M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement

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La mission a enfin procédé à l'audition de M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement (FNE).

M. Raymond Léost a tout d'abord rappelé que FNE était une fédération d'associations créée en 1968 et reconnue d'utilité publique, regroupant 3 000 associations locales et plusieurs associations nationales défendant, non des intérêts catégoriels, mais l'intérêt général environnemental.

Puis il a dressé certains constats relatifs à la tempête Xynthia :

- la mer aurait pénétré sur les terres, qu'il y ait eu des digues ou non ;

- les réponses doivent être différenciées, selon que les zones sont urbanisées ou non ;

- si les risques de submersion ou d'inondation sont connus, leur probabilité est en revanche difficilement définissable.

Il a alors exposé les mesures préconisées par sa fédération :

- la prévention des risques naturels ne peut s'analyser à l'échelon de la seule commune ; elle requiert un territoire approprié, qui coïncide préférentiellement avec une entité écologique ;

- les communes situées à l'intérieur des terres, et non les seules communes littorales, doivent être prises en compte ;

- l'objectif d'un développement à tout prix des communes doit être abandonné. Il convient en effet de réfléchir à l'échelon intercommunal aux moyens de mieux répondre aux besoins des habitants actuels.

M. Bruno Retailleau, président, ayant fait remarquer que les populations demandaient souvent le développement de leur commune, M. Raymond Léost a acquiescé, tout en précisant que la réponse ne devait pas être que quantitative. La loi « littoral », a t-il poursuivi, doit intégrer les risques naturels et viser, non la seule protection des espaces naturels, mais également leur mise en valeur. Ainsi, l'interdiction de construire dans une bande de 100 mètres en retrait du rivage, motivée par la prévention de l'érosion, pourrait également être justifiée par la protection des communes exposées. De même, la capacité d'accueil de ces dernières devrait prendre en compte la prévention des risques naturels. Il conviendrait également d'identifier les espaces non urbanisés soumis à ce type de risques en vue de les soustraire à l'urbanisation et d'y développer des activités marines ou agricoles. Enfin, il faudrait revenir sur la disposition de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ayant rendu inapplicable l'interdiction de construction dans la bande de 100 mètres pour ce qui est des chenaux : en effet, la mer s'y est engouffrée, dans le cas de la tempête Xynthia, provoquant des dégâts dans les parties urbanisées.

M. Bruno Retailleau, président, a fait observer le risque de fragmentation de la législation entre des plans de prévention des risques inondation (PPRI) relevant du code de l'environnement, et une loi « littoral » intégrée dans le code de l'urbanisme. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'une meilleure adaptation des PPRI au risque de submersion marine, plutôt que d'une modification de la loi « littoral » en ce sens.

M. Raymond Léost a estimé que la protection des risques naturels dans la loi « littoral » ne serait en rien exclusive des dispositions contenues à cet effet dans les PPRI. Il a par ailleurs regretté que les directives territoriales d'aménagement (DTA), créées en 1995, risquent d'êtres supprimées lors de l'adoption prochaine du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. Elles offrent en effet une réflexion sur les coupures d'urbanisation dans les espaces proches du rivage à une échelle supérieure à celle de la commune. Il eût été judicieux d'utiliser un tel instrument existant plutôt que d'en développer de nouveaux.

M. Raymond Léost a par ailleurs jugé que la gestion du trait de côte devait également être approchée à une échelle supracommunale, soit celle de la région au moyen de syndicats mixtes interdépartementaux, permettant d'avoir une vision concertée entre élus. Dans les zones urbaines exposées à des risques, a t-il poursuivi, il conviendrait de mieux prendre en compte le bilan coût/avantages d'une destruction des maisons. Celle-ci n'étant pas nécessairement la meilleure solution, une restauration ou une surélévation des digues pourrait lui être préférée, l'objectif prioritaire devant être de soustraire les populations exposées aux risques.

Notant qu'un tel bilan coût/avantage se trouvait dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », M. Bruno Retailleau, président, a alors interrogé l'intervenant sur les « zones de solidarité ».

Remarquant tout d'abord qu'elles échappaient à toute définition juridique, M. Raymond Léost s'est inquiété du devenir des terrains ainsi libérés, préconisant leur affectation au Conservatoire du littoral, ainsi que du relogement des actuels propriétaires, estimant qu'il faudrait veiller à ne pas les installer dans de nouvelles zones à risques ni ouvrir de dérogations aux dispositions anti-mitage de la loi « littoral ».

