B. POSER LES BASES D'UNE TRANSFORMATION

Dans son septième rapport, le Cor a énuméré cinq grands objectifs assignés au pilotage d'un système de retraite :

- la pérennité financière ;

- la lisibilité et la transparence ;

- l'équité intergénérationnelle ;

- la solidarité intragénérationnelle ;

- l'articulation entre le système de retraite et d'autres objectifs économiques.

Chacun sait désormais que la pérennité financière du système de retraite français est aujourd'hui menacée. Les développements qui précèdent démontrent que le pilotage de ce système ne permet pas non plus de satisfaire dans de bonnes conditions les objectifs de lisibilité et de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.

La Mecss estime que le rendez-vous 2010 doit être l'occasion de poser les bases d'une réforme structurelle du système de retraite. Une telle réforme ne peut se réaliser que sur une période longue d'environ vingt ans. Aussi, pour que cette transformation voie le jour à l'horizon 2030, il conviendrait de définir dès à présent les principes et la méthode susceptibles de la réaliser.

1. Faire de l'équité et de la lisibilité des objectifs prioritaires

? Vers le rapprochement des régimes

Même si elle appelle de ses voeux une réforme d'ampleur, la Mecss ne croit guère à la création d'un régime unique rassemblant l'ensemble des régimes de base et des régimes complémentaires. La multiplicité des régimes est le fruit d'une histoire, de cultures qu'il serait vain de vouloir ignorer.

En revanche, l'équité, la lisibilité, la transparence appellent un examen attentif des différents régimes et de leurs paramètres pour rechercher les moyens d'organiser les rapprochements qui s'imposent. Les années à venir doivent donc permettre progressivement des convergences entre paramètres, entre régimes, et un renforcement de la lisibilité.

Dans son septième rapport, le Cor a fait valoir la légitimité du rapprochement des régimes de retraite de base :

« De fait, les parcours professionnels sont de plus en plus marqués par les changements de statut. Par exemple, près de la moitié des assurés de la génération 1962 avaient déjà, à l'âge de quarante et un ans, cotisé à plusieurs régimes de base. Or, l'objectif de lisibilité du système de retraite est d'autant plus difficile à atteindre que les assurés sont affiliés à différents régimes aux règles diverses.

« De plus, l'existence de règles différentes contribue à un sentiment, justifié ou non, d'inégalité de traitement voire d'absence d'équité, ce qui est préjudiciable à la confiance dans le système de retraite et à la capacité à accepter des réformes des droits à retraite. Il convient toutefois de rappeler que l'équité entre les assurés ne passe pas nécessairement par l'identité des règles, et que des règles identiques appliquées à des publics différents ne sont pas toujours une garantie d'équité.

« En outre, l'existence de nombreux régimes rend nécessaires des transferts de compensation complexes cherchant à prendre en compte au mieux les différences de situation démographique et de capacité contributive des différents régimes.

« Finalement, compte tenu de la généralisation des régimes complémentaires dans le secteur privé, de l'alignement de certains régimes de base (MSA salariés, RSI) sur le régime général, et du nombre croissant de personnes changeant de secteur professionnel en cours de carrière, la question peut être posée de savoir s'il demeure justifié de distinguer les règles de calcul des retraites des régimes de base fondés sur des critères professionnels ».

Deux options sont envisageables pour rapprocher les régimes de base : faire converger les paramètres des régimes en maintenant l'architecture actuelle, ou bien rassembler certains régimes au sein d'un régime unifié. Ces deux options peuvent également être combinées.

En ce qui concerne les règles de calcul des pensions et les efforts contributifs des régimes, la mission estime que les rapprochements pourraient porter sur :

- le salaire de référence retenu pour le calcul de la pension . A cet égard, l'ensemble des éléments devraient être pris en considération, notamment le fait que la plus grande partie des primes des fonctionnaires n'est pas incluse pour le calcul de la pension. Les rapporteurs relèvent à ce sujet les inconvénients qu'il y a à refuser d'examiner le système de retraite dans son ensemble. La création du régime additionnel de la fonction publique en 2003 rend plus complexe une éventuelle intégration de primes dans le calcul de la retraite des fonctionnaires ;

- les âges d'ouverture des droits : bon nombre des différences d'âges légaux de liquidation ne correspondent plus aujourd'hui à de véritables écarts de pénibilité et pourraient être revus. Toutefois, les rapporteurs ont pleinement conscience que d'importantes réformes récentes ont déjà substantiellement modifié les règles applicables aux régimes spéciaux, de sorte que la résorption des différences d'âges de liquidation ne peut être envisagée que dans la durée ;

- les taux de cotisations , dont les écarts ont pour effet de donner aux différents régimes des taux de rendement substantiellement différents.

Des rapprochements entre régimes pourraient également être envisagés. Comme le notait Jacques Bichot, professeur des universités en économie, « (...) le système français souffre d'être un patchwork hétéroclite de régimes. Là où la plupart des pays voisins ont réussi à unir l'ensemble de leurs régimes ou au moins à ne plus distinguer qu'entre le régime des salariés du secteur privé et celui des fonctionnaires, la France ne progresse qu'à pas très lents dans la simplification de son régime de retraite. (...) Alors que le premier article du code de la sécurité sociale pose le principe de la solidarité nationale, la multiplicité des régimes le contredit directement ».

