B. LE PILOTAGE FINANCIER DU RÉGIME

Dès les années quatre-vingt-dix , l'Allemagne a entrepris une adaptation de son régime de protection sociale, rendue nécessaire par la réunification du pays et l'apparition des premiers déficits des branches maladie et vieillesse.

En matière de retraite, plusieurs mesures d'ajustement ont été prises :

- l'âge de la retraite a été porté à soixante-cinq ans par étapes, en 1992 13 ( * ) , et les pensions ont été indexées sur le salaire moyen net ( « Rentenreform » du ministre du travail et des affaires sociales Norbert Blüm) ;

- pour faire face aux surcoûts du régime de l'assurance légale consécutifs à la réunification, un relèvement d'un point de TVA a été décidé au 1 er avril 1998 et un impôt écologique sur les entreprises polluantes ( Ökosteuer ) a été instauré en 1999, dont le produit est presque entièrement destiné à l'assurance légale ;

- un relèvement significatif du taux de cotisations a été opéré tout au long des années quatre-vingt-dix : de 17,7 % du salaire brut en 1991, celui-ci est passé à 20,3 % en 1998. Puis, entre 1999 et 2002, le taux de cotisations a été abaissé par paliers pour revenir à 19,1 %.

Simultanément, les dépenses du régime d'assurance légale ont été portées de 8,7 % du Pib en 1991 à près de 11 % en 2000.

Au tournant des années 2000 , pouvoirs publics et partenaires sociaux ont pris conscience qu'au-delà des mesures de stabilisation, une action structurelle s'imposait pour assurer la pérennité des retraites. Sur le contenu de cette action, le consensus s'est fait autour de deux points :

- l'équilibre ne doit pas être recherché en direction d'un accroissement des dépenses de transfert en provenance du budget fédéral ou d'une augmentation de la fiscalité dédiée au régime général (part de TVA et impôt écologique) ;

- le taux de cotisations doit être plafonné à 20 % à l'horizon 2020 et à 22 % à l'horizon 2030.

Le processus de réforme s'est donc poursuivi sous le gouvernement du chancelier Schröder. Son « Agenda 2010 », largement issu des réflexions de la commission dite « Rürup » 14 ( * ) - du nom de son président - et des recommandations du Conseil des sages 15 ( * ) , avait pour ambition d'être un programme de réformes englobant tout le champ de la protection sociale, avec des volets retraites, santé et emploi traités de manière concomitante.

La priorité du gouvernement Schröder consistait à garantir, dans le contexte de la mondialisation, la compétitivité de l'économie allemande ou, selon l'expression consacrée, du « site Allemagne » ( Standort Deutschland ).

Dans le domaine des retraites, les objectifs affichés étaient clairs : stabiliser les taux de cotisations et ralentir la dynamique des dépenses .

La réforme la plus emblématique, mise en oeuvre par le ministre des affaires sociales Walter Riester en 2001, a consisté à développer le deuxième pilier des retraites d'entreprise et, surtout, à renforcer le troisième pilier par capitalisation, le but étant de compenser la diminution attendue des taux de remplacement dans le régime de base. Parallèlement, plusieurs modifications importantes ont été introduites dans le premier pilier afin d'assurer sa viabilité à long terme.

1. Un plafond de taux de cotisations et un plancher de taux de remplacement

Deux dispositions législatives adoptées en 2001 encadrent strictement l'évolution du régime d'assurance retraite par répartition :

- un plafond de taux de cotisations : celui-ci ne doit pas dépasser 20 % jusqu'en 2020 et 22 % jusqu'en 2030 .

En cas de non-respect de ces objectifs dans les projections de moyen terme présentées par le gouvernement fédéral dans son rapport annuel sur l'assurance retraite légale ( Rentenversicherungsbericht ), celui-ci est tenu de proposer des mesures correctrices ;

- un plancher de taux de remplacement : initialement, le législateur allemand avait instauré un ratio de remplacement minimal garanti, fixé à 67 %, correspondant à un ratio de remplacement net après cotisation et après impôt . Ce niveau garanti de retraite a été redéfini en 2004 pour tenir compte du nouveau mode de taxation des retraites (cf. infra ).

Désormais, c'est le ratio de remplacement net après cotisation mais avant impôt qui est retenu. Le niveau garanti de ce nouveau ratio est de 46 % jusqu'en 2020 et de 43 % jusqu'en 2030 , ce taux de 43 % avant impôt correspondant à un taux d'environ 55 % après impôt. Actuellement, le ratio de remplacement avant impôt est de l'ordre de 52 %.

En cas de franchissement de ce seuil, le gouvernement fédéral a l'obligation légale de proposer, dans ses projections de moyen terme, des mesures appropriées pour accroître le niveau des pensions.


* 13 Jusqu'en 1992, l'âge légal de départ à la retraite était de soixante ans pour les femmes et de soixante-trois ans pour les hommes.

* 14 La commission « Rürup », composée d'experts, était chargée de faire des propositions pour assurer la pérennité du système de retraite.

* 15 Le Conseil des sages est composé de cinq personnalités indépendantes, nommées pour cinq ans par le Président de la République fédérale sur proposition du gouvernement fédéral, et choisies en fonction de leur compétence économique, afin d'évaluer la politique économique et sociale de l'Allemagne et « d'aider à la formation du jugement de toutes les instances responsables de la politique économique ainsi que de l'opinion publique ».

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