C. UN SYSTÈME EN DANGER

Malgré les réformes engagées au cours des dernières années, le système français de retraite est aujourd'hui gravement menacé par ses déséquilibres. Sa crédibilité est désormais entamée, auprès des jeunes générations notamment, qui ne voient plus en lui une sécurité mais, tout au contraire, un motif d'inquiétude.

1. Un déséquilibre financier insoutenable

a) Un enjeu financier considérable

Avant d'évoquer la situation actuelle du système de retraite, il convient de garder à l'esprit l'ampleur des enjeux. Le système de retraite public français mobilise un montant financier considérable, à hauteur de 270 milliards d'euros par an, soit davantage que les dépenses de l'Etat ou les dépenses de l'assurance maladie.

(en milliards d'euros pour 2010)

Maladie Vieillesse Etat

Source : Cor

Par ailleurs, la part des retraites dans le Pib est, en France, l'une des plus élevées de l'OCDE, puisqu'elle atteint 13 % (12,6 % pour les recettes, 13,4 % pour les dépenses).

Au cours des dernières décennies, les prestations du risque vieillesse-survie ont connu une progression spectaculaire.

(en % du Pib)

1959

1970

1975

1980

1990

2000

2010

Prestations du risque vieillesse-survie

5,4

7,3

9,1

10,3

11,2

12,6

13

b) Une situation dès à présent très dégradée

Excédentaire jusqu'en 2004, la branche vieillesse de la sécurité sociale connaît depuis cette date une aggravation continue de son déficit.

Solde de la branche vieillesse du régime général

2007

2008

2009(p)

2010(p)

2011(p)

2012(p)

2013(p)

Recettes

85,8

89,5

90,7

92,1

96,4

100,2

104,2

Dépenses

90,4

95,1

98,9

102,9

108

113,2

118,7

Solde

- 4,6

- 5,6

- 8,2

- 10,7

- 11,6

- 13

- 14,5

Source : loi de financement de la sécurité sociale pour 2010

Si l'on prend en compte l'ensemble des régimes obligatoires de base et le FSV, le déficit atteindrait, en 2010, 17,1 milliards d'euros .

Lors de son audition par la Mecss, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a fait état d'un besoin de financement de l'ensemble du système de retraite en 2010 atteignant 30 milliards d'euros en y incluant l'ensemble des régimes, y compris celui des fonctionnaires 45 ( * ) .

Les effets du choc démographique

Le creusement du déficit s'explique principalement par une progression ininterrompue de la masse des pensions , elle-même due à deux facteurs démographiques désormais bien connus :

- l'arrivée à l'âge de la retraite, à partir de 2006, des générations plus nombreuses nées après la seconde guerre mondiale, phénomène identifié sous le terme de « papy-boom » ;

- l'allongement de l'espérance de vie qui, conjugué à un âge de départ en retraite relativement stable, augmente la durée de versement des prestations.

Effectifs de cotisants et de retraités par régime en 2010

Régime

Nombre de cotisants

Nombre de retraités

Cnav

17 200 000

12 100 000

Service des retraites de l'Etat (SRE)

2 036 143 fonctionnaires civils
(au 31/12/2007)
et 350 000
fonctionnaires militaires

1 330 000 fonctionnaires civils
(au 31/12/2008)
et 570 000
fonctionnaires militaires

CNRACL

2 030 000

931 652

Agirc

3 900 000

2 400 000

Arrco

18 500 000

11 300 000

RATP

44 390

47 317

SNCF

157 487

336 944

Au 1 er juillet 2009, en France métropolitaine, le nombre de retraités du régime général s'élevait à plus de 12,2 millions de personnes pour près de 17,5 millions de cotisants, soit un rapport démographique de 1,43 actif pour un retraité. Le même ratio était supérieur à quatre au début des années soixante.

Ratio de dépendance démographique de la Cnav

Source : caisse nationale d'assurance vieillesse

Si l'on prend en compte l'ensemble des régimes, le rapport démographique entre actifs et retraités est aujourd'hui de 1,8 et tomberait à 1,2 en 2050.

Selon les projections de la Cnav, l'allongement de l'espérance de vie à soixante ans entre 2002 et 2013 atteindra un an et demi pour les hommes et un peu plus d'un an pour les femmes. Ces gains d'espérance de vie permettront de réduire de plus de 50 000 le nombre de décès enregistrés à l'horizon 2013.

