III. LE DYNAMISME DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SECURITÉ ET DE DÉFENSE (PESD) ET LES PERSPECTIVES OFFERTES PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE

A. ÉTAT DES LIEUX

La présidence suédoise de l'Union européenne était particulièrement bien représentée au cours de cette session. En effet, le Secrétaire d'État M. Hakan Jevrell a présenté à l'Assemblée un bilan des avancées acquises dans le domaine de la défense au cours de la présidence suédoise, tandis que M. Göran Lennmarker, éminent parlementaire suédois, a davantage insisté sur les relations de l'Union avec son voisinage et leurs conséquences pour la sécurité européenne.

Bilan de la présidence suédoise de l'Union européenne dans le domaine de la PESD

• Intervention de M. Hakan Jevrell, secrétaire d'État à la défense, représentant la présidence suédoise de l'Union européenne

M. Jevrell a débuté son allocution par un rapide bilan de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) visant à souligner son dynamisme depuis 1998. Ainsi, en dix ans d'existence, celle-ci a organisé 22 missions et opérations impliquant 70 000 personnes sur quatre continents.

M. Jevrell a ensuite insisté sur les perspectives offertes par le traité de Lisbonne pour consolider la PESD. Selon lui, le traité de Lisbonne ouvre un nouveau chapitre de la PESD : le cadre institutionnel est renforcé, de même que les capacités d'action extérieures, la planification et la gestion des crises. A cet égard, la mise sur pied du service européen d'action extérieure sera décisive.

M. Jevrell a rappelé que la Suède avait fait de la PESD l'une de ses priorités, et a donc présenté les résultats obtenus dans ce domaine au cours des six mois écoulés.

La présidence suédoise s'est efforcée d'accroître la flexibilité d'usage des groupements tactiques . En effet, ceux-ci n'ont encore jamais été utilisés sur le terrain, alors qu'ils sont devenus des outils d'intervention extérieure et qu'ils peuvent être déployés en dix jours seulement. Jusque là, la volonté politique a fait défaut. Le débat organisé par la présidence suédoise a abouti à une directive politique du Conseil européen dans le sens d'une flexibilité accrue des groupements tactiques.

En outre, la présidence suédoise s'est attachée à améliorer l'efficacité de la surveillance maritime européenne, en s'attaquant à sa fragmentation et sa dispersion. Le Conseil européen a par exemple appelé la Commission européenne à rédiger une feuille de route pour renforcer la coordination des systèmes existants avant la fin 2010.

De plus, la présidence suédoise a pris des initiatives pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne , en s'efforçant de répondre aux problèmes de la fragmentation et du manque de transparence et d'harmonisation de ce secteur stratégique. Ainsi, les ministres de la défense ont adopté en novembre une déclaration politique en vue de travailler à un marché européen des industries de défense plus ouvert, et ont chargé l'Agence européenne de défense de préparer une feuille de route en ce sens.

Enfin, la présidence suédoise a centré ses efforts sur la coordination des capacités civiles et militaires . Il s'agit de créer des synergies dans la planification et l'utilisation des capacités dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC). Les États membres ont accepté d'accentuer leurs efforts en ce sens et un plan de travail sera mis au point au premier semestre 2010 sur un certain nombre de domaines tels que les transports, la logistique, les communications et le soutien médical. La présidence suédoise a également pris plusieurs décisions destinées à faciliter la rapidité d'intervention dans l'organisation d'une mission.

A la suite de cette présentation, M. Jevrell a effectué un rapide tour d'horizon des différentes interventions en cours et s'est félicité de la bonne coopération entretenue avec les principaux partenaires de l'Union sur le terrain au cours de ces six mois. Le Secrétaire d'Etat suédoise à la défense a clos son discours en soulignant les progrès accomplis jusqu'ici tout en reconnaissant qu'il restait encore beaucoup de travail. A cet égard, il a salué le « rôle clé » joué par les parlementaires de l'Assemblée européenne de sécurité et de défense, qui contribuent grandement à renforcer « le soutien des opinions vis-à-vis du travail accompli par l'Union européenne ».

