B. PERSPECTIVES DE LA PESD

Les priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne en matière de défense

Comme lors de chaque session de décembre, l'Assemblée a invité un représentant de la présidence entrante de l'Union européenne pour lui présenter ses priorités, notamment dans le domaine de la politique extérieure et de la défense.

Le représentant de la présidence espagnole de l'Union européenne, M. Fernandez Arias Minuesa, a tout d'abord félicité la présidence suédoise d'avoir obtenu des accords politiques sur de nombreux domaines nécessaires à l'application effective du traité de Lisbonne, et a fait part de la détermination de l'Espagne, qui entame sa quatrième présidence, à mettre en application le traité de Lisbonne, avec un Parlement et une Commission renouvelés.

M. Arias Minuesa a ensuite présenté les différentes priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne.

Sur le plan institutionnel , celle-ci s'efforcera d'avancer sur trois sujets essentiels : l'initiative législative populaire, prévue par l'article 11-4 du traité de Lisbonne ; l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme ; le Service européen d'action extérieure.

Sur le premier dossier, la Commission européenne a publié un Livre vert et la présidence espagnole lui a demandé des propositions formelles dans les meilleurs délais, afin que le Règlement d'application de cette initiative soit adopté d'ici le mois de juin 2010. Sur le second sujet, il convient d'ouvrir des négociations avec le Conseil de l'Europe. L'unanimité sera requise, ce qui en fera un dossier délicat.

Concernant le service européen d'action extérieure, M. Arias Minuesa espère que la création de celui-ci permettra d'améliorer la communication avec l'opinion publique, à laquelle l'Espagne attache beaucoup d'importance. En outre, il est permis d'espérer que ce service évitera les chevauchements et la dispersion au sein de l'action extérieure, et qu'elle rendra l'action de l'Union européenne plus cohérente et plus lisible. La Présidence espagnole veillera à ce que ce service soit opérationnel le plus tôt possible. M. Arias Minuesa rappelle à cet égard que le Conseil a fixé comme délai limite le mois d'avril 2010 . Enfin, le représentant espagnol estime que le service européen d'action extérieure devra être autonome, bénéficier d'un budget spécifique et d'un personnel suffisant.

Sur la question de l'élargissement , la présidence espagnole s'attachera au strict respect des critères de Copenhague. L'Espagne s'efforcera ainsi de donner un nouvel élan aux négociations avec la Turquie, en soulignant le rôle stratégique de ce pays et son effort pour moderniser son économie. M. Arias Minuesa est conscient que cette candidature suscite des réactions controversées dans l'Union, mais le débat devra se poursuivre, sur un terrain plus technique que politique.

Le processus d'adhésion de la Croatie est déjà bien avancé et l'on peut espérer que les négociations aboutiront en 2010, même si certains problèmes politiques perdurent, à commencer par les relations avec la Slovénie à propos du différend territorial.

Dans le domaine des relations extérieures et de la défense , l'Espagne ambitionne d'intensifier l'action de l'Union, en particulier en renforçant son rôle d'acteur mondial. Pour cela, la présidence espagnole organisera neuf sommets de chefs d'État et de gouvernement . Le sommet régional entre l'Union européenne, l'Amérique latine et les Caraïbes visera à améliorer la qualité des relations entre ces deux zones et à promouvoir des mécanismes facilitant les investissements. Le Sommet avec les États-Unis constituera un moment clé de la présidence espagnole. Le Sommet avec le Canada permettra quant à lui de passer de nouveaux accords commerciaux avec ce pays qui présidera le G8 au premier semestre 2010. La présidence espagnole organisera en outre le premier Sommet entre l'Union et le Mexique, à la suite de l'adoption d'un partenariat stratégique avec ce pays. Bien sûr, l'Espagne organisera le second Sommet de l'Union pour la Méditerranée, qui permettra de faire progresser ce projet ambitieux, à travers l'adoption d'un programme de travail et l'installation d'un secrétariat permanent à Barcelone. Enfin, des Sommets seront organisés avec le Maroc, l'Afrique du Sud, le Japon, et le Pakistan.

Au-delà de ces Sommets, M. Arias Minuesa souligne l'importance accordée par la présidence espagnole au processus de paix au Moyen-Orient, aux relations avec la Russie et avec l'Afrique, notamment au regard de la lutte contre la piraterie maritime et de la résolution des conflits du Darfour, du Sud-Soudan et de la région des Grands lacs.

