C. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DE L'UNION EUROPÉENNE

L'Union européenne et les missions de maintien de la paix des Nations unies

La commission de la défense évalue chaque année l'apport de l'Union européenne dans les missions de maintien de la paix menées par les Nations unies à l'échelle planétaire. Constatant un décalage entre l'importance du financement assuré par l'Union européenne et sa faible représentation au sein des états-majors sur les théâtres d'opérations, les rapporteurs, Mme Ine Aasted-Madsen (Groupe fédéré - Pays Bas) et M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), ont présenté une proposition de recommandation destinée à corriger de telles disparités.

Comme l'a souligné M. René Rouquet dans son intervention, les opérations actuellement en cours en Bosnie-Herzégovine et au Tchad sont assez révélatrices :

« Depuis le début des années 1990, le nombre des opérations internationales de maintien de la paix sous mandat des Nations unies ne cesse de croître. Le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU - DPKO - doit donc faire face à une charge de travail en constante augmentation. Ces opérations, qui mobilisaient environ 25 000 hommes dans les années 1995, dépassent aujourd'hui le chiffre record de 100 000 hommes.

L'Union européenne entre techniquement dans la catégorie des « arrangements régionaux » définis par le Chapitre VIII de la Charte des Nations unies. Cet aspect revêt une importance accrue depuis que l'Union européenne a développé ses capacités propres à lancer des missions internationales et de maintien de la paix.

Concernant les liens institutionnels entre l'ONU et l'Union européenne, ces dernières années, les deux organisations se sont rapprochées. Leurs liens ont pris de l'importance au moment du lancement de la première mission de PESD et de la signature de la première déclaration commune. L'Union européenne s'engageait alors, en 2003, à soutenir l'ONU et à coopérer avec elle.

Depuis 2003, l'Union européenne et les Nations unies ont pris des initiatives pour la mise en oeuvre de ces engagements. Des limites précises ont néanmoins été fixées aux relations entre l'Union européenne et l'ONU en mettant l'accent sur le contrôle exercé par le Comité politique et de sécurité sur les missions de l'Union européenne, le caractère ponctuel de ces dernières et le fait que l'Union ne saurait être un réservoir de forces.

Il y a également d'importantes disparités dans le domaine de la constitution de forces entre l'ONU et l'Union européenne. L'Union européenne peut répondre à une forte demande de capacités, due à l'augmentation des interventions de maintien de la paix de l'ONU, et se compose d'un groupe de pays bien pourvus sur le plan matériel. Néanmoins, les contributions que les États membres de l'Union européenne fournissent à l'ONU, sur les plans financier et humain, sont asymétriques. Ils financent près de 40 % du budget des Nations unies, mais fournissent moins de 2 % des troupes déployées en Afrique. Bien que l'Union européenne ait récemment assumé davantage de missions sous mandat de l'ONU et fourni davantage d'hommes, les missions conduites par l'ONU sont généralement composées en majeure partie d'effectifs n'appartenant pas à l'Union européenne.

Les opérations sur le terrain, telles que l'opération EUFOR Tchad/RCA, révèlent également des carences. Pour corriger les dysfonctionnements parfois dus au fait que « des méthodes de financement ou une logistique différentes ont entravé la coopération », une proposition a été déposée lors de l'examen post-mission de l'EUFOR Tchad/RCA, en vue d'arrêter un accord plus permanent s'inspirant de l'accord de coopération entre l'Union européenne et l'ONU sur le financement et la logistique au Tchad.

Mes chers collègues, compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je voudrais en venir directement, vous laissant le soin de vous référer à mon rapport, à la Bosnie-Herzégovine.

Une délégation, conduite par le président de notre commission, Doug Henderson, a effectué une mission d'information en Bosnie-Herzégovine en octobre dernier.