Au cours des prochaines années, l'espérance de vie à soixante ans devrait continuer à croître de manière notable, contribuant largement à dégrader encore davantage la situation financière des régimes de retraite.

En 2050, l'espérance de vie à la naissance pourrait atteindre 83,8 ans pour les hommes (75,3 en 2000) et 89 ans pour les femmes (82,8 en 2000).

Si le phénomène du « papy boom » devrait s'infléchir à compter de 2035 environ, il est en revanche impossible de prévoir jusqu'où pourrait aller l'allongement de l'espérance de vie. Selon certains démographes, sur sa tendance actuelle, l'espérance de vie pourrait atteindre en 2100 quatre-vingt-onze ans pour les hommes et quatre-vingt-quinze ans pour les femmes.

? Le départ en retraite anticipée pour carrière longue

Parallèlement à ces évolutions démographiques, qui étaient prévues depuis longtemps, une partie importante de la dégradation des comptes de l'assurance vieillesse au cours des dernières années est liée au dispositif de départ en retraite anticipé pour carrière longue.

Paradoxalement, l'effet le plus visible de la réforme de 2003 sur les retraites, qui a pourtant mis en place un dispositif ambitieux d'allongement de la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein, est une aggravation de la situation financière du système de retraite liée aux effets de la mesure sur les longues carrières.

Bilan du dispositif de départ en retraite anticipé pour carrière longue

L'article 23 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a ouvert aux salariés ayant effectué des carrières longues, du fait d'une entrée précoce sur le marché du travail, la possibilité de partir à la retraite avant soixante ans. Mesure « phare » de la réforme Fillon, le dispositif de départ anticipé pour carrière longue a été présenté comme un instrument de justice sociale : ceux qui ont contribué, pendant une longue période, au financement du système de retraite se voient reconnus des droits particuliers.

Depuis le 1 er janvier 2004, les assurés du régime général peuvent donc partir à la retraite avant l'âge de soixante ans lorsqu'ils remplissent des conditions minimales de durée cotisée et de durée validée tous régimes 46 ( * ) , ainsi que des conditions d'âge (âge de début d'activité, âge de liquidation).

Conditions d'éligibilité à la retraite anticipée au régime général

Age de liquidation

Début d'activité

Durée validée

Durée cotisée

A partir de 56 ans

Avant la fin
de l'année des 16 ans

168 trimestres

168 trimestres

A partir de 58 ans

164 trimestres

A partir de 59 ans

Avant la fin
de l'année des 17 ans

160 trimestres

Entre 2005 et 2008, le dispositif a connu une montée en charge continue, non anticipée par les projections réalisées en 2003. L'année 2008 a été marquée par un afflux particulièrement important de départs (122 200) dû à l'anticipation par les futurs retraités du durcissement des conditions d'accès au dispositif à compter du 1 er janvier 2009 . Entre 2004 et 2008, la mesure a bénéficié à 560 000 personnes environ.

Flux annuels des départs anticipés au régime général

2004

2005

2006

2007

2008

113 100

102 220

107 710

115 120

122 060

Parallèlement à l'augmentation des effectifs concernés, la mesure a coûté sans cesse davantage à la Cnav sur la période 2004-2008 pour atteindre 2,4 milliards d'euros en 2008.

Coût, pour la Cnav, de la mesure de départ en retraite anticipée pour carrière longue

(en milliards d'euros)

Coût
de la mesure

2004

2005

2006

2007

2008

0,6

1,3

1,8

2,1

2,4

Afin d'endiguer la montée en charge du dispositif et de diminuer son coût financier, plusieurs mesures réglementaires ont été prises en 2008. Celles-ci ont pour objet d'encadrer davantage la procédure de régularisation de cotisations arriérées qui permet aux assurés de valider des périodes d'apprentissage ou de salariat pour lesquelles l'employeur n'a pas versé de cotisations :

- la circulaire du 2 janvier 2008 a renforcé les modalités de contrôle des demandes de régularisations d'arriérés de cotisations via notamment un recours restreint à l'utilisation des attestations sur l'honneur et un formulaire d'attestation plus complet ;

- le décret n° 2008-845 du 25 août 2008 a instauré de nouvelles modalités de calcul des arriérés de cotisations, explicitées dans la circulaire du 10 novembre 2008. Une majoration de 2,5 % par an a notamment été introduite.

