M. Jean-Louis Borloo, Ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

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Puis, la mission a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Ayant rendu hommage aux familles de victimes et aux services de secours qui sont intervenus dans les départements sinistrés, M. Bruno Retailleau, président, a estimé nécessaire de tirer les conséquences de la tempête Xynthia, qui résulte non seulement de la conjonction extraordinaire d'événements climatiques violents, mais aussi de carences et de négligences. Il a tout d'abord interrogé le ministre d'Etat sur la cartographie des « zones noires », ou « zones mortelles », dévoilée ce même jour par les préfets aux conseils municipaux concernés dans des réunions à huis clos, et dès le lendemain aux habitants dans des réunions publiques.

Soulignant la violence du traumatisme subi par les populations, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat a indiqué que l'organisation de réunions sur la cartographie des « zones noires » à peine cinq semaines après la tempête Xynthia permettrait aux habitants d'être informés rapidement sur l'avenir de leur patrimoine ; il a en outre noté que, bien qu'elle ait été élaborée par des experts indépendants, une telle cartographie était par nature difficile à établir et contestable. Il a précisé que trois types de zones seraient instituées :

- les « zones blanches », ne présentant pas de risque particulier ;

- les « zones jaunes », qui seraient habitables à condition que des travaux de confortation et de sécurisation des bâtiments y soient réalisés ;

- les « zones noires », inhabitables en raison d'un niveau de risque trop élevé.

Ayant fait valoir que cette cartographie ne serait pas imposée, mais qu'elle ferait tout au contraire l'objet d'un débat entre les conseillers municipaux et les préfets au cours de la journée, il a estimé qu'elle ne devrait pas poser de difficulté en Vendée où les habitations concernées étaient essentiellement des résidences secondaires. Il a précisé que, dans quatre des seize communes de Charente-Maritime où des « zones noires » devaient être instituées, des débats complémentaires seraient organisés entre les maires et la préfecture. Il a indiqué que, en l'état actuel de la cartographie, environ 1 200 bâtiments (résidences ou locaux d'activité) seraient placés en « zone noire » et devraient donc être détruits ; dans ce cadre, il a souligné que les biens en cause seraient indemnisés à l'amiable, à leur valeur antérieure à la tempête (c'est-à-dire sans incidence du risque connu) et que cette valeur serait évaluée par le service des Domaines. Ayant estimé que cette opération coûterait entre 300 et 400 millions d'euros -ce montant reposant sur les estimations des services gouvernementaux et étant susceptible d'être révisé pour garantir une indemnisation totale des sinistrés-, il a précisé que l'État interviendrait, le cas échéant, pour financer la différence entre le montant réglé par les assurances et la valeur évaluée par le service des Domaines. Il a annoncé que le Parlement serait sollicité, dans le cadre de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle 2 »), pour modifier la législation régissant le fonds « Barnier », notamment afin de supprimer le plafond de 60 000 euros et, si nécessaire, d'assouplir les conditions d'indemnisation au titre de ce fonds. Il a considéré que le traitement amiable de l'indemnisation des sinistrés pourrait être effectif d'ici à l'été 2010 et, au plus tard, avant la fin de l'année.

Par ailleurs, constatant qu'il serait indispensable de recourir à un outil de portage intermédiaire pour gérer les terrains en « zone noire », il a envisagé que le Conservatoire du littoral intervienne sur les parcelles ayant vocation à retourner à l'état naturel, ou qu'un établissement public foncier ad hoc soit créé. En tout état de cause, il a jugé que les collectivités territoriales devraient être associées à ces mesures et assurer un portage local de la reconversion des sites rendus inhabitables.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, qui a fait valoir que la définition de critères objectifs et transparents faciliterait l'acceptation du zonage par la population, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, a indiqué que 12 « zones noires » (couvrant 600 habitations) seraient créées en Charente-Maritime, et 4 en Vendée (couvrant 800 habitations, dont 80 % environ de résidences secondaires). Il a également précisé que le classement en « zone noire » répondrait à trois critères :

- la hauteur d'eau constatée (celle-ci devant être supérieure à un mètre pour justifier un classement en « zone mortelle ») ;

- la vitesse et la force de la vague ;

- la capacité de protection des populations résidant dans la zone.

