administrative.

Outre une réforme législative du régime de la rétention administrative en 2003, d'importants efforts ont été accomplis en France depuis plusieurs années pour améliorer la situation. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définit précisément les équipements de type hôtelier dont les centres de rétention doivent être dotés afin d'assurer aux retenus les conditions d'hébergement, d'administration des soins et d'exercice des droits conformes au respect des droits humains.

Les centres de rétention ne répondant pas à ces normes ont d'ailleurs été fermés. C'est le cas du fameux « dépôt » de la préfecture de police, anciennement implanté au sous-sol du Palais de justice de Paris.

De même, l'État a passé une convention avec des associations qui assistent les retenus dans l'exercice de leurs droits et leur alloue un soutien financier à hauteur de 4 millions d'euros par an. L'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et les migrations intervient également pour apporter une assistance matérielle et psychologique en vue de la préparation au retour. Les centres de rétention sont régulièrement contrôlés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales sur les questions d'hygiène et de restauration.

Par ailleurs, le fonctionnement des centres de rétention administrative est soumis à un triple contrôle. Tout d'abord, un contrôle indépendant, avec, au plan national, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, et, au plan européen, le Commissaire aux droits de l'Homme et le Comité européen pour la prévention de la torture de notre Organisation. Ensuite, un contrôle judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention ayant la possibilité, en se transportant sur les lieux, de vérifier les conditions du maintien en rétention. Enfin, un contrôle parlementaire, puisque les députés, les sénateurs et les députés européens bénéficient d'un droit de visite des centres de rétention.

Ces efforts permettent de faire face dans la dignité à la forte augmentation du nombre de migrants en situation irrégulière. »

La résolution telle qu'adoptée par l'Assemblée établit dix principes à respecter en vue de considérer une rétention comme légalement admissible : la mesure doit être exceptionnelle, une distinction doit être opérée entre migrants irréguliers et demandeurs d'asile, la rétention doit être encadrée par la loi, ne peut être arbitraire et n'avoir d'autre motif que d'empêcher une entrée irrégulière sur le territoire. La rétention ne peut concerner les personnes les plus vulnérables. Le régime de rétention comme sa durée doit être le plus approprié. Le texte propose également quinze règles européennes définissant des normes minimales en matière de rétention dont l'encadrement par un personnel spécialement formé et la garantie effective d'un droit à la défense.

G. RÉSOLUTION DES PROBLÈMES DE PROPRIÉTÉ DES RÉFUGIÉS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES

La multiplication du nombre de réfugiés sur le sol européen lors des vingt dernières années tient à des raisons diverses : conflits, actions terroristes, catastrophes naturelles. Lorsque le retour peut être effectif, ces personnes sont confrontées à une impossibilité de recouvrer leur ancienne situation patrimoniale : leur propriété a été dans la plupart des cas détruite, occupée ou confisquée, fragilisant in fine toute velléité de retour.

La restitution de la propriété est déclinée au travers d'une série de droits présents au sein de la Convention européenne des droits de l'Homme : droit à la propriété, droit à posséder un foyer.

La résolution telle qu'adoptée par l'Assemblée vise principalement à la mise en place de mécanismes de résolution de conflits de propriétés, en utilisant un certain nombre d'outils existants et notamment les principes de Pinheiro, à savoir vingt-trois principes définis dans le cadre des Nations unies. Comme l'a souligné M. Wolfgang Petritsch, ancien Haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine, appelé à intervenir à l'occasion du débat, ce type de problématiques suppose également l'adoption dans les Etats concernés d'une législation et une administration adéquate en matière de logement et de propriété. Il convient parallèlement de créer au plan local un environnement non discriminatoire, avec un accès égal de tous aux services médico-sociaux, à l'éducation et au monde du travail.

H. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN ALBANIE

L'intervention de la commission de suivi au sujet de l'Albanie se justifie par la crise politique qui paralyse le pays depuis les élections législatives de juin dernier. L'opposition conduite par le Parti socialiste boycotte le Parlement et conteste la légitimité du gouvernement. Or les marges de manoeuvres de l'exécutif demeurent limitées puisqu'il ne dispose pas de la majorité des 3/5 e requise pour faire aboutir les réformes devant le Parlement. Ce blocage est d'autant plus problématique qu'il paralyse le rapprochement de l'Albanie avec l'Union européenne.

Comme l'a souligné M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC) , il convient de rappeler l'Albanie à ses responsabilités :

« Notre commission de suivi, à l'initiative de nos collègues MM. Laakso et Wilshire, a souhaité envoyer un avertissement à l'Albanie. Je partage son analyse et la sévérité de ses projets de résolution et de recommandation, même si je suis évidemment favorable à ce que notre Organisation apporte tout son soutien aux dirigeants albanais pour sortir de la crise politique actuelle.

L'Albanie et le peuple albanais ont beaucoup souffert, y compris en termes d'image, de l'isolement dans lequel des dirigeants atteints de paranoïa les ont fait vivre pendant des décennies, rompant leurs relations avec leurs différents alliés, successivement la Yougoslavie, l'Union soviétique puis la Chine, et hérissant les magnifiques paysages albanais de dizaines de milliers de petits fortins destinés à repousser une hypothétique invasion étrangère. L'histoire de l'Albanie ne saurait se résumer à la dictature d'Enver Hoxha, bien que celle-ci ait profondément marqué les mentalités.

Même si sa transition démocratique a été pénible, et si le pays a frôlé la guerre civile à l'époque de l'écroulement des « pyramides », l'Albanie a profondément changé. Grâce à de nombreuses réformes, sa transformation est radicale dans tous les domaines et le dynamisme de la société albanaise est unanimement salué.

Et l'on voudrait gâcher ces efforts ? Il me semble que la crise dans laquelle l'Albanie est plongée depuis le mois de septembre relève de moeurs politiques d'un autre âge.

Quels sont les enjeux ? Ni plus ni moins, il s'agit de sauver la crédibilité de l'Albanie sur la scène internationale, et d'abord européenne. En effet, comme le relèvent nos rapporteurs, le boycott du Parlement par le Parti socialiste, qui a perdu de peu les élections législatives du 28 juin 2009, a créé une situation d'impasse politique qui paralyse le fonctionnement des institutions démocratiques, bloque le vote d'indispensables réformes et porte atteinte à l'image de l'Albanie. Il n'est pas normal que dans l'Europe de 2010, le processus électoral soit aussi tendu et la vie politique marquée par un tel niveau de confrontation.

Notre Assemblée doit impérativement appeler les dirigeants albanais de tous bords politiques à la responsabilité, mais aussi à la constance et à la cohérence de leurs engagements euro-atlantiques. L'Albanie aspire légitimement à rejoindre l'Union européenne. Elle a d'ailleurs fait une demande officielle d'adhésion en avril dernier. Cet objectif est partagé par l'ensemble de la classe politique et par la population, à une écrasante majorité. Pour autant, il requiert la réalisation de profondes réformes qui restent nécessaires pour atteindre les standards européens, comme l'a relevé la Commission européenne dans un récent rapport.

Dès lors, il va sans dire que la crise politique actuelle constitue un mauvais signal et éloigne encore la perspective d'adhésion de l'Albanie, alors même que d'autres États des Balkans progressent plus vite qu'elle. Les dirigeants politiques albanais sont-ils bien conscients de cette situation et de la très mauvaise image qu'ils donnent d'eux-mêmes et de leur pays ? Il est impératif qu'ils prennent la mesure des conséquences de la crise qu'ils ont provoquée et qu'ils entretiennent, et qu'ils donnent enfin la priorité à la satisfaction de l'intérêt général de leur pays.

Le Conseil de l'Europe a un rôle majeur à jouer pour aider les dirigeants albanais à dénouer cette crise au plus vite, afin de rétablir le bon fonctionnement des institutions et d'engager les indispensables réformes dont le pays a besoin. »

La résolution adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité de mettre en place une commission d'enquête parlementaire sur les élections de juin 2009 et améliorer parallèlement le code électoral, en suivant les recommandations de la commission de Venise.

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

A. LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS : PROMOUVOIR LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE

L'Organisation internationale du travail évalue à 500 000 le nombre de victimes de la traite entrées annuellement sur le territoire européen, la Commission européenne indiquant même le chiffre de 120 000 individus touchés par ce phénomène pour la seule Europe occidentale. La crise économique et financière actuelle contribue à renforcer ce phénomène. En portant le débat au sein de l'hémicycle, la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes entend faire de cette lutte une priorité politique.

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a indiqué combien il était difficile de prendre la pleine mesure de ce phénomène, tant le nombre de plaintes demeure logiquement en deçà de la réalité du trafic :

« Je voudrais, dans un premier temps, souligner le travail remarquable effectué par notre rapporteure dont je partage entièrement les conclusions.

La traite des êtres humains est un problème majeur dans nos sociétés contemporaines. Si l'esclavage n'est plus, à juste titre, légal dans nos sociétés démocratiques, malheureusement subsistent des formes d'asservissement qui s'en approchent.

La pauvreté, l'absence d'éducation et la méconnaissance de leurs droits créent des victimes toutes désignées à l'abus de confiance. Traitées au sein de nos sociétés comme des esclaves modernes, elles sont vouées à un travail sans relâche, aux abus sexuels, à la prostitution forcée...

La Cour a jugé dans l'affaire Rantsev c/ Chypre et la Russie que les autorités russes et chypriotes sont responsables de ne pas avoir protégé une jeune artiste de cabaret d'un trafic d'êtres humains.

Le trafic des êtres humains est contraire à la Convention des droits de l'Homme dans la mesure où les États doivent accorder une protection pleine et entière à leurs ressortissants. Cependant, ce qui permettrait une réelle protection effective de ceux-ci, c'est de promouvoir la Convention du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre la traite des êtres humains.

Outre le fait que la traite des êtres humains est une forme moderne d'esclavage qui peut mettre la vie d'autrui en danger, la traite des êtres humains, c'est considérer autrui non plus comme une personne mais comme une marchandise.