Déplorant l'insuffisante transparence dans la procédure de détermination des « zones de solidarité », il a observé que l'Etat avait repris les critères présidant à l'élaboration des PPRI, dont il a jugé qu'ils seraient sous-dimensionnés en cas de survenance d'un évènement climatique de plus grande ampleur.

Evoquant le manque de culture du risque chez les citoyens et l'effort pédagogique que devraient fournir les pouvoirs publics, M. Raymond Léost a apprécié favorablement le principe des « zones de solidarité », sous réserve de quelques ajustements possibles à la marge. Partisan d'une libre circulation des eaux mais jugeant de façon assez négative les maisons sur pilotis, que le courant affaiblit, il a souhaité que les recherches sur les ouvrages de protection soient rendues publiques et que la concertation soit renforcée. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, les documents d'urbanisme doivent tenir compte des éléments de prévision des risques et l'Etat devrait contraindre les communes récalcitrantes dans cette voie. Evoquant une récente jurisprudence, il s'est dit favorable à la suppression de la procédure des permis de construire tacites dans les zones exposées aux risques, dans l'intérêt tant des auteurs desdits permis que des pouvoirs et des finances publics. L'Etat, et non les autorités décentralisées, doit rester le garant de la prévention des risques naturels. Il conviendrait enfin de revenir sur la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 ayant transféré définitivement de l'Etat aux communes la responsabilité de la délivrance des permis de construire dès l'adoption d'un plan local d'urbanisme (PLU), en ôtant notamment cette compétence lorsqu'elle est exercée en anticipation d'un PPRI.

M. Bruno Retailleau, président, a fait observer que l'Etat pouvait déférer des permis de construire devant le juge administratif et qu'il l'avait d'ailleurs fait à plusieurs reprises.

M. Alain Anziani, rapporteur, a rappelé pour sa part les principes généraux de la responsabilité pénale du maire.

M. Raymond Léost a préconisé l'implantation des postes de secours en-dehors des zones à risques, ainsi que l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pour ses dispositions relatives aux plans communaux de sauvegarde (PCS), dont il a estimé que les populations devaient être régulièrement informées.

M. Bruno Retailleau, président, a noté que l'occurrence d'une tempête du type Xynthia étant improbable à l'échelle d'une vie, la culture du risque par mémorisation du vécu s'en trouvait réduite d'autant.

M. Raymond Léost a précisé que la responsabilité pénale d'une personne ayant délivré un permis de construire pouvait être recherchée pour délit de blessures ou homicide involontaire, en cas de dommages corporels, les personnes l'ayant assisté étant susceptibles d'être considérées comme complice. Les règles de prescription, favorables aux victimes, rendent possibles des mises en examen longtemps après la survenance des faits, la date de leur connaissance étant prise en compte.

A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait si des élus avaient, selon lui, pu délivrer des permis de construire sur des terrains affectés par des risques mortels, M. Raymond Léost a répondu que l'instruction des dossiers permettrait parfois facilement de prouver la faute caractérisée des autorités concernées. Le système assurantiel, a-t-il continué, devrait être davantage incitatif, en privant d'une partie de leurs droits à réparation les victimes s'étant installées en connaissance de cause dans des zones à risques. Enfin, les assureurs devraient pouvoir se retourner contre les personnes responsables.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite interrogé l'intervenant sur le « plan digues », dépourvu de dispositions concernant le cordon dunaire, ainsi que sur l'incidence des contraintes environnementales sur la construction ou le renforcement des digues.

M. Raymond Léost a estimé que les dunes devaient être prioritairement restaurées, les digues, sans lesquelles il faudrait apprendre à vivre, n'étant en aucun cas des protections absolues. Leur restauration ou surélévation ne doit être recherchée que lorsque leur bilan bénéfice/coût est positif.

M. Alain Anziani, rapporteur, l'ayant interrogé sur les effets des digues sur l'environnement et la biodiversité, M. Raymond Léost, après avoir précisé qu'il n'était pas spécialisé dans ces problématiques, a indiqué qu'elles favorisaient l'érosion du littoral, la Grande-Bretagne ouvrant d'ailleurs certaines d'entre elles afin de laisser les eaux circuler librement.

M. Bruno Retailleau, président, ayant fait remarquer que certaines digues, notamment dans les marais bretons, avaient contribué à la protection et au développement de la biodiversité, M. Raymond Léost a répondu que la réticence de sa fédération aux digues était un principe susceptible d'aménagements selon les circonstances.

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