M. Dominique Bussereau, Secrétaire d'Etat chargé des transports

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports.

M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que l'audition de M. Dominique Bussereau par la mission se tient à double titre, en tant que membre du Gouvernement mais aussi en tant que président du conseil général de Charente Maritime.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a précisé que les systèmes d'alerte ont correctement fonctionné en amont du déclenchement de la catastrophe. Suite à l'information des maires par le préfet de Charente Maritime, plusieurs mesures d'évacuation ont ainsi été prises permettant de réduire le nombre de victimes. L'ampleur du vimer, conjonction particulièrement puissante dans le cas de Xynthia de vents violents et de fortes marées, n'avait pu, quant à elle, être anticipée. En dépit de la gravité et de l'étendue des phénomènes de submersion et d'inondation, les opérations de sauvetage ont été conduites de manière remarquable. Il convient de souligner la grande réactivité des pouvoirs publics face à la catastrophe. Les visites de terrain du Président de la République et des membres du Gouvernement ont ainsi permis d'apprécier rapidement les conséquences de la tempête Xynthia et de proposer des mesures d'urgence.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si les moyens aériens mobilisés en vue du sauvetage des victimes ont rencontré des difficultés.

M. Dominique Bussereau a souligné que la réussite des opérations de sauvetage doit beaucoup au rôle essentiel joué par l'officier de liaison, qui a assuré une communication et une coordination particulièrement efficaces entre les différents services de secours.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la présence éventuelle d'obstacles en matière de procédures et de délais d'indemnisation, ainsi que sur les dégâts causés aux exploitations agricoles.

M. Dominique Bussereau a relevé la forte implication des assureurs dans la gestion des conséquences de la tempête Xynthia. M. Bernard Spitz, président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), a ainsi accompagné le Président de la République lors de son premier déplacement sur les lieux de la catastrophe, le lundi 1er mars 2010. Le médiateur des assurances, M. Yann Boaretto, a ensuite été nommé afin de faciliter l'exécution des procédures d'indemnisation.

Pour ce qui concerne les délais d'indemnisation eux-mêmes, s'il subsiste encore quelques cas de mécontentement, c'est principalement parce que l'ensemble des sinistrés n'ont pas encore reçu la visite des experts des sociétés d'assurance.

S'agissant enfin des agriculteurs, le ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche s'est fortement mobilisé pour répondre à leurs difficultés. Il convient à cet égard de distinguer les dommages réparables à court terme de dégâts plus indirects, à l'instar de la salinisation des terres qui nécessitera un gypsage conséquent. Pour le plan exceptionnel en faveur de l'aquaculture, un montant de 20 millions d'euros a été notifié et accepté par la Commission européenne. Cette somme devrait être consacrée pour 75 % aux agriculteurs de Charente Maritime, le reste allant aux producteurs vendéens. L'attribution des aides devrait relever d'une commission associant des représentants des départements, des régions et de l'Etat, comme dans le cas de la tempête de décembre 1999. Cette commission aura aussi pour mission d'attribuer, au cas par cas, des avances aux professionnels.

M. Bruno Retailleau, président, a évoqué les difficultés liées au traitement des indemnisations au titre du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), ainsi que celles résultant du plafonnement du chiffre d'affaires des entreprises éligibles à un million d'euros. S'agissant des agriculteurs, il s'est interrogé sur le taux moyen de couverture des dégâts indemnisés par l'intermédiaire du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), qui pourrait s'établir autour de 35 %.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, est convenu de la faiblesse du seuil d'éligibilité au FISAC. Il a ensuite souligné que le FNGCA constitue l'outil adapté pour les biens non assurables, surtout que le Gouvernement devrait proposer que le taux moyen de couverture par ce fonds soit porté à 40 % dans le cas précis des conséquences de la tempête Xynthia. Enfin, il a indiqué que l'indemnisation des exploitants agricoles devrait représenter la difficulté majeure en matière de réparation des dégâts causés par la tempête Xynthia. Ainsi, l'acheminement de gypse sur les sites submergés devrait représenter un coût considérable, dont le montant n'est pas connu à ce stade. En outre, la possibilité de recourir aux crédits communautaires reste encore incertaine, en particulier s'agissant du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE). Une part des crédits du fonds européen de développement régional (FEDER) devrait faire l'objet d'un redéploiement. Ainsi, au moins cinq millions d'euros pourraient être destinés à des travaux de reconstruction des digues.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les motifs de la forte contestation des zones noires. Il a fait valoir que les différents discours tenus par les membres du Gouvernement concernant ce sujet ne sont pas toujours de nature à apaiser les tensions exprimées sur le terrain.

