Jeudi 6 mai 2010 M. Daniel Dubost, Chef du service France Domaine, M. Guy Correa, Chef du bureau des missions domaniales

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Présidence de M. Bruno Retailleau, président

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, et de M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales.

Après avoir souligné le rôle essentiel joué par France Domaine dans les évaluations des biens faisant l'objet de la procédure d'acquisition amiable, M. Bruno Retailleau, président, a interrogé M. Daniel Dubost sur les dispositions prises à ce stade par son service en vue de satisfaire au double enjeu d'efficacité et d'équité.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué en préambule qu'il a effectué un déplacement en Charente-Maritime la veille de l'audition, consacré à l'organisation des travaux d'évaluation. A cette occasion, il a constaté que la situation sur le terrain était bonne, l'accueil des personnes sinistrées semblant répondre à l'implication et à l'empathie particulière des agents évaluateurs de France Domaine.

Pour ce qui concerne les moyens mis en oeuvre en Vendée, où 915 propriétés sont à évaluer, et en Charente-Maritime, où le chiffre actuel de 612 propriétés est susceptible de s'établir finalement à plus de 800, M. Daniel Dubost a fait valoir que la mobilisation de renforts régionaux et nationaux, conjuguée à l'attitude compréhensive des autres départements, a permis la mise à disposition de 30 agents évaluateurs sur les zones sinistrées.

S'agissant des méthodes employées, M. Daniel Dubost, directeur de France Domaine, a précisé que consigne est donnée aux évaluateurs de chercher à déterminer la valeur du bien antérieurement à la catastrophe, sans aucune prise en compte du risque potentiel, en s'appuyant sur les statistiques de vente des différents marchés de l'immobilier en 2009.

La procédure retenue est la suivante : au terme d'une appréciation complète et précise de chaque bien, conduite dans un climat d'écoute - chaque agent se limitant à quatre évaluations quotidiennes -, un prix de rachat sera proposé, qui devra pouvoir être justifié, tout propriétaire bénéficiant du droit de se faire expliquer comment l'évaluation a été faite.

M. Daniel Dubost a indiqué, qu'à ce jour, 300 visites ont été effectuées et que la transmission des premières propositions aux propriétaires est imminente ; un juste prix devant être communiqué de prime abord, qui exclut à la fois les sous-évaluations destinées à ménager des marges de négociation ultérieure et les surévaluations censées favoriser les acceptations.

En cas d'accord, la mobilisation affichée par les notaires peut laisser espérer, pour les cas simples au moins, la conclusion d'un acte de mutation dans un délai de un à trois mois.

M. Bruno Retailleau, président, l'ayant interrogé sur la possibilité de contester l'estimation de France Domaine, M. Daniel Dubost a estimé que dans le cadre d'une procédure amiable il ne pouvait y avoir de contestation au sens juridique du terme, les propriétaires pouvant accepter ou refuser la proposition qui leur était faite. Il a ajouté que ces derniers pourraient cependant faire valoir des éléments objectifs qui auraient été omis lors des évaluations.

A MM. Bruno Retailleau, président, et Alain Anziani, rapporteur, qui l'interrogeaient sur la valeur du bien prise en compte en cas de désaccord conduisant à une expropriation, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a répondu que, selon lui, les valeurs retenues par les juges n'étaient jamais très éloignées des évaluations de France Domaine.

M. Guy Correa a ajouté, qu'en tout état de cause, ce serait la valeur du bien sur le marché de l'immobilier avant la catastrophe qui ferait référence.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui s'interrogeait sur les moyens de contester l'évaluation, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a précisé que la décision n'était pas une décision faisant grief. Il a précisé que les actes pourraient être conclus dans un délai compris entre un et trois mois après l'échange des consentements.

M. Bruno Retailleau, président, a alors demandé si les premiers actes pourraient être passés à la mi-juin et s'il n'y avait pas un risque d'encombrement des études notariales.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué que son service travaillait en lien étroit avec les chambres des notaires et que ceux-ci étaient mobilisés pour ne pas dépasser un délai d'un mois. Mais les délais pourront être plus longs en cas de successions non réglées ou de divorce.

