B. UN CADRE DE RÉFÉRENCE POUR TOUS LES ACTEURS DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Ce document-cadre aura également pour mérite, votre commission l'espère, de fédérer l'action des administrations qui concourent à l'aide au développement .

Notre dispositif institutionnel dans ce domaine est en effet à l'image de cette politique particulièrement complexe.

A la double tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère des finances, s'ajoutent le secrétariat d'Etat à la coopération, la toute puissante Agence française de développement, de nombreuses institutions nationales, comme, par exemple, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ainsi que, sur le terrain, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC), et les agences de l'AFD.

Certes, la réforme de 1998 a conduit à la rationalisation administrative de l'aide autour de deux grands pôles, l'un diplomatique, issu de l'absorption du secrétariat d'Etat à la coopération par la ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), et l'autre, financier, centré sur le ministère des finances (MINEFE).

Avec cette réforme, l'AFD est devenue l'« opérateur pivot » de l'aide française. Depuis lors, les transferts successifs de compétences ont conduit l'AFD à prendre en charge la gestion de près de 80 % des moyens de l'aide programmable mise en oeuvre par les canaux bilatéraux.

En dépit des réformes, le dispositif institutionnel est composé de nombreuses structures qui appellent nécessairement de multiples mécanismes de coordination, comme l'illustre le schéma suivant :

Source : OCDE

L'AFD, édifiée sur sa culture et son expérience de banque de développement, contrôle plusieurs types d'instruments (projets, aide budgétaire, prêts, subventions) et bénéficie d'une relative autonomie dans le cadre de la double tutelle des ministères des finances et des affaires étrangères et européennes, d'un conseil d'orientation stratégique et d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Les SCAC, dirigés par un conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), à la fois conseiller de l'ambassadeur sur le pilotage du dispositif de l'aide française au plan local et chef de service, sont les interlocuteurs privilégiés de la direction générale de la mondialisation. Ce service déconcentré gère les actions et programmes de coopération technique dans les domaines de la gouvernance. Le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP), dont le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) a la maîtrise, lui permet d'intervenir dans différents secteurs.

Au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi (MINEFE), la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) est responsable de la gestion des contributions françaises auprès de la Banque mondiale, du FMI et des banques régionales de développement (BafD, BAsD, BID) et est en relation directe avec les administrateurs représentant la France auprès de ces institutions.

Les contributions françaises auprès des institutions de l'Union européenne et du système des Nations unies sont gérées par les services du MAEE.

Le MINEFE gère également les financements d'appuis budgétaires (leur instruction est toutefois menée de manière conjointe entre la DGTPE, la DGM et avec l'appui de l'AFD), les remises et allègements de dettes (Club de Paris) ainsi que l'instruction et la mise en oeuvre des Contrats de développement et de désendettement. Toutes ces actions sont menées de manière conjointe entre la DGTPE et la DGM avec l'appui technique de l'AFD. Sur ces différents points, au sein de la DGTPE, les conseillers financiers régionaux entretiennent des relations très suivies avec les SCAC et les agences de l'AFD. Sur place, les missions économiques, au sein des ambassades, sont peu impliquées dans les problématiques de coopération au développement. Elles le sont davantage dans les pays dits « émergents » en raison de leur fonction de mise en oeuvre des instruments spécifiques du MINEFE dans ces pays (instruments financiers FASEP et réserve pays émergents).

Ces quelques lignes et nombreux sigles témoignent de la richesse de ce paysage institutionnel .

La tentation presque naturelle de chacune de ces administrations d'agir seule existe. Il est donc utile que tous ces acteurs puissent se référer à un document unique et coordonner leurs actions autours d'objectifs clairement établis.

Le document-cadre pourra également contribuer à définir une vision de la stratégie française à l'égard des organisations multilatérales . Il avait été constaté, à de multiples reprises, que la France ne disposait pas de stratégie générale de coopération multilatérale.