Une autre restriction est entrée en vigueur au 1 er janvier 2009, en application de l'article 120 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, portant sur le durcissement des droits ouverts grâce à l'utilisation des attestations sur l'honneur. Lorsque la preuve de l'activité rémunérée ne peut être faite par des éléments probants, l'attestation sur l'honneur admise le cas échéant ne permet plus de valider que quatre trimestres au maximum.

En limitant le recours aux régularisations de cotisations, ces diverses mesures rendent l'acquisition de trimestres par les assurés moins facile et ainsi, restreignent l'accès au dispositif de retraite anticipée. Outre la poursuite du ralentissement de la dynamique des régularisations, deux autres facteurs expliqueraient la fin de la montée en charge du dispositif en 2009 :

- l'évolution des critères d'éligibilité en lien avec l'augmentation de la durée d'assurance prévue par la loi de 2003. Ainsi, à partir du 1 er janvier 2009, le nombre de trimestres requis pour un départ avant soixante ans augmente de un à quatre pour les assurés des générations 1949 et suivantes, liquidant leurs pensions à compter de cette date ;

Flux annuels des retraites anticipées du régime général

Année
de naissance

Age
de départ

Durée d'assurance totale
(en trimestres)

Durée cotisée
(en trimestres)

Début d'activité*

1949

59 ans

169

161

Avant la fin de l'année civile des 17 ans

1950

58 ans

170

166

Avant la fin de l'année civile des 16 ans

59 ans

171

162

Avant la fin de l'année civile des 17 ans

1951

57 ans

171

171

Avant la fin de l'année civile des 16 ans

58 ans

171

167

59 ans

172

163

Avant la fin de l'année civile des 17 ans

1952
et après

56 ou 57 ans

172

172

Avant la fin de l'année civile des 16 ans

58 ans

172

168

59 ans

172

164

Avant la fin de l'année civile des 17 ans

* Cinq trimestres validés avant la fin de l'année civile requis (ou quatre trimestres pour les personnes nées au cours du dernier trimestre.

- la difficulté à remplir la condition de début d'activité pour les générations 1953 et suivantes du fait de la scolarité rendue obligatoire à seize ans à partir de 1959.

Au final, ces nouvelles conditions d'ouverture du droit à la retraite anticipée contribueraient à freiner le recours au dispositif et donc à diminuer son coût pour la Cnav.

Selon les projections de la Cnav, le nombre de retraites anticipées, après avoir chuté brutalement en 2009, devrait augmenter à nouveau en 2010 en raison du décalage des départs lié au durcissement des conditions de durée, puis diminuer progressivement.

Flux annuels des départs anticipés au régime général (prévisions)

2009

2010

2011

2012

2013

25 050

50 010

41 340

41 250

39 270

Corrélativement, les masses de prestations servies aux retraités de moins de soixante ans devraient diminuer substantiellement au cours des prochaines années.

Masses de pensions versées aux retraités de moins de soixante ans (prévisions)

(en milliards d'euros)

Coût
de la mesure

2009

2010

2011

2012

2013

2,1

1,5

1,1

0,7

0,5

L'incidence financière conjuguée des évolutions démographiques et de la mesure de retraite anticipée est évaluée par la Cnav à 15,2 milliards en 2013 , soit 17,6 % de la masse des pensions prévue pour cette année.

Le rôle de la crise économique et l'« effet base »

La détérioration brutale des comptes de la branche vieillesse en 2009 et 2010 est avant tout la conséquence de la crise économique qui a réduit fortement les recettes assises sur les revenus d'activité.

Rappelons que trois quarts des recettes sociales sont assis sur la masse salariale et, en particulier, les cotisations sociales. Un point de masse salariale perdue représente une perte de recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros pour le régime général. Entre 2008 et 2009, 5,6 points de masse salariale ont été perdus dans le secteur privé. Ainsi, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 évaluait le déficit de la branche vieillesse à 5,3 milliards en 2009, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a réévalué cette prévision à hauteur de 8,2 milliards.

Les nouvelles projections financières relatives aux soldes des différentes branches de la sécurité sociale seront connues lors de la prochaine réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale prévue au mois de juin. Lors de son audition par la Mecss 47 ( * ) , François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat a noté qu'alors que la loi de financement pour 2010 prévoyait une diminution de la masse salariale de 0,4 % en 2010 et une progression de 5 % en 2011, les dernières prévisions font désormais état d'une progression de la masse salariale de 0,3 % en 2010 et de 3,7 % en 2011.

