M. Benoist Apparu, Secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

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Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a entendu M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

Ayant rappelé que l'augmentation de la pression démographique sur les zones littorales était un phénomène de fond au niveau mondial, M. Bruno Retailleau, président, a exposé que la construction indue d'habitations dans les zones à risque, que la tempête Xynthia avait révélé, résultait d'une cascade de responsabilités impliquant non seulement les élus locaux, mais aussi les services préfectoraux, qui instruisent environ 80 % des demandes de permis de construire et qui ont peu fait usage de leur capacité de déférer des actes apparemment illégaux à la juridiction administrative ; il a interrogé M. Benoist Apparu sur les conséquences à tirer de ces constats en matière de droit des sols.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a tout d'abord souligné qu'une éventuelle réforme du droit des sols ne concernerait que les logements futurs et que le législateur, s'il pouvait gérer l'avenir, n'avait pas d'emprise sur le passé, c'est-à-dire sur le stock de maisons existantes ; à cet égard, il a rappelé que les plans de prévention des risques (PPR) pouvaient contenir des prescriptions applicables aux bâtiments existants, mais que les coûts des travaux qu'ils imposeraient alors de réaliser était limité à 20 % du prix de l'habitation. Ensuite, sur le cas particulier de l'urbanisme du littoral, il a estimé que deux dynamiques contradictoires étaient à l'oeuvre, à savoir une forte pression démographique (en France, le quart nord-est est en effet en dépeuplement, tandis que les façades maritimes sont en nette croissance) et la nécessité de tenir compte des risques et de protéger le patrimoine. Il a fait valoir qu'elles formaient une équation extrêmement complexe à gérer. Dans ce cadre, il a observé que des expériences d'urbanisme de projet, qui permettent de faire primer les objectifs poursuivis -qui sont prédéfinis en amont par les pouvoirs publics- sur les normes infra-législatives, avaient récemment été menées dans les zones littorales, par exemple à Guérande et à Antibes, et qu'elles avaient montré que la prolifération et la complexité des normes pouvait faire obstacle à la réalisation effective des buts poursuivis par le législateur.

En outre, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a indiqué que la révision générale des politiques publiques (RGPP) avait des conséquences évidentes sur le contrôle de légalité, mais que l'acceptation totale de la logique de la décentralisation impliquait que le contrôle des préfets s'amoindrisse, et donc que les déférés soient plus rares ; il a également affirmé que le faible taux d'actes déférés en matière d'urbanisme (0,024 % en 2008) était dû à l'existence d'échanges informels entre les élus et les préfectures qui permettaient, le plus souvent, d'éviter les contentieux, et au fait que l'État, lorsqu'il instruit les demandes de permis de construire, vérifie ex ante la légalité desdits permis.

Ayant relevé que la proportion d'actes pris en matière d'urbanisme qui faisaient l'objet d'une lettre d'observation était elle aussi très faible (1,2 % en 2008, selon la DGCL), M. Bruno Retailleau, président, a estimé qu'il existait une tension entre les besoins des petites communes, qui sont dépourvues de services suffisants pour assurer seules l'instruction des demandes de permis de construire, et la nécessité de mettre fin à une situation dans laquelle l'État, en instruisant la délivrance d'actes dont il est censé garantir la légalité, est à la fois juge et partie.

Ayant rappelé que la plupart des communes françaises étaient trop petites pour disposer de services instructeurs efficaces, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a estimé que la question centrale était celle de la planification en matière d'urbanisme, et du niveau auquel cette planification devait être effectuée ; ainsi, il s'est demandé s'il était pertinent de maintenir les plans locaux d'urbanisme (PLU) au niveau communal.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité savoir :

- s'il était souhaitable que les services préfectoraux chargés de l'instruction des demandes de permis de construire, qui se bornent aujourd'hui à contrôler la conformité de ces permis aux documents d'urbanisme qui leur sont immédiatement opposables, mènent un contrôle plus approfondi à l'avenir, notamment dans la mesure où les maires s'en remettaient généralement à l'avis des services instructeurs sans effectuer d'investigations complémentaires ;

- s'il était souhaitable de mettre en place une règle supra-communale directement opposable aux permis de construire ;

- s'il était envisageable que l'instruction des demandes de permis de construire pour le compte des petites communes soit confiée aux intercommunalités ou aux départements, plutôt qu'aux services préfectoraux.

