M. Philippe Sergent, Directeur scientifique du centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF), M. Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, experts participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus

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La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, et de Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, experts participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus.

M. Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, a tout d'abord présenté le projet Theseus qui signifie « Technologies côtières innovantes pour des côtes européennes plus sures dans le cadre du changement climatique ». Il a expliqué qu'il vise, dans un contexte de changement climatique, à améliorer la sûreté des zones côtières et des habitats côtiers européens par des études d'évaluation des risques, des réglementations et des dispositifs existants. Il a ajouté que les études se déroulent en coopération avec les gestionnaires locaux au travers d'expériences sur huit sites pilotes, avec une attention particulière pour les environnements les plus vulnérables à l'image des estuaires, des zones humides et des deltas.

Il a rappelé que ce projet prend la forme d'un consortium de 31 partenaires issus de 18 Etats différents, dont les pays moteurs appartiennent essentiellement à l'Europe du Nord, Danemark et Grande-Bretagne en tête. Ses moyens sont conséquents puisqu'il regroupe 200 personnes dont une trentaine de chercheurs et se trouve doté d'un budget s'élevant à 8.519.726 euros pour une durée prévisionnelle de 48 mois. Il a précisé que ce projet en est aujourd'hui au sixième mois.

M. Jean-Paul Vanderlinden a ajouté que la multiplication des phénomènes de submersion résulte des changements climatiques et de la hausse du nombre de tempêtes mais surtout de la remontée du niveau de la mer. Il relève que ce dernier facteur a des effets de premier ordre sur la résistance de long terme des structures de protection des côtes.

M. Bruno Retailleau, président, a fait observer à cet égard que les Pays-Bas ont enregistré une augmentation du niveau de la mer d'environ 40 centimètres en deux siècles. Au cours des prochaines décennies, il pourrait s'agir d'un mètre d'eau supplémentaire.

M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, a estimé que ces observations faites aux Pays-Bas ne sont pas très éloignées de celles émises pour les côtes françaises. En effet, la hausse subie par ces dernières serait de l'ordre de 30 centimètres au vingtième siècle.

Pour ce qui concerne le projet Theseus, l'approche intégrée des risques est répartie en trois catégories, qui seront successivement présentées :

- les études relevant du génie côtier ;

- les approches écologiques ;

- les analyses économiques.

S'agissant tout d'abord du génie côtier, M. Philippe Sergent a exposé les six axes de recherche retenus :

- les dispositifs de récupération de l'énergie de la houle. Après le développement de l'énergie éolienne, cette démarche doit permettre à la fois la production d'énergie ainsi que la protection des côtes. En effet, ces dispositifs limitent l'érosion du trait de côte, principalement causée par la houle ;

- les ouvrages submersibles innovants. Il s'agit de brise-lames, dont la présence assez fréquente en Méditerranée contraste avec sa faiblesse sur la côte atlantique, en raison des marées. La construction de récifs artificiels, très utilisés en Australie, constitue une piste intéressante. Elle favorise la croissance des ressources halieutiques et la biodiversité ;

- les digues résistantes aux franchissements. Les recherches en la matière s'appuient sur des expériences de déversement de vagues sur les digues afin de maîtriser les phénomènes de franchissement et de surverse ;

- les structures flottantes. Ces ouvrages peuvent être utiles à l'instar de la digue du port de Monaco ;

- le renforcement des digues à talus. Fréquentes en Bretagne et très utiles dans les grands ports, ce type de digues présente l'intérêt d'être perméable ;

- la stabilisation des plages et les dragages. Cet axe de recherches est essentiel puisqu'il est observé que la houle résulte jusqu'à 50 % de la profondeur de l'eau à proximité des côtes. Une remontée du niveau de la mer d'un mètre produirait ainsi une hausse de 50 centimètres de la houle. Le rehaussement des digues devrait alors quasiment être de l'ordre de deux fois l'augmentation du niveau de la mer. Les objectifs de stabilisation des plages et d'encadrement des dragages doivent donc être approfondis. Il pourrait s'agir plus particulièrement de modifier les pentes côtières et de les adoucir en ajoutant, le cas échéant, des bermes. Les dragages réduisent pour leur part la sûreté des côtes parce qu'en augmentant la profondeur de l'eau, ils agissent sur la houle et les ondes de marées Dans le cas des estuaires, une ultime solution réside dans leur barrage. Venise a d'ores et déjà fait ce choix et un projet du même ordre est à l'étude à New-York.

M. Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, a ensuite annoncé les cinq pistes étudiées en matière d'écologie. Ce sont :

- les habitats naturels pour la protection côtière ;

- la gestion et la restauration des habitats naturels. A l'instar du cordon dunaire, ces zones assurent en effet une protection efficace. Elles peuvent également servir de fusibles en assurant, par exemple, la déviation de l'eau vers des plaines inondables. La question de la destruction de structures existantes en vue de leur transformation en zone d'habitat naturel peut être posée ;

- le design écologique des structures côtières. En la matière, la contrainte principale réside dans la capacité à élaborer des solutions technologiques qui soient acceptables d'un point de vue social. Le respect de critères esthétiques concernant le paysage constitue en effet une attente forte de la part des populations ;

- les conséquences écologiques des options de défense côtière ;

- les effets de multiples stress écologiques.

Enfin, pour ce qui concerne l'axe de recherche socio-économique, M. Jean Paul Vanderlinden, responsable pour l'ensemble du programme Theseus, a présenté les cinq thèmes qui feront l'objet de recherches :

- une réflexion sur les dispositifs d'assurance publics comme privés, qui doivent répartir efficacement les chaînes de responsabilité en amont de l'occurrence de la catastrophe. Il doit s'agir d'éviter les tensions ex post ;

- la communication sur le risque. Il convient en effet d'apprendre à maîtriser cet objet multiforme et d'éviter les confusions fréquentes entre différents niveaux de discours. Ceux-ci peuvent être de type normatif d'une part ou portés sur la causalité des faits d'autre part, sachant qu'un continuum de possibilités existe entre ces deux pôles ;

- la gestion de crise, l'urbanisation et la planification. Il est constaté que les victimes de catastrophes naturelles consacrent un temps relativement plus important aux activités non productives, ce qui engendre un ralentissement de la reprise d'activités économiques. Dans le contexte des plans communaux de sauvegarde, l'outil OSIRIS Inondations, conçu pour aider les élus locaux à la gestion de la crise, permet de mieux prendre en compte les risques induits et d'élaborer des scénarios de gestion des conséquences de la catastrophe ;

- les dommages causés à l'activité économique ;

- les plans d'évacuation.

Enfin, M. Jean-Paul Vanderlinden a remarqué que les produits envisagés au terme de la mise en oeuvre du projet Theseus sont de trois ordres :

- l'élaboration d'un logiciel d'aide à la décision pour les stratégies de défense côtière ;

- la formulation de recommandations sur une durée de 20 ans autour du thème des risques d'inondations et de submersions ;

- la diffusion des résultats du projet par une communication sur ces risques et sur la directive européenne du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation.

M. Bruno Retailleau, président, a estimé que cette directive de 2007 va dans le bon sens mais a fait l'objet d'une transposition a minima en France. Après la catastrophe que représente la tempête Xynthia, il s'est interrogé sur les points sur lesquels il faut mettre l'accent en matière de submersion marine.

M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, a relevé que les plans d'alerte et d'évacuation et, plus récemment, les plans communaux de sauvegarde constituent des avancées notables. Toutefois, les progrès sont surtout enregistrés s'agissant du risque d'inondation fluviale. Les dispositifs dédiés à la submersion marine restent clairement insuffisants alors qu'il s'agit d'un phénomène qui doit faire l'objet d'un traitement spécifique. A la différence des inondations fluviales, la submersion marine s'accompagne de marées, de houle, et d'une dynamique de flux-reflux systématique.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite interrogé M. Philippe Sergent sur le plan « digues ».

M. Philippe Sergent a fait remarquer que ce plan devra pleinement prendre en compte les effets des changements climatiques. Il a recommandé le recours à des ouvrages perméables, tel que l'enrochement, et la limitation des structures en béton. En outre, la question des périodes de retour appelle un travail de recherches plus approfondi. En effet, les méthodes de calcul doivent être affinées et l'évolution de ces périodes mieux connue. Ainsi, il a déploré que la France en reste à ce stade à des catastrophes centennales alors que les Pays-Bas les envisagent à un niveau millénal voire dix-millénal.

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