La délégation a pu rencontrer M. Valentin Inzko, Haut représentant / représentant spécial de l'Union européenne, le général Stefano Castagnotto, commandant de l'EUFOR, les ambassadeurs du Royaume-Uni et de France, M. Selmo Cikotic, ministre de la défense de Bosnie-Herzégovine, ainsi que des représentants de l'OSCE. La délégation s'est également déplacée à Banja Luka, deuxième ville du pays et capitale de la Republika Srpska, afin de rendre visite à une équipe de liaison et d'observation de l'EUFOR.

Ces diverses rencontres avec des personnalités de l'EUFOR et de Bosnie-Herzégovine ont permis à la délégation de dresser un état des lieux détaillé de la situation dans laquelle la Bosnie-Herzégovine se trouve actuellement.

La Bosnie-Herzégovine est le pays où le nombre le plus élevé d'instruments de PESD a été déployé. L'Union européenne a su relever les principaux défis à la gestion et à la coordination de ses missions qui se sont déroulées simultanément et en tirer le meilleur. Cependant, la situation politique reste tendue. Dans leur majorité, les principaux acteurs internationaux ont exprimé le souhait de clôturer le bureau du Haut représentant qui détient actuellement l'autorité exécutive sur le pays et de transférer ces pouvoirs aux autorités bosniaques. Mais jusqu'à présent, ces dernières n'ont pas rempli les conditions qui permettraient la fermeture du bureau du Haut représentant, et le mandat d'EUFOR ALTHEA a été reconduit jusqu'à la fin de l'année 2010.

EUFOR ALTHEA compte actuellement 2 000 hommes, dont un déploiement de la Force de gendarmerie européenne pour sa composante police exécutive, d'environ 130 gendarmes, et une unité de police intégrée qui peut être déployée afin d'aider la police bosnienne en cas de troubles dans la population. Celle-ci a d'ailleurs effectué un exercice de pacification de manifestants lors de la visite de la délégation de l'Assemblée.

Les principaux objectifs de l'opération ALTHEA sont les suivants : en premier lieu et avant tout, maintenir un climat de sécurité en Bosnie-Herzégovine et veiller à ce que l'Accord de paix de Dayton, accord-cadre général pour la paix, continue à être respecté ; en second lieu, apporter son soutien au Haut représentant de la communauté internationale / représentant spécial de l'Union européenne pour la Bosnie-Herzégovine, M. Valentin Inzko, ainsi qu'aux autorités locales.

L'EUFOR soutient également la mise en oeuvre de nombreuses tâches qui ont été transférées aux autorités locales, en matière d'activité anti-mines, de contrôle de l'espace aérien inférieur et de contrôle des mouvements militaires, notamment autour des sites où sont entreposées des armes. L'EUFOR joue aussi un rôle très actif dans la traque de suspects recherchés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Concernant l'avenir de la présence de l'EUFOR, quatre options apparaissent aujourd'hui :

premièrement, maintenir le statu quo, c'est-à-dire maintenir la présence du Haut représentant et celle de l'EUFOR, ce qui engendrerait la poursuite de la politique de faiblesse des institutions de Bosnie-Herzégovine et la nécessité de conserver la présence de l'EUFOR en l'état ;

deuxièmement, revoir et réduire les effectifs de l'EUFOR en gardant le même mandat mais en envisageant plus largement la possibilité de faire appel à des renforts, force dite « au-delà de l'horizon » - de l'OTAN ;

troisièmement, transformer la mission actuelle en mission « non exécutive » se concentrant sur l'entraînement et le renforcement des capacités, en combinaison avec une plus grande collaboration de l'OTAN ;

quatrièmement, conclure la mission EUFOR ALTHEA et planifier un retour des troupes dans un délai de six mois.

Aux yeux du commandant des troupes de l'EUFOR, rencontré lors de la visite de la sous-commission, la meilleure option est la troisième. Elle permettrait de réduire de près de 80 % les effectifs déployés pour conserver environ 200 hommes en Bosnie. Cette mission aurait un mandat de deux ans et serait chargée d'assumer les tâches d'entraînement et de conseil pour les opérations de déminage et de destruction d'armes et de munitions.