En tant qu'atteinte à la dignité et à l'intégrité de la personne humaine, la traite des êtres humains est un mal moderne qui doit être éradiqué prioritairement. Selon le gouvernement américain, comme le rappelle justement Madame la Rapporteure, ce sont 800 000 personnes qui seraient victimes de la traite des êtres humains chaque année en dehors des frontières nationales.

Il est, en effet, difficile d'établir des chiffres exacts du fait du peu de plaintes concernant l'esclavage moderne. Donner un socle juridique qui permettrait de directement attaquer le préjudice relatif à la traite des êtres humains serait un moyen efficace de protection des victimes. De même, une campagne d'information et de publicité relative à la traite des êtres humains faciliterait l'accès des victimes à une réelle protection.

Par ailleurs, la Convention du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre la traite des êtres humains prévoit un mécanisme de suivi assuré par le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA). La plus-value de ce groupe de suivi ne doit pas être sous-estimée dans une lutte qui prend souvent les formes de la clandestinité et qui doit allier prévention, sanction et efficacité.

Nous devons aujourd'hui faire un geste fort en énonçant notre volonté de convaincre les États qui ne l'ont pas encore fait de signer et de ratifier cette convention. Nous avons longuement parlé de l'avenir du Conseil de l'Europe. Mais justement voilà où se situe l'avenir du Conseil de l'Europe : la défense affirmée des valeurs qui sont au coeur du Conseil de l'Europe.

La protection des droits fondamentaux doit être un combat de chaque instant. On aurait tort de penser que le combat est déjà gagné. Cette convention en est la preuve. Essentielle, elle n'est toujours pas votée et ratifiée par l'ensemble des États. Ce n'est que par un travail de coopération entre tous les pays que nous réussirons à rendre réel le rêve de nos Pères fondateurs : une Europe unie autour des valeurs de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux.

C'est parce que je crois à l'importance de ces valeurs qu'il faut promouvoir la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains. »

Le Conseil de l'Europe dispose d'un outil en la matière avec la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, entrée en vigueur le 1 er février 2008. Ce texte est d'autant plus important qu'il prévoit un certain nombre de dispositions en matière de protection des victimes et des témoins plus contraignantes que la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. A l'heure actuelle, seule une vingtaine d'Etats membres, dont la France, ont ratifié cette convention du Conseil.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a, à cet égard, souligné les traductions concrètes de l'implication de la France dans ce combat :

« Le rapport de notre collègue Mme Wurm constitue un appel pressant à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005.

Il est inquiétant de constater qu'une convention visant à lutter contre ce fléau universel qu'est la traite des êtres humains, un esclavage des temps modernes, la négation des droits de l'Homme les plus élémentaires, n'ait toujours pas été signée ou ratifiée par des États membres de notre organisation, dont plusieurs sont également États membres de l'Union européenne. Selon moi, les représentants de ces États devraient s'expliquer devant le Comité des ministres et y prendre l'engagement de ratifier ce texte au plus vite.

La Convention est un texte à la fois complet et ambitieux, qui fait reposer le dispositif de lutte sur trois piliers : la prévention de la traite, la poursuite des trafiquants et la protection des victimes. C'est le premier instrument international juridiquement contraignant qui affirme que la traite constitue une violation des droits de la personne humaine.

C'est que le défi est immense ! Selon l'Organisation internationale du travail, douze millions de personnes dans le monde, dont 40 % d'enfants, seraient victimes de la traite des êtres humains. Chaque année, le nombre de victimes, essentiellement des femmes, ne cesse de croître en Europe, l'exploitation sexuelle en constituant la première cause, devant le travail ou les services forcés.

La lutte contre la traite des êtres humains est l'affaire de tous : de la justice et de la police bien sûr, mais aussi des services médicaux et sociaux et des associations. La responsabilité est collective ; elle est aussi celle de chaque citoyen.

Il s'agit d'un drame humain qui place les victimes dans une grande dépendance. C'est aussi une activité criminelle. C'est enfin, un phénomène transnational qui appelle, en réponse, une coopération européenne et internationale. M. Prescott n'a pas cité la France dans sa liste de pays car elle a ratifié la Convention en janvier 2008.

Au cours des dernières années, elle s'est fortement impliquée dans la lutte contre la traite des êtres humains et a mis en place différents dispositifs d'accueil et d'assistance : des numéros de téléphone dédiés aux victimes, des permanences juridiques, une prise en charge médico-sociale, l'accès à l'éducation et l'apprentissage de la langue.

De plus, afin de sécuriser la situation administrative des victimes, deux lois successives permettent de délivrer une autorisation provisoire de séjour et même une carte de séjour temporaire.

Enfin, elle s'est dotée d'un dispositif de répression des trafiquants très complet. Chaque année, les tribunaux français prononcent plus de mille condamnations.

Pour conclure, j'ajouterai que la France, en application de ses engagements internationaux, envisage de créer une mission interministérielle de coordination pour la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes, qui devrait avoir pour tâche principale de définir, coordonner et orienter la politique et l'action des ministères concernés. »

La résolution adoptée insiste sur la nécessité d'une coopération renforcée avec les autres organisations internationales dans ce domaine en limitant tout risque de duplication entre les différents mécanismes de suivi. Le texte invite le Comité des ministres à garantir les moyens octroyés au Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), qui assure la surveillance de la mise en oeuvre de la Convention au sein des Etats membres.

B. DISCRIMINATION SUR LA BASE DE L'ORIENTATION SEXUELLE ET L'IDENTITÉ DE GENRE

Constatant la permanence de préjugés, voire de violences à l'encontre des communautés lesbienne, gay, bisexuelle ou transsexuelle, la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a proposé à l'Assemblée deux projets de recommandation et de résolution visant à la fois à dénoncer les différentes formes de discrimination dont elles sont victimes, mais également à faciliter la reconnaissance juridique des couples de même sexe et un droit à la responsabilité parentale.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) , intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité rappeler les souffrances quotidiennes traversées par les membres de ces communautés :

« Je tiens à féliciter notre collègue M. Gross pour ce rapport courageux sur une question qui est loin d'être résolue aujourd'hui. Le travail de définition qu'il a opéré est essentiel pour comprendre l'importance du sujet du point de vue de la personne humaine. Par orientation sexuelle, on entend l'attirance émotive, affective et sexuelle d'une personne pour une autre. Cette orientation touchant à l'intime, elle est l'une des dimensions de l'identité humaine. Le nier, c'est remettre en cause la protection des droits fondamentaux.

Je reprendrai aussi sa définition d'une personne transgenre : c'est quelqu'un dont l'identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été assigné à la naissance. Là aussi, on se trouve confronté à une question essentielle : la manière dont on est défini extérieurement par la société et celle dont on se perçoit intimement, en quelque sorte l'expérience personnelle que l'on fait de son identité.

Ces deux questions sont liées du fait que les personnes ont une identité sexuelle vécue qui ne correspond pas à la norme qu'impose la société. Les tabous liés à ces questions se retrouvent dans un imaginaire négatif dans lequel la perception de l'autre est synonyme de déviance, de maladie mentale, sans compter les confusions entre homosexualité et pédophilie ! La dépénalisation de l'homosexualité, si elle est une victoire, n'est pas suffisante.

« Il y a un préjugé naturel qui porte l'homme à mépriser celui qui a été son inférieur, longtemps encore après qu'il est devenu son égal ; à l'inégalité réelle que produit la fortune ou la loi, succède toujours une inégalité imaginaire qui a ses racines dans les moeurs ». Ces paroles d'Alexis de Tocqueville extraites de son ouvrage De la démocratie en Amérique , sonnent toujours vraies. Les moeurs, ici, sont en retard sur la loi.

Un livre récent du journaliste Franck Chaumont, Homo-ghetto, Gay et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République , a mis en évidence dans une longue enquête de deux ans la souffrance de ceux qui, au milieu des cités ou des ghettos de pauvreté, sont doublement discriminés du fait de leur orientation sexuelle. A la violence verbale succède souvent la violence physique. La stigmatisation de la différence est encore plus forte dans des sociétés dans lesquelles la violence est le quotidien car les structures sont en déshérence. Le rejet de l'autre est d'autant plus certain.

La loi, ici, en ce qu'elle protège les moeurs, est en avance sur ceux-ci. Mais elle doit aller plus loin, changer les moeurs, promouvoir l'éducation à la différence pour que les droits des homosexuels et des transsexuels soient entièrement respectés dans les lieux dans lesquels ils vivent, afin qu'ils ne soient pas doublement stigmatisés : par la pauvreté et l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.

Mais il faut aussi aller plus loin pour que les moeurs coïncident avec la loi.

Il importe en effet de rappeler que seule une sécurisation des situations juridiques sur le modèle des couples hétérosexuels permettra de mettre en concorde la loi avec les moeurs, les moeurs avec la loi. La Cour européenne des droits de l'Homme vient de condamner la France dans l'affaire E.B c/France (2008) pour un refus d'agrément à une adoption par une femme vivant avec une autre femme, alors que, par ailleurs, les services du Conseil général concerné accordaient des agréments à des personnes vivant seules. Le droit ne peut pas continuer à être aveugle en ne reconnaissant pas les mêmes droits aux couples homosexuels et aux couples hétérosexuels.

A cette révolution des moeurs doit répondre une révolution juridique : une égalité de droits entre les minorités sexuelles et la majorité sexuelle. Cependant, cette égalité de droits, pour faire véritablement coïncider révolution juridique et révolution des moeurs, ne doit pas être le préalable à la construction d'autres ghettos.

