Audition de M. Marc GENTILINI,
professeur émérite des maladies infectieuses et tropicales
à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière,
président honoraire et membre de l'Académie de médecine,
membre du Conseil économique, social et environnemental
(mercredi 5 mai 2010)

M. François Autain, président - Mes chers collègues, nous accueillons M. Marc Gentilini, professeur émérite des maladies infectieuses et tropicales, président honoraire et membre de l'Académie de médecine, membre du Conseil économique, social et environnemental (CES).

Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Marc Gentilini prête serment.

M. François Autain, président - Je vous propose de nous faire part, dans un exposé liminaire, de votre regard sur la façon dont cette pandémie a été gérée par le Gouvernement. Le rapporteur vous posera ensuite des questions ainsi que les commissaires ici présents.

Vous avez la parole.

M. Marc Gentilini - Je vous remercie ; je suis ému et honoré par votre invitation. Je vais essayer de vous donner le sentiment que j'ai éprouvé durant les mois qui se sont écoulés depuis le 25 avril 2009.

Il y a pratiquement un an que ce drame - avec ou sans guillemets - a été annoncé et se serait déroulé.

J'ai été frappé par la répétition des annonces, fin avril et durant tout les mois de mai et juin, de l'imminence de la catastrophe.

Certains disaient que le ciel allait nous tomber sur la tête, d'autres parlaient d'apocalypse. L'impression qui était la mienne était que l'on en faisait beaucoup trop par rapport à ce qu'il était normal d'envisager et j'ai commencé à être un peu « en rébellion » dès le mois de juin.

Courant juillet, n'y tenant plus, après quelques émissions de radio - sur France Inter en particulier, le « Téléphone sonne », une excellente émission - j'ai fini par dire mon agacement à l'une des animatrices qui m'a piégé en me disant que, si j'avais quelque chose à dire, c'était le moment de m'exprimer. J'ai finalement cédé à cette pression et mon message a été enregistré. C'est à ce moment, le 22 juillet 2009, que j'ai dit que, pour des raisons éthiques et surtout sanitaires, ce qui se passait ne me paraissait pas convenable.

Pour des raisons sanitaires : tout portait à penser dès cette époque que la catastrophe annoncée ne se produirait pas. Nous avions connaissance de ce qui s'était déroulé dans l'hémisphère Sud. On avait comptabilisé les morts, les grands malades - les petits malades un peu moins - avec les malades français en faisant, entre ce qui se passait outre-mer et ce qui se passait dans l'hexagone, un amalgame extrêmement désagréable parce qu'il ne correspondait pas à la réalité. L'impression était que l'on voulait gonfler l'importance de cette maladie.

J'ai dit clairement que l'on en faisait probablement trop et qu'il serait souhaitable que le Premier ministre et le Président de la République reprennent les choses en mains afin que l'on en revienne à une analyse plus réaliste et plus modeste de la situation.

Je l'ai dit également pour des raisons éthiques : j'ai été frappé de cette agitation - onéreuse déjà - à propos de quelque chose qui « ne se passait pas » en France, par rapport à la situation sanitaire mondiale, et par rapport à ce qui se passait plus largement et tragiquement ailleurs et dont on ne parlait pas !

J'ai rappelé qu'il existait un milliard d'affamés dans le monde, 800 millions à un milliard - d'autres disent 3 milliards - de gens qui n'avaient pas accès à l'eau potable ou à l'eau tout court et qu'on commençait à distribuer des papiers expliquant comment se laver les mains, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) décrivant, sur un texte affiché dans tous les collectivités, les onze opérations auxquelles il fallait se livrer pour bien se laver les mains - pour ceux qui ont accès à l'eau et qui ont un essuie-mains propre !

Il y a un million annuel de morts par paludisme en toute indifférence, 150 000 accidents cérébraux vasculaires en France, et 350 décès anonymes sur la voie publique. Prévoir de consacrer cette année 1,5 milliard d'euros, chiffre avoué mais plus élevé sans doute, pour une grippe qui n'a fait qu'un peu plus de 350 décès - même s'ils sont bien sûr tous regrettables - semblait disproportionné.

Ces disparités, cette approche qui se voulait une approche de santé publique et qui ne l'était pas, me choquaient personnellement profondément. Le combat de ma modeste vie a été de faire comprendre que la pathologie des autres est une pathologie également importante, et parfois plus importante, que la pathologie qui, dans nos régions, fixe notre attention.