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité avoir plus de précision sur la mise en oeuvre du service européen d'action extérieure :

« Je voudrais tout d'abord rendre hommage à l'action de la présidence suédoise, dont la détermination et l'efficacité ont permis la ratification du traité de Lisbonne. Selon vous, qui avez suivi de près ce dossier, quel sera l'apport des innovations prévues par le traité de Lisbonne dans le domaine de la politique de sécurité et de défense de l'Union ? Je pense en particulier au service européen d'action extérieure. Quelles seront les modalités de sa mise en oeuvre ?

J'aimerais également avoir des informations sur les réalisations de votre présidence dans le domaine de la sécurité énergétique, alors qu'une nouvelle crise gazière ne semble pas exclue pour cet hiver ».

M. Jevrell lui a répondu en ces termes :

« Les mois à venir seront cruciaux s'agissant du développement du service européen d'action extérieure et des suites données au traité de Lisbonne. En ce qui concerne le service d'action extérieure, une décision sera prise au plus tard au mois d'avril. Quant à la PESD, elle fera désormais l'objet d'avancées concrètes dans le cadre du Traité de Lisbonne, celui-ci renforçant incontestablement les possibilités d'agir de l'Union dans le domaine de la sécurité et de la défense. Il est toutefois difficile d'en dire plus à ce stade.

En ce qui concerne la sécurité énergétique, il s'agit là d'une question qui n'entre pas dans mon champ de compétences. Néanmoins, mon pays pourrait se révéler un exemple à suivre dans ce domaine, puisqu'il est entièrement indépendant sur le plan énergétique. C'est en tout cas une question à approfondir ».

Les autres questions ont porté sur les groupements tactiques, notamment le financement de leur déploiement, et sur les conséquences du référendum suisse sur la construction des minarets.

M. Jevrell a convenu que tant que les groupements tactiques ne seraient pas effectivement déployés, se poserait la question de leur avenir, car les contribuables européens finiront pas s'interroger sur leur utilité si on ne s'en sert pas et qu'on les finance en vain. Sur la question des minarets, qui ne concernait pas vraiment la défense européenne, M. Jevrell a reconnu que le résultat de ce référendum pourrait peut-être affecter les relations de l'Union européenne avec les pays musulmans, mais sans approfondir ce sujet délicat.

• Intervention de M. Göran Lennmarker, président de la commission des affaires étrangères du Parlement suédois

M. Lennmarker est le président de la commission des affaires étrangères du Parlement suédois. A ce titre, il fut pendant le semestre de la présidence suédoise le président de la Conférence des Présidents des commissions des affaires étrangères (COFACC). M. Lennmarker est également président émérite de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, qu'il a présidée pendant deux ans, de juillet 2006 à juillet 2008. A ce titre, il jouit d'une grande expérience interparlementaire. Enfin, M. Lennmarker a été nommé représentant spécial de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE pour le Haut-Karabagh, ce qui lui a donné une bonne connaissance de la complexité des conflits du Caucase.

M. Lennmarker a centré son discours sur les relations de l'Union européenne avec son voisinage et avec les pays candidats. Soulignant que l'intégration européenne, engagée en 1948, a connu un succès croissant, il s'est déclaré en faveur de la poursuite du processus d'élargissement de l'Union européenne.

M. Lennmarker a fait part de son optimisme au regard des Balkans. Si la situation reste fragile au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, cette région représente selon lui le processus de désarmement le plus réussi.

En ce qui concerne les six voisins orientaux qui ne font pas partie de l'OTAN, M. Lennmarker estime qu'ils constituent un ensemble cohérent avec lequel l'Union doit renforcer ses relations, dans le cadre du partenariat oriental. Pour cela, il faudra surmonter les conflits dits « gelés ». L'Europe doit prendre toute sa part dans ce processus de pacification. A cet égard, il lui faudra renforcer sa coopération avec le Conseil de l'Europe et de l'OSCE.

Concernant les relations avec la Russie, M. Lennmarker estime qu'il appartient avant tout aux États-Unis de régler les problèmes relatifs aux traités de désarmement, qui sont l'un des piliers pour la stabilité et la sécurité européenne.