Je le redis ici solennellement : reconnaître l'identité sexuelle comme un droit fondamental à la différence est le socle sur lequel doit se bâtir une véritable société moderne et démocratique ! »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP) a, pour sa part, présenté le dispositif retenu par la France pour lutter contre les discriminations :

« Qu'ont en commun l'empereur Hadrien, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Rimbaud, Proust, Gide, Colette, Rudolf Noureev ou Martina Navratilova ? Mis à part leur talent, ils pourraient tous être victimes de discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Sur ce sujet, M. Gross démontre une fois de plus son attachement à la défense des droits de l'Homme dans leur diversité. Son rapport a une portée didactique évidente grâce à une approche originale qui présente les préjugés les plus courants sur l'homosexualité pour en démontrer aussitôt les limites.

Car c'est bien cet écueil que rencontre la question : la prégnance des stéréotypes. Comme pour d'autres questions, la force des préjugés en la matière est difficile à combattre et souvent plus puissante que le respect des droits les plus élémentaires. Notre rapporteur relève la responsabilité en la matière des dirigeants politiques ou religieux de certains États membres du Conseil de l'Europe.

La France s'est dotée d'une législation anti-discriminations relativement complète. Elle a créé une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, autorité administrative indépendante instituée par une loi du 30 décembre 2004.

La HALDE a pour mission de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, de diffuser l'information sur les droits des citoyens, d'accompagner les victimes et de promouvoir les bonnes pratiques. Elle entreprend également des actions de sensibilisation et de formation pour faire évoluer les pratiques et les mentalités. Elle peut être saisie - par courrier, par voie électronique ou par l'intermédiaire d'un correspondant local - par une personne privée, un parlementaire ou une association. Elle peut aussi se saisir elle-même de toute pratique dont elle a connaissance.

Ses moyens d'action sont relativement étendus. La HALDE a un pouvoir de recommandation et peut intervenir directement auprès des pouvoirs publics. Consultée par le gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité, elle peut aussi proposer une modification législative ou réglementaire et émettre des avis pour remédier aux pratiques discriminatoires. Par ailleurs, elle peut jouer un rôle de médiation et intervenir en vue d'une transaction pénale, ainsi que transmettre ses observations au procureur et aux tribunaux.

La HALDE a ainsi considéré comme discriminatoire le refus d'agrément opposé par un rectorat à une association souhaitant apporter son concours à l'enseignement public en matière de lutte contre l'homophobie. La Cour administrative d'appel, à laquelle la HALDE a présenté ses observations, a jugé que la lutte contre l'homophobie est un objectif d'intérêt général et a annulé la décision du recteur, qui a depuis accordé l'agrément à l'association. La HALDE s'est également prononcée par exemple sur l'exclusion du don de sang en raison de l'orientation sexuelle ou un refus de location d'une chambre d'hôtel à un couple homosexuel - cela existe encore aujourd'hui !

Grâce à la lutte contre les discriminations, peut-être un jour en Europe l'injure ne sera-t-elle plus une composante de l'identité personnelle des personnes homosexuelles. »

L'enjeu des textes présentés devant l'Assemblée, le nombre d'amendements qu'ils ont suscités et l'absence de délai pour examiner ces derniers ont conduit l'Assemblée à reporter le vote à la prochaine partie de session. Un rapport modifié sera alors présenté devant l'Assemblée.

C. LA CORRUPTION JUDICIAIRE

Le débat organisé par la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme répond parfaitement aux ambitions du Conseil de l'Europe : veiller à la consolidation de l'État de droit dans l'ensemble des Etats membres. La corruption du système judiciaire peut être considérée comme l'une des premières causes de faillite du système de protection des droits de l'Homme. Elle suppose en effet l'absence de garantie d'un procès équitable et nourrit parallèlement d'autres types de corruption.

La commission s'est appuyée dans ses travaux préparatoires sur les études de Transparency International qui a relevé qu'un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'instar de la Croatie ou de la Bulgarie, étaient dotés de systèmes judiciaires affectés par la corruption. La résolution adoptée par l'Assemblée invite les Etats concernés à signer et ratifier la Convention pénale sur la corruption et la Convention civile sur la corruption. Elle appelle à la prise en compte des avis de la Commission de Venise en matière de nomination des juges insistant notamment sur des mandats de juges d'au moins 5 ans, nommés en fonction du mérite, par un conseil indépendant. Le Comité des ministres pourrait parallèlement veiller à la parution d'un code déontologique paneuropéen pour les juges.

Comme l'a souligné M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) , l'intervention du Conseil sur ce sujet est plus que légitime au regard des instruments qu'il a développés en son sein, au premier rang desquels le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) :

« Le rapport de M. Sasi met le doigt sur un problème crucial, car chacun voit bien que la corruption judiciaire est la plus grave qui soit : si ceux-là mêmes qui sont chargés de faire respecter l'État de droit se comportent en délinquants, la société se désagrège.

A l'heure où l'on s'interroge sur la pertinence de l'action du Conseil de l'Europe et sa place aux côtés de l'Union européenne, le débat d'aujourd'hui vient nous rappeler combien notre Organisation dispose d'une légitimité incontestable en matière de promotion de l'État de droit. Avec le groupe d'États contre la corruption, le GRECO, le Conseil possède en son sein un instrument de contrôle efficace, qui rassemble quarante-six membres et qui combine évaluation, mise en oeuvre d'une procédure de conformité et de conseil.

Le GRECO témoigne de la volonté des membres du Conseil de l'Europe de renforcer leur coopération dans des domaines clés et de dépasser l'image de producteurs de droit mou dans laquelle on veut nous enfermer. Le Conseil de l'Europe est en avance sur ce sujet, nous en sommes fiers et il nous incombe de conférer un écho à ses travaux.

Je remarque à ce propos que le rapport Juncker présenté au sein de cette Assemblée, il y a bientôt quatre ans, insistait sur la nécessité de mettre en oeuvre de façon effective une coopération pleine et entière entre l'Union européenne et le Conseil.

Comme le souligne le projet de résolution, la lutte contre la corruption peut incarner cette complémentarité recherchée. Il convient ainsi de renforcer notre coopération avec l'Office de lutte anti-fraude de l'Union européenne en vue d'éviter des doublons et des chevauchements d'activité. Cela nous permettra de parler d'une voix plus forte. Je rappelle à cet égard que le statut et le règlement intérieur du GRECO prévoient la participation de l'Union européenne aux activités du groupe. Dans le même ordre d'idée, des synergies doivent être recherchées avec Eurojust.

Une collaboration avec les Nations unies ne serait pas non plus dépourvue d'intérêt à l'heure de la mondialisation. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime peut nous faire bénéficier d'une expérience non dédaignable sur le sujet. Un rapprochement avec le groupe de travail sur la corruption de l'OCDE doit également être envisagé.

Je le répète, la lutte contre la corruption représente un réel exemple de la valeur ajoutée des travaux du Conseil de l'Europe. Nous ne pouvons dédaigner, en ces temps incertains pour notre Organisation, l'occasion qu'elle offre de donner plus de visibilité à nos travaux. Au-delà même de cette question, les partenariats que j'appelle de mes voeux ne peuvent que renforcer les démarches entreprises au sein des États concernés en vue de lutter contre la corruption. »

D. RESPECT DE LA LIBERTÉ DES MÉDIAS

Prenant acte d'une augmentation du nombre d'agressions envers les médias - une vingtaine de journalistes ont été assassinés depuis 2007, dont treize en Russie) -, la commission de la culture, de la science et de l'éducation a souhaité porter devant l'Assemblée un débat sur la place des médias dans les Etats membres. Le rapport qu'elle a présenté distingue trois niveaux d'atteintes à la liberté des médias :

- agressions physiques, meurtres, intimidation ou impunité ;

- violations liées à une utilisation abusive des prérogatives de l'Etat pour orienter les médias ;

- menaces liées à la propriété des médias et absence de déontologie professionnelle.

Aux yeux de la commission, l'un des grands enjeux de la protection de la liberté des médias réside dans les garanties qui leurs sont accordées en vue de protéger la confidentialité de leur source. Le rapport insiste parallèlement sur les risques que fait courir à la liberté de la presse le renforcement des législations contre la diffamation.

La concentration des médias et l'absence d'impartialité de ceux-ci en période électorale dans certains pays, comme la Russie, l'Italie ou l'Ukraine, demeurent également des sujets d'inquiétude.

Invité à intervenir devant l'hémicycle, M. Miklós Haraszti, représentant de l'OSCE pour la liberté des médias, a insisté sur le cas préoccupant de la télévision où le pluralisme semble atteindre ses limites. Il relève ainsi le renforcement des monopoles et la mainmise par les gouvernements des médias télévisuels. Seul Internet semble, à ses yeux, permettre l'affirmation d'une totale liberté de la presse. M. Haraszti insiste néanmoins sur la vigilance à exercer dans ce domaine par le Conseil de l'Europe tant certaines tendances s'affirment en vue d'une fragmentation de la toile par certains gouvernements et un contrôle concomitant.

La recommandation telle qu'adoptée insiste sur la nécessité d'une évaluation régulière de la liberté des médias au sein des Etats membres. Le texte vise parallèlement un certain nombre de gouvernements en vue d'une modification de leurs législations sur la diffamation et l'insulte (Russie et Turquie) et les exhorte à garantir à toutes les formations politiques un accès équitable et juste aux médias.

E. DÉBAT SUR LA REPRÉSENTATIVITÉ AU SEIN DES DÉMOCRATIES

L'Assemblée a organisé en son sein un débat conjoint autour de deux textes de la commission des questions politiques et de celle de la commission sur l'égalité des chances visant chacun à améliorer la représentativité des systèmes politiques des Etats membres.

1. Les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans les États membres

S'il souligne l'incidence notable du système électoral sur la représentativité et par delà sur la vie politique de chaque Etat, le rapport de la commission indique qu'il ne saurait y avoir de modèle unique en la matière tant le choix de la meilleure formule repose notamment sur des facteurs tant historiques que culturels.

Le Conseil de l'Europe a néanmoins un rôle à jouer tant les enjeux sont importants. L'amélioration de la représentativité confère une confiance supplémentaire dans le système démocratique et ne peut que renforcer la participation à son fonctionnement.

