B. UNE POLITIQUE AUX OBJECTIFS MULTIPLES ET DIFFICILEMENT MESURABLES

1. Réduire le travail dissimulé

Les services à la personne constituent un secteur d'activité où la dissimulation d'activité totale ou partielle est sans doute l'une des plus importantes. Dans son premier rapport 28 ( * ) , le Conseil des prélèvements obligatoires notait ainsi que « les cours particuliers ou les travaux ménagers sont des activités dans lesquelles la déclaration a longtemps été l'exception, jusqu'à l'apparition du chèque emploi-service et le travail dissimulé s'y pratique encore avec une indulgence forte de la part de la société ».

Quoiqu'ancien, le travail dissimulé est mal connu des services de contrôle qui ont peu accès aux activités se déroulant au domicile des particuliers. Aussi, les chiffres disponibles sont ils rares, parcellaires et marqués par une grande incertitude. Le rapport précité estime qu'en 2001, les services aux particuliers ont donné lieu à une fraude fiscale débouchant sur une perte de 2,3 milliards d'euros d'impôts pour l'Etat.

En 2008, d'après une enquête de la TNS-Sofres 29 ( * ) , « seulement » 13 %  des Français employant une personne à domicile la rémunèreraient au noir, mais ce chiffre est probablement biaisé par la difficulté de faire état d'un comportement répréhensible.

En 2006, une étude de la Caisse d'Epargne estimait que 45 % de ces emplois ne seraient pas déclarés, tandis qu'il résulte d'une étude de COE-REXECODE 30 ( * ) qu'en 2007, un tiers des emplois 31 ( * ) du secteur le seraient « au noir »...

Ainsi, dans un contexte général où, d'après l'Observatoire national de la délinquance (OND), le travail illégal aurait plus que doublé en France de 2003 à 2008, les politiques procurant des incitations financières suffisantes pour déclarer les employés à domicile présentent probablement une utilité sociale majeure , malheureusement peu mesurable , mais qui ne doit pas être, pour autant, perdue de vue à l'heure du réexamen d'une certain nombre de dispositifs, notamment fiscaux, sur lesquels repose la politique de soutien aux services à la personne. Cette politique doit toutefois venir en complément d'un dispositif de sanctions appliqué sans indulgence.

De fait, il est aujourd'hui, dans de nombreux cas, moins onéreux de déclarer un salarié à domicile, plutôt que de ne pas le déclarer, à salaire net équivalent. En 2010, pour 10 euros de salaire net versé pour une heure de travail, l'employeur se voit prélever 6,21 euros de charges sociales patronales et salariales (déclaration au forfait). Avec le crédit d'impôt, la charge réelle ressort ainsi à (16,21 / 2 =) 8,10 euros, soit une « économie » de 19 % par rapport à la non-déclaration.

Bien entendu, ce calcul est théorique et ne tient pas compte de plusieurs facteurs, tels que le surcoût susceptible d'être entraîné par une déclaration « au réel », l'éventuelle saturation de l'avantage fiscal (dépassement des plafonds), une incapacité de faire l'« avance » du crédit d'impôt, le recours à un organisme prestataire, qui prélève une « marge » qui disparaît en cas d'emploi direct « au noir », ou encore la volonté de la personne employée de ne pas déclarer ces revenus.

DEVANT L'AMPLEUR DU TRAVAIL AU NOIR,
L'ESPAGNE TENTÉE PAR UN « PLAN BORLOO »

L'Association Espagnole des Services à la Personne (AESP) est à l'origine d'une initiative en faveur de la promotion du secteur des services à la personne et exerce une pression sur les autorités publiques espagnoles pour l'adoption d'une politique globale de développement pour ce secteur actuellement fortement caractérisé par le travail au noir .

L'AESP estime qu'environ un million de personnes travaillent actuellement dans ce secteur de façon irrégulière . La promotion de ces services est donc perçue comme un enjeu national dans la mesure où elle permettrait d'ici 2013 la création de plus de 350 000 emplois à temps plein dans le secteur des services à la famille (garde d'enfants, soutien scolaire, garde d'animaux domestiques, aide informatique) et près de 660 000 dans le secteur des services de santé et qualité de vie (services aux personnes âgées, ménage, coiffeurs à domicile).

Depuis avril 2009, l'AESP travaille en faveur de l'adoption d'une politique publique dédiée au développement de l'ensemble des services à la personne. En tant qu'association leader pour la promotion de ce secteur, elle collabore avec les administrations publiques afin de professionnaliser les services à la personne en valorisant une formation spécifique et négocie la mise en place en Espagne d'une série de mesures fiscales, inspirée du plan Borloo , offrant des avantages aux personnes contractant ce type de service. L'AESP propose d'adopter en priorité deux mesures fondamentales :

- la création d'une Agence Nationale des Services à la Personne qui coordonnerait les actions de la réforme et permettrait au secteur de disposer d'un interlocuteur unique ;

- la création d'une Commission Permanente de concertation pour les différents services à la personne.

Source : Services économiques des Ambassades


* 28 La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle, 2007.

* 29 Troisième vague de « l'Observatoire des services à la personne » conduit par TNS SOFRES pour O2, enquête réalisée du 8 au 9 octobre 2008 sur un échantillon national de 1 007 personnes représentatif de l'ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, interrogées en face-à-face à domicile.

* 30 Propositions pour la mise en place d'un observatoire économique et social du secteur des entreprises de services à la personne, mai 2009. Le document précise : « Pour parvenir à une estimation du nombre d'heures de services à la personne réalisées de manière informelle, nous considérons que la part du travail au noir est différente selon les activités de services à la personne. La part du travail non déclaré est très importante pour le soutien scolaire (de l'ordre de 60 %) et importante pour l'entretien de la maison (plus de 50 %), elle représente moins de 40 % pour la garde d'enfants, 25 % pour les autres activités... Nous estimons ainsi le nombre d'heures non déclarées toutes activités de services à la personne confondues à 410 millions d'heures de travail illégal en 2007. Cela représente environ un tiers des heures de services à la personne réalisées par l'ensemble des acteurs (hors assistantes maternelles) ».

* 31 Emplois en équivalent temps plein.

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