B. MIEUX CONNAÎTRE LES PRATIQUES

1. Le non-respect de la loi et ses conséquences

André Comte-Sponville a déclaré au groupe de travail qu'il était favorable à une loi autorisant l'euthanasie « parce qu'il est républicain » , mais a relevé que, d'un autre côté, les pratiques euthanasiques, dont la réalité dans les services de réanimation ou d'urgence ne peut sérieusement être remise en cause, sont justement contraires à la loi républicaine. Il faut donc, a-t-il conclu, les faire disparaître ou mettre la loi en accord avec les faits.

La France dispose pourtant de peu de données fiables en ce domaine. Cependant, l'analyse de la perception par le personnel infirmier des circonstances de la mort à l'hôpital 22 ( * ) a mis en évidence plusieurs dysfonctionnements pouvant révéler des pratiques euthanasiques, et qui se trouvent confirmés par le rapport de l'Igas sur la mort à l'hôpital 23 ( * ) . Aucune étude scientifique ne permet cependant de connaître l'ampleur du phénomène en France. Or, ces pratiques clandestines ne respectent par nature aucune règle et ne garantissent aucun droit, notamment pas celui, fondamental, au respect de la volonté du malade. Il convient donc de les connaître pour comprendre leurs déterminants et les réguler.

2. La nécessité d'une étude conduite selon des critères internationaux

La méthode internationalement reconnue élaborée par le professeur Luc Deliens et son équipe de l'université libre flamande de Bruxelles pour étudier les circonstances de la fin de vie des malades a grandement servi pour éclairer le débat législatif belge. Il est nécessaire de mener des études selon cette méthode en France pour permettre une meilleure connaissance de la situation française, établir des comparaisons internationales et s'interroger sur la valeur des pratiques d'accompagnement actuellement admises, comme la sédation profonde terminale. S'il peut sembler paradoxal, voire impossible, de mener une étude et de publier un rapport sur des pratiques illégales, le professeur Deliens a déjà conduit un travail de ce type pour d'autre pays que la belgique, en entourant ses recherches d'un certain nombre de garanties pour les professionnels de santé qui décrivent leur pratiques, notamment en matière d'anonymat et d'absence de poursuites.

La tâche de conduire et financer ces études appartient à l'observatoire de la fin de vie créé, à la suite du rapport de Jean Leonetti, par un décret du 19 février 2010 24 ( * ) et dont le président est le professeur Régis Aubry. Si toutefois l'observatoire n'était pas en mesure de conduire ces études ou se refusait à le faire, le groupe de travail demanderait à la commission des affaires sociales du Sénat de mandater le professeur Deliens pour les mener.

*

En conclusion, le groupe de travail propose à la commission des affaires sociales :

- de demander au Garde des Sceaux d'adresser une directive aux parquets les invitant à discerner les cas où une assistance à la mort aura été apportée pour le seul motif de répondre au désir répété de la personne et à les classer sans suite en application de l'article 122-2 du code pénal ;

- de demander au président de l'observatoire de la fin de vie d'engager des études sur les pratiques entourant la fin de vie selon la méthodologie élaborée par le professeur Luc Deliens, et, à défaut, de confier à ce dernier le soin de les conduire pour le Sénat.


* 22 Edouard Ferrand et al., « Circumstances of death in hospitalized patients and nurses' perceptions », archives of internal medecin, vol 168, n° 8, 28 avril 2008.

* 23 Françoise Lalande, Olivier Veber, « La mort à l'hôpital », Igas, janvier 2010 (les données servant de base aux statistiques mentionnées datent de 2007).

* 24 Décret n° 2010-158 du 19 février 2010.

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