La résolution adoptée préconise un certain nombre de mesures au premier rang desquelles la possibilité d'abaisser les seuils légaux supérieurs à 3 %, et de supprimer d'autres obstacles et notamment les cautions électorales élevées, qui empêchent la représentation des petits partis ou des candidats indépendants. Le texte invite par ailleurs les Etats membres à réfléchir à l'octroi du droit de vote aux immigrants résidant légalement sur leurs territoires. La résolution envisage également un certain nombre de réflexions à mener en matière de financement de la vie politique. Plus largement, le texte promeut le partage de bonnes pratiques entre Etats membres et souhaite que les Etats membres s'entendent pour définir les critères selon lesquels des élections pourraient désormais être considérées comme « libres et équitables ».

2. Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux

La participation des femmes à la vie politique est un des objectifs poursuivi depuis des décennies par le Conseil de l'Europe. Les résultats apparaissent néanmoins plus que relatifs au regard des efforts déployés. A l'échelle mondiale, moins de 20 % des sièges de parlementaires et des portefeuilles ministériels sont détenus par des femmes, et moins de 5 % des chefs d'Etat sont des femmes.

La commission pour l'égalité entre les hommes et les femmes rappelle dans son rapport la faiblesse de toute démocratie ne facilitant pas l'accès des femmes aux responsabilités.

La résolution telle qu'adoptée insiste notamment sur la nécessité d'amender les constitutions des Etats membres en vue, à l'instar de la France, d'autoriser des mesures de quotas ou de discrimination positive. Le texte assortit ces mesures d'objectifs chiffrés. Ainsi, dans le cadre de scrutin à la proportionnelle, les listes devraient prévoir au moins 40 % de candidates et des règles strictes de placement. Dans le cas du scrutin uninominal, il appartient d'inviter les partis à choisir des candidatures féminines. Des dispositifs de sanctions effectives doivent accompagner ce type d'incitations.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a, pour sa part, appelé de ses voeux un nouveau type de sanction :

« Le rapport sur les seuils électoraux et les préconisations aux États nous semblent être le minimum démocratique à défendre au sein des États membres du Conseil de l'Europe. Cependant, nous devons être attentifs à l'augmentation de l'abstentionnisme dans un grand nombre d'États. Certains représentants politiques ont été élus avec moins de 20 % du corps électoral. Ne faut-il pas agir dans les systèmes éducatifs pour défendre davantage le concept de démocratie ?

Le point commun entre les deux rapports reste néanmoins la nécessité d'une représentation juste et équilibrée des femmes en politique. Les barrières mentales sont les plus difficiles à abattre. La représentation des femmes en politique est l'une d'entre elles. Aux obstacles réels - désignation par les partis dans une position éligible, nomination à des postes de ministres d'envergure - répondent les obstacles symboliques. Eu égard à la faible représentation des femmes en politique, combien de femmes s'auto-persuadent que les cercles de la décision publique ne sont pas de leur ressort ou sont découragées d'emprunter un chemin qu'elles savent inévitablement semé d'embûches ? On se trouve alors dans une situation où les femmes, à force d'être le « deuxième sexe » de la représentation politique, le demeurent.

Le temps des beaux discours, des incantations déclamatoires est révolu. Nous devons passer à l'action. N'ayons pas peur des mots : seule la discrimination positive en politique, par l'instauration de quotas de femmes, voire des deux sexes, comme y invite le rapporteur, permettra de changer ce que les mentalités tardent à faire.

Comme le souligne notre rapporteure, la Commission de Venise a mis en évidence que les pays appliquant un système de représentation proportionnelle comptent dans leurs parlements une proportion plus élevée de femmes que ceux appliquant un système à scrutin majoritaire. Le groupe de la Gauche unie européenne, ici, et le groupe communiste, en France, militent depuis plusieurs années pour la réinstauration d'un scrutin proportionnel, seul scrutin véritablement équitable à même de refléter la réalité du paysage politique.

De la même manière, notre rapporteure insiste sur le fait que les circonscriptions plurinominales sont jugées plus favorables à la désignation et à la représentation des femmes que les circonscriptions uninominales.

Je profite de ce débat pour dénoncer le fait que la réforme territoriale envisagée en France, par le Gouvernement, pour désigner les élus territoriaux ne sera pas favorable aux femmes.

En outre, pour être efficace, l'instauration de quotas doit être assortie d'autres types de sanctions que financiers. L'exemple français est à ce titre édifiant : les partis politiques préfèrent la sanction financière à l'élection féminine. Ces sanctions devraient prévoir l'illégalité d'une liste qui ne présenterait pas des femmes en position éligible ou dans des circonscriptions « gagnables ». A ce titre les quotas de résultats seraient une meilleure incitation à la promotion d'une égalité des sexes en politique.

Le chemin est long et ardu vers la voie de l'égalité, mais il n'est pas impraticable. C'est ainsi que se lèveront les barrières mentales, l'exemple inspirant l'exemple. Il n'est pas de véritable État de droit sans une participation équitable de toutes les parties de la population à l'élaboration de la décision publique, comme nous le rappellent les rapports. Il n'est pas de véritable État de droit sans une véritable représentation paritaire des femmes en politique. Sachons construire ici même un véritable État de droit. L'inscription dans un Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme du droit à l'égalité pour les hommes et les femmes serait le socle de l'édifice que nous souhaitons ériger. Notre groupe soutient cette proposition. »

La limitation du cumul des mandats politiques, tant aux niveaux local, régional que national ou européenne fait également partie des pistes avancées par la résolution. Les partis politiques sont également incités à adopter des quotas au sein de leurs propres instances.

F. QUINZE ANS APRÈS LE PROGRAMME D'ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT.

La Conférence internationale sur la population et le développement organisée par les Nations unies, en septembre 1994, a débouché sur l'adoption d'un programme d'action sur vingt ans, insistant notamment sur l'émancipation des femmes à l'échelle de la planète.

Trois priorités ont alors été définies par les 179 États signataires :

- la réduction de la mortalité infantile et maternelle ;

- l'accessibilité universelle à l'éducation, en particulier pour les femmes ;

- l'accessibilité universelle aux soins en matière de santé reproductive avant 2015.

La recommandation telle qu'adoptée par l'Assemblée insiste sur le fait que, si des progrès ont été réalisés, les résultats demeurent relatifs en ce qui concerne la fréquentation scolaire, l'équité et l'égalité entre les sexes, la mortalité et la morbidité infantiles, enfantines et maternelles ou l'accès universel aux services de santé sexuelle et notamment à l'avortement.

Cette mention de l'avortement a fait l'objet d'un intense débat au sein de l'hémicycle, 65 amendements ayant été déposés sur ce texte pour éviter notamment toute référence à l'interruption volontaire de grossesse. Ces amendements n'ont pas été adoptés.

Le texte invite les Etats membres à mettre en accord leurs stratégies sanitaires avec les objectifs du programme du Caire et à veiller à la bonne exécution de son financement, en maintenant notamment le niveau de l'aide publique au développement qui lui est dédiée.

V. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT

A. ELECTION DU PRÉSIDENT DE L'ASSSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

Le mandat du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est d'une durée de deux ans. Elu en 2008, M. Lluís Maria de Puig (Espagne - SOC) a été remplacé par M. Mevlüt Çavasoglu (Turquie - GDE) au début de la présente partie de session, respectant ainsi la convention établie entre les groupes politiques prévoyant une rotation à la tête de l'Assemblée. C'est la première fois qu'un ressortissant turc accède à la présidence de l'Assemblée parlementaire, alors que la Turquie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1949.

Président de la délégation turque depuis 2007, M. Çavasoglu, membre fondateur de l'AKP, a exercé de nombreuses responsabilités au sein de l'Assemblée : président de la commission des migrations, des réfugiés et des populations entre 2006 et 2008, président des sous-commissions des migrations (2007-2010) et du développement du tourisme (commission des questions économiques et du développement 2004-2006), il exerçait les fonctions de vice-président de l'Assemblée depuis 2007.

Au cours de sa première intervention en tant que Président de l'Assemblée, M. Çavasoglu a rappelé la pertinence des travaux du Conseil de l'Europe à l'heure où les crises économiques, l'intensification des flux migratoires comme les défis climatiques posent de nouveaux problèmes en matière de droits de l'Homme. Le Conseil de l'Europe doit, à cet égard, être envisagé comme une maison commune à l'échelle continentale où domine un idéal de paix et de tolérance.

M. Çavasoglu a enfin rappelé la nécessité de mener à bien la réforme de l'Organisation, soulignant l'obligation pour le Conseil de rester proche des citoyens européens. La réflexion sur les méthodes de travail, les procédures et les structures propres à l'Assemblée sera ainsi poursuivie en vue d'améliorer la pertinence et l'efficacité de ses interventions.

B. INTERVENTION DE MME MICHELINE CALMY-REY, CHEFFE DU DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA SUISSE, PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES

La première partie de session a été l'occasion pour la présidence suisse du Comité des ministres de présenter ses ambitions pour le Conseil de l'Europe. Rappelant l'identité des valeurs défendues par la Suisse et celles promues par le Conseil de l'Europe, Mme Micheline Calmy-Rey a relevé l'importance des travaux du Conseil en vue de l'émergence d'un véritable ordre public européen.

La diversité de ses organes (Assemblée, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conférence des organisations internationales non gouvernementales) confère au Conseil de l'Europe une légitimité particulière en matière de représentation des habitants du continent européen, prenant notamment en compte leur diversité.

La présidence suisse entend poursuivre le rapprochement avec l'Assemblée tel qu'entrepris par la Slovénie, une rencontre entre la commission permanente de l'Assemblée et les délégués des ministres devant être prochainement organisée.

