N° 361

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mars 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) à la suite d'une mission effectuée du 15 au 25 septembre 2009 par une délégation chargée d'étudier la réforme du système de santé aux États-Unis ,

Par M. Alain VASSELLE, Mme Jacqueline ALQUIER, MM. François AUTAIN, Gilbert BARBIER, Bernard CAZEAU, Jean DESESSARD, Adrien GIRAUD, Mme Sylvie GOY-CHAVENT et M. André LARDEUX,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, M. Nicolas About , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Alors qu'une réforme de grande ampleur du système de santé vient d'être adoptée aux Etats-Unis, votre commission des affaires sociales a souhaité mieux en comprendre les enjeux en effectuant une mission d'étude en Californie du 10 au 18 septembre 2009. Sa délégation, conduite par Alain Vasselle, rapporteur général, et dont André Lardeux, Sylvie Goy-Chavent, Bernard Cazeau, Jacqueline Alquier, Jean Desessard, Adrien Giraud, François Autain et Gilbert Barbier étaient membres, s'est d'abord rendue à Sacramento, capitale de l'Etat, puis à San Francisco et à Los Angeles.

Le choix de la Californie s'est imposé sans peine : dans cet Etat, le plus grand de l'Union avec trente-sept millions d'habitants, la part de la population dépourvue d'assurance maladie est supérieure à la moyenne nationale, alors que l'électorat, majoritairement démocrate, est plus favorable à la création d'une assurance maladie universelle que dans le reste des Etats-Unis. Ce paradoxe fait de la Californie un territoire particulièrement approprié pour comprendre les faiblesses de l'organisation traditionnelle du système de santé américain et les obstacles à sa réforme.

La Californie est un Etat très avancé sur le plan des technologies et de la recherche médicale. Certains des hôpitaux visités par la mission sont parmi les meilleurs du monde, grâce aux techniques de pointe auxquelles ils ont recours et à l'excellence de leurs équipes. Cependant, la situation très dégradée de ses finances publiques, qui s'explique pour partie par la crise économique mais aussi par l'incapacité persistante du Parlement local à adopter les mesures de redressement nécessaires, pose en termes crus la question de l'accès du plus grand nombre à des soins de qualité.

La réforme voulue par le Président Barack Obama, qui répond à une promesse de campagne, vise, à la fois, à garantir que chaque Américain sera assuré contre le risque maladie et à maîtriser l'évolution des dépenses de santé, qui sont les plus élevées au monde. Or ces deux objectifs sont en partie contradictoires : financer l'assurance maladie des cinquante millions d'Américains qui en sont aujourd'hui dépourvus aura un coût élevé, qui rend l'objectif de modération des dépenses de santé d'autant plus difficile à atteindre.

Pour fournir une assurance maladie à l'ensemble des Américains, l'administration Obama et la majorité démocrate au Congrès ont décidé de mieux réglementer le marché de l'assurance privée, de rendre obligatoire la souscription d'une assurance et de subventionner l'assurance des plus modestes. Les économies escomptées résulteraient d'une plus grande efficacité dans l'organisation du système de soins et de l'accent nouveau mis sur la prévention.

Les entretiens et les visites auxquels la délégation a procédé au cours des trois étapes de son voyage lui ont permis d'enrichir son information et sa réflexion sur ces différents aspects de la réforme du système de santé. Ils l'ont aidée à mesurer à quel point l'organisation du système de santé exprime les valeurs d'une société.

La délégation tient à remercier les services des consulats de France à San Francisco et à Los Angeles, ainsi que ceux de l'Ambassade de France aux Etats-Unis, pour leur contribution précieuse à l'élaboration de son programme de travail et au parfait déroulement de son déplacement. Elle remercie également celles et ceux, aux Etats-Unis, qui ont accepté de consacrer un peu de leur temps à la recevoir.

