INTRODUCTION

Les services à la personne (SAP) 131 ( * ) rassemblent l'ensemble des services participant au mieux-être des individus à leur domicile. Ils recouvrent trois grandes dimensions différentes : les services à la famille (garde d'enfants, cours à domicile...), les services de la vie quotidienne (bricolage, jardinage, travaux ménagers...) et les services aux personnes dépendantes (soins à domicile, assistance aux personnes âgées...).

La politique française dédiée aux services à la personne paraît relativement originale au regard des autres pratiques nationales. Présentée comme grande pourvoyeuse d'emplois lors du lancement du Plan Borloo (2005), cette politique semble aujourd'hui, dans un contexte de crise, parvenue à un stade critique : le coût du soutien aux SAP pose un problème de soutenabilité dans le temps, la professionnalisation attendue est très inégale, tandis que le nombre et la qualité des emplois créés déçoivent selon certaines approches.

Dès lors, un certain nombre de questions se pose :

• L'« industrialisation » annoncée des services à la personne, se produira-t-elle ?

• La filière, au demeurant peu homogène, donnera-t-elle lieu, sous contrainte budgétaire et avec des besoins accrus liés à la dépendance, à un soutien plus différencié, selon qu'elle s'adresse à des personnes fragiles ou qu'elle fournit des services de confort ?

• S'achemine-t-on, sous cette même contrainte, vers un certain désengagement de l'État dans certains services publics qui suscitera de nouveaux besoins de services à la personne ?

• Le soutien de l'emploi l'emportera-t-il sur des considérations budgétaires ou d'équité pour maintenir le niveau des aides existantes ?

OBJECTIF DE LA DEMANDE

Saisie par la commission des finances du Sénat, la Délégation sénatoriale à la prospective a confié au sénateur Joseph Kerguéris un rapport d'information sur « L'avenir des services à la personne ». Cette étude a vocation à dresser un bilan de cette politique et d'en évaluer le potentiel pour les deux décennies à venir. Dans ce cadre, l'examen des expériences et des approches étrangères doit permettre d'enrichir le référentiel de la réflexion poursuivie. Les contributions des ambassades sont susceptibles d'être citées dans le rapport ou d'être reproduites en annexe.

Champ géographique et argumentaire : l'échantillon de pays a été notamment déterminé au regard des écarts supposés avec le modèle français pour le traitement des services à la personne concernant en particulier : le niveau des aides (élevé : Belgique ; intermédiaire : Pays-Bas ; bas : Suède), l'impact de la natalité (faible : Allemagne par ex), de la culture d'entraide familiale (Italie par ex), de l'impact de la crise (Espagne), du modèle économique (libéral : États-Unis, Grande-Bretagne), le questionnaire pour le Japon étant plus exploratoire.

Questionnaire de l'étude (En français)

Eléments de contexte général :

1/Quelle place représentent les services à la personne dans l'économie (part du PIB, nombre d'emplois en heures de travail ou en ETP) ?

2/Sont-ils identifiés comme des gisements d'emploi ? Sont-ils perçus comme un enjeu national et existe-t-il une démarche prospective à leur endroit ?

3/Font-ils l'objet d'une politique publique, à l'image de la France avec le plan de développement des services à la personne 132 ( * ) ?  Si oui :

a. Quelles sont les grandes étapes de la politique de soutien au secteur des services à la personne ? Détailler les mesures (fiscales, sociales, aides directes) et leur coût pour les finances publiques.

b. Quelles sont les modalités techniques les plus avancées (chèques préfinancés par l'employeur, etc.) ?

c. Quel bilan peut-on faire des politiques mises en oeuvre (effets sur l'emploi, sur la croissance, sur l'économie souterraine) ? Dispose-t-on d'évaluations de ces politiques ?

d. Quels en sont les financeurs (État, collectivités locales, sécurité sociale) et quel est le degré de décentralisation dans la définition juridique et la mise en oeuvre du dispositif ? Quels sont les canaux privilégiés pour développer l'offre de services à la personne (particuliers, associations, entreprises, etc.) ? Quel est le poids de chacun ?

e. Existe-t-il des politiques de formation ou de valorisation symbolique et pécuniaire pour accompagner le développement de l'offre de services à la personne ?

f. Quelle est la rémunération horaire nette moyenne d'un salarié de ce secteur (distinguer les éventuels sous-secteurs) ?

g. Y a-t-il un système d'agrément des prestataires permettant de garantir au client la qualité de la prestation et la contrepartie de l'aide publique ?

h. La crise actuelle paraît-elle de nature à remettre en cause les soutiens existants ?

i. Peut-on identifier des situations où le recours à des services à la personne soutenu par des aides publiques représente une alternative à des prestations fournies par ailleurs dans le cadre de services publics traditionnels ? Y a-t-il, de ce point de vue, un effet de substitution effectif et/ou souhaitable ?

Commentaires complémentaires éventuels : Dans les réponses, distinguer, le cas échéant, les services à la famille (garde d'enfants, cours à domicile...), les services de la vie quotidienne (bricolage, jardinage, travaux ménagers...) et les services aux personnes dépendantes (soins à domicile, assistance aux personnes âgées...).