Trois priorités ont, par ailleurs, été définies : protection des droits humains et primauté du droit, renforcement des institutions démocratiques et accroissement de la transparence et de l'efficacité du Conseil de l'Europe. L'approbation pour ratification du Protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l'Homme par la Douma russe apparaît, à cet égard, comme un pas important en vue notamment de désengorger la Cour (120 000 requêtes pendantes). L'entrée en vigueur du Protocole facilite également l'adhésion de l'Union européenne à la Convention, permise par le traité de Lisbonne.

Aux yeux de la présidence suisse, il convient cependant de rester mesuré quant aux conséquences de la décision russe. Les requêtes pendantes ne sauraient disparaître immédiatement et il appartient aux Etats de définir une stratégie quant à l'afflux de requêtes vers la Cour. La mise en conformité des législations nationales avec la Convention est un premier pas. La Conférence d'Interlaken sur l'avenir de la Cour, organisée les 18 et 19 février 2010, devrait réunir les ministres compétents des Etats membres afin de trouver un accord politique sur de nouvelles réformes.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP) a souhaité interroger la ministre à ce sujet :

« Assurer l'avenir de la Cour européenne des droits de l'Homme constitue la première priorité de la présidence suisse du Comité des ministres. Formalisant une initiative du Président de la Cour, mon compatriote Jean-Paul Costa, la Suisse a décidé d'organiser une conférence sur ce sujet à Interlaken. Quelles conditions devront, selon vous, être réunies pour affirmer que cette conférence aura été un succès ? A contrario, dans quel cas, pourra-t-on parler d'échec ? »

Dans sa réponse, Mme Calmy-Rey a insisté sur la nécessité d'obtenir un consensus :

« Nous recherchons avec cette conférence à obtenir un engagement enthousiaste des États membres du Conseil de l'Europe en faveur de la Cour et à les engager à faire fonctionner efficacement leurs juridictions nationales afin de réduire le nombre de cas pendants en amont.

Comme critère de succès, il s'agit pour nous d'engager un processus de discussion sur l'avenir de la Cour et d'obtenir un consensus sur une déclaration politique des États membres en ce sens. Nous considérons que la Cour est la pièce maîtresse du Conseil de l'Europe et du système de protection des droits humains en Europe. Nous espérons donc que les États membres du Conseil de l'Europe pourront s'entendre sur ce point et manifester leur volonté d'aller de l'avant. »

Au-delà des réformes de structure, la présidence suisse entend accompagner les efforts menés en Bosnie-Herzégovine ou en Moldavie en faveur du renforcement de leurs institutions démocratiques. Elle souhaite par ailleurs poursuivre le rapprochement entrepris avec la Biélorussie.

Les échanges avec l'hémicycle ont notamment porté sur la votation organisée en Suisse ayant abouti à l'interdiction de la construction des minarets. Mme Calmy-Rey a souhaité, à cet égard, insister sur le dialogue renforcé entre son gouvernement et la communauté musulmane de façon à renforcer l'intégration de celle-ci. Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité interrogé la ministre suisse sur une autre votation à venir :

« Madame la ministre, une nouvelle initiative populaire préconisant le renvoi systématique des étrangers criminels pourrait être soumise au vote en 2010. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur cette votation éventuelle, qui contreviendrait aux engagements internationaux de la Suisse en matière de droits de l'Homme, en particulier à la Convention européenne des droits de l'Homme ? »

Mme Calmy-Rey a apporté une réponse circonstanciée :

« Je répondrai, en premier lieu, sur l'organisation des systèmes de démocratie directe en Suisse. Dotés d'un droit d'initiative, les citoyens peuvent récolter des signatures et proposer au Gouvernement et au Parlement un texte de loi ou un texte constitutionnel qui est ensuite examiné par le Gouvernement et par le Parlement. Ce fut le cas de l'initiative sur les minarets et c'est le cas de l'extradition des étrangers criminels.

En second lieu, les motifs d'invalidation d'une initiative populaire se réfèrent au droit international contraignant, c'est-à-dire aux tortures, aux génocides ou aux crimes contre l'humanité, mais ils n'incluent pas les droits fondamentaux contenus dans la Convention européenne des droits de l'Homme. C'est ce qui pose problème avec ce type d'initiative populaire.

Quant à l'initiative que vous avez mentionnée, après débat par une Chambre, elle a été renvoyée en commission pour examen. »

Priorité de la présidence suisse, le renforcement des garanties juridiques accordées aux citoyens européens a fait l'objet d'une question de la part de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) , président de la délégation :

« Le 1 er octobre 1985 entrait en vigueur la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Le 15 juin 1999, le Comité des ministres approuvait des amendements permettant l'adhésion de la Communauté européenne à cette Convention et, par extension, à son Protocole.

Pour que ces amendements puissent entrer en vigueur, il est nécessaire que les quarante et un  États parties à la Convention les approuvent. Force est de constater qu'aujourd'hui, l'ensemble des parties n'a pas approuvé ces amendements. Cette convention, qui vise à protéger la vie privée des personnes, est d'une importance telle qu'il serait dommageable que la Communauté européenne ne puisse y adhérer.

Madame la Présidente, des initiatives sont-elles envisagées afin d'inviter les parties ne l'ayant pas encore fait à approuver ces amendements ? »

Mme Calmy-Rey a souligné, dans sa réponse, la nécessité d'un examen approfondi du texte :

« Cette Convention, vous l'avez dit, contient une disposition relative à la protection des données qui demeure ouverte. Une solution acceptable pour toutes les parties est encore en vue. Cependant, l'accord de tous les pays membres sur l'ensemble des dispositions modifiées n'est pas encore acquis. Pour mon pays, par exemple, la condition essentielle d'une application rétroactive de l'assistance administrative est un sujet important. Un examen approfondi de cette question est nécessaire. Il aura lieu. »

C. COMMUNICATION DE M. THORBJØRN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L'EUROPE

Élu en septembre dernier, le nouveau Secrétaire Général du Conseil de l'Europe se présentait pour la première fois devant l'Assemblée parlementaire. Rappelant les missions qui lui avaient été confiées à l'occasion de son élection - réformer, revitaliser et renforcer le Conseil de l'Europe - M. Jagland a insisté sur le fait que cette organisation n'était pas un simple forum d'échanges supplémentaire, les instruments dont elle est dotée, au premier rang desquels la Cour européenne des droits de l'Homme, lui confère une légitimité particulière, notamment à l'égard de l'Union européenne dont les valeurs se confondent avec celles du Conseil.

Le processus de réforme que le nouveau Secrétaire Général entend engager doit permettre de faire ressortir les avantages comparatifs de l'Organisation, seule enceinte véritablement paneuropéenne, dépassant les objectifs purement économiques ou géostratégiques. Le Conseil de l'Europe doit renforcer l'unité du continent européen en évitant toute ligne de fracture entre les parties en présence et en poursuivant une oeuvre d'unification par le droit, en abordant de nouveaux champs, notamment les droits sociaux.

La revitalisation du Conseil de l'Europe passe par une réforme de son fonctionnement destinée à lui permettre de conserver son caractère innovant. Il doit ainsi concentrer ses activités sur un nombre de projets plus restreints tout en mettant en place une organisation plus souple et plus visible.

La réforme telle que souhaitée par le Secrétaire Général s'appuie sur quatre piliers. Le premier concerne la gouvernance et la gestion de l'organisation : la rationalisation des activités des différentes instances, l'évaluation de celles-ci sont le préalable à toute réforme d'envergure. Le deuxième pilier constitue le pilier opérationnel : le Secrétaire Général réfléchit à une concentration des activités du Conseil sur les thèmes où il détient une réelle valeur ajoutée. L'objectif est de créer parallèlement à ce resserrement un réseau de bureaux du Conseil, dans des conditions de stricte neutralité budgétaire. Le troisième pilier est celui des structures, le Secrétariat Général devant être structuré de façon à réaliser les objectifs politiques de l'Organisation. Le quatrième pilier concerne lui directement la Cour, victime de son propre succès. Le Protocole 14 constitue une porte ouverte en vue d'une réforme plus globale en vue de limiter le nombre de requêtes qui y sont déposées. Le financement des besoins supplémentaires de la Cour, qui s'est souvent opéré par d'autres prélèvement sur d'autres activités du Conseil, ne peut perdurer indéfiniment sous peine de réduire à néant les marges de manoeuvre du Conseil.

Au cours du débat avec l'hémicycle, M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) , président de la délégation, a interrogé le Secrétaire Général sur l'avenir de deux organes du Conseil de l'Europe : la Pharmacopée européenne et Eurimages :

« Monsieur le Secrétaire Général, je pense que l'ensemble de cette Assemblée ne peut que souscrire aux propos que vous venez de tenir. Je me reconnais également dans vos propos à travers le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter dans cet hémicycle lors de la précédente session et qui a été adopté à la quasi-unanimité. Néanmoins, je voudrais être rassuré par rapport à d'autres fleurons du Conseil de l'Europe : je pense en particulier à la Pharmacopée européenne, élaborée par la Direction de la qualité du médicament et des soins de santé qui est tout à fait exemplaire et qui, de surcroît, dégage un excédent malgré le faible nombre de personnes qui y travaillent, et je pense également à Eurimages, fonds du Conseil de l'Europe qui, me semble-t-il, mérite d'être encouragé.

J'aimerais connaître vos intentions à l'égard de ces deux organes. »

M. Jagland a tenu à le rassurer :

« Je suis d'accord avec vous, M. Mignon. Il est vrai que la Pharmacopée joue un rôle important. Certes, en Europe, elle n'est pas très connue. On ne sait pas nécessairement qu'elle fait partie du Conseil de l'Europe. On pourrait déjà commencer par agir à ce niveau, mais cela implique une contribution financière.