Si la fusion du régime général et des régimes complémentaires n'apparaît pas aujourd'hui envisageable, d'autres rapprochements sont possibles. La création d'une caisse unique pour l'ensemble des fonctionnaires , y compris ceux de l'Etat, mériterait par exemple d'être étudiée, à la fois dans une perspective de transparence du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat et dans un souci de limiter le nombre de régimes.

Outre leurs effets d'amélioration de la lisibilité du système, ces rapprochements pourraient conduire à des économies de frais de gestion qui méritent d'être considérées dans la période actuelle.

Ces rapprochements entre régimes pourraient sans doute être facilités si leurs gestionnaires étaient conduits à échanger régulièrement entre eux sur leurs modes de fonctionnement. A cet égard, la mission a été très intéressée par le concept de « maison commune des régimes de retraite » proposé par la CGT, même si les représentants du syndicat ont précisé que cette maison commune n'aurait pas pour objectif l'unification des régimes mais tendrait à garantir un socle commun de droits à toute la population. La CGT a proposé que la maison commune soit gérée par des représentants élus des assurés.

? L'importance du droit à l'information

Par ailleurs, la Mecss estime indispensable d'approfondir le droit à l'information créé par la loi de 2003 et qui s'est traduit par la création du Gip Info Retraite, dont l'activité monte progressivement en puissance.


Le Gip Info Retraite : une structure de coordination entre les régimes de retraite


• La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a instauré le droit à l'information individuelle des assurés sur leur future retraite , dont les objectifs sont de trois ordres :

- éviter aux assurés des pertes de droits, en les informant suffisamment en amont pour leur permettre de vérifier et, le cas échéant, de rectifier les informations détenues par leurs régimes de retraite ;

- informer les assurés de leurs droits connus des régimes, soit une vision rétrospective de leur carrière ;

- informer les assurés des droits qu'ils sont susceptibles d'acquérir, soit une vision prospective de leurs futurs droits à retraite.

La multiplicité des régimes de retraite explique en effet que, contrairement à certains pays ayant mis en oeuvre une information systématique de leurs assurés concernant les droits à la retraite, la France ne dispose pas d'une gestion centralisée des données de carrière et de retraite . La difficulté consiste donc à fournir une information complète et lisible, chaque régime de retraite ayant son propre mode de calcul des droits et son propre système d'information.


• Afin d'assurer la mise en oeuvre du droit à l'information, l'article 10 de la loi de 2003 a institué un groupement d'intérêt public , le Gip Info Retraite. Celui-ci est composé de l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires, ainsi que des services de l'Etat chargé des pensions, soit trente-six membres au total.

Le Gip est doté :

- d' instances délibérantes chargées des décisions stratégiques : l'assemblée générale dans laquelle siègent individuellement les trente-six organismes membres, qui peut seule modifier la convention constitutive du Gip et la clef de répartition des contributions et des droits de vote ; le conseil d'administration, de composition plus resserrée, qui décide des activités et des moyens du Gip ;

- d'une instance consultative représentant les usagers, le comité des usagers, qui veille au respect des principes du droit à l'information ;

- d'une instance technique , le comité technique, qui analyse et décide les modalités opérationnelles de mise en oeuvre du droit à l'information.

Le Gip a deux missions :

- coordonner l'action des régimes ;

- définir des solutions techniques, fonctionnelles et organisationnelles portant notamment sur les échanges de données entre ses membres et sur les documents d'information 1 envoyés aux assurés (le relevé de situation individuelle et l'estimation indicative globale).


• L'installation du Gip a permis de concrétiser progressivement le droit à l'information :

- une première étape , de 2004 à 2005, a consisté à préciser le mode de fonctionnement du Gip, à définir les documents destinés aux assurés et les échanges de données entre les systèmes d'information ;

- une deuxième étape a été entreprise en 2006 pour mettre en relation les systèmes d'information des régimes et construire les outils communs indispensables ;

- une troisième étape , qui s'est tenue en 2007, a permis de lancer la première campagne d'information auprès des générations 1957 (pour le relevé de situation individuelle) et 1949 (pour l'estimation individuelle globale).

Chaque année est l'occasion d' une nouvelle campagne d'information . Ainsi, au deuxième semestre 2010, les assurés nés en 1960, 1965, 1970 ou 1975 recevront un relevé de leur situation individuelle et les assurés nés en 1954 ou 1955, une estimation indicative globale.

A terme, chaque assuré recevra tous les cinq ans (sans qu'il n'ait à entreprendre de démarche particulière), à partir de ses trente-cinq ans, un courrier commun de ses organismes de retraite obligatoire, récapitulant l'ensemble de ses droits et comportant , à partir de cinquante-cinq ans, une estimation du montant de sa future retraite .

___________
1 L'article 10 de la loi du 21 août 2003 prévoit l'envoi aux assurés de deux documents distincts : un relevé de leurs droits connus dans l'ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires, le relevé de situation individuelle et, à partir d'un certain âge, une estimation du montant de leur retraite future, l'estimation indicative globale.

A long terme, il conviendrait que chaque assuré puisse, pratiquement à tout moment, prendre connaissance de ses droits en matière de retraite, par exemple par le biais d'un site Internet.

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