Ainsi dans son rapport remis au Premier ministre, en juillet 2008, sur l'aide publique au développement, Mme Henriette Martinez, députée des Hautes-Alpes, observe que « la coopération multilatérale ne semble pas avoir fait l'objet jusqu'a présent d'une stratégie clairement définie, ou tout au moins pas de façon coordonnée avec la politique bilatérale, qui elle-même avait besoin d'être recentrée et clarifiée. ».

Un effort a été fait pour mieux définir les objectifs de nos contributions à la Banque mondiale. De même, un exercice est en cours pour clarifier la politique française à l'égard de la politique de développement européenne. Mais ces documents ne concernent chacun qu'une institution. Ils ne couvrent qu'une partie des contributions multilatérales françaises. Ils doivent s'articuler autour d'une stratégie d'ensemble.

Comme le soulignait un rapport d'évaluation de septembre 2008 de la dotation de la France à la Banque mondiale via l'Association internationale de développement (AID 13-14) : « L'avancement des priorités que la France s'est fixées dans sa coopération avec le Groupe de la Banque mondiale requiert une cohérence et une concordance de vision inscrite dans une politique de coopération. Les programmes de coopération par pays (DCP) ou les énoncés de politiques sectorielles n'offrent qu'une vision partielle des objectifs de l'aide. La formulation d'une politique de coopération pour tous les secteurs permettrait de mieux clarifier ses objectifs. » 3 ( * )

Comment, en effet, évaluer la cohérence des programmes menés par la Banque mondiale avec les priorités françaises si celles-ci ne sont pas clairement définies ?

Dans le contexte dégradé de nos finances publiques où les pouvoirs publics seront nécessairement conduits à effectuer des arbitrages plus nombreux entre les contributions multilatérales, un document de stratégie était également nécessaire pour donner une vision cohérente de nos objectifs à l'ensemble des administrations en charge de ces contributions.

En l'absence d'institution unique, responsable de la coordination globale des contributions aux institutions multilatérales, ce document constituera un référent commun à l'aide bilatérale et multilatérale.

Source : AFD

Le document-cadre a ainsi vocation à favoriser une meilleure articulation entre les divers instruments et circuits d'acheminement de l'aide française multilatérale. Il ne permettra évidemment pas, à lui seul, de réduire l'accumulation de différents types de contributions pour une même organisation ou de renforcer le contrôle de l'utilisation des fonds et de la croissance des contributions. Mais il devrait faciliter le positionnement des administrations françaises tant à l'égard de nos partenaires du Sud qu'à l'égard des autres bailleurs de fonds nationaux ou internationaux .

S'agissant des pays qui bénéficient de notre coopération, le document-cadre a vocation à inspirer la rédaction de futurs documents-cadre de partenariat (DCP) que signe la France avec ses partenaires. Les DCP doivent être rédigés en commun avec les autorités des pays concernés, en cohérence avec les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté mis en place par les Etats et les documents stratégiques élaborés par la Commission européenne. Ils devront également refléter sur le terrain les priorités définies par le document-cadre.

En ce qui concerne les autres bailleurs de fonds, ce document doit permettre d'asseoir la crédibilité des positions française et de manifester leurs cohérences. Il constituera la base des propositions françaises pour d'importantes échéances dans les mois et années à venir (Conférence sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en 2010, présidence française du G20 en 2011...).

Ce document fournit un cadre conceptuel qui permet de repenser à moyen terme nos interventions. Il propose une lecture des enjeux de la coopération, des leviers et des modes d'action de la coopération française. Il soumet également une ligne de conduite que pourrait décliner la France au sein de partenariats différenciés en fonction des circonstances historiques et géographiques.

Il est de ce point de vue complémentaire mais ne se substitue pas aux documents de stratégies sectorielles et géographiques, ni aux documents de cadrage budgétaire qui ont une vocation plus directement opérationnelle.

* 3 Évaluation de la dotation de la France à l'Association internationale de développement (AID 13-14) Septembre 2008 DGTPE

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