M. Dominique Bussereau a rappelé que le Président de la République, dans son discours prononcé à La Roche-sur-Yon le 16 mars 2010, visait explicitement l'interdiction de la reconstruction d'habitations sur des sites exposant à un risque mortel. Il a toutefois déploré que ces mesures de zonage aient ensuite été prises par les services de l'Etat dans la précipitation et en l'absence de toute concertation. A cet égard, il a regretté la prise en charge de l'élaboration de ces mesures par les préfets alors que des hauts fonctionnaires moins engagés dans la gestion de la crise auraient pu être spécialement nommés pour mettre en place ce dispositif.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a ensuite plaidé pour une approche différenciée des zones selon le caractère plus ou moins inhabituel des inondations. Ainsi, dans les villes, à l'instar de La Rochelle, ou dans des îles comme l'île de Ré ou l'île d'Oléron, ces phénomènes ne sont pas connus et provoquent des effets d'autant plus lourds qu'ils ne sont pas anticipés. Il a enfin observé que l'affectation de marais à des activités économiques telles que la pisciculture les a empêchés de jouer leur rôle d'absorbeur naturel, ce qui a amplifié les dégâts causés par la submersion marine.

M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué le flou qui entoure le régime juridique des zones noires, alors que des objectifs clairs doivent être conciliés avec une méthode efficace sur le plan de la mise en oeuvre des moyens.

M. Dominique Bussereau a estimé ces mesures suffisamment précises. D'une part, les zones jaunes, inondées mais non submergées, feront l'objet d'une prise en charge dans le cadre du plan digues. D'autre part, les zones orange ont vocation à devenir noires ou jaunes. Enfin, les zones noires, ou zones de solidarité, donneront lieu à des procédures de rachat à l'amiable des habitations. En cas de désaccord des sinistrés, une expropriation pourra intervenir suite à une enquête publique ayant débouché sur une déclaration d'utilité publique de l'opération. Celle ci sera soumise au contrôle du juge administratif, tandis que le montant de l'indemnité pourra être contesté devant le juge civil.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de procédures contradictoires préalables aux expropriations.

M. Dominique Bussereau a indiqué que le Président de la République avait prévu la possibilité d'aménagements à la marge s'agissant des zones noires. Il a précisé que dans le cas d'accord des sinistrés sur la démarche à l'amiable proposée par le Gouvernement, les Domaines se rendent sur place pour évaluer la valeur du bien immobilier. Si les habitants souhaitent conserver leur maison, une enquête publique, soumise au principe du contradictoire, devra être ouverte et ce n'est qu'à son terme que l'Etat choisira de lancer ou non une procédure d'expropriation.

M. Dominique Bussereau a observé que les services du conseil général de Charente Maritime ont créé une ligne téléphonique gratuite, destinée à la fois à l'assistance aux victimes et à la gestion des sinistres.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite évoqué les difficultés liées à l'entretien des digues. Il a mis en exergue la contradiction potentielle entre les préoccupations environnementales et les objectifs de prévention et de protection des personnes.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a observé que les problèmes posés par la reconstruction et l'entretien des digues sont différents selon le type de digue, en particulièrement sur le plan de leur mode de financement et sur celui des procédures juridiques qui les régissent. Trois types de digues doivent ainsi être distingués :

- les ouvrages de protection en terre, propriété d'associations syndicales agricoles le plus souvent, relèvent du domaine privé bien qu'ils contribuent fréquemment à la protection de villages et d'infrastructures publiques ;

- les digues « en dur », construites sur le domaine public naturel (DPN) et qui sont donc la propriété de l'Etat, mais dont les départements assurent en réalité la maîtrise d'ouvrage des travaux ;

- les grandes digues entretenues directement par l'Etat, par le Conservatoire du littoral ou par de grandes entreprises publiques nationales, à l'image de Réseau ferré de France (RFF) ou la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).

