C. LES PISTES DE SOLUTION

La mission a été intéressée par le modèle de Kaiser Permanente qui lui a été présenté à Oakland. S'il n'est pas réaliste d'envisager que ce modèle soit généralisé à l'ensemble des Etats-Unis, le projet qui vient d'être adopté par le Congrès propose d'expérimenter de nouvelles formes de rémunération des médecins et de nouvelles méthodes de coordination entre professionnels de santé, qui peuvent s'inspirer des pratiques en vigueur chez Kaiser.

1. Le modèle Kaiser Permanente

Fondée en 1945, Kaiser Permanente est une entreprise intégrée qui, à la fois, assure ses clients et les soigne : elle dispose, à cet effet, de son propre réseau de médecins et de ses propres hôpitaux. Les personnes assurées chez Kaiser ne peuvent se faire soigner que par les médecins ou dans les hôpitaux qui font partie de son réseau.

a) Une organisation propice à la maîtrise des dépenses

Chez Kaiser, les médecins ne sont pas rémunérés à l'acte mais sont salariés. Leur salaire est fixé par référence au revenu moyen des médecins dans la zone où ils sont installés. Ils ne sont donc pas incités à multiplier les actes.

En outre, Kaiser contrôle rigoureusement leur activité : ils reçoivent, chaque mois, un document qui évalue leurs résultats et les compare avec ceux de leurs confrères ainsi qu'avec les objectifs fixés par l'entreprise. Cette évaluation s'appuie sur des indicateurs de santé (nombre de tests de dépistage du cancer effectués, nombre de malades dont l'hypertension est sous contrôle, etc.) et sur des sondages effectués auprès des clients (degré de satisfaction, délai pour obtenir un rendez-vous ou une réponse à un courrier électronique...). Une fraction, comprise entre 5 % et 10 %, de la rémunération des médecins dépend de leur évaluation.

Ces dernières années, Kaiser a beaucoup investi dans son équipement informatique : tous ses clients disposent désormais d'un dossier médical consultable en ligne , auquel chaque médecin employé par Kaiser peut avoir accès. De plus, un logiciel aide le médecin à choisir, pour une pathologie donnée, le traitement le plus approprié.

Un comité national négocie avec les laboratoires le prix des médicaments. Kaiser emploie 80 % de génériques, ce qui est une source supplémentaire d'économies.

Cette organisation rigoureuse permet à Kaiser de pratiquer des tarifs inférieurs de 5 % à 10 % à ceux de ses concurrents, malgré d'importants investissements, dans l'informatique, tout en obtenant de bons résultats du point de vue de la santé de ses patients : selon Kaiser, ceux-ci ont par exemple une probabilité de mourir d'une maladie cardiaque inférieure de 30 % à la moyenne américaine.

b) Un modèle répandu en Californie

Kaiser n'est pas la seule entreprise à appliquer ce modèle, connu aux Etats-Unis sous le nom de Health Maintenance Organization (HMO). Elle est cependant la plus puissante, puisqu'elle assure 8,6 millions de personnes, emploie 166 000 salariés, dont 41 000 infirmières et 14 000 médecins, compte trente-cinq hôpitaux et produit un chiffre d'affaires annuel de 40 milliards de dollars. Mais Kaiser n'est présente que dans neuf Etats américains, ainsi que dans le district de Columbia, la Californie représentant de loin son marché le plus important.

Tous les HMO n'atteignent pas le même degré d'intégration que Kaiser : beaucoup d'assureurs passent des contrats avec des médecins et des hôpitaux pour constituer leur réseau, sans employer directement des professionnels de santé. Dans les HMO qui n'emploient pas directement leurs médecins, c'est le paiement par capitation qui est privilégié : le médecin perçoit chaque mois une somme forfaitaire pour chaque patient qui est inscrit à son cabinet, indépendamment du nombre d'actes effectués. Ainsi les médecins ne sont pas incités à multiplier les actes mais, au contraire, à rechercher la meilleure efficacité.

La Californie se distingue du reste des Etats-Unis par la place qu'y occupent les HMO : en 2008, 63 % des Californiens adhéraient à cette formule, alors que le chiffre était seulement de 32 % au niveau national. Cette prépondérance des HMO a contribué à y ralentir la hausse des dépenses de santé 24 ( * ) .

c) Un modèle qui ne peut être généralisé à l'ensemble des Etats-Unis

Les membres de la mission se sont étonnés, lors de leur entretien chez Kaiser, que l'entreprise, qui détient certes une part de marché importante en Californie, ne domine pas encore plus fortement le marché : pourquoi les clients ne choisissent-ils pas tous Kaiser, si ses prix sont plus bas et que la qualité des soins y est satisfaisante ?

Non sans quelques réticences, Molly Porter, directrice de la formation chez Kaiser, a fini par expliquer que le modèle suivi par son entreprise suscite de la méfiance chez un bon nombre d'Américains : Kaiser a même été accusée d'organiser une médecine socialisée pratiquée par des médecins communistes...

Ces réactions excessives révèlent cependant que le modèle Kaiser heurte les valeurs individualistes de beaucoup d'Américains, qui veulent pouvoir choisir librement leur médecin. Même si le réseau de Kaiser compte cinq cents médecins à Oakland, certains clients jugent par exemple cette offre encore trop restreinte.

Au niveau national, les HMO perdent du terrain depuis le milieu des années quatre-vingt-dix : après avoir beaucoup progressé dans les années quatre-vingt, à une époque où l'augmentation rapide des dépenses de santé était déjà un motif de préoccupation, les clients s'en sont détournés pour retrouver une plus grande liberté de choix de leur médecin ou de leur hôpital.

Les HMO reculent au profit de l'autre modèle d'assurance connu aux Etats-Unis, le preferred provider organization (PPO). Le client qui a signé un contrat de type PPO peut s'adresser au médecin de son choix ; le taux de remboursement appliqué est simplement moins élevé si le médecin est en dehors du réseau constitué par l'assureur.

Outre l'attachement des Américains à la liberté de choix de leur médecin, le développement des PPO a une autre cause : les employeurs, inquiets devant la hausse des primes d'assurance, ont tendance à privilégier de plus en plus les contrats de groupe qui laissent une part significative des dépenses à la charge de leurs salariés. Or, les contrats de type PPO, qui prévoient un paiement à l'acte des médecins, s'y prêtent mieux que les contrats de type HMO, qui offrent au patient une prise en charge plus globale.

* 24 En 1991, les dépenses de santé croissaient au même rythme en Californie et au niveau national ; en 2004, ce rythme était de 12 % inférieur en Californie.

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