Il y a d'autres accords partiels que nous pourrions peut-être mieux utiliser. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC) a demandé au Secrétaire Général de préciser ses intentions quant à la Cour, à la veille de la Conférence ministérielle d'Interlaken des 18 et 19 février :

« Monsieur le Secrétaire Général, M me Calmy-Rey nous faisait part tout à l'heure des espoirs qu'elle fondait sur la conférence qui se tiendra les 18 et 19 février à Interlaken ; vous parlez vous-même de la Cour européenne des droits de l'Homme comme du joyau du Conseil de l'Europe. Une vraie réforme de la Cour vous paraît-elle possible, alors que la plupart des États membres ne l'imaginent pas autrement qu'à budget constant et que les possibilités de redéploiements budgétaires internes sont épuisées ? »

M. Jagland a indiqué quelles étaient les pistes de réforme étudiées :

« Il existe un réel potentiel de renforcement de l'efficacité de la Cour, et le Protocole n° 14 ouvre la voie à ces changements. Cela étant dit, d'autres mesures devront également être prises, dont un certain nombre ont déjà été proposées et font partie du processus d'Interlaken.

Il convient maintenant de s'attacher davantage aux voies de recours internes et de déterminer comment l'on pourrait aider les États membres à améliorer leur fonctionnement. La Cour n'a jamais eu l'intention de réaliser un transfert de responsabilités des États membres vers la Cour ; bien au contraire ! Elle a été créée afin de permettre aux États membres de s'améliorer, notamment en intégrant sa jurisprudence, celle-ci étant non pas la première mais la dernière instance.

Les Pays-Bas, l'Allemagne et la Norvège ont créé un fonds afin d'assister les États dans leurs efforts ; j'espère que d'autres gouvernements feront de même.

Se pose également la question de savoir s'il convient d'introduire un mécanisme de filtrage. Soyons prudents : il ne faut pas porter préjudice au droit de recours individuel. Des solutions doivent donc être trouvées afin de concilier ces différents objectifs. Diverses mesures seront examinées afin d'aider la Cour à réaliser au mieux son travail. »

D. INTERVENTION DE M. GEORGES A. PAPANDRÉOU, PREMIER MINISTRE DE LA GRÈCE

Le Premier ministre grec a profité de son intervention pour insister sur la mission commune à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe en vue d'humaniser et démocratiser le processus de mondialisation. La crise financière, la lutte pour les ressources énergétiques, le changement climatique, le développement de la pauvreté ont des incidences indéniables en matière de droits de l'Homme.

Afin de répondre à ces nouveaux défis, il convient, aux yeux du Premier ministre grec, de conférer un second souffle au modèle européen en renforçant notamment la participation démocratique et en mobilisant la société civile.

L'Europe demeure cependant une terre à unifier aux yeux du chef du gouvernement grec tant les problèmes non résolus perdurent : Chypre, Caucase, Géorgie. Une réflexion doit notamment être menée en vue de garantir une véritable protection des minorités, dépassant les frontières et en liaison avec le droit international. L'existence des minorités ne peut, en effet, servir constamment de justification aux thèses séparatistes.

L'année 2014 apparaît comme charnière pour la Grèce. Année du centième anniversaire de l'attentat de Sarajevo, elle devrait être l'échéance à poser aux pays des Balkans occidentaux en vue de leur intégration au sein de l'Union européenne. La Grèce rappelle qu'elle a entamé des négociations serrées avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine en vue de trouver une solution à la querelle sémantique sur le nom de ce pays.

Interrogé lors du débat dans l'hémicycle sur la situation financière extrêmement délicate dans laquelle se trouve son pays, M. Papandréou a souligné la nécessité pour la Grèce de renforcer sa coopération avec l'Union européenne. Il a milité parallèlement pour une relance de la croissance par le biais d'investissements dans des emplois liés aux technologies vertes.

E. INTERVENTION DE M. FRANCO FRATTINI, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L'ITALIE

Le ministre des affaires étrangères italien a souhaité insister dans son intervention sur la nécessité de renforcer la coopération entre le Conseil de l'Europe, l'OSCE et l'Union européenne en vue de promouvoir un véritable idéal européen. Celui-ci se fonde sur la protection des droits de l'Homme avec un accent particulier mis sur les droits des plus faibles et des plus vulnérables, les droits des enfants, ceux des femmes, des minorités religieuses ou encore le respect de la non-discrimination ou de la liberté d'expression.

M. Frattini n'entend pas limiter ce combat au seul continent européen mais bien classer le respect des droits universels parmi les grandes questions stratégiques du XXI e siècle, à l'instar de la lutte contre le terrorisme ou le désarmement nucléaire. L'Italie souhaiterait qu'au sein des Nations unies chaque Etat soit tenu par une obligation de protéger les droits élémentaires de la personne.

Aux yeux du gouvernement italien, la question des migrations est d'une importance capitale en ce début de siècle. Celle-ci doit être adoptée sous une double approche : lutter contre l'immigration clandestine et préparer parallèlement des parcours d'intégration pour les migrants en situation régulière. Une telle démarche passe par la mise en place de véritables partenariats entre le continent européen et les pays africains notamment. Par ailleurs, le parcours en vue de l'acquisition de la citoyenneté doit être complexe et ne pas être assimilé à un « cadeau ».

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité interroger M. Frattini sur la situation des Roms dans son pays :

« Aucun État membre, malheureusement, n'est irréprochable à l'endroit de la communauté Rom, mais il semblerait que la situation en Italie soit particulièrement préoccupante. Des agressions, des démolitions de campement très médiatisées ont suscité de vives inquiétudes, notamment de la part de notre Commissaire aux droits de l'Homme. Je voulais donc connaître quelles mesures le gouvernement italien a prises, ou entend prendre, afin de mieux respecter les libertés et les droits des Roms. »

Le ministre a tenu à rappeler les actions mises en oeuvre par son pays :

« Vous parlez de faits qui se sont produits il y a plus de deux ans, d'épisodes de violence qui ont visé des citoyens non italiens. Mais les actions de l'Italie ont été très claires : nous avons collaboré avec la Roumanie pour mettre en oeuvre une action de prévention commune sévère vis-à-vis de ceux qui commettent des crimes. Nous avons engagé une politique d'aide à ces populations, en commençant par les enfants Roms pour lesquels nous dépensons des dizaines de milliers d'euros par an, ce qui est loin d'être le cas de tous les pays membres de l'Union européenne.

Nous le faisons parce que nous avons la conviction que c'est juste mais aussi parce que nous avons constaté que les autorités roumaines ont, dès le départ, collaboré.

Je peux vous assurer que même la presse la plus critique à l'encontre du gouvernement italien ne soulève plus cette question, ni sur le plan national ni sur le plan international, car elle est résolue depuis longtemps. »

ANNEXES

Annexe 1 - Proposition de résolution de M. Jean-Claude Mignon et plusieurs de ses collègues : Suivi de la réforme du Conseil de l'Europe

(document n°12163)

La présente proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée et n'engage que ses signataires

1. L'Assemblée parlementaire a adopté, le 1er octobre 2009, à la quasi unanimité, la Résolution 1689 et la Recommandation 1886 sur "l'avenir du Conseil de l'Europe à la lumière de ses soixante années d'expérience", basées sur le rapport de M. Jean-Claude Mignon.

2. L'Assemblée se félicite des mesures annoncées par M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, dont elle approuve les orientations et le contenu.

3. Compte tenu de l'importance du sujet, et dans le souci d'appuyer et de suivre les démarches de rénovation ainsi engagées, l'Assemblée décide de suivre de près le processus de réforme de l'Organisation.

Signé :

• MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

AGRAMUNT FONT DE MORA Pedro, Espagne, PPE/DC

BADRÉ Denis, France, ADLE

BÉTEILLE Laurent, France, PPE/DC

BREMER Tor, Norvège, SOC

CEBEC Erol Aslan, Turquie, PPE/DC CHRISTOFFERSEN Lise, Norvège, SOC

COUSIN Alain, France, PPE/DC

GARDETTO Jean-Charles, Monaco, PPE/DC

GRAHAM Sylvi, Norvège, PPE/DC

GREFF Claude, France, PPE/DC

GRIGNON Francis, France, PPE/DC

GROSS Andreas, Suisse, SOC

HARUTYUNYAN Davit, Arménie, GDE

HAUGLI Håkon, Norvège, SOC

LIPIÑSKI Dariusz, Pologne, PPE/DC

MOTA AMARAL João Bosco, Portugal, PPE/DC

PERNASKA Lajla, Albanie, PPE/DC

POZZO di BORGO Yves, France, PPE/DC

PUCHE RODRÍGUEZ-ACOSTA Gabino, Espagne, PPE/DC

REISS Frédéric, France, PPE/DC

ROCHEBLOINE François, France, PPE/DC

ROUQUET René, France, SOC

TEKELOÐLU Mehmet, Turquie, PPE/DC

TOSHEV Latchezar, Bulgarie, PPE/DC

Annexe 2 - Proposition de résolution de Mme Gisèle Gautier et plusieurs de ses collègues : Davantage de femmes dans les instances de décision économiques et sociales

(document n°12144)

La présente proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée
et n'engage que ses signataires

1. Les femmes sont généralement sous-représentées dans les instances de décision économiques et sociales, alors qu'elles participent de manière croissante au monde du travail. Les conseils d'administration et de surveillance des entreprises, publiques comme privées, les instances dirigeantes des organisations syndicales et professionnelles, des organismes consulaires et des grandes associations professionnelles, ainsi que la justice prud'homale demeurent insuffisamment mixtes, de telle sorte que la représentation des femmes et des hommes dans la prise de décision n'est guère équilibrée.

2. Cet accès inégal aux instances de décision et de supervision ne constitue pas seulement une discrimination. Il est également préjudiciable à la bonne gouvernance économique. Plusieurs études montrent ainsi que la présence des femmes est profitable aux performances des entreprises. Favoriser l'accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales ne poursuit pas seulement un objectif de justice. Il s'agit aussi d'accroître la rentabilité des entreprises, d'améliorer leur productivité et de créer davantage d'emplois. Enfin, l'entrée d'une part plus importante de femmes dans le vivier des « hauts potentiels » contribuerait à offrir aux femmes un déroulement de carrière plus motivant.