M. Alain Anziani , rapporteur, a rappelé que le quatrième alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'environnement précise que « pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n'est pas tenu compte de l'existence du risque ». Cette disposition doit être considérée avec la plus grande attention. En outre, il s'est interrogé sur le délai nécessaire pour un acte sous seing privé, notamment si l'avis d'un conseil est demandé.

M. Daniel Dubost a fait valoir qu'aucun délai ne s'imposait aux particuliers mais qu'en revanche l'Etat s'imposait à lui-même une obligation de délai.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost a observé que les assureurs verseront un montant qui permettra de parvenir à la valeur vénale totale du bien. L'acte authentique, qui ne contiendra que la part indemnisée par l'Etat, devra donc tenir compte du montant versé par les assurances.

M. Bruno Retailleau, président, a estimé que dans la mesure où la valeur indemnisée par l'Etat sera minorée de la part versée par les assurances, il existe un risque de sous-estimation par celles-ci du montant des travaux de remise en état. Il s'est demandé s'il est possible de réduire ce risque dès lors que l'Etat s'est engagé à combler la différence entre l'indemnisation des assurances et la valeur vénale des biens.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, France Domaine, est convenu de l'existence d'un tel risque. Dans le cadre de la procédure retenue, les assurances pourraient avoir un intérêt à sous-estimer la valeur des travaux de remise en état.

M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué la possibilité d'un mécanisme de subrogation, favorable aux victimes. Ce dispositif juridique conduirait l'Etat à indemniser intégralement les particuliers puis à se retourner vers les assurances pour s'entendre avec elles sur la part indemnisée contractuellement.

M. Daniel Dubost a fait état de la possibilité d'un tel mécanisme qui favorise la résolution des indemnisations dans des délais raisonnables voire rapides.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le risque de mobilisation du fonds Barnier au-delà de ses capacités financières. Il a souhaité savoir si des instructions avaient été données pour que les évaluations respectent une enveloppe globale.

M. Daniel Dubost a précisé n'avoir reçu aucune consigne dans ce sens.

M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué les cas spécifiques de zones géographiques où les valeurs foncières sont particulièrement élevées ainsi que le risque de renoncement aux acquisitions amiables qui pourrait résulter de telles situations.

M. Daniel Dubost a précisé qu'aucun renoncement résultant de la valeur du bien considéré n'a été constaté. Il a toutefois reconnu que ses services ont privilégié pour les premières indemnisations les habitations situées en dehors de l'Ile de Ré. Pour autant, celle-ci ne sera pas exclue du dispositif.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître les prix estimés des habitations et la valeur globale des indemnisations envisagées.

M. Daniel Dubost, directeur de France Domaine, a indiqué un ordre de grandeur de 800 millions d'euros d'indemnisations pour l'acquisition des 1.515 habitations classées en « zone de solidarité », en soulignant qu'il ne s'agit que d'une première approximation.

M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que, lors de son audition par la mission, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer avait donné une estimation comprise entre 300 et 400 millions d'euros. Le doublement de cette estimation pose la question des capacités du fonds Barnier.

M. Daniel Dubost a estimé ne pas être en mesure de répondre à la question du financement des indemnisations. L'activité de son service consiste en effet à appliquer des méthodes d'évaluation pour déterminer le montant des indemnisations et non pas à s'inscrire dans une enveloppe globale.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la méthode d'évaluation des fonds de commerce.

M. Guy Correau chef du bureau des missions domaniales, a distingué les méthodes de calcul de la valeur des murs de ceux relatifs à l'évaluation des fonds. Il a insisté, s'agissant des cas de cessions, sur une méthode fondée sur l'activité des trois dernières années ainsi que sur une estimation des pertes. Les frais de réinstallation devraient également faire l'objet d'une prise en compte.

M. Bruno Retailleau, président, s'est inquiété de la disparition totale d'activités économiques au sein des zones d'acquisition amiable.