Une autre priorité de la présidence espagnole dans les relations extérieures sera de consolider une position commune de l'Union dans le cadre de la conférence d'adhésion au Traité de non-prolifération et des travaux sur un traité international pour la réglementation du commerce des armes. De plus, l'Espagne attachera un intérêt particulier à la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union européenne contre le terrorisme. Enfin, la présidence espagnole cherchera bien sûr à renforcer les compétences de gestion de crises de l'Union, y compris concernant la planification et la conduite des opérations. De même, elle s'efforcera d'obtenir une mise en application rapide des procédures de lancement des opérations et de mises à disposition des forces , ainsi que des mécanismes de financement adaptés. Il conviendra aussi de conforter les relations avec l'OTAN et d'améliorer la coopération institutionnelle avec les Nations Unies.

La présentation ambitieuse du représentant de la présidence espagnole a suscité de nombreuses questions de la part des parlementaires. Ainsi, certains ont interrogé M. Arias Minuesa sur la position de la présidence espagnole au regard de l'avenir de l'UEO. Le représentant espagnol a simplement souligné que son gouvernement reconnaissait la valeur ajoutée incontestable de l'Assemblée, notamment dans son rôle de relais auprès des opinions publiques européennes.

Les parlementaires ont également interrogé le représentant sur la règle qui sera utilisée pour fixer la composition du service européen d'action extérieure et sur l'adhésion de la Croatie, souhaitant savoir si celle-ci serait liée à celle de l'Islande. M. Arias Minuesa a indiqué que les cas de l'Islande et de la Croatie seraient traités séparément, et que le respect par cette dernière de ses obligations envers le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie serait un préalable incontournable. Concernant le Service européen d'action extérieure, le représentant espagnol a précisé que la proportion des fonctionnaires issus des États membres par rapport aux fonctionnaires issus de des institutions européennes n'avait pas encore été définie. Il a assuré les parlementaires qu'elle serait représentative et que le système fonctionnerait sans doute par tiers. Il a insisté sur la question de la mobilité des fonctionnaires, qui devront changer de poste tous les trois ou quatre ans, afin d'éviter la paralysie des institutions et de leur donner davantage de flexibilité.

M. Arias-Minuesa a, par la suite, été interrogé sur l'Afghanistan, le Moyen-Orient, la Birmanie et l'Iran. Sur le Moyen-Orient, il répondu de façon conventionnelle, se contentant de répéter que l'Union européenne devait travailler de concert avec les États-Unis et que l'ensemble des acteurs de la région devaient naturellement être associés à la recherche d'une solution. Sur l'Afghanistan, il a souligné que l'Union européenne devait soutenir l'action des Américains et de l'OTAN dans la région, et travailler notamment au renforcement des institutions civiles et à l'instauration d'un État de droit. En outre, il a insisté sur l'importance pour les alliés d'être perçus sur le terrain comme des amis et des associés, et non comme des envahisseurs. Au regard de la Birmanie, il a convenu que la Junte faisait actuellement des gestes d'ouverture et qu'il conviendrait de suivre ces évolutions. Enfin, le représentant espagnol a rappelé que l'Iran constituait un vrai défi diplomatique pour la communauté internationale et qu'il convenait d'avancer unis dans ce dossier.

D'autres questions ont porté sur les Balkans occidentaux et la nécessité d'une résolution des conflits territoriaux préalable aux futurs élargissements, sur les actions que l'Espagne entend mener contre la piraterie durant sa présidence, et sur les mesures que compte prendre la présidence espagnole pour lutter contre l'immigration clandestine.

M. Arias Minuesa a estimé qu'une conférence sur les Balkans serait une bonne idée, tout en soulignant la nécessité de maintenir le rythme des réunions annuelles. S'agissant de la piraterie, il a souligné que la Somalie n'était pas un cas isolé, et que ce phénomène pouvait affecter gravement les échanges entre l'Europe et l'Asie. Enfin, le représentant espagnol a répondu que l'immigration clandestine était une question complexe, affectant de nombreux pays. Il a reconnu la lenteur des avancées sur ce dossier, malgré plusieurs initiatives, comme le processus de Rabat lancé par son pays ou le travail du Groupe 5+5. Sur ce dossier, une forte cohérence des politiques communautaires ainsi qu'une forte solidarité entre les Vingt-sept s'impose.