En outre, deux critères complémentaires seraient pris en compte :

- les conditions d'évacuation ;

- la nécessité d'éviter le mitage urbain.

A cet égard, M. Michel Doublet a indiqué que, dans le sud de la Charente-Maritime, certaines parcelles avaient subi une submersion marine d'une hauteur d'environ 1,80 mètre, mais qu'elles n'avaient pas été classées en « zone noire », ce que les maires des communes concernées déploraient ; il a donc souhaité que les préfectures tiennent compte de ces cas particuliers et soient attentives aux demandes des élus.

Ayant rappelé que les maires estimant que certaines zones étaient trop risquées pour être habitées pouvaient prendre des arrêtés de péril sur les bâtiments qui y étaient situés et, en conséquence, rendre ces zones inhabitables, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a rappelé que la cartographie des « zones mortelles » n'était pas figée et pouvait faire l'objet d'une concertation entre les préfectures et les élus locaux.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la manière dont il serait procédé aux expropriations des propriétaires d'habitations situées en « zone noire » qui refuseraient l'offre d'indemnisation à l'amiable de l'État, M. Jean-Louis Borloo a déclaré que, pour faire face à ces situations, le Gouvernement pourrait proposer d'adapter le cadre législatif par voie d'amendements au projet de loi « Grenelle 2 ».

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite demandé si l'État verserait un acompte aux sinistrés afin de leur permettre d'acquérir un bien ou un terrain avant la fin du processus indemnitaire.

En réponse, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a indiqué que l'État interviendrait en complément des assurances privées. Il a fait valoir qu'il n'était pas possible de définir le montant de l'indemnisation que l'Etat attribuerait à chaque sinistré, et donc de verser une avance, avant de connaître le montant des indemnités allouées par les compagnies d'assurance, d'autant plus que ce montant dépendra du type de contrat souscrit et devra donc être apprécié au cas par cas. Il a toutefois estimé que ce principe pourrait être remis en cause dans certains cas particuliers -par exemple, en cas de divorce ou d'indivision. Il a estimé que globalement les compagnies d'assurance cherchaient à traiter au mieux les dossiers des sinistrés et que, face à l'ampleur du drame et de l'élan de solidarité nationale qui l'a suivi, elles ne pouvaient pas chercher à optimiser leur position dans les contrats individuels. Enfin, ayant considéré qu'un effort de la caisse de réassurance serait indispensable pour permettre au fonds « Barnier » de couvrir les dépenses d'indemnisation consenties par l'État et que, si tel n'était pas le cas, l'État devrait intervenir via le budget général, il a indiqué que l'indemnisation ne soulevait pas de problèmes financiers réels, contrairement au plan de renforcement des digues, qui correspondait à des montants beaucoup plus important et dont les modalités de financement étaient encore incertaines.

Répondant à une question de M. Alain Anziani, rapporteur, sur le rôle du « Monsieur Assurances » nommé le 5 mars 2010, M. Jean-Louis Borloo a expliqué que celui-ci avait un rôle de médiation entre les experts des assurances et les sinistrés ; il a ajouté que, à ce stade de ses travaux, ce médiateur n'avait pas identifié de difficultés particulières. Il a souligné que la fédération française des sociétés d'assurance s'était montrée réactive face à la catastrophe.

Interrogé par M. Michel Doublet sur la prise en compte du prix du terrain dans l'indemnisation des sinistrés, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que l'État tiendrait compte de cet élément. En réponse à une remarque de M. Jean-Claude Merceron, il a également déclaré que l'État prendrait en charge, avec les collectivités territoriales, les coûts de remise en état des terrains devenus inhabitables.

Mme Gisèle Gautier a alors souligné que le cas des agriculteurs, dont les terres sont devenues incultivables pendant au moins trois ans à la suite de la submersion, devrait être traité avec une attention particulière.

