3. L'adoption du texte définitif

a) Une difficulté politique inattendue

Après l'adoption de ces deux projets de réforme, le processus législatif aurait dû être mené à son terme assez rapidement : un texte de compromis aurait été négocié, approuvé dans les mêmes termes par les deux chambres, puis promulgué par le Président Obama.

Le décès du sénateur du Massachussetts, Ted Kennedy, le 25 août 2009, et l'élection de son successeur, le républicain Scott Brown, le 19 janvier 2010, a cependant privé le Parti démocrate de la majorité qualifiée de soixante sénateurs nécessaire pour faire échec à toute tentative d'obstruction.

L'élection de Scott Brown, dans un Etat traditionnellement démocrate a révélé un certain désenchantement de l'électorat. Un sondage CNN/ Opinion Research effectué en décembre 2009 a montré que 56 % des Américains étaient hostiles au projet adopté par le Sénat et que 42 % seulement des Américains l'approuvaient. Les Républicains ont réussi à exploiter les inquiétudes de l'opinion concernant le coût de la réforme, sa complexité (les textes en discussion comptaient près de 2 500 pages) et le risque d'empiètement de l'Etat fédéral sur leurs choix en matière d'assurance et de santé.

Ce contexte plus difficile a incité le Président Obama à reprendre l'initiative : il a ainsi rendu public, le 22 février 2010, son propre projet de réforme , qui reprend beaucoup d'éléments contenus dans les projets débattus au Congrès.

Dans le projet de la Maison Blanche, l'Etat fédéral prendrait en charge, entre 2014 et 2017, la totalité des dépenses nouvelles résultant de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de Medicaid ; après cette date, le taux de prise en charge diminuerait pour s'établir à 90 % à partir de 2020. Comme dans le projet sénatorial, une taxe frapperait les polices d'assurance les plus coûteuses, mais seulement à partir de 2018, de façon à laisser aux compagnies le temps d'ajuster éventuellement leurs tarifs. Une nouvelle autorité serait créée, au niveau fédéral, pour surveiller l'évolution des primes d'assurance.

Selon la Maison Blanche, ce projet occasionnerait 950 milliards de dollars de dépenses sur les dix prochaines années, permettant d'assurer 31 millions de personnes supplémentaires. Ces dépenses seraient plus que compensées par des mesures d'économies et par des hausses de recettes, de sorte que la réforme réduirait, au total, le déficit d'environ 100 milliards.

Le 25 février 2010, le Président Obama a invité une quarantaine d'élus républicains et démocrates à venir débattre de la réforme du système de santé. Ce débat, retransmis à la télévision, et qui a duré sept heures et demi, s'est conclu par une invitation à poursuivre les discussions pendant encore quelques semaines pour tenter de dégager un accord entre Républicains et Démocrates.

b) L'adoption définitive du texte du Sénat

Cette invitation au dialogue n'a cependant pas permis d'avancer vers un compromis.

C'est pourquoi, le 21 mars, la Chambre des Représentants a finalement adopté, sans modification, le texte sénatorial , par une majorité de 219 voix contre 213.

Définitivement adopté par le Congrès, le texte a ensuite été transmis au Président Obama qui l'a promulgué le 23 mars.

c) La loi de réconciliation

Comme certains Représentants avaient des réserves sur le texte du Sénat, leur vote favorable a été obtenu en échange de l'engagement que ce texte serait modifié peu de temps après son entrée en vigueur . Au moment où elle adoptait le projet du Sénat, la Chambre a donc approuvé également un texte d'environ cent cinquante pages lui apportant quelques corrections.

Ce texte est intitulé loi de « réconciliation ». Il a, en effet, été adopté, le 25 mars, par le Sénat, selon la procédure dite de « réconciliation », introduite en 1974, initialement pour favoriser l'adoption du budget. Le recours à cette procédure accélérée interdit à une minorité de quarante sénateurs de faire obstacle à l'examen d'un texte.

La loi a été adoptée par cinquante-six voix, toutes démocrates, contre quarante-trois. Un ultime vote de confirmation est intervenu, le même jour, à la Chambre des Représentants : les sénateurs républicains avaient en effet soulevé des problèmes de procédure qui ont conduit à écarter du texte initial quelques dispositions mineures.

Le Président Obama a finalement promulgué le texte le 30 mars 2010.


Les principales modifications apportées par la loi de réconciliation.

Le projet sénatorial excluait les contrats de groupe déjà existants de l'application des nouvelles dispositions destinées à mieux protéger les assurés. La loi de réconciliation leur étend certaines dispositions protectrices : elle interdit, notamment, de fixer un plafond au montant des remboursements qu'un assureur est susceptible de verser à un client au cours de sa vie, elle interdit de résilier un contrat lorsque le patient tombe malade et elle fait bénéficier les enfants de l'assurance de leurs parents jusqu'à l'âge de vingt-six ans .