Enfin, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SOC) a interrogé M. Arias Minuesa sur les groupements tactiques :

« Monsieur l'Ambassadeur, la présidence espagnole est-elle prête à poursuivre l'action de la présidence suédoise pour rendre plus flexible l'emploi des groupements tactiques 1500, Battle Groups de l'Union européenne, afin de donner à l'Union européenne une réelle capacité de réponse rapide ? »

M. Arias Minuesa lui a répondu en ces termes :

« L'Espagne a adhéré à ce projet lancé sous présidence française et repris sous présidence suédoise. La question des capacités est essentielle, étant entendu qu'une plus grande souplesse dans le déploiement des groupements tactiques devrait s'imposer. S'ils ne sont pas la seule solution pour la résolution des conflits, ils ont le grand mérite d'être le résultat d'une volonté politique. Il faut donc progresser dans le sens d'une utilisation plus souple ».

Renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BIDTE)

Alors qu'elle s'était déjà intéressée à ce sujet au cours de la session de décembre 2008, la commission technique et aérospatiale a de nouveau présenté un rapport sur le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), enjeu qui lui paraît crucial pour l'avenir stratégique de la défense européenne. Ce rapport s'est accompagné d'un colloque organisé avec la présidence suédoise de l'Union européenne ayant pour thème « Renforcer la BITDE ».

La BITDE peut se définir comme la somme des bases et des capacités nationales , plus la valeur ajoutée de l'approche commune ou coopérative des États européens membres de l'Union européenne et de l'OTAN. En effet, la BITDE a simultanément trois dimensions : nationale, européenne, et transatlantique/internationale. Ces trois aspects sont imbriqués à tous les niveaux de la décision et de la mise en oeuvre de politiques et initiatives dans ce domaine.

Écartée des traités fondateurs de la coopération économique et de la coopération politique européennes, la BITDE a été rattrapée à la fin des années 1990 par la dynamique de la construction européenne, incarnée dans l'Union européenne. La modeste avancée qui a confirmé cette progression fut la création, en 2003-2004, de l'Agence européenne de défense. Cependant, l'Agence manque d'effectifs et de crédits et elle ne gère pas elle-même de programmes. Certes, elle a élaboré des outils utiles, tel le code de déontologie pour les marchés publics des industries de défense, mais leur usage demeure facultatif, ce qui est regrettable.

Plus récemment, la Commission européenne a adjoint à cette base industrielle, par le biais d'une communication et de deux Directives, la dimension communautaire qui lui manquait jusqu'ici. Ce faisant, la Commission entend jouer un rôle de régulateur en matière de choix industriels, technologiques et de marché, dans un domaine qui est encore réservé aux États, en vertu de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne.

Cet article a été repris dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui fait partie du traité de Lisbonne, dans la septième partie intitulée « Dispositions générales et finales (articles 346 à 348) ». Les nouveaux textes prenant acte des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, la portée de l'article 296 y est davantage circonscrite.

Cependant, la BITDE échappe encore dans une large mesure au domaine de compétences de l'Union européenne, que ce soit dans la sphère intergouvernementale ou communautaire . Ce concept est tellement vaste et flexible et a tant d'implications - politiques, économiques, technologiques et sociales, par exemple - qu'il peut difficilement être contrôlé, dans son action, par un centre décisionnel unique.

Dans leur présentation, les deux rapporteurs ont rappelé que la BITDE représentait cinquante milliards d'euros , soit le tiers du budget des industries de défense aux États-Unis. Ils ont également souligné les faiblesses importantes dont souffre encore cette BITDE : une fragmentation et une duplication des programmes, ainsi qu'un manque d'interopérabilité . Le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne réalisent les deux tiers des dépenses. La fragmentation du marché européen de la défense est une source de gâchis pour les finances publiques. La coordination est d'autant plus nécessaire que le contexte est aux coupes budgétaires.

Les recommandations adoptées à l'unanimité portent sur les points suivants : il s'agit de poursuivre les efforts au sein de l'Agence européenne de défense pour identifier et définir les besoins communs ; d'allouer une part croissante des dépenses et des investissements de défense aux programmes d'équipements et de technologies de défense décidés en commun ; de respecter les directives de la Commission européenne en matière de marchés publics de défense, de compensations et de transferts de technologies de défense ; et de maintenir, à défaut de pouvoir l'augmenter, l'effort budgétaire en prévoyant en particulier des mesures d'incitations dans le domaine de la recherche et du développement.

En conclusion, les deux rapporteurs ont appelé leurs collègues à se faire les défenseurs des recommandations adoptées auprès de leurs gouvernements nationaux, l'objectif principal étant de pouvoir lancer une grande campagne en faveur des investissements dans le domaine de la défense.

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