M. Lennmarker a plaidé pour la réalisation, grâce au traité de Lisbonne, d'une véritable politique extérieure commune. Selon lui, la PESC ne doit pas servir uniquement à coordonner les politiques nationales mais s'inscrire aussi dans une véritable perspective d'union de tous les États. Selon lui, une Europe forte et efficace serait aussi à l'avantage des États-Unis.

M. Lennmarker a déploré à cet égard les différences importantes entre les systèmes de défense des États membres. En effet, celles-ci nuisent à l'efficacité des budgets de défense. Il s'est donc prononcé en faveur du développement de projets communs dans ce domaine et d'initiatives concertées en ce qui concerne le contrôle d'exportation des armes.

Le parlementaire suédois a clos son discours en insistant sur le renforcement de la dimension parlementaire à deux niveaux dans le cadre du traité de Lisbonne : le parlement européen et les parlements nationaux, renforcement dont il s'est félicité.

Les échanges avec l'Assemblée ont permis à M. Lenmarker de préciser sa position quant à la coopération entre parlements nationaux et Parlement européen. Le parlementaire suédois a formulé quelques doutes quant à l'avenir de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l'Union européenne (COSAC), « qui ne traite que  de questions formelles ». En revanche, la COFACC aborde le fond des sujets et semble donc plus utile. Le plus important est que le parlement européen ne doit pas se situer au-dessus des parlements nationaux, mais travailler à égalité avec eux, parmi eux.

M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a ensuite interrogé M. Lennmarker sur le partenariat oriental de l'Union européenne :

« Je voudrais remercier M. Lennmarker pour tous les renseignements qu'il nous a fournis et pour le caractère pédagogique qu'ils ont revêtu. Je voudrais, quant à moi, vous interroger sur le partenariat oriental, qui figurait parmi les priorités de la présidence suédoise ; ce partenariat fait partie de la politique européenne de voisinage. Il s'adresse à six pays voisins de l'est de l'Union européenne : l'Ukraine, la Biélorussie, la République de Moldova, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, c'est-à-dire les pays de l'ancienne Union soviétique qui sont dans l'Europe, excepté, bien sûr, les États baltes qui correspondent à un autre ensemble.

Le principal objectif de ce partenariat est de favoriser le rapprochement de l'Union européenne avec ces six pays, à la fois sur le plan bilatéral et multilatéral, à travers la conclusion d'accords d'association notamment.

Je vous poserai trois questions, Monsieur le Président.

Premièrement, le Parlement européen a créé une délégation spécifique dédiée au suivi de ce partenariat, qui prévoit de dialoguer avec les parlementaires des six pays concernés. Quelles ont été les avancées sur ce dossier au cours des six derniers mois, notamment au regard de la dimension parlementaire de ce partenariat oriental ?

Deuxièmement, quelle sera la place des parlements nationaux des Vingt-sept États membres de l'Union européenne dans ce dispositif ?

Enfin, troisième question, pensez-vous que ce partenariat oriental, sur lequel on fonde de grands espoirs pour pacifier et stabiliser la région concernée, pourra contribuer efficacement à la résolution des conflits du Caucase, alors qu'il se fait en l'absence de la Russie ? »

Le parlementaire suédois lui a répondu en ces termes :

« Le partenariat oriental a enregistré de nombreux progrès mais nécessite d'associer également la société civile. Un mécanisme de décision adéquat doit être trouvé au niveau du Parlement européen. Sans doute, une instance de consultation ouverte serait-elle judicieuse. Il n'est pas nécessaire en tout cas de créer un nouvel organe interparlementaire.

Au niveau des 27 États membres de l'Union européenne, des actions bilatérales entre parlements doivent être organisées en fonction des besoins spécifiques des pays. Il est certain que le rôle des parlements doit être renforcé si l'on veut que le processus de démocratisation des sociétés européennes aboutisse. On doit toutefois respecter les différents rythmes de chacun.