Enfin, il a estimé que l'esprit de la décentralisation ne s'opposait pas à ce que des actes soient déférés au juge administratif par le représentant de l'État, et ce d'autant plus que la responsabilité de l'État peut être engagée en cas de faute lourde dans l'exercice du contrôle de légalité.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que la mise en place d'une nouvelle norme supra-communale serait un facteur de complexité et que la hiérarchie des documents d'urbanisme devait être respectée. Ayant rappelé que, en l'état du droit, les PPR étaient directement opposables aux permis de construire, il a souligné que les actuels schémas de cohérence territoriale (SCOT) ne pouvaient pas valablement être utilisés pour faire échec aux permis de construire, dans la mesure où ils se bornaient à fixer des objectifs -et non des normes précises comme les PLU- et où ils ne couvraient que rarement des zones rurales, qui sont celles où l'instruction des demandes de permis de construire par les services préfectoraux est quasiment systématique.

À M. Alain Anziani, rapporteur, qui déclarait que la solution consisterait alors à rendre les PLU obligatoires sur tout le territoire, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a répondu que cette question était complexe, puisqu'un PLU communal n'était pas utile dans les très petites communes et que la progression des SCOT permettait d'ores et déjà de structurer les territoires au niveau des agglomérations, mais que, parallèlement, si le PLU était intercommunal, la solution de sa généralisation pourrait avoir de nombreux avantages. Toutefois, il a noté que les maires étaient très attachés au maintien d'une compétence communale en matière de droit des sols.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui faisait valoir que le fonds Barnier, qui perçoit environ 150 millions d'euros par an, ne pourrait que difficilement faire face aux dépenses résultant de la tempête Xynthia -les dépenses d'indemnisation dans les « zones de solidarité » étant, à elles seules, évaluées entre 300 et 400 millions d'euros-, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a rappelé que l'État pouvait consentir des avances au fonds.

Ayant estimé qu'il était légitime de maintenir l'urbanisme à un niveau de proximité avec les populations, M. Bruno Retailleau, président, a voulu connaître le contenu des amendements qui seraient déposés par le gouvernement à l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle 2 », afin de mettre en oeuvre les mesures d'urgence permettant de faire face à court terme aux conséquences de la tempête Xynthia.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que les amendements déposés par le gouvernement viseraient notamment à :

- sécuriser l'intervention du fonds Barnier, qui doit être étendu aux cas de submersion marine ;

- augmenter la capacité d'intervention de l'État pour le financement du plan « Digues », en faisant passer le taux d'aide aux collectivités territoriales dans le cadre du fonds Barnier de 25 à 40 % dans les communes disposant d'un PPR approuvé ;

- mettre en place une procédure simplifiée de révision des PPR, afin de garantir une prise en compte rapide de l'augmentation de l'aléa de référence par ces documents ;

- faire en sorte que les PPR mis en application par anticipation ne soient pas inopérants à l'expiration d'un délai de trois ans.

En outre, il a fait valoir que d'autres dispositions du « Grenelle 2 », comme la généralisation des SCOT, auraient un impact positif sur la prévention des risques, et que la généralisation des PPR relevait d'une volonté politique, traduite par les instructions données par le gouvernement aux préfets de département, plutôt que de modifications législatives : il s'agirait alors de donner pour directive aux préfets d'accélérer l'adoption des PPR, ce qui se traduira mécaniquement par une diminution de la concertation avec les élus locaux.