Si la crise a substantiellement aggravé les déficits de la branche vieillesse de la sécurité sociale, il convient d'être attentif au fait que la reprise économique, n'apportera à elle seule aucune amélioration du solde des régimes de retraite en raison de l'effet base .

En effet, même si la masse salariale reprend sa croissance sur une tendance comparable à celle qu'elle connaissait avant la crise, elle partira d'un niveau, en masse, très inférieur à celui atteint auparavant. Pour qu'un rattrapage s'opère, il faudrait que la masse salariale progresse temporairement beaucoup plus vite qu'avant la crise, ce qui n'apparaît guère vraisemblable. Aucune amélioration spontanée sensible de l'équilibre financier du système de retraite ne peut donc être attendue de la reprise économique.

La constitution d'une dette sociale considérable

L'aggravation brutale des déficits des différentes branches de la sécurité sociale, et singulièrement de la branche vieillesse, a pour corollaire le développement d'une dette sociale d'une ampleur considérable. Alors que la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a repris, depuis sa création en 1996 un total de 134,6 milliards d'euros de dette et que la dette restant à amortir s'élevait à 92 milliards à la fin de l'année 2009, le cumul des déficits des régimes de base toutes branches confondues au cours des seules années 2009 à 2011, qui constitue une dette pour l'avenir, pourrait atteindre 100 milliards. Les déficits cumulés en 2009 et 2010 sont actuellement portés par l'Acoss, mais cette situation ne pourra perdurer au-delà du PLFSS pour 2011.

Le Gouvernement doit prochainement réunir la commission de la dette sociale, dont la création avait été annoncée lors de la discussion au Sénat du PLFSS pour 2010, composée de cinq sénateurs et cinq députés. Celle-ci devra expertiser tous les moyens susceptibles d'assurer la gestion de la nouvelle dette issue des déficits des régimes de base en 2009 et 2010.

En définitive, la France connaît dès à présent un grave problème de financement des retraites et de l'ensemble des branches de la sécurité sociale, que la crise économique n'a fait que rendre plus prégnant et immédiat.

c) Des projections à moyen et long terme inquiétantes

Selon les termes de la loi de 2003 portant réforme des retraites, le Cor a notamment pour mission « de décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long terme des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d'élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière » .

La mise en place de cet outil de projection a été particulièrement utile pour améliorer la connaissance de la situation financière des systèmes de retraite. Idéalement, ces projections devraient pouvoir être réalisées de manière totalement déconnectée des éventuelles réformes annoncées ou envisagées, afin d'éviter une dramatisation qui ne facilite pas une réflexion sereine et approfondie sur les évolutions à conduire sur moyenne et longue période. Une telle déconnexion n'a pas été possible jusqu'à présent puisque les dernières projections du Cor ont été réalisées dans la perspective du rendez-vous 2008 sur les retraites puis actualisées en vue du rendez-vous 2010. Ces projections font apparaître à moyen et long terme des besoins de financement particulièrement élevés malgré les réformes conduites jusqu'à présent.

Les projections établies en 2007

En 2007, alors que la crise économique n'était pas encore intervenue, le Cor avait publié des projections complètes sur les perspectives financières du système de retraite.

Ces projections reposaient sur les hypothèses économiques suivantes : retour au plein emploi en 2015 avec un taux de chômage de 4,5 %, puis stabilisation à ce niveau et augmentation annuelle de la productivité du travail de 1,8 % 48 ( * ) .

Les projections du Cor de 2007

2006

2015

2020

2030

2040

2050

Dépenses de retraite
(en points de Pib)

13,1

13,7

14,1

14,7

14,9

14,7

Masse des cotisations
(en points de Pib)

12,9

13,0

13,0

13,0

13,0

13,0

Besoin de financement annuel
(en points de Pib)

- 0,2

- 0,7

- 1,0

- 1,6

- 1,8

- 1,7

Dépenses de retraite
(en milliards d'euros 2006)

235,2

301,1

337,1

420,1

511,8

606,6

Masse des cotisations
(en milliards d'euros 2006)

231,0

286,0

312,2

373,0

448,4

537,8

Besoin de financement annuel
(en milliards d'euros 2006)

- 4,2

- 15,1

- 24,8

- 47,1

- 63,4

- 68,8

Source : cinquième rapport du Cor (novembre 2007)

Ainsi, dès 2007, alors même que la crise économique n'était pas intervenue, les projections du Cor faisaient apparaître un besoin de financement annuel de 24,8 milliards d'euros en 2020 et de 68,8 milliards d'euros en 2050.