3. La promotion des femmes dans la prise de décision ne concerne pas que la sphère politique, par la recherche de la parité par exemple. Elle doit aussi viser les secteurs économique et social. D'ailleurs, plusieurs États membres ont pris des mesures, soit incitatives soit contraignantes, pour accroître la place des femmes dans les instances de décision. Des États membres ont également fait le choix de modifier leur constitution pour lever un éventuel obstacle juridique au vote d'une loi favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

4. Il paraît donc nécessaire que l'Assemblée, sur la base de l'étude des bonnes pratiques des États membres, formule des propositions visant à favoriser, dans le domaine économique et social, la parité hommes/femmes dans les équipes dirigeantes.

Signé :

• GAUTIER Gisèle, France, PPE/DC

ABLINGER Sonja, Autriche, SOC

BÉTEILLE Laurent, France, PPE/DC

BLANCO TERÁN Rosa Delia, Espagne, SOC

BLONDIN Maryvonne, France, SOC

BURYKINA Natalia, Fédération de Russie, GDE

CARLONI Anna Maria, Italie, SOC

CIRCENE Ingrida, Lettonie, PPE/DC

COLEIRO PRECA Marie-Louise, Malte, SOC

ÈURDOVÁ Anna, République tchèque, SOC

ERR Lydie, Luxembourg, SOC

FERIÆ-VAC Mirjana, Croatie, SOC

FRAHM Pernille, Danemark, GUE

GAJDÙKOVÁ Alena, République tchèque, SOC

GALE Anita, Royaume-Uni, SOC

GREFF Claude, France, PPE/DC

IGA Traian Constantin, Roumanie, PPE/DC

JOHN-CALAME Francine, Suisse, SOC

KELE Birgen, Turquie, SOC

KYRIAKIDOU Athina, Chypre, ADLE

LECOQ Jean-Paul, France, GUE

LEYDEN Terry, Irlande, ADLE

LOTMAN Aleksei, Estonie, GUE

MARIN Christine, France, PPE/DC

MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

OHLSSON Carina, Suède, SOC

QUINTANILLA BARBA Carmen, Espagne, PPE/DC

REISS Frédéric, France, PPE/DC

REPS Mailis, Estonie, ADLE

RIBA FONT Maria Pilar, Andorre, SOC

ROTH Karin, Allemagne, SOC

ROTNICKA Jadwiga, Pologne, PPE/DC

RUPPRECHT Marlene, Allemagne, SOC

STAVROSITU Maria, Roumanie, PPE/DC

STULIGROSZ Micha, Pologne, PPE/DC

STUMP Doris, Suisse, SOC

TINDEMANS Elke, Belgique, PPE/DC

WILLE Paul, Belgique, ADLE

ZHIDKIKH Vladimir, Fédération de Russie, GDE

Annexe 3 - Proposition de résolution de M. François Rochebloine et plusieurs de ses collègues : Pour l'abandon de la vengeance individuelle en Albanie

(document n°12165)

La présente proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée
et n'engage que ses signataires

1. La prééminence du droit est l'une des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe, l'une des bases de toute démocratie véritable, comme le rappelle le préambule de cette Organisation.

2. Cette prééminence du droit suppose notamment que les conflits soient réglés par la justice, et non à travers des vengeances personnelles.

3. Il est donc particulièrement choquant de constater qu'en Albanie, un code de l'honneur d'un autre temps autorise le meurtre de la famille du coupable au nom de la vengeance, et ce pendant sept générations !

4. De telles pratiques sont totalement incompatibles avec les valeurs du Conseil de l'Europe.

5. En conséquence, l'Assemblée parlementaire recommande à l'Albanie de lutter avec la plus extrême vigueur contre cette coutume.

Signé: ROCHEBLOINE François, France, PPE/DC

AGHAJANYAN Artsruni, Arménie, NI

AGRAMUNT FONT DE MORA Pedro, Espagne, PPE/DC

BADRÉ Denis, France, ADLE

BARNETT Doris, Allemagne, SOC

CONDE BAJÉN Agustín, Espagne, PPE/DC

DÍAZ TEJERA Arcadio, Espagne, SOC

FOURNIER Bernard, France, PPE/DC

GROSSKOST Arlette, France, PPE/DC

HUNAULT Michel, France, GDE

JOHN-CALAME Francine, Suisse, SOC

LONCLE François, France, SOC

MARIN Christine, France, PPE/DC

de MELO Maria Manuela, Portugal, SOC

MENDONÇA Ana Catarina, Portugal, SOC

PUCHE RODRÍGUEZ-ACOSTA Gabino, Espagne, PPE/DC

QUINTANILLA BARBA Carmen, Espagne, PPE/DC

ROUQUET René, France, SOC

RUSTAMYAN Armen, Arménie, SOC

SCHUSTER Marina, Allemagne, ADLE

Annexe 4 - Résolution 1704 (2010) - La liberté de religion et autres droits de l'homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane en Thrace (Grèce orientale)

1. Le Conseil de l'Europe a vocation à promouvoir la tolérance mutuelle afin de contribuer à la coexistence pacifique des religions. Le Conseil de l'Europe a déjà souligné que les croyances et les traditions religieuses sont une dimension à part entière de la culture et a reconnu que la connaissance des religions joue un rôle important dans le cadre de la compréhension et du respect mutuels.

2. Le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension interreligieuse, est un moyen pour que la diversité des cultures européennes devienne une source d'enrichissement mutuel. Comme l'a récemment rappelé le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe « l'existence dans [un] pays de groupes minoritaires, qu'ils soient « nationaux », « religieux » ou « linguistiques », devrait être considérée non pas comme un important facteur de division, mais comme un important facteur d'enrichissement de la société ».

3. Le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sont les pierres angulaires de la diversité culturelle et religieuse. Elles doivent être accompagnées de mesures proactives notamment de la part des gouvernements et des acteurs de la société civile des États membres.

4. L'Assemblée parlementaire est consciente que la question des minorités religieuses en Grèce et en Turquie - en raison du poids de l'Histoire - est empreinte d'une charge émotionnelle très grande. Elle constate que la teneur des relations bilatérales entre la Grèce et la Turquie au cours du XX ème siècle a d'ailleurs largement déterminé le traitement de leurs minorités respectives.

5. L'Assemblée insiste sur le fait que les membres des minorités religieuses concernées sont dans les deux cas des citoyens des pays dans lesquels ils résident. Pour des raisons historiques, il est régulièrement fait appel de part et d'autre au principe de réciprocité. Alors que les « États-parents » que sont la Grèce et la Turquie peuvent considérer avoir des responsabilités envers les membres des minorités religieuses dans le pays voisin, ce sont bien en premier lieu les pays où vivent les minorités qui sont responsables pour leurs propres citoyens, y compris les membres des minorités religieuses respectives.

6. L'Assemblée souligne que la Cour européenne des droits de l'homme a affirmé, dans l'arrêt Apostolidi et autres c. Turquie, que « la Convention déborde le cadre de la simple réciprocité entre États contractants ».

7. Pourtant, se basant sur l'article 45 du Traité de Lausanne et évoquant la « réciprocité » en l'interprétant en termes négatifs, la Grèce comme la Turquie ont, parfois, remis en cause plusieurs des droits de leurs citoyens membres des minorités protégées par ce Traité.

8. L'Assemblée considère que le recours récurrent de ces deux États au principe de réciprocité pour refuser la mise en oeuvre des droits garantis aux minorités concernées par le Traité de Lausanne est anachronique et pourrait compromettre la cohésion nationale de chacun des pays en ce début de XXI ème siècle.

9. L'Assemblée invite la Grèce et la Turquie à traiter tous leurs citoyens sans discrimination, sans prendre en compte la façon dont l'État voisin pourrait traiter ses propres citoyens. Elle les appelle également à mettre pleinement en oeuvre les principes généraux en matière de droits des minorités nationales développés dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui s'appliquent indépendamment de la ratification, ou non, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157) et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n°148).

10. D'une manière générale, l'Assemblée partage entièrement la position du Commissaire aux droits de l'homme selon laquelle « le droit à l'auto-identification ethnique constitue un principe majeur sur lequel devrait se fonder toute société démocratique pluraliste et qu'il devrait être effectivement appliqué à toutes les minorités, qu'elles soient nationales, religieuses ou linguistiques » et dont l'expression doit être compatible avec l'unité nationale.

11. L'Assemblée se joint au Commissaire dans sa préoccupation à ce que la diversité et l'existence des groupes minoritaires puissent s'exprimer.

12. L'Assemblée constate que la Grèce comme la Turquie ont témoigné récemment d'une plus grande compréhension des spécificités inhérentes aux minorités qui font l'objet de cette résolution. L'Assemblée se félicite d'une certaine prise de conscience de la part des autorités des deux pays qui ont apporté des témoignages de leur engagement afin de trouver des réponses appropriées aux difficultés auxquelles doivent faire face les membres de ces minorités.

13. Des démarches ont été entreprises de part et d'autre de la frontière en vue d'améliorer la situation de ces minorités. L'Assemblée salue également de récents événements, notamment la visite historique du Premier ministre grec en Turquie, en janvier 2008, et sa rencontre avec son homologue turc - expression d'une volonté constructive et de respect mutuel.

14. Cependant, des questions restent en suspens et nécessitent que les deux États poursuivent leurs efforts; efforts qui ne sauront aboutir sans un dialogue ouvert et constructif avec les membres des minorités concernées.

15. L'Assemblée encourage les autorités des deux pays à tout mettre en oeuvre afin de modifier la perception vis-à-vis des membres de ces minorités, qui sont parfois vus comme des étrangers dans leur propre pays. Il est d'une importance capitale que tant les membres de la majorité que les membres des minorités comprennent et ressentent que ces derniers sont des citoyens à part entière de leur pays de résidence.