Situation française - Réponse pour la France au questionnaire -

(En français)

Titre de l'étude

• En juillet 2005, le plan Borloo officialise la création d'un nouveau secteur : le secteur des services à la personne (SAP) 133 ( * ) , qui est depuis devenu l'un des principaux moteurs de la croissance des activités de service, avec 15,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2008 134 ( * ) et un taux de croissance de 10%. Avec 1,9 millions de salariés en 2007, soit 1 329 millions d'heures travaillées, les SAP ont permis la création de 232 000 nouveaux emplois au total depuis 2005. En équivalent temps plein (ETP), ce sont 121 000 nouveaux emplois qui ont ainsi été créés, soit près d'un emploi sur six créés dans l'économie française entre 2005 et 2007.

• Plus encore, l'évolution sociodémographique de la population française (nucléarisation des ménages, taux de natalité parmi les plus élevés d'Europe, augmentation de la population des personnes dépendantes) constitue un support durable de cette tendance.

• La croissance rapide des SAP s'accompagne par ailleurs d'une évolution de l'organisation du secteur. Historiquement dominée par les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les associations, l'offre de SAP s'est diversifiée dans les années 1990 avec l'extension de l'emploi direct, i.e. les particuliers employeurs, et l'ouverture aux entreprises privées. En représentant plus de 85% des emplois en SAP en 2007, les 1,2 millions d'emplois de gré à gré supplantent massivement toute autre modalité de recours à l'emploi observé.

• Pour stimuler la demande de SAP, de nombreux dispositifs, fiscaux et sociaux, ont été mis en place, notamment ceux associés aux Chèques emploi service universel (Cesu) entré en vigueur en 2006 135 ( * ) . Il s'agit par exemple des réductions d'impôt sur le revenu ou des crédits d'impôt (réservés aux actifs) destinés aux particuliers employeurs, qui ont été mises en place pour lutter contre le travail au noir. Il existe également toute une série de dépenses fiscales mises en place ces 20 dernières années (réduction d'impôt sur le revenu de 50% des sommes dépensées en services à la personne, réduction et exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale, taux réduit de TVA). Au total, les « aides aux services à la personne » s'élèvent en 2007 à 4,6 milliards d'euros 136 ( * ) . Elles augmentent rapidement chaque année, de 11% par exemple en 2007. L'essentiel des aides fiscalo-sociales concerne les services rendus aux personnes fragiles (jeunes enfants, personnes âgées et handicapées) et s'élève à 3,3 milliards d'euros en 2007 137 ( * ) .

• En 2009, l'emploi et l'activité dans les SAP continuent à se développer, même si le rythme a été ralenti par le choc brutal de la crise. Ainsi, le nombre total d'heures travaillées dans le secteur continue de progresser (+1,5% en 2009) et les SAP augmentent leur part dans l'ensemble de l'économie, en représentant près de 1% de la valeur ajoutée totale générée en 2009.

• Le secteur souffre encore d'une image relativement négative. Le faible niveau des rémunérations, des qualifications, l'existence d'horaires le plus souvent flexibles et fractionnés, le temps partiel subi et l'isolement des salariés sont des caractéristiques soulignées en 2007 qui perdurent aujourd'hui et qui sont reconnues par la profession. Le secteur des SAP étant fortement créateur d'emplois, le problème central porte plutôt sur la nature et la qualité des emplois de ce secteur, notamment pour les services répondant à la recherche d'une meilleure qualité de vie. Sont également identifiés des problèmes d'ordre réglementaire comme les problèmes récurrents de professionnalisation, de recrutement et de stabilité des personnels. L'axe privilégié est à l'heure actuelle l'amélioration de la formation professionnelle des salariés dans les métiers des SAP.


* 131 Le champ des services à la personne est défini par la loi du 26 juillet 2005 et précisé à l'article D.129-35 du code du travail.

* 132 « Plan Borloo » de février 2005, complété en mars 2009 par un « plan 2 ».

* 133 Trois grands domaines de services sont distingués par l'Agence nationale des services à la personne (ANSP) : (1) les services à la personne (garde d'enfants), (2) les services de la vie quotidienne (tâches ménagères et familiales) et (3) les services aux personnes dépendantes (personnes âgées ou handicapées). Le secteur des SAP regroupe ainsi un ensemble de services hétérogène, répondant, d'une part, à des besoins sociaux, déjà réglementés et répertoriés, et, d'autre part, à la recherche d'une meilleure qualité de vie.

* 134 Source : Agence nationale des services à la personne, « Observatoire de l'emploi et de l'activité dans les services à la personne », mars 2008.

* 135 Le Chèque emploi service universel (Cesu) est un dispositif permettant à un particulier employeur de déclarer et rémunérer des activités de SAP. Il a pris la place du chèque emploi-service (CES) créé en 1994 pour faciliter le paiement des services relatifs aux tâches ménagères et des titres emplois services (TES) créés en 1996 à destination des entreprises de services à la personne. Le Cesu peut être utilisé pour financer les activités de SAP et la garde d'enfants au domicile et à l'extérieur du domicile. On distingue le « Cesu déclaratif » pour les personnes ayant des employés de maison (équivalent à l'ancien CES) du « Cesu préfinancé », moyen de paiement permettant de rémunérer des SAP.

* 136 Source : rapport Dubonneuil (IGF), « Les services à la personne : bilan et perspectives », septembre 2008.

* 137 Les financements sont majoritairement collectifs pour les services en direction de personnes fragiles, majoritairement individuels pour les autres services.

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