Répondant à M. Philippe Darniche, qui s'interrogeait sur la prise en compte du préjudice moral, M. Jean-Louis Borloo a salué la constitution d'associations de victimes, celles-ci permettant aux sinistrés de faire mieux face à leur angoisse et aux problèmes matériels qu'ils rencontrent. Il a rappelé que le Gouvernement, en décidant d'indemniser le patrimoine des victimes à sa valeur d'avant la tempête et de procéder rapidement à cette indemnisation, avait voulu rassurer les populations touchées par ce drame.

Ayant rappelé que l'État était le garant de la prévention des risques naturels et ayant, en conséquence, marqué son accord avec la mise en place de « zones noires » inhabitables et inconstructibles, M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si ce dispositif serait étendu à d'autres parties du territoire national.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a alors exposé qu'une cartographie des zones à risque mortel serait désormais établie systématiquement ; ainsi, il a annoncé qu'une cartographie nationale était en cours d'élaboration et qu'elle serait rendue publique dans un délai de 8 à 12 semaines.

En réponse aux interrogations de M. Bruno Retailleau, président, sur les conclusions du pré-rapport de la mission d'inspection instituée par le Président de la République le 1er mars dernier, M. Jean-Louis Borloo a déclaré que la conjonction exceptionnelle de phénomènes climatiques, plutôt que la faiblesse des digues, était la principale cause explicative du grand nombre de morts. À ce titre, il a indiqué que les digues, construites lorsque les territoires qu'elles abritaient n'étaient pas urbanisés, n'avaient pas été conçues pour protéger les populations ; dans cette optique, il a estimé que le plan « Digues » ne devait pas être l'occasion de renforcer des digues pour urbaniser des territoires exposés aux risques, mais devait permettre de rendre lesdits territoires à leur fonction initiale.

Au sujet du plan de renforcement des digues, sur lequel il était interrogé par M. Bruno Retailleau, président, qui a fait valoir qu'en dessous d'un seuil de 50 % de participation de l'Etat, les collectivités territoriales ne pourraient pas assumer le financement des travaux nécessaires, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, a indiqué que la participation de l'Etat à hauteur de 40 % était acquise et que s'y ajouteraient à hauteur de 10 % des financements assurés par le FEDER. Les collectivités territoriales pourraient donc compter sur la prise en charge de la moitié du financement.

M. Michel Doublet lui a alors objecté que, en Charente-Maritime, les coûts afférents à la consolidation des digues étaient estimés à 200 millions d'euros et que 90 % de ces digues appartenaient au domaine de l'État ; au vu de l'état des finances du département, il a affirmé que le conseil général ne pourrait pas financer 50 % du plan « Digues ».

Ayant indiqué qu'en Vendée, les coûts de rénovation des digues étaient évalués à 100 millions d'euros, M. Bruno Retailleau, président, a observé qu'après la tempête de 1999, la région et le département avaient financé les travaux de reconstruction pour que les « petits » maîtres d'ouvrages (qui étaient, le plus souvent, des syndicats de communes) n'atteignent pas un taux de financement supérieur à 20 % ; dès lors, il a estimé nécessaire une solidarité à la fois européenne, nationale, régionale et départementale pour assurer le financement du plan « Digues ».

Soulignant que le problème de la propriété et de la gestion des digues était marqué par l'extrême diversité des situations observées sur le terrain, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a précisé que l'État et les collectivités territoriales débattraient, au cas par cas, des solutions les plus efficaces pour assister les propriétaires privés ou publics n'ayant pas les moyens d'assurer l'entretien de leurs digues, et que le taux de financement assumé par chacune des parties prenantes dépendrait de leurs capacités contributives respectives. Il a estimé que ce problème était particulièrement complexe et qu'il était impossible de l'appréhender totalement dans un laps de temps de cinq semaines, mais que des solutions pourraient être trouvées en s'inspirant de la stratégie générale impulsée par le Grenelle de la mer.

Faisant état des déclarations des experts entendus par la mission, Mme Gisèle Gautier a questionné le ministre d'Etat afin de savoir si les zones où les digues devraient être rehaussées étaient déjà définies, et afin de connaître les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour lutter contre les habitations illégalement implantées sur des zones inconstructibles.