16. L'Assemblée encourage par ailleurs les deux pays à signer et/ou ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires serait aussi un signe de compréhension et d'acceptation des spécificités culturelles.

17. La Grèce et la Turquie doivent également prendre toute la mesure de l'enjeu que représente l'éducation des membres des minorités. Les gouvernements doivent s'assurer que le niveau d'enseignement dans les écoles des minorités est de qualité et permet une intégration pleine et entière des enfants issus des minorités au sein de la communauté nationale, tout en préservant leur identité culturelle.

18. En ce qui concerne spécifiquement la Grèce, l'Assemblée demande instamment aux autorités grecques:

18.1. d'apporter le soutien approprié aux écoles des minorités afin qu'elles soient en mesure d'assurer un enseignement de qualité; notamment à travers la mise en circulation, attendue de longue date, de certains livres scolaires pour les écoles des minorités qui ont été remis à jour en 1997 dans le cadre d'un projet financé par l'Union européenne et en envisageant la possibilité de créer de nouvelles écoles d'enseignement supérieur pour les minorités;

18.2. de garantir que l'Académie pédagogique spéciale de Thessalonique (EPATH) dispense un enseignement de qualité à la fois en langue grecque et en langue turque afin d'assurer une formation adéquate aux futurs instituteurs des écoles de la minorité musulmane de Thrace;

18.3. de soutenir durablement - y compris financièrement - les initiatives visant à une meilleure compréhension entre les membres de la minorité musulmane et la majorité et à un meilleur apprentissage de la langue grecque par les membres de cette minorité, et notamment le programme « Education des enfants musulmans », l'éducation étant un facteur d'intégration et de compréhension;

18.4. de mettre pleinement en oeuvre la loi n° 3647 de février 2008 dont les dispositions devraient être en mesure de régler, pour une partie substantielle, les problèmes - en souffrance depuis plusieurs décennies - liés au statut juridique des vafks (fondations de la minorité musulmane);

18.5. de permettre à la minorité musulmane de choisir librement ses muftis en tant que simples chefs religieux (c'est-à-dire sans prérogatives judiciaires), par élection ou par nomination, et ainsi d'abolir l'application de la charia - laquelle soulève de sérieuses questions de compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'Homme - ainsi que l'a préconisé le Commissaire aux droits de l'Homme;

18.6. de veiller à ce qu'il n'y ait pas de tentative visant à imposer une identité à une personne ou à un groupe de personnes, même par des représentants d'autres groupes au sein de la minorité concernée, dans le respect de l'esprit de l'article 3 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;

18.7. de poursuivre le développement économique et en matière d'infrastructures de la Thrace, par exemple en explorant la possibilité de faire usage des programmes de l'Union européenne en mettant en place des zones de revitalisation rurale ou des zones franches dans cette région;

18.8. de régler le plus rapidement possible les cas des personnes encore affectées par le retrait de leur nationalité grecque en vertu de l'article 19 (aujourd'hui abrogé) du code de la nationalité, y compris le cas des personnes devenues apatrides en application dudit article bien qu'elles ne résident plus en Grèce;

18.9. de mettre pleinement en oeuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme concernant la liberté de religion et d'association, notamment eu égard à la dénomination des associations et d'autoriser ces dernières à utiliser le qualificatif `turc' dans leur nom si elles le souhaitent;

18.10. de mettre pleinement et rapidement en oeuvre la législation de 2008 prévoyant des quotas pour l'accès des membres de la minorité musulmane à la fonction publique;

18.11. d'encourager le développement par les médias d'un code de déontologie en matière de respect pour les minorités religieuses, compte tenu du rôle fondamental qu'ils peuvent jouer dans la perception de ces minorités par la majorité, et de sanctionner tout appel à la haine relayé dans les médias, conformément aux principes énoncés dans la recommandation n° R (97) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le discours de haine;

18.12. d'organiser une campagne nationale contre le racisme et l'intolérance en insistant sur le fait que la diversité doit être perçue non comme une menace mais comme une source d'enrichissement.

19. En ce qui concerne spécifiquement la Turquie, l'Assemblée demande instamment aux autorités turques:

19.1. d'apporter des solutions constructives concernant la formation du clergé des minorités religieuses et l'octroi de permis de travail aux membres du clergé étrangers;

19.2. de reconnaître la personnalité juridique du patriarcat orthodoxe oecuménique d'Istanbul, du patriarcat arménien d'Istanbul, de l'archevêché catholique arménien d'Istanbul, de la communauté orthodoxe bulgare au sein des structures du patriarcat orthodoxe oecuménique, du grand rabbinat, et du vicariat apostolique d'Istanbul; l'absence de personnalité juridique qui touche toutes les communautés ayant des conséquences directes en termes de droit à la propriété et de gestion des biens;

19.3. de trouver une solution concertée avec les représentants de la minorité en vue de la réouverture de l'école théologique grecque-orthodoxe de Heybeliada (séminaire de Halki), notamment en officialisant par écrit la proposition de rouvrir le séminaire en tant que département de la faculté de théologie de Galatasaray afin d'ouvrir de réelles négociations sur cette proposition;

19.4. de laisser le libre choix au patriarcat orthodoxe oecuménique d'Istanbul d'utiliser le qualificatif « oecuménique »;

19.5. de régler la question de l'enregistrement des lieux de culte et la question des propriétés mazbut confisquées depuis 1974, qui doivent être rendues à leurs propriétaires ou à leurs ayant-droits ou, lorsque la restitution des biens s'avère impossible, prévoir leur indemnisation équitable;

19.6. de veiller à ce que le monastère syriaque orthodoxe de Mor Gabriel, l'un des plus anciens monastères chrétiens du monde, fondé en 397 après Jésus-Christ, ne soit pas dépossédé de ses terres et à ce qu'il soit protégé dans son intégralité. L'Assemblée est également préoccupée par la situation actuelle concernant l'appropriation illégale de nombreux terrains appartenant historiquement et juridiquement à une multitude d'autres monastères syriaques anciens, églises et propriétaires dans le sud-est de la Turquie;

19.7. de reconnaître, promouvoir et protéger la population syriaque en tant que minorité, autochtone de la Turquie du sud-est, conformément au Traité de Lausanne et aux conventions internationales connexes qui garantissent leurs droits fondamentaux et leur dignité ; cela impliquera, mais sans s'y limiter, de développer officiellement leur éducation et de tenir des offices religieux dans leur langue maternelle, l'araméen;

19.8. de prendre des mesures concrètes pour permettre l'accès des membres des minorités nationales dans les forces de police, dans l'armée, dans la magistrature et dans l'administration;

19.9. de condamner fermement toute violence envers les membres de minorités religieuses, qu'il s'agisse de citoyens turcs ou non, de mener des enquêtes efficaces et de poursuivre avec célérité les responsables de violences ou de menaces à l'encontre de membres de minorités religieuses, notamment en ce qui concerne l'assassinat d'un prêtre catholique italien en 2006 et de trois protestants en avril 2007 à Malatya;

19.10. de mener à bien les poursuites judiciaires concernant l'assassinat de Hrant Dink en 2007. L'Assemblée invite en particulier le parlement turc à donner suite sans tarder au rapport de sa sous-commission chargée d'enquêter sur l'assassinat de Hrant Dink, rapport qui a mis en lumière des erreurs et des négligences de la part des forces de sécurité et de la police nationale sans lesquelles ce meurtre aurait pu être évité;

19.11. de s'assurer de la mise en oeuvre de la circulaire sur la liberté de religion des citoyens turcs non musulmans, émise par le ministère de l'Intérieur le 19 juin 2007, et à en évaluer l'impact;

19.12. de mettre pleinement en oeuvre la loi n°3998 qui prévoit que les cimetières appartenant aux communautés minoritaires ne peuvent pas être cédés aux municipalités empêchant ainsi la construction d'habitations observées dans certains cimetières juifs;

19.13. de se pencher sérieusement sur le problème de la profanation du cimetière catholique du quartier d'Edirne-Karaagac, qui est un lieu de sépulture sacré pour les catholiques polonais, bulgares, italiens et français, et de permettre la remise en état des monuments funéraires et les tombeaux détruits de ce cimetière;

19.14. de faire évoluer la législation afin de permettre aux enfants issus de minorités non musulmanes, mais n'ayant pas la nationalité turque, d'accéder aux écoles des minorités;

19.15. de mettre en oeuvre la Résolution 1625 (2008) de l'Assemblée relative à Gökçeada (Imbros) et Bozcaada (Ténédos): préserver le caractère biculturel des deux îles turques comme un modèle de coopération entre la Turquie et la Grèce dans l'intérêt des populations concernées;

19.16. de mettre en place l'institution du médiateur (en suspens depuis 2006), sa mise en place revêtant une importance clé afin d'éviter les tensions dans la société;

19.17. d'ériger en crimes les discours antisémites et autres discours de haine, notamment toute forme d'incitation à la violence contre des membres des minorités religieuses, en conformité avec la Résolution 1563 (2007) de l'Assemblée « Combattre l'antisémitisme » et la Recommandation de politique générale n° 9 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur la lutte contre l'antisémitisme;

19.18. d'encourager le développement par les médias d'un code de déontologie en matière de respect pour les minorités religieuses, compte tenu du rôle fondamental qu'ils peuvent jouer dans la perception de ces minorités par la majorité, et à sanctionner tout appel à la haine relayé dans les médias, conformément aux principes énoncés dans la recommandation n° R (97) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le « discours de haine »;

19.19. d'organiser une campagne nationale contre le racisme et l'intolérance en insistant sur le fait que la diversité doit être perçue non comme une menace mais comme une source d'enrichissement.

20. L'Assemblée demande aux gouvernements de la Grèce et de la Turquie de l'informer des progrès réalisés concernant chacun des points des paragraphes 16, 18 et 19 de la présente résolution d'ici février 2011.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page