Pour rendre les assurances plus abordables pour les personnes aux revenus modestes, la loi augmente légèrement le montant du crédit d'impôt qui leur est accordé : de cette façon, un ménage dont les revenus sont compris entre 133 % et 150 % du seuil de pauvreté fédéral n'aura à consacrer que 3 % à 4 % de ses revenus à son assurance santé (contre 4 % à 4,6 % dans le texte du Sénat) ; un ménage dont les revenus atteignent 400 % du seuil de pauvreté fédéral consacrera 9,5 % de ses revenus à son assurance (contre 9,8 % dans le texte sénatorial).

La loi augmente également le montant des aides qui sont accordées aux ménages à faibles ressources pour les aider à assumer la part des dépenses de santé qui reste à leur charge : les ménages dont les revenus sont compris entre 100 % et 150 % du seuil de pauvreté fédéral n'auront plus à prendre en charge que 6 % du coût de leurs dépenses de santé (contre 10 % dans le projet sénatorial) ; ceux dont les revenus sont compris entre 150 % et 200 % de ce seuil s'acquitteront de 13 % des dépenses (contre 20 %) ; ceux dont les revenus sont compris entre 200 % et 250 % de ce seuil s'acquitteront de 27 % des dépenses (contre 30 %).

Le régime des pénalités applicables aux personnes qui ne souscrivent pas d'assurance est modifié : elles sont réduites pour les personnes aux revenus faibles et moyens et alourdies pour les plus hauts revenus.

La pénalité applicable aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne proposent pas d'assurance à leurs salariés est significativement augmentée : elle passe de 750 à 2 000 dollars pour chaque salarié employé à temps plein. Pour éviter que les entreprises ne soient dissuadées d'embaucher un cinquante et unième salarié, la loi prévoit cependant que les trente premiers salariés ne seront pas pris en compte au titre de cette pénalité.

Concernant Medicaid , la loi de réconciliation accroît la contribution financière de l'Etat fédéral afin d'aider les Etats à assurer toutes les personnes dont le revenu est inférieur à 133 % du seuil de pauvreté fédéral. De 2014 à 2016, l'Etat fédéral prendra ainsi en charge 100 % des dépenses supplémentaires entraînées par l'expansion de Medicaid.

Sa contribution diminuera ensuite graduellement, pour se stabiliser à 90 % à partir de 2020. Les Etats qui ont déjà pris des dispositions pour couvrir cette population verront eux aussi la contribution de l'Etat fédéral s'accroître. La loi de réconciliation supprime les dispositions spéciales applicables à certains Etats, notamment celles relatives au Nébraska. Enfin, le montant des remboursements effectués par Medicaid pour les médecins généralistes est aligné, en 2013 et 2014, sur ceux de Medicare ; ce surcroît de dépenses temporaires est entièrement pris en charge par l'Etat fédéral.

En ce qui concerne Medicare , la loi de réconciliation prévoit d'abord de faire disparaître progressivement le « doughnut hole » (littéralement le « trou dans le beignet ») : les personnes couvertes par Medicaid doivent s'acquitter d'une partie de leurs dépenses de médicaments jusqu'à ce que le montant total de ces dépenses atteigne 2 830 dollars ; une fois ce seuil franchi, le patient s'acquitte de la totalité des dépenses ; lorsque les dépenses assumées par l'assuré atteignent un montant total de 4 450 dollars, le patient bascule dans un autre régime ( catastrophic coverage ) et il n'a plus alors à s'acquitter que d'une contribution modeste.

En 2010, les assurés concernés par le « doughnut hole » recevront une aide de 250 dollars puis le niveau des remboursements sera amélioré de sorte qu'il disparaisse complètement en 2020.

Des personnes de plus de soixante-cinq ans sont couvertes par le dispositif dit Medicare Advantage : elles sont assurées par une compagnie privée, généralement un HMO, qui a passé un contrat avec Medicare. Pour faire des économies, la loi de réconciliation prévoit de diminuer de près de 14 milliards de dollars les remboursements de Medicare à ces compagnies, en ciblant celles qui ont des coûts supérieurs à la moyenne, de manière à les inciter à rationaliser leur mode de fonctionnement.

En matière de recettes , la loi de réconciliation réduit substantiellement la taxe applicable aux polices d'assurance les plus coûteuses : d'une part, cette taxe n'entrera en vigueur qu'en 2018, au lieu de 2013, d'autre part, le seuil de taxation est porté de 8 500 dollars à 10 200 dollars, pour une police d'assurance individuelle, et de 23 000 dollars à 27 500 dollars pour une famille.

Pour compenser cette perte de recettes, la taxe sur les salaires, qui contribue au financement de Medicare, va frapper aussi les revenus du capital pour les contribuables dont les revenus annuels excèdent 200 000 dollars (pour un célibataire). De plus, la taxation des compagnies pharmaceutiques est accrue, passant de 22 à 27 milliards de dollars.

Des dispositions visent enfin à lutter contre la fraude et les abus dans le fonctionnement de Medicare et Medicaid.

En tenant compte des modifications apportées par la loi de réconciliation, la réforme devrait permettre de couvrir 95 % des résidents américains contre le risque maladie et de réduire le déficit de l'Etat fédéral de 138 milliards sur les dix prochaines années.

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