2. Des mécanismes automatiques de maîtrise des dépenses

Dès les années quatre-vingt-dix, l'Allemagne a cherché à ralentir la dynamique des dépenses de retraite , en jouant notamment sur le mécanisme de revalorisation des pensions.

Jusqu'en 1991, les pensions étaient indexées sur l'évolution des salaires bruts. A partir de 1992, la formule de revalorisation du point de retraite a tenu compte de l'évolution du salaire moyen net des cotisations sociales salariales.

Depuis le 1 er juillet 2001, l'indexation des pensions est à nouveau fondée sur l' évolution du salaire brut moyen , mais repose également sur deux autres facteurs , le « facteur Riester » et le « facteur de viabilité », respectivement introduits en 2001 et 2004.

Formule de réajustement des pensions = Evolution des salaires bruts × « Facteur Riester » × « Facteur de viabilité »

Le « facteur Riester »

Le facteur Riester sert à tenir compte, dans la formule de réajustement des pensions, d'une part, de l'évolution des taux de cotisations à l'assurance légale, d'autre part, des contributions effectuées par les assurés dans un dispositif de prévoyance vieillesse facultatif (de type Riester). Concrètement, la progression des taux de cotisation Riester affecte négativement l'évolution des pensions .

L'introduction de ce facteur répond bien à la logique sous-jacente à la réforme de 2001, à savoir limiter à long terme la hausse des taux de cotisations au régime contributif obligatoire et encourager le recours à la capitalisation pour pallier la diminution de la pension issue du pilier par répartition.

Le « facteur de viabilité » (Nachhaltigkeitsfaktor)

Face à la nécessité de garantir la solidarité intergénérationnelle et de ne pas faire supporter qu'aux seuls actifs les efforts de maîtrise des dépenses, la réforme de 2004 a introduit, au sein de la formule de revalorisation des pensions, un facteur de viabilité. Celui-ci reflète l' évolution du rapport de dépendance économique (c'est-à-dire du rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants), conformément aux recommandations de la commission « Rürup ».

En pratique, lorsque ce rapport de dépendance économique augmente , la progression du salaire brut moyen n'est répercutée qu'en partie , limitant ainsi la revalorisation des pensions .

Afin de réduire le risque de hausse du taux de cotisations à l'assurance légale au-delà du plafond fixé par la loi, l'évolution des pensions est donc minorée par deux facteurs :

- depuis 2001, par la hausse du taux de contribution au régime par capitalisation facultatif Riester ; concrètement, une hausse d'un point du taux Riester minore la revalorisation d'environ un quart de point (pour un taux de cotisations global de 20 %) ;

- surtout , depuis 2005, en cas de dégradation du ratio entre retraités et cotisants , par l'activation du facteur de viabilité ; à titre d'exemple, une hausse du ratio de dépendance de 1 % freine la revalorisation des pensions d'environ un quart de point.

Dans l'esprit de ses concepteurs, le facteur de viabilité constituait une réforme d'envergure , qui rompait avec la logique de stabilisation du ratio de remplacement et qui devait permettre des économies importantes à long terme correspondant, selon les estimations initiales du gouvernement Schröder, à 1,6 point de taux de cotisations à l'horizon 2020 et 2,3 points à l'horizon 2030.

En prenant en compte l'ensemble des mesures adoptées en 2003 (mesures de stabilisation à court terme 16 ( * ) ), parmi lesquelles un relèvement de 0,4 point du taux de cotisation (de 19,1 % en 2002, celui-ci est passé à 19,5 % en 2003), et 2004 (mesures de stabilisation à long terme 17 ( * ) ), l'équilibre du système devait être compatible avec le maintien du taux de cotisations sous le seuil de 22 % en 2030 -conformément à l'objectif fixé par le législateur-, selon les prévisions du Conseil des sages de 2004.

