Mme Sylvie CRESSON, présidente de Personnel association

Je vous propose de ne pas donner le point de vue des entreprises, mais celui des DRH et notamment de l'association que je représente. Je vous propose de vous présenter notre association pour que vous sachiez quel type de DRH nous sommes.

Nous sommes une association de DRH qui existe depuis une quarantaine d'années et qui regroupe principalement des DRH de sociétés internationales. Nous sommes environ une soixantaine de toutes origines : américaine, européenne, japonaise, française. Les personnes qui constituent l'association sont en général les numéros un ou deux de la fonction au sein des DRH, puisqu'en fonction des structures, on peut être numéro deux. Ils anticipent les événements, conduisent des changements et des évolutions et ils sont membres à part entière du comité de direction ou du comité exécutif. C'est un lieu d'échange et de convivialité, de solidarité. Nous organisons des travaux en groupe, notamment sur le DRH international, sa formation, qui il est, quel est son rôle, sur le capital humain et les indicateurs, l'évolution des types de rémunération et bien entendu nous faisons intervenir des personnalités. Nous partageons des valeurs communes que nous avons décrites dans une charte. Je ne vous la présente pas, je vous donne simplement les titres :


• donner du sens à notre responsabilité professionnelle ;


• aider au développement professionnel de tous ;


• renforcer l'éthique et le respect de la personne ;


• promouvoir l'équité et la diversité ;


• prévenir les conflits d'intérêts ;


• garantir la confidentialité.

Nous avons réfléchi à ce sujet des classements universitaires et nous avons souhaité l'aborder sous les effets pervers du classement de Shanghai.

Le premier effet pervers - et vous verrez que cela va recouper ce qui a été dit précédemment - c'est que plus on est important comme université, mieux c'est. La taille de l'université et le nombre d'étudiants et de chercheurs ne sont pas étrangers à son classement.

Le deuxième effet pervers a été également décrit : c'est publier ou mourir. Je crois que c'est très clair puisque dans le classement de Shanghai c'est ce qui vient en premier. Avec cette approche, il nous semble qu'il en résulte une focalisation outrancière sur les travaux académiques au détriment de la compréhension des organisations et de leurs modèles académiques. Pour nous, ce n'est pas un critère intéressant.

Le troisième effet pervers est que ce qui est important, c'est l'apparence et non la réalité. On en vient à ce qu'une université soit bien placée et non pas par rapport au contenu des enseignements qui peuvent être dispensés. On s'aperçoit aujourd'hui que beaucoup de jeunes s'interrogent plus sur des classements, pas forcément celui de Shanghai, mais je pense notamment aux business schools , sur leur classement avant de les choisir. Or, derrière, ce n'est pas forcément une bonne orientation.

Le quatrième effet pervers concerne la valeur ajoutée : est-ce que nous, DRH, on peut considérer que le fait d'embaucher un collaborateur sortant du numéro un ou du numéro deux de ce classement est un gage de valeur ajoutée de la personne dans nos organisations ? Je n'en suis pas certaine.

Le cinquième effet pervers, c'est « jugez-moi par mon futur » mais il manque pour nous une analyse du devenir. Je vais rejoindre tout ce qui a été dit sur l'employabilité, sur la possibilité de trouver un emploi à la sortie des universités. Je pense que ce sont des facteurs importants.

Le sixième effet pervers, the brain and the heart , le coeur et la raison : c'est un classement qui est, par définition, restrictif et qui nous amène à passer sous silence de nombreux indicateurs. Tout le monde en a parlé tout à l'heure objectivement. Qu'en est-il du ratio nombre d'étudiants / nombre d'enseignants ou de professeurs, qui est un gage de proximité et d'écoute ? Quid des indicateurs de diversité, de nationalité... ? Comment mesure-t-on la culture générale apportée aux étudiants ?

Le dernier effet pervers noté est le capitalisme karaoké. Il ne reste plus à nos universités qu'à se conformer aux modèles et ce serait vraiment triste pour nous. Je pense qu'on a beaucoup de valeurs autres. Je trouve que ce classement peut conduire à une certaine uniformité.

Nous avions été questionnés uniquement sur le classement de Shanghai et c'est un peu restrictif car c'est celui des universités, avec tous les effets pervers que j'ai mentionnés précédemment. C'est une approche académique avec toute la limite qu'elle peut présenter. Par rapport à l'entreprise, on est plutôt dans des domaines de recherche et de sciences. Dans l'entreprise, il n'y a pas que ces métiers qui sont importants.

Pire que tout, si on devait se baser sur ce type de classement pour élaborer nos politiques de recrutement, on se priverait de beaucoup de talents qui existent dans nos universités et dans d'autres.

Je terminerai en disant que je ne pense pas que ce type de classement s'adresse réellement aux entreprises.

M. Jean-Léonce DUPONT, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Pour conclure ces premières interventions, je vais passer la parole à M. Jean-Marc Monteil, ancien directeur de l'enseignement supérieur du ministère de l'Éducation nationale supérieure et de la recherche ; il est aujourd'hui chargé de mission auprès de Premier ministre.

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