I. LA RÉFORME COMPLEXE DE L'ASSURANCE MALADIE

L'assurance maladie aux Etats-Unis peut être décrite comme un système mixte, dans la mesure où elle dépend pour partie du secteur privé et pour partie du secteur public. Si ses règles générales d'organisation sont définies au niveau fédéral, les Etats et les comtés disposent d'une certaine marge de manoeuvre pour les adapter au niveau local. La réforme qui vient d'être adoptée à Washington D.C. poursuit un objectif principal : garantir que la quasi-totalité des Américains dispose à l'avenir d'une assurance maladie. Son coût financier apparaît cependant considérable et une partie de l'opinion américaine est peu disposée à accepter l'effort de solidarité qui est la condition de son succès.

A. L'ASSURANCE MALADIE AUX ETATS-UNIS : UN SYSTÈME MIXTE

La majorité des Américains sont couverts par une assurance privée, financée principalement par leur employeur. Ceux âgés de plus de soixante-cinq ans ou qui disposent de revenus modestes bénéficient en revanche d'un régime d'assurance publique (Medicare ou Medicaid).

1. Les assurances privées

Dans les entreprises d'une certaine taille, c'est l'employeur qui prend en charge la plus grande partie du coût de l'assurance.

a) Les contrats de groupe proposés par l'employeur

Environ 60 % des Américains âgés de moins de soixante-cinq ans, soit environ 158 millions de personnes , sont couverts par une assurance privée prise en charge, pour l'essentiel, par leur employeur. L'assureur peut être une compagnie privée à but lucratif, comme Aetna ou Cygna, ou une organisation à but non lucratif, comme Blue Cross/Blue Shield.

En 2009, le montant annuel moyen des primes d'assurance s'élève à 4 824 dollars pour un salarié célibataire et à 13 375 dollars pour couvrir une famille de quatre personnes (le salarié et ses ayants droit) 1 ( * ) . Ces montants sont élevés si on les compare au salaire médian américain, qui est de l'ordre de 50 000 dollars par an.

En moyenne, le salarié garde à sa charge 17 % du montant des primes s'il est célibataire et 27 % pour une famille de quatre personnes. Ces moyennes dissimulent d'importantes disparités, qui tiennent surtout à la taille de l'entreprise. Dans les grands groupes, l'employeur prend couramment en charge 80 % du montant des primes d'assurance ; dans une entreprise de taille moyenne (deux cents salariés par exemple), le taux de prise en charge sera plutôt de l'ordre de 50 %. Les salariés les moins qualifiés et ceux employés dans les plus petites entreprises ne bénéficient généralement pas d'une assurance financée par leur employeur.

Le taux de remboursement pratiqué par les compagnies d'assurance est rarement de 100 %, de sorte que la plupart des salariés doivent assumer une partie de leurs frais médicaux. Le plus souvent, le contrat d'assurance prévoit que les remboursements n'interviennent qu'au-delà d'un certain niveau de dépenses effectuées en cours d'année. Le montant de cette « franchise » peut varier de 600 à 1 800 dollars en fonction du type de contrat. Une fois que ce montant est atteint, une partie des dépenses reste encore à la charge de l'assuré, selon une logique de « ticket modérateur ». Les trois quarts des assurés doivent s'acquitter d'une contribution forfaitaire à chaque fois qu'ils consultent leur médecin tandis que 14 % d'entre eux doivent payer un pourcentage du prix de la consultation.

b) Les assurances individuelles

Environ 4 % des Américains sont couverts par une assurance individuelle dont ils assument la totalité du coût. Il s'agit essentiellement de salariés qui ne sont pas couverts par un contrat de groupe, de travailleurs indépendants ou de retraités qui souhaitent une assurance complémentaire.

Sur le marché de l'assurance individuelle, le montant des primes varie considérablement en fonction de l'état de santé de l'assuré : une personne jeune et en bonne santé s'acquittera de primes d'un montant raisonnable tandis qu'une personne âgée ou souffrant d'une maladie chronique devra verser des primes d'un montant élevé, voire n'aura accès à aucune police d'assurance. Les contrats d'assurance individuels sont généralement moins protecteurs que les contrats de groupe et laissent une part plus importante des dépenses à la charge de l'assuré.

* 1 Source : Employer Health Benefits - 2009 Annual Survey, by the Kaiser Family Foundation and Health Research and Educational Trust. Ces données ont été recueillies à partir d'un sondage réalisé auprès de deux mille employeurs comptant au moins trois salariés.

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