Répondant à M. Alain Anziani, rapporteur, qui envisageait qu'une date maximale pour l'adoption des PPR soit fixée par voie législative, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que cette solution, bien que légitime dans son principe, se heurtait à l'état d'avancement très variable des PPR, certains étant presque achevés alors que, pour d'autres, les travaux n'ont même pas débutés. À cet égard, il a souligné que les PPRI, qui tenaient compte des risques d'inondation et non des risques de submersion, étaient bien plus avancés dans les zones fluviales que dans les zones littorales et que ces deux situations soulevaient des problématiques très diverses, les PPR en zone fluviale devant prévenir les atteintes aux biens tandis que les PPR en zone littorale doivent s'intéresser prioritairement aux risques pour les personnes : il a estimé que, à l'avenir, ces deux types de risques devraient être clairement différenciés dans les PPR. En outre, il a exposé que, si le législateur fixait une date-butoir pour l'adoption des PPR, il devrait alors prévoir une sanction proportionnée.

À M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les conséquences à tirer de la tempête Xynthia à long terme en matière de droit de l'urbanisme, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le gouvernement mènerait cette réflexion à la lumière des travaux du Parlement.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur la raison des fortes oppositions à la cartographie des « zones noires » sur le terrain, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'il avait rencontré les maires des communes de Charente-Maritime touchées par la tempête Xynthia lors d'une réunion du 10 mars 2010 sur le relogement des sinistrés et que, à cette occasion, il avait été interrogé sur le devenir des habitations à court terme ; dès lors, c'est pour répondre aux interrogations et aux craintes des élus locaux et des habitants qu'un micro-zonage a été mis en place pour repérer rapidement les zones mortelles et empêcher les populations de s'y réinstaller. Il a précisé que les expertises conduites pour mener à bien cette opération, bien que rapides, n'avaient pas été précipitées, et qu'elles avaient été sérieuses et s'étaient attachées à mettre en place des zones pertinentes : à cet égard, il a souligné que les experts avaient travaillé durant 5 000 heures pour établir la cartographie des « zones mortelles » en Charente-Maritime. Toutefois, il a admis que des incohérences -dont certaines ne sont qu'apparentes et visent, en réalité, à éviter le mitage urbain- persistaient et que des erreurs de communication avaient été commises par le gouvernement, ce qui expliquait partiellement la forte opposition aux « zones noires » sur le terrain.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur le périmètre des zones soumises à enquête publique et sur le calendrier des procédures d'expropriation, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'une enquête parcellaire serait menée, en concertation avec les élus locaux et les habitants concernés, avant le lancement des enquêtes publiques afin d'affiner les périmètres d'expropriation, et que ces derniers seraient ensuite précisés tout au long de la procédure. En outre, il a souligné que des directives claires seraient données aux préfectures par le pouvoir central, certainement par le biais d'une lettre d'engagement interministériel.

M. Alain Anziani, rapporteur, a relevé que les expropriations pour risque naturel majeur ne pouvaient, aux termes de la loi « Barnier » de 1995, être menées que si elles s'avéraient moins coûteuses que la mise en place de mesures de protection ; ayant estimé que ce « bilan financier » était difficile à appréhender, il a souhaité savoir comment ce critère serait appliqué par le gouvernement et s'il avait eu un impact dans la définition des « zones de solidarité ».

Ayant souligné qu'aucun critère financier n'avait été pris en compte pour la délimitation des « zones de solidarité », M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que la législation applicable en matière d'expropriation serait strictement appliquée par le gouvernement mais que, dans la mesure où les « zones noires » se caractérisaient par un degré de risque pour la vie humaine tel qu'aucune protection efficace ne pouvait être mise en place -contrairement aux « zones jaunes »-, il ne serait peut-être pas nécessaire d'établir un bilan financier. De plus, il a précisé que les enquêtes publiques, qui seraient informellement lancées à la fin de l'été 2010, débuteraient au cours de l'automne.

Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur la possibilité de construire les habitations autrement plutôt que de déclarer les zones à risque inconstructibles, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que des prescriptions sur la construction et l'aménagement des maisons ne sauraient être suffisantes pour prévenir les risques extrêmes, dans la mesure où elles ne s'appliqueraient qu'aux bâtiments nouveaux et non aux maisons existantes. Néanmoins, il a souligné que le risque d'inondation n'interdisait pas, en tant que tel, toute construction et que, dans les zones exposées à un niveau de risque acceptable, il conviendrait de garantir non seulement la protection des biens, mais aussi la préservation de la vie sociale, économique et humaine de la zone en cas d'inondation durable.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, qui estimait anormal que chaque maison classée en « zone noire » n'ait pas été préalablement visitée par les experts et qui relevait que de nombreuses erreurs de pédagogie avaient été commises, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'il partageait cette analyse mais que, sur un plan technique, il n'était pas nécessaire que les experts aient visité individuellement les habitations touchées par la tempête Xynthia pour déterminer si elles étaient soumises, ou non, à un risque mortel ; en outre, il a fait valoir que ces experts avaient été sur le terrain, où ils avaient effectué plus de 150 relevés des niveaux de submersion, mais qu'ils auraient dû y rester environ six mois pour effectuer une analyse au cas par cas, cette durée étant incompatible avec la nécessité de renseigner rapidement les populations sur l'avenir de leur maison. Enfin, il a souligné que, sur les 915 habitations classées en « zone de solidarité » en Vendée, 830 avaient fait l'objet d'une demande de rendez-vous dans le cadre de la procédure d'acquisition amiable.

M. Jean-Claude Merceron a jugé nécessaire d'examiner de plus près les cas les plus difficiles.

En réponse à des remarques de MM. Bruno Retailleau, président, et Alain Anziani, rapporteur, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le gouvernement avait donné pour instruction aux préfets de repérer et de signaler d'éventuelles « zones mortelles » dans leur département, et que les « zones noires », une fois « sanctuarisées » (c'est-à-dire au terme de la phase d'acquisition amiable et de la phase d'expropriation), pourraient être réhabilitées dès lors qu'aucune activité nocturne n'y était organisée ; en tout état de cause, il a précisé que la destination de ces zones serait régie par les futurs PPR.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'établissement public foncier d'État dont le gouvernement a annoncé la création pour contribuer, en Vendée, à la gestion des conséquences de la tempête Xynthia et notamment au relogement des sinistrés, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a précisé que le décret instituant cet organisme serait prochainement publié.

Mme Gisèle Gautier a estimé qu'il serait opportun de permettre aux sinistrés de recourir à une procédure d'urgence en matière de marchés publics.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le relogement à long terme des populations serait facilité par plusieurs mesures :

- l'accélération de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme ;

- l'assouplissement du prêt à taux zéro : ce prêt, qui est aujourd'hui réservé aux primo-accédants, sera ouvert aux sinistrés, et une enveloppe exceptionnelle de 5 millions d'euros sera accordée au financement de ce dispositif.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur un éventuel déplafonnement des ressources prises en compte pour ce prêt, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a fait valoir que les procédures d'acquisition amiable des habitations permettront déjà de couvrir 100 % du coût du foncier.

Enfin, il a précisé que les dépenses exposées par les communes pour préfinancer le fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU) -pour un coût estimé, à ce stade, à 954 millions d'euros- seraient remboursées en urgence et intégralement par l'État.

En conclusion, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a déclaré comprendre les difficultés auxquelles les sinistrés se trouvent confrontés. Il a rappelé que l'objectif prioritaire était de protéger la population. Il a de nouveau souligné que les PPR apporteraient une réponse pour l'avenir mais qu'il fallait pouvoir traiter la situation du bâti existant.

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