? Les projections actualisées du Cor

Dans la perspective du rendez-vous 2010, le Cor a actualisé ses projections de 2007 pour tenir compte de l'impact de la crise économique sur les perspectives financières du système.

Pour établir ces nouvelles projections, le Cor n'a pas modifié les hypothèses démographiques et réglementaires retenues en 2007 mais a élaboré trois scénarios alternatifs prenant en compte différentes hypothèses économiques. Les trois scénarios sont à court terme (jusqu'en 2013) cohérents avec les prévisions réalisées par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité et de croissance puis différents par la suite, tous reposant néanmoins sur un retour de l'économie à son équilibre de long terme après 2020 :

- le scénario A repose sur les hypothèses d'un taux de chômage à long terme de 4,5 % et d'une progression de la productivité du travail à long terme de 1,8 % par an ;

- le scénario B repose sur les hypothèses d'un taux de chômage à long terme de 4,5 % et d'une progression de la productivité du travail à long terme de 1,5 % par an ;

- le scénario C repose sur les hypothèses d'un taux de chômage structurel de 7 % et d'une croissance de la productivité du travail de 1,5 % par an.

On notera, avec les rapporteurs de la mission, le caractère particulièrement volontaire des hypothèses économiques retenues, même si elles prennent en compte la crise économique en prévoyant un retour progressif à un taux de chômage de long terme limité.

En particulier, l'évolution de la productivité du travail (+ 1,8 % ou + 1,5 % par an) paraît exagérément optimiste, dès lors que sa progression s'amenuise depuis de nombreuses années : alors que la croissance moyenne de la productivité atteignait 3,1 % par an entre 1980 et 1990, elle n'était plus que de 1,8 % sur la période 1991-2007, de 1,5 % entre 2001 et 2007 et de 1,2 % entre 2003 et 2007.

Le graphique suivant, publié par le Cor dans son dernier rapport, montre combien la projection d'une productivité du travail progressant de 1,8 % par an est en décalage avec la réalité constatée.

Taux de croissance de la productivité du travail par heure
(ensemble de l'économie)

Source : DG Trésor

Cette prise en compte d'hypothèses économiques particulièrement ambitieuses ne poserait pas de difficultés particulières si elle ne contribuait pas à saper la confiance des citoyens dans le système de retraite. Lors de son audition par la Mecss, Raoul Briet, président du fonds de réserve des retraites (FRR), a pointé les effets néfastes des prévisions qui se trouvent contredites par la réalité :

« Une autre raison du déséquilibre résulte du fait que les paris effectués sur l'avenir, en 1998 et en 2003, ne se sont pas réalisés. Dans les deux cas, en effet, des erreurs ont été commises dans les hypothèses retenues puisque le cercle vertueux d'une croissance forte entraînant une baisse du chômage et la hausse des recettes du FSV ou de l'Unedic, qui était techniquement cohérent, s'est révélé inexact dans la réalité. Ce double échec a pour conséquence une baisse très nette du crédit attaché par les assurés au système de retraite ».

Les résultats des projections actualisées du Cor sont récapitulés dans les tableaux qui suivent :

Besoins de financement du système de retraite - Scénario A -
rendements Agirc-Arrco constants

En % du Pib

2008

2015

2020

2030

2040

2050

Masse des cotisations

12,8

12,7

12,7

12,7

12,7

12,7

Dépenses de retraite

13,4

14,4

14,3

14,6

14,6

14,3

Besoin de financement annuel

- 0,6

- 1,8

- 1,7

- 1,9

- 1,9

- 1,7

Besoins de financement cumulés (en % du Pib)

- 1,0

- 12,9

- 21,1

- 38,2

- 58,4

- 77,3

Besoin de financement annuel en milliards d'euros 2008

- 10,9

- 38,3

- 40,7

- 56,3

- 69,4

- 71,6

Source : Cor

Besoins de financement du système de retraite - Scénario B -
rendements Agirc-Arrco constants

En % du Pib

2008

2015

2020

2030

2040

2050

Masse des cotisations

12,8

12,7

12,7

12,7

12,7

12,7

Dépenses de retraite

13,4

14,5

14,5

15,1

15,4

15,3

Besoin de financement annuel

- 0,6

- 1,8

- 1,9

- 2,5

- 2,8

- 2,6

Besoins de financement cumulés (en % du Pib)