Prévisions du Conseil des sages de 2004

(en %)

2004

2005

2010

2020

2030

2040

Taux de cotisation sans réforme

20,5

20,1

19,8

21,6

24,3

25,8

Taux de cotisation après réformes (paquets 2003 et 2004)

19,5

19,5

18,6

20,0

22,0

22,9

Effet des réformes

1,0

0,6

1,2

1,6

2,3

3,0

Dont facteur de viabilité

0

- 0,1

- 0,7

- 1,0

- 1,6

- 2,4

Dont paquet de mesures court terme

- 1,0

- 0,5

- 0,4

- 0,5

- 0,6

- 0,5

Source : ministère de la santé et de la protection sociale, rapport du Conseil des sages, 2004

Une application souple de la formule de revalorisation des pensions

Malgré le caractère a priori automatique du système, la question de la revalorisation des pensions se pose chaque année : ainsi, entre 2005 et 2009, la formule théorique de réajustement des pensions n'a été appliquée stricto sensu qu'en 2007. Son application à la lettre aurait en effet conduit à une baisse du niveau de vie des retraités qui n'a pas été jugée politiquement envisageable.

En 2005 et 2006 , l'application de la formule de revalorisation aurait conduit à une diminution nominale de la valeur du point et partant, à un réajustement à la baisse des pensions. Chacune de ces années, le législateur a donc décidé de s'affranchir de la formule pour maintenir constante la valeur nominale du point. Toutefois, afin de préserver l'architecture globale du système, la loi sur le report de l'âge légal de 2007 a été l'occasion d'introduire un mécanisme de compensation de ces baisses non réalisées : à partir de 2011, les revalorisations théoriquement obtenues par la formule de réajustement seront diminuées de moitié chaque année, jusqu'à compensation complète des effets « 2005 » et « 2006 ».

Au total, le « besoin de compensation », exprimé en taux de croissance du point, s'établit ainsi :

Besoin de compensation

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

1,11

1,70

1,75

1,75

1,75

1,75

1,50

0,84

0,00

Note de lecture : le tableau cumule les écarts (en point de %) entre la revalorisation théorique du point et sa revalorisation effective : en 2005, le point a été revalorisé de 1,1 point de % de plus que ce que donnait la formule théorique. En 2006, 0,6 point de % se sont ajoutés. A partir de 2011 cet écart est décumulé par une moindre progression effective du point par rapport à la formule théorique, jusqu'à compensation totale en 2013.

Source : « Le pilotage du système de retraite en Allemagne », document de travail du Cor, mars 2009

En 2008 et 2009 , la progression nominale théorique aurait respectivement dû être de 0,46 % et de 1,4 %, la prise en compte de l'évolution de la contribution au dispositif Riester dans la formule de revalorisation pesant négativement de 0,6 % chaque année. La « grande coalition » (CDU/CSU-SPD) a alors décidé mi-mars 2008 de décaler la montée en charge de la prise en compte des cotisations Riester afin d'accorder de plus fortes progressions aux pensions en 2008 (1,1 %) et en 2009 (2 %).

En contrepartie, cet effet lié aux taux de cotisations « Riester » est décalé à 2012 et 2013, années pour lesquelles la revalorisation des pensions sera plus faible qu'attendue.

La coalition actuellement au pouvoir (CDU/CSU-FDP) a, en revanche, prévu, dans le contrat passé entre les partis qui la constituent, d'appliquer strictement l'ensemble des mécanismes de maîtrise des dépenses.

Sur cette question, il faut souligner que les représentants du patronat rencontrés par la mission ont regretté que les gouvernements successifs n'aient, jusqu'à présent, pas respecté rigoureusement les règles fixées par le législateur.


* 16 Le retour des déficits de la branche vieillesse, à partir de 2002, a justifié un nouveau train de mesures de stabilisation à court terme : relèvement de 0,4 point des taux de cotisations en 2003 et adoption d'un paquet d'économies de 8 milliards d'euros pour 2004 (gel des pensions en 2004-2005, transferts aux retraités de l'ensemble des contributions dépendance contre la moitié précédemment, report du paiement des pensions des nouveaux entrants en fin de mois, etc.).

* 17 Outre l'introduction du « facteur de viabilité », d'autres mesures, censées avoir une incidence à long terme sur l'évolution des dépenses, ont été prises : relèvement progressif entre 2006 et 2008 de l'âge minimal requis pour la liquidation des droits pour les chômeurs (de soixante à soixante-trois ans) ; réduction des bonifications au titre des études professionnelles (dont bénéficiaient jusqu'alors certaines catégories d'étudiants et d'apprentis) et plafonnement de ces bonifications à trente-six mois.

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