Quant au Caucase, c'est une question que je connais bien puisque j'ai été chargé de l'approfondir au sein de mon parlement. Pour régler ces conflits, il faut leur donner une perspective européenne, en se rappelant notamment que l'Europe unie est née de deux grands conflits. Dans la région du Caucase, les frontières des territoires ne sont pas véritablement définies. Trois nouveaux pays indépendants pourraient apparaître et coopérer un jour comme le font aujourd'hui les pays de l'Europe occidentale, opposés dans le passé. Une chose est sûre : je suis convaincu que les pays de la Mer noire sont européens à part entière.

Enfin, en ce qui concerne la Russie, il ne fait aucun doute qu'elle doit être associée et non pas exclue du partenariat oriental. Il n'est dans l'intérêt de personne d'accroître les divisions au sein de l'Europe, et la Russie elle-même tirera bénéfice de voisins prospères et forts. Dans l'Europe de demain, chaque État aura droit au respect de sa souveraineté ».

Les informations fournies par les Conseils de l'Union européenne et l'UEO

La commission politique a préparé un rapport faisant le point sur les informations fournies par les conseils de l'Union européenne et de l'UEO sur la PESD.

En effet, les Conseils de l'Union européenne et de l'UEO diffusent régulièrement plusieurs documents destinés à informer les délégations nationales, les parlementaires et l'opinion publique des nouveaux développements survenus dans le domaine de la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne.

Dans le cadre de l'Union, les deux publications les plus importantes sont le « rapport de la présidence sur la PESD » et le « document du Conseil sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ».

Au sein de l'UEO, le Conseil est tenu, en application du traité de Bruxelles modifié, de présenter à l'Assemblée un rapport annuel écrit sur ses activités. Or, depuis le transfert des fonctions exécutives de gestion de crise de l'UEO à l'Union européenne, le rapport annuel du Conseil a progressivement perdu une grande part de son intérêt, du fait de l'érosion de son contenu en particulier.

Le rapport de MM. Hancock et Santini présente tous les rapports des Conseils de l'Union européenne et de l'UEO et propose une analyse critique des réponses du Conseil de l'UEO aux recommandations de l'Assemblée.

On insistera ici davantage sur le rapport annuel du Conseil de l'UEO. Présenté le 25 août 2009, celui-ci porte sur les six premiers mois de l'année 2009. Il met l'accent en particulier sur la mise en oeuvre de la stratégie européenne de sécurité et sur les groupements tactiques.

Le projet de recommandation propose au Conseil de l'Union européenne de publier régulièrement un rapport écrit sur la mise en oeuvre de la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) , qui remplacerait les rapports semestriels de la présidence sur ce thème. En outre, il suggère au Conseil de l'Union de transmettre tous ses rapports sur la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne simultanément au Parlement européen, aux parlements nationaux des États membres de l'UE et à l'Assemblée. Le projet de recommandation encourage par ailleurs les États membres à redoubler d'efforts dans le cadre de l'Union européenne afin de développer les capacités civiles et militaires de gestion de crise, notamment pour accroître la souplesse, la déployabilité et l'utilité des groupements tactiques. Enfin, il recommande de favoriser, dans le cadre de l'UEO et de l'Union européenne, la tenue d'un débat parlementaire sur la politique européenne de sécurité et de défense en s'appuyant sur les dispositions du traité de Lisbonne et en utilisant les forums d'échanges interparlementaires existants.

La démarche du rapport en vue d'une plus grande transparence de l'information étant très consensuelle, le rapport et le projet de recommandation n'ont pas fait l'objet d'un débat, si ce n'est quelques commentaires élogieux. Cependant, on notera qu'un amendement oral présenté par Mme Curtis Thomas a été adopté, par dérogation au règlement (insertion du mot « interopérabilité » au point 4 du projet de recommandation). En outre, Mme Curtis Thomas a suggéré de demander aux ministres de commenter les rapports sur la PESD, afin de garantir une vraie discussion entre l'Assemblée et le pouvoir exécutif. Tout en approuvant cette suggestion, les rapporteurs ont relevé qu'elle impliquerait de disposer d'une administration adaptée.

On soulignera le caractère très positif du rapport de MM. Hancock et Santini, qui constitue une initiative utile en faveur de la transparence, et qui devrait contribuer à sensibiliser les parlementaires et le grand public aux questions relatives à la défense européenne.

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