B. DÉBAT AVEC LA SALLE

M. Jean-Léonce DUPONT, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Merci d'apporter votre pierre à ce débat. Nous allons échanger ensemble. Je vous demanderai de vous présenter lorsque vous prendrez la parole pour intervenir.

M. Philippe NASZÁLYI, directeur de La revue des sciences de gestion

En entendant le professeur Aghion, j'avais l'impression de cette phrase de Léon Blum qui me revenait « Le libéral est celui qui pense que son adversaire a raison . » Nous n'avons pas évoqué le classement des revues, il est parti comme cela. C'est un classement anglo-saxon. Nous avons une sorte de masochisme français, qui consiste à mettre dans le top A, A+ des revues anglo-saxonnes dans lesquelles nos collègues n'écrivent pas et effectivement ne risquent pas d'être classés. Si je vois les résultats de la Corée du Sud et que je considère qu'il y a eu le bidonnage du clonage dans les revues scientifiques américaines, cela fait-il partie des points qui ont élevé la Corée du Sud dans les classements internationaux ? Il faudrait le vérifier. Même les Américains écrivent sur le plagiat, sur les quantités de plagiats qu'il peut y avoir. Même moi qui dirige une revue, je vois depuis l'arrivée de ces classements combien de professeurs signent, cosignent désormais avec leurs doctorants. Je ne suis pas certain - et je suis désolé pour les professeurs - qu'ils aient réellement écrit ou contribué à ces articles, mais en tous les cas cela leur fera des citations. Le professeur Montagnier, qui est un prix Nobel que j'ai eu l'honneur d'interviewer, me disait que le jugement et les classements des pairs est ce qu'il y a de plus sclérosant et de plus limitatif pour l'innovation. Galilée allait à contre-courant. Le jugement de ses pairs n'était pas le bon et je ne suis pas certain non plus pour Pasteur, qui n'aurait pas existé avec un classement de Shanghai. Peut-être qu'il faut se poser des questions sur l'innovation et j'ai été très impressionné par le rapport de M. Salmi et de M. Monteil sur cette grande ouverture qu'il faut avoir et des réflexions qu'il faut poser.

M. Baki YOUSSOUFOU, président de la Confédération étudiante

Avant d'évoquer les questions que je me pose, je vais commencer par une réponse. Oui, le classement de Shanghai influence le monde étudiant, parce que de plus en plus d'étudiants, lorsqu'ils choisissent leur université - que ce soit en première année ou à l'international - y jettent un coup d'oeil. On veut tous croire que cela ne nous influence pas, mais on ne peut pas s'empêcher de les regarder. Si cela peut faire méditer certains présidents d'universités, ce serait bien. Que constate-t-on dans l'intervention de tous les participants ? Il y a toujours cette dualité en France, que ce soit dans les universités, dans les écoles classées. On a l'impression qu'il y a le système des grandes écoles et des universités. On peut le mettre sous le coup de la culture française, mais il y a aussi la dualité insertion professionnelle - recherche, qui est pour le coup plus grave, dans les universités internationales qui ont été classées dans les meilleurs endroits - car j'assume le fait que je regarde ces classements. Lorsqu'un étudiant se présente à moi pour me demander conseil, je lui dis aussi de regarder ces classements pour aller à l'international. On constate que dans les universités internationales, beaucoup font de la recherche et des placements, alors qu'en France, on a l'impression que lorsqu'on fait du placement, lorsqu'on parle d'insertion professionnelle, on ne peut plus parler de recherche. Ce qu'on a toujours défendu à la Confédération étudiante, c'est qu'en plus de la recherche et de la formation initiale, de la fabrication des connaissances, il faut aussi se battre sur le champ de l'insertion professionnelle.

Pour terminer, lorsqu'on interroge les étudiants français sur un classement de n'importe quelle université, on n'a pas le sentiment d'appartenance. Le seul endroit où ce sentiment d'appartenance existe, c'est dans les grands établissements et dans les grandes écoles. Cela ne nous étonne pas que dans ces établissements il y ait une lisibilité. À l'université, on ne nous donne pas de sentiment d'appartenance, ni nos professeurs ni l'administration. Quand on voit que dans la plupart des universités françaises, notamment les lettres et les sciences humaines, publier les taux de débouchés devient un combat politique, on n'est pas surpris que les étudiants n'aient pas un sentiment d'appartenance. Lorsqu'on voit que créer une association d'anciens est plus facile dans une école que dans une université, cela ne nous étonne pas que les étudiants ne se sentent pas rattachés à ces universités. Pour évoluer dans le classement, nous pensons qu'il faut arrêter d'opposer insertion professionnelle et recherche en France et que l'on construise les deux en même temps, mais que l'on développe aussi le sentiment d'appartenance dans nos universités parce que c'est le lieu, aujourd'hui, qui développe le plus la logique d'ascenseur social. Ce serait dommage de l'oublier et d'inciter les étudiants à n'aller que dans les grands établissements. En regardant ces établissements, il y a plus d'enfants de cadres et d'enfants d'anciens élèves de ces établissements que d'enfants issus des classes populaires.

M. Jean-Léonce DUPONT, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Merci, je vais vous demander d'être le plus synthétique possible.

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