2. La compétence de tribunaux de grande instance spécialisés

Les litiges de consommation relèvent du juge civil de droit commun. En pratique, compte tenu du faible montant des sommes en jeu, il s'agit soit du juge de proximité jusqu'à 4.000 euros, soit du juge d'instance, jusqu'à 10.000 euros.

La procédure d'action de groupe ne peut cependant respecter ce schéma, pour des raisons d'ordre juridique, pratique et technique qui conduisent le groupe de travail à préconiser, à l'invitation de M. Jacques Degrandi, président du tribunal de grande instance de Paris, la compétence de tribunaux de grande instance spécialisés.

L'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que le tribunal de grande instance connaît des affaires pour lesquelles « compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ». Or, au moment de l'introduction de l'action, le montant de la réparation demandée par la voie d'une action de groupe est par définition inconnu, puisque ce n'est que dans un second temps, lorsque le groupe sera identifié et que les consommateurs concernés auront présenté leurs prétentions, que l'on pourra évaluer le montant total du litige. Même si les litiges individuels relèveraient plutôt, en raison de leur faible montant, de la juridiction de proximité ou du tribunal d'instance, l'action de groupe qui les réunit devrait, elle, être de la compétence du tribunal de grande instance.

En outre, il convient de tenir compte des capacités des tribunaux à prendre en charge les actions de groupe. Celles-ci peuvent présenter un caractère massif et réunir plusieurs milliers de requérants. Or les greffes des juridictions les plus petites ne sont pas dimensionnés pour traiter un nombre trop élevé de demandes.

Par ailleurs, la compétence du tribunal de grande instance présente un certain nombre d'avantages : non seulement la représentation par avocat est obligatoire, mais le tribunal statue en formation collégiale, ce qui constitue des garanties supplémentaires pour les affaires à fort enjeu financier ou présentant des difficultés juridiques particulières, comme, par exemple, en droit de la concurrence. Pour les litiges les plus simples, en revanche, le président du tribunal pourrait décider qu'il sera statué à juge unique.

Dans un souci de rationalisation des compétences et des moyens, il serait pertinent de réserver la compétence en matière d'action de groupe à un nombre limité de tribunaux spécialisés. Les greffes disposeraient d'une taille suffisante pour traiter les procédures les plus massives, et les juges développeraient une expertise particulière. En outre, la question de la proximité entre le justiciable et son juge ne se pose pas pour une action conduite, au nom des justiciables, par une association agréée de niveau national : la concentration des contentieux dans quelques juridictions est neutre pour le consommateur. En revanche, elle évite à l'entreprise de devoir faire face à plusieurs instances dispersées sur tout le territoire, alors qu'elles concernent la même affaire.

Les représentants du syndicat de la magistrature et ceux de force ouvrière - magistrats se sont déclarés réservés sur la spécialisation des tribunaux. Sans remettre en cause le principe de cette spécialisation, l'association nationale des juges d'instance a considéré que le contentieux de l'action de groupe pourrait être réparti, en fonction du montant des demandes présentées, entre le juge d'instance et celui du tribunal de grande instance.

En dépit des réserves ainsi formulées, la proposition consistant à réserver la compétence en matière d'action de groupe à quelques tribunaux de grande instance spécialisés a fait l'objet d'un large accord parmi les personnes entendues par vos rapporteurs.

Recommandation n° 8 - Faire relever les actions de groupe de la compétence d'un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés .

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