Dans certains cas, les travaux sur les digues nécessiteront de plus un examen par les commissions des sites. Pour mettre en oeuvre efficacement le plan digues, le Gouvernement devra répondre aux deux enjeux que sont la répartition du coût des travaux et l'évolution des règles en vigueur. Par ailleurs, la région Poitou Charentes pourrait utilement intervenir financièrement dans les travaux de reconstruction des digues, à l'image de ce que la région Pays-de-la-Loire s'est engagée à faire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a estimé que la création d'un établissement public chargé de la gestion des digues représente une piste intéressante. Il serait également possible de confier au Conservatoire du littoral un rôle transversal dans le suivi et l'expertise de ces ouvrages. Une telle piste présente l'intérêt d'être plus consensuelle, puisqu'elle est compatible avec le maintien de propriétaires de proximité, à l'image des collectivités territoriales.

Le conseil général de Charente-Maritime a créé pour sa part une « mission littoral », dont l'expertise participera à la réflexion engagée par l'Etat et les régions. Cette mission s'appuiera notamment sur l'activité et les travaux de recherche de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA) et de l'institut du littoral et de l'environnement de l'université de La Rochelle.

M. Bruno Retailleau, président, a fait part de ses réserves quant à la création d'un établissement public national chargé de la gestion des digues, bien que le caractère public de la maîtrise d'ouvrage doive désormais devenir systématique.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité savoir si le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », constitue un instrument satisfaisant et si le régime d'assurance des catastrophes naturelles, dit « catnat », doit être révisé comme le recommandait le rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles en 2005 et le rapport du groupe de travail du Sénat sur la sécheresse de 2003.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a plaidé pour une utilisation plus rationnelle du fonds Barnier : il convient en effet de conserver en son sein des réserves conséquentes et de réduire la part des crédits utilisée à des fins de recherches et d'études. Par ailleurs, il a indiqué que le régime « catnat » n'appelle pas d'observations particulières de sa part.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état d'une pression importante en matière d'urbanisation du littoral. Selon une étude des Nations-Unies, 80 % de la population mondiale devrait ainsi habiter sur une bande côtière de 100 kilomètres au cours des prochaines années.

M. Dominique Bussereau a rappelé que le rôle des maires en matière d'urbanisme procède d'une délégation de l'Etat : il s'agit en effet d'une compétence déconcentrée mais non décentralisée. Les politiques d'urbanisation sont donc théoriquement mises en oeuvre au niveau local sous un contrôle particulièrement strict de l'Etat. Celui ci doit donc assumer la plénitude de ses responsabilités tout en veillant à conseiller les collectivités territoriales dans leurs prises de décision. Par ailleurs, il pourrait être envisagé d'associer avantageusement l'Etat à la définition des schémas de cohérence territoriale (SCOT). En revanche, le transfert aux intercommunalités de la compétence des communes en matière de droit de l'urbanisme n'apparaît pas opportun.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite évoqué le double rôle de l'Etat, dans l'instruction en amont et dans le contrôle de légalité en aval, ce dernier étant réalisé par échantillonnage.

M. Dominique Bussereau est convenu que la coexistence ces deux fonctions ainsi que le mode de contrôle par simple échantillon pouvaient créer une difficulté. Mais il a souligné que l'urbanisme était un domaine sur lequel les citoyens exerçaient une particulière vigilance.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité de transférer aux intercommunalités ou aux départements la compétence de délivrance des permis de construire, ainsi que sur l'opportunité pour l'Etat d'abandonner son rôle d'instructeur au profit d'un recentrage sur le contrôle de légalité.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a observé que les intercommunalités développent de fait une compétence en matière de droit de l'urbanisme. Sans leur confier la responsabilité de la délivrance des permis de construire, il pourrait être envisagé d'accroître leurs missions de conseil aux communes, au moins à titre facultatif.

En conclusion, il s'est félicité de la démarche de la mission d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui a contribué, notamment par son déplacement en Charente Maritime et en Vendée, à l'apaisement de la relation entre les pouvoirs publics et les sinistrés. En outre, il a fait état de deux attentes quant aux travaux de la mission : une analyse précise des événements, d'une part, et des préconisations utiles pour l'avenir, d'autre part.

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