- 1,0

- 13,0

- 22,1

- 44,3

- 73,5

- 104,3

Besoin de financement annuel en milliards d'euros 2008

- 10,9

- 39,4

- 45,0

- 70,3

- 92,3

- 102,6

Source : Cor

Besoins de financement du système de retraite - Scénario C -
rendements Agirc-Arrco constants

En % du Pib

2008

2015

2020

2030

2040

2050

Masse des cotisations

12,8

12,7

12,7

12,7

12,7

12,7

Dépenses de retraite

13,4

14,6

14,7

15,6

15,8

15,7

Besoin de financement annuel

- 0,6

- 1,9

- 2,1

- 2,9

- 3,2

- 3,0

Besoins de financement cumulés (en % du Pib)

- 1,0

- 13,1

- 23,0

- 49,5

- 83,0

- 118,2

Besoin de financement annuel en milliards d'euros 2008

- 10,9

- 40,3

- 48,8

- 79,9

- 103,0

- 114,4

Source : Cor

Les enseignements des projections

Les projections établies sur des durées très longues doivent être utilisées avec une grande prudence, compte tenu des incertitudes entourant la réalisation des hypothèses sur lesquelles elles reposent.

Ainsi, lors de son audition par la mission, Didier Blanchet, chef du département des études économiques d'ensemble à l'Insee, a rappelé que le premier rapport du Cor, publié au début des années 2000, faisait état d'un déficit prévisionnel de l'ensemble des régimes de retraite de cinq points de Pib en 2050. Quelques années plus tard, dans le rapport publié par le Cor en 2007, ce déficit prévu ne représentait plus que 1,7 % du Pib, cette diminution résultant pour moitié des effets de la réforme des retraites de 2003 et pour moitié des nouvelles perspectives démographiques de l'Insee, plus favorables à terme à l'ensemble des régimes de retraite.

Didier Blanchet a en outre observé que « l'exercice de projection est compliqué pour quatre raisons : il existe des marges d'incertitude en démographie qui pèsent fortement sur les résultats obtenus ; la durée de la crise économique est encore incertaine ; les réactions des assurés aux nouvelles mesures prises sont difficilement prévisibles ; la complexité du système de retraite français rend les simulations financières délicates ».

Quoi qu'il en soit, les projections de 2010 font apparaître un besoin de financement de 38 à 40 milliards d'euros par an dès 2015, c'est-à-dire demain. A l'horizon 2050, à législation inchangée, les besoins de financement annuels seraient compris entre 72 et 115 milliards en fonction des hypothèses retenues 49 ( * ) .

Ces chiffres démontrent qu'une telle évolution n'est simplement pas supportable par le système de retraite et que sa pérennité est menacée en l'absence de mesures permettant de retrouver la voie de l'équilibre.

Or, le temps de réaction à la modification des paramètres d'équilibre des régimes de retraite peut être particulièrement long, jusqu'à vingt ans parfois pour enregistrer les premiers effets visibles de certaines mesures, de sorte qu'il est nécessaire d'agir le plus en amont possible. C'est pourquoi une action immédiate et résolue est nécessaire. Tel est le premier enjeu du rendez-vous 2010 pour les retraites.

* 45 Cf compte rendu de l'audition du 11 mai 2010, tome II, p. 199.

* 46 La période validée correspond à la somme des périodes cotisées et des périodes n'ayant pas donné lieu à cotisations (chômage, maladie, majorations pour enfant).

* 47 Cf. Tome II du présent rapport, p. 199.

* 48 Les autres hypothèses sur lesquelles reposaient les projections étaient les suivantes :

- natalité : 1,9 enfant par femme ;

- mortalité : allongement de l'espérance de vie à la naissance entre 2000 et 2050 de 75,3 à 83,8 ans pour les hommes et de 82,8 à 89 ans pour les femmes ;

- immigration : solde migratoire de 100 000 personnes par an ;

- durée d'assurance pour obtenir le taux plein : passage de 40 à 41 ans en 2012 et à 41,5 ans en 2020, puis stabilisation à ce niveau.

* 49 Ces besoins de financement seraient cependant substantiellement réduits dans l'hypothèse de rendements décroissants de l'Agirc et de l'Arrco.

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