2. Des relations compliquées par les tensions entre l'Ukraine et la Russie

L'Ukraine et la Russie entretiennent des relations complexes, voire passionnelles.

Ces relations, encadrées par un traité d'amitié et de coopération reconduit en octobre 2008 pour dix ans, sont denses, pour d'évidentes raisons historiques - Kiev est le berceau du premier Etat russe et les deux États ont partagé 70 ans d'histoire commune au sein de l'Union soviétique - et aussi linguistiques, culturelles et économiques. Les Russes sont, de loin, à la fois les premiers fournisseurs et les premiers clients de l'Ukraine.

Dans le même temps, ces relations ont aussi été marquées, surtout depuis la « Révolution orange », par de nombreux sujets de tensions : démarcation des frontières ; question de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, à laquelle la Russie est vigoureusement hostile ; stationnement de la flotte russe en mer Noire, au moins jusqu'en 2017 ; influence respective des langues russe et ukrainienne ; questions mémorielles, en particulier lorsque l'Ukraine qualifia de génocide la grande famine de 1932-33, dite « Holodomor » ; conflits commerciaux concernant le lait et, bien sûr, le gaz...

L'Ukraine a pu ressentir la politique extérieure russe comme une menace, et plus encore après la guerre qui a opposé la Russie et la Géorgie en août 2008.

Un tel contexte a logiquement conduit l'Union européenne à la prudence. Elle cherche à la fois à se montrer plus attrayante que la Russie et à ne pas devenir l'otage des différends russo-ukrainiens.

En particulier, l'Union européenne est très inquiète des conséquences des « crises du gaz » entre Moscou et Kiev sur son approvisionnement énergétique.

À partir du 1 er janvier 2006, la compagnie russe Gazprom a cessé de subventionner le gaz livré à l'Ukraine et a aligné son prix sur le cours mondial. Cette décision a provoqué une crise ouverte entre les deux pays et la Russie a décidé de « couper le robinet » de gaz, ce qui a provoqué des perturbations dans plusieurs États membres de l'Union européenne. L'Ukraine a alors accepté une augmentation du prix du gaz et l'accès de Gazprom au marché des clients industriels.

Cette crise s'est reproduite au tout début de l'année 2009, lorsque la Russie a cessé de fournir du gaz à l'Ukraine en raison d'un différend portant sur les factures de gaz impayées par celle-ci, pour un montant de deux milliards de dollars, tandis que la Russie augmentait le prix du gaz, imposant ainsi à l'Ukraine le doublement du tarif qu'elle acquittait jusqu'alors. Ce conflit a une nouvelle fois entraîné une interruption de l'approvisionnement en gaz de plusieurs pays européens au milieu d'un hiver particulièrement rigoureux. La crise a finalement été résolue par la conclusion entre les premiers ministres russe et ukrainien de deux contrats sur dix ans (2008-2018), l'un de fourniture de gaz et l'autre de transit. Jusqu'à présent, Naftogaz a été en mesure d'honorer ses obligations de paiement du gaz russe.

L'Union européenne est attentive aux évolutions que connaîtront les relations russo-ukrainiennes avec l'arrivée au pouvoir à Kiev d'une nouvelle équipe.

L'élection de M. Viktor Ianoukovytch va fort probablement se traduire par un renforcement des liens de l'Ukraine avec la Russie . L'élimination du Président Iouchtchenko, « bête noire » du Kremlin, à l'issue du premier tour des élections présidentielles a d'ailleurs conduit la Russie à annoncer l'envoi de son ambassadeur en Ukraine, nommé cinq mois auparavant, mais qui n'avait pas encore pris ses fonctions. Une relation plus apaisée entre Kiev et Moscou est dans l'intérêt des deux pays, et sans doute aussi dans celui de l'Union européenne, qui cherche à conclure un partenariat stratégique avec la Russie. Elle est une condition essentielle pour la stabilité de la région .

Mais jusqu'où ce rapprochement russo-ukrainien peut-il aller ?

Lors de son déplacement à Bruxelles, le 1 er mars 2010, son premier voyage officiel à l'étranger, le Président Ianoukovytch a cherché à rassurer l'Union européenne sur ses intentions . Il a notamment indiqué que l'intégration européenne était la priorité de sa politique étrangère. Il a également souhaité développer avec l'Union européenne une vision commune en matière d'énergie. Il a aussi cherché à démontrer que son déplacement à Moscou, quelques jours après, était délicat. Certes, la Russie peut apporter une assistance substantielle à l'Ukraine, mais aura probablement, en contrepartie, des exigences économiques. En outre, l'équipe du Président Ianoukovytch ne connaît pas les engagements pris par Mme Ioulia Tymochenko lors de ses quatre entretiens avec M. Vladimir Poutine en 2009.

On peut raisonnablement penser que le Président Ianoukovytch cherchera à promouvoir une politique étrangère multilatérale et à trouver un certain équilibre dans ses relations avec la Russie et l'Union européenne. C'est ce qu'il a déclaré à Strasbourg, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : « Selon moi, les relations avec la Russie se caractérisent par l'ouverture de nouvelles opportunités. Ces relations ne signifient pas que nous obligerons les autres pays. Nous souhaitons des relations mutuellement profitables avec tous nos partenaires, la Russie et les autres. Avec la Russie, nous voulons de bonnes relations dans l'intérêt des différentes communautés, ce qui bénéficiera aussi à l'ensemble de nos partenaires. Les relations apaisées avec la Russie seront profitables pour tout le monde ».

À cet égard, il conviendra d'observer de près les conséquences à moyen terme de l'accord que l'Ukraine a récemment conclu avec la Russie en vertu duquel le bail de la flotte russe à Sébastopol, sur la mer Noire, serait prolongé de 25 ans, soit jusqu'en 2042 au lieu de 2017, en échange d'une réduction de 30 % du prix du gaz livré par la Russie, et qui a provoqué une profonde division dans le pays.

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