Ayant rappelé que le législateur avait, en 2009, doublé le montant du fonds « Barnier » afin d'accélérer la mise en place des cartographies des zones à risque et des plans de prévention des risques, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a affirmé que les zones de rehaussement des digues seraient connues au début du mois de mai 2010 et que, en matière de lutte contre les habitations illégales, des recours devant le juge administratif pouvaient être formés. Par ailleurs, il a jugé que les procédures d'adoption des plans de prévention des risques (PPR) étaient trop lourdes, ce qui retardait leur mise en place, et qu'une modification de la législation était nécessaire sur ce point. Il a annoncé que le Gouvernement proposerait au Parlement, dans le cadre du projet de loi « Grenelle 2 », de prévoir un délai maximal de deux ou trois ans au-delà duquel les PPR seraient opposables, même sans l'accord des élus locaux, dans certaines zones à risque définies par l'État ; il a considéré que cette innovation constituerait un progrès substantiel dans un contexte où, en pratique, certaines procédures de PPR ont été engagées il y a plus de dix ans et n'ont pas abouti depuis lors. Ainsi, il a souligné que les PPR, malgré leur jeunesse, avaient été efficaces dans les zones fluviales (celles-ci sont, en effet, presque toutes couvertes par un PPRI), mais qu'ils étaient encore insuffisants sur le trait de côte.

Revenant, à la demande de M. Bruno Retailleau, président, sur les premières conclusions de la mission d'inspection consacrée à la tempête Xynthia, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que celle-ci saluait la qualité des services de sécurité civile et formulait un certain nombre de recommandations pragmatiques : par exemple, il a déclaré qu'elle préconisait de mieux coordonner les systèmes de vigilance et d'information afin de garantir que les alertes soient effectivement transmises à la population locale, de réaliser des travaux d'urgence et d'en assurer le suivi par des visites régulières des ouvrages d'art, et, à titre transitoire, d'appliquer le principe de précaution aux documents d'urbanisme.

Puis, interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'existence de dysfonctionnements dans la délivrance des permis de construire, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que les préfets avaient été chargés de conduire une analyse exhaustive des situations à risque et qu'ils mobiliseraient, à cette fin, les moyens satellitaires de l'État et de ses opérateurs. Toutefois, il a déclaré que les réflexions sur l'opportunité de modifier les règles en vigueur en matière de délivrance des permis de construire étaient toujours en cours et que cette question n'avait pas, à ce stade, été tranchée. De plus, il a estimé que le double rôle des préfectures (instruction des demandes de permis de construire adressées aux petites communes par les services de l'équipement, et contrôle de légalité des permis de construire par les services dédiés) ne remettait pas en cause l'impartialité du déféré préfectoral, dans la mesure où les services instruisant les demandes de permis de construire se bornaient, en réalité, à vérifier leur conformité avec les documents d'urbanisme.

M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que le projet de loi « Grenelle 2 » était soumis à la procédure accélérée et que, ayant déjà fait l'objet d'une lecture devant la Haute Assemblée, il ne serait plus examiné par le Sénat en assemblée plénière. Dès lors, il a appelé le Gouvernement ne proposer des amendements à ce texte que pour répondre aux questions urgentes soulevées par la tempête Xynthia, comme l'indemnisation des sinistrés et la modification corrélative des dispositions relatives au fonds Barnier, ou pour régler des points consensuels. Il a fait valoir que, sur les autres sujets, une proposition de loi serait mieux adaptée.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a pris acte de cette demande : ainsi, il a jugé que l'allègement des procédures de PPR pourrait être traité à l'occasion du projet de loi « Grenelle 2 ». En revanche, il a fait valoir que d'autres problématiques, telles que l'équilibre à définir entre les responsabilités locales et celles de l'État en matière de sécurité civile, appelaient un débat de fond et devraient être examinées à part.

Remerciant le ministre d'Etat, M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que la mission d'information serait aussi appelée à examiner la question des biens non assurables des collectivités territoriales et il a souligné la nécessité de développer une véritable culture du risque en France.

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