Les 18 et 19 novembre dernier, les directeurs politiques du PIC ont rencontré les dirigeants des sept principaux partis politiques bosniaques. Le PIC a exprimé sa profonde préoccupation face à l'insuffisance des progrès accomplis par les autorités bosniennes en vue d'atteindre les cinq objectifs et de satisfaire aux deux conditions qui demeurent nécessaires pour fermer le bureau du Haut représentant.

La décision de ne pas fermer le bureau du Haut représentant en 2009 tient compte du fait qu'il reste encore plusieurs questions à régler, à savoir : fixer les droits de propriété entre l'État et les autres niveaux de gouvernement ; améliorer le plan adopté récemment sur l'élimination des munitions, des armes et des explosifs ; renforcer la coordination fiscale en veillant au bon fonctionnement de certaines autorités fiscales ; et accélérer la mise en oeuvre de la stratégie nationale sur le traitement des crimes de guerre et sur la réforme du secteur de la justice nationale.

Le Bureau du Haut représentant avait déjà dû user des pouvoirs de Bonn le 30 janvier 2008 lorsque, au bout d'un an de discussions entre les autorités en place à Mostar concernant la nomination d'un maire et l'adoption du budget, il a chargé le conseil municipal de Mostar d'organiser l'élection municipale de son maire conformément au Statut de la ville. L'incapacité des autorités locales à élire un maire et la crise financière qui a suivi, faute de pouvoir adopter un budget, montrent l'ampleur des défis.

La décision de prolonger le mandat de l'EUFOR ALTHEA et de ne pas fermer le bureau du Haut représentant est fondée sur le fait que les autorités bosniennes, en particulier celles de la Republika Srpska, n'ont pas fait la preuve d'une maturité politique suffisante pour résoudre les problèmes qui ont fait obstacle à l'atteinte des objectifs et à la réalisation des conditions préétablie s. »

La recommandation telle qu'adoptée insiste sur la nécessité d'accroître au sein de l'Union européenne les efforts en vue de développer les capacités d'intervention et de soutien des forces européennes, notamment en termes de mobilité et d'interopérabilité. L'Assemblée profite de ce texte pour apporter son soutien aux opérations actuellement menées en Bosnie-Herzégovine et au Darfour.

La surveillance maritime européenne

Dans la lignée de la recommandation adoptée il y a un an sur la lutte contre la piraterie, la commission de défense a souhaité présenter devant l'Assemblée une proposition de recommandation jetant les bases d'une véritable coopération en matière de surveillance maritime. Le rapport n'appelle pas à la création d'une nouvelle structure continentale mais bien à une convergence des organismes déjà mis en place : Agence européenne de sécurité maritime, Frontex, systèmes de suivi du trafic des navires Long Range Identification and Tracking (LRIT) et SafeSeaNet (SSN) et dispositif de lutte contre la pollution maritime CleanSeaNet (CSN).

L'initiative de la Commission s'inscrit parallèlement dans le prolongement des actions récemment entreprises par l'Union européenne, qu'il s'agisse du renforcement de Frontex décidé lors du Conseil européen des 29 et 30 octobre deniers ou de l'intensification du dialogue avec la Turquie sur les questions de migration. La proposition de recommandation de la Commission entend, par ailleurs, appuyer les tentatives de coopérations militaires mises en place par l'Union (EUNAVFOR ATALANTA au large des côtes somaliennes) ou par la communauté internationale (collaboration Inde-Russie-Japon notamment).

La recommandation telle qu'adoptée préconise l'acquisition de plateformes nationales dédiées à la surveillance maritime. Elle propose parallèlement la fusion des systèmes de suivi LRIT, SSN et CSN au sein d'un système commun. Elle appelle à la multiplication des équipes de protection embarquées sur les navires (EPE) afin de renforcer la sécurité des embarcations en transit tout en renforçant la protection aérienne. Elle invite en outre les États membres à donner suite à la proposition des Nations unies relative à la création d'un Tribunal pénal international spécialement dédié aux affaires de piraterie.

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