M. Guy Correa a précisé qu'il s'agit à ce stade d'un droit au départ ouvrant la possibilité d'une indemnisation.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Guy Correa a souligné l'absence de différence dans les méthodes d'évaluation selon qu'il s'agirait d'une résidence principale ou d'une résidence secondaire.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé si l'on pouvait observer un mouvement de demandes d'évaluation systématique par France Domaine, qui serait encouragé par les associations de sinistrés.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, est convenu de remontées d'informations de ce type par les agents d'évaluateurs. Il a observé que des démarches du même type par des experts immobiliers indépendants sont probablement fréquentes. France Domaine apparaît à cet égard comme un évaluateur parmi d'autres pour les sinistrés.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost a indiqué que les propositions d'acquisition amiable seraient envoyées en recommandé avec accusé de réception ou remises en mains propres aux intéressés.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de dates butoirs pour la phase d'acquisition amiable avant de procéder aux expropriations. Il a estimé opportun de pouvoir continuer à procéder aux acquisitions amiables lors de la phase d'expropriation, jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP) en particulier.

M. Daniel Dubost a souligné que cette possibilité n'a pas encore été envisagée bien qu'elle semble constituer une piste intéressante. Il a relevé que des acquisitions amiables jusqu'à la DUP conduiraient à limiter les procédures d'expropriation. Enfin, il a précisé qu'en théorie la phase d'acquisition amiable est close en cas de refus par le sinistré de la proposition d'indemnisation faite par l'Etat.

M. Alain Anziani, rapporteur, a salué à son tour l'intérêt d'une telle méthode qui permet un échange de consentements sans limitation dans le temps, y compris postérieurement à la DUP. La réduction du nombre de contentieux profiterait à la fois à l'Etat et aux particuliers.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité que cette question fasse l'objet d'une réponse officielle à la mission sénatoriale. Il a ensuite considéré que la présence de trente agents évaluateurs sur place, procédant à un nombre de trois à quatre visites par jour, doit conduire à l'achèvement des évaluations dans un délai d'environ treize jours.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a fait valoir que deux facteurs rallongent le nombre de jours nécessaires aux évaluations :

- la présence des habitants lors des visites d'experts est inégale ;

- les évaluateurs doivent régulièrement, voire après chaque visite, revenir dans leurs bureaux pour récapituler et mettre en forme leurs expertises.

M. Daniel Dubost a annoncé un objectif de finalisation des estimations pour la fin du mois de mai 2010 s'agissant du département de Charente-Maritime et pour le 15 juin 2010 pour ce qui concerne la Vendée. Ces objectifs de délais ont conduit à demander un renfort de trois agents évaluateurs supplémentaires.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître les administrations en charge du suivi du dossier.

M. Daniel Dubost a indiqué le rôle essentiel joué par les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et par les différents services préfectoraux en particulier les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Les services centraux effectuent pour leur part des visites sur place régulières, en particulier ceux relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité que des informations fondées sur des échantillons d'évaluation anonymisés soient transmises à la mission.

M. Daniel Dubost a répondu favorablement à cette demande.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si les enquêtes parcellaires qui seront réalisées lors de la phase d'expropriation auraient seulement pour but de connaître les propriétaires ou également de réaliser une étude parcelle par parcelle.

M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales, a souligné la coexistence des deux objectifs. Cette démarche permet une évaluation globale particulièrement utile. En outre, la connaissance des dossiers individuels apparaît nécessaire, surtout dans les cas complexes de successions non réglées ou encore de procédures de divorce.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué que France Domaine ne se préoccupe pas des questions de contre-expertises techniques sur l'évaluation des risques.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur la justification des motifs de l'expropriation par l'appartenance à une zone déterminée ou par la situation individuelle de chaque habitation.

M. Daniel Dubost a observé que les motifs d'expropriation seraient fondés sur des critères de sécurité publique et sanitaire, dans le cadre d'une procédure juridique particulièrement formalisée. Les mesures de zonage devront en effet être particulièrement justifiées d'un point de vue juridique.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état de la contestation des méthodes d'évaluation des habitations classées en zone d'acquisition amiable par certains délégués à la solidarité.

M. Daniel Dubost s'est montré rassurant à ce sujet. Il a toutefois déploré que certains délégués aient fait part à tort d'une indemnisation des maisons supérieure de 30 % à la valeur de marché.

M. Bruno Retailleau, président, a constaté la diversité des fonctions assumées par les délégués à la solidarité, qui doivent expliquer des procédures complexes aux sinistrés, notamment en matière d'indemnisations. Il a plaidé pour un dialogue fécond et régulier entre ces délégués et les évaluateurs de France Domaine.

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