Je sais que l'on a traduit cela en disant, de manière assez méprisante : « C'est l'expression de son tiers mondisme ». Non ! C'est l'évidence. Quand on voyage un peu, comme beaucoup de Français, on voit bien que ce qui se passe ailleurs est autrement plus important que ce qui se passe chez nous, même quand on a tendance à dramatiser la situation.

J'ai pris cette position et je m'y suis tenu car je crois que c'est la vérité et qu'il faut la rappeler régulièrement à nos concitoyens.

Progressivement, le phénomène s'est emballé ; il suffit que quelques médias reprennent ce que vous dites pour qu'immédiatement il y ait une demande d'interview sur chaque chaîne télévisée. C'est ce qui s'est produit. J'ai été confronté plusieurs fois à des représentants des partis politiques. Il y avait là le porte-parole du Parti socialiste, celui de l'UMP pour ne parler que des plus grands partis. Au fond, ils étaient d'accord entre eux. Peut-être, comme je l'ai rappelé ailleurs, parce qu'ils ont connu dans le passé des épisodes douloureux de santé publique - dont certains portent, pas toujours légitimement, le poids.

J'ai été frappé de constater qu'on trouvait que l'application du principe de précaution était ce que l'on pouvait faire de mieux, que cela ne se discutait pas et qu'il fallait en faire trop plutôt que pas assez, ceux qui n'avaient pas fait assez en temps voulu l'ayant payé très cher.

Je pense que l'erreur par défaut est une faute grave, mais l'erreur par excès est aussi une faute. Dans la situation de notre pays et de l'ensemble du monde, où « un sou est un sou » - on le rappelle régulièrement, aux médecins en particulier, et avec raison - je pense que les responsables doivent bien mesurer le coût des décisions qu'ils prennent.

J'ai été professeur de santé publique quelque temps. On nous a appris, et c'est normal, à considérer que la santé, si elle n'a pas de prix, a un coût. Il est difficile, dans le même temps que l'on demande aux médecins de faire des économies, d'avoir l'air de ne pas se préoccuper du prix d'une opération qui n'est pas, aux yeux de beaucoup, justifiée.

On peut objecter que peu de gens ont pris cette position. M. Bernard Debré l'a fait quelques jours après moi, sur le même ton - mais c'est tout ! La presse était même réticente à relayer ce que l'on pouvait dire. J'ai fait reproche à une publication médicale spécialisée, le Quotidien du médecin, de ne guère avoir repris mes propos. C'est pourtant un journal que je connais bien, tout comme son directeur, qui fut l'un de mes collaborateurs, M. Gérard Kouchner. J'ai demandé pourquoi. Un grand journal du matin, que je ne lis plus depuis, a, pendant toute la période de montée en puissance de la grippe A (H1N1)v, exposé les faits d'une façon alarmiste, les présentant comme un calvaire qu'allaient vivre tous les Français, affirmant qu'il fallait se préparer au pire.

Quand on parle de santé publique, faire peur est une mauvaise démarche ; la démarche fondamentale en santé publique est au contraire de ramener les problèmes de santé à leur juste niveau pour pouvoir les appréhender correctement, et les maîtriser avec le concours des populations.

Or, cette grippe a été la grippe de l'indécence et de la démesure au cours des tout premiers mois, durant lesquels il n'y a pas eu de discussion possible.

Je pense que la présentation faite au public l'a finalement démotivé : il a fini par ne plus croire en l'imminence de l'apocalypse. Il est heureux que l'opinion publique française, en dépit du martèlement dont elle a été l'objet, n'ait pas cédé sous le poids des responsables de la collectivité et des médias, qui ne faisaient que relayer ce qu'on leur disait.

Le mal, au début, n'est pas français. Ce n'est pas la ministre de la santé de notre pays qu'il faut accuser au premier chef. Je me suis bien gardé de le faire au demeurant, tout en étant critique à l'égard d'un certain nombre de décisions - ce que je maintiens ! L'erreur majeure provient, nous le savons, de ce qui devait être le phare sanitaire de l'humanité, c'est-à-dire l'OMS. Or, vous savez comment celle-ci fonctionne. Cela m'a toujours frappé, en particulier depuis l'émergence du Sida, en 1980-1981 : il s'agit d'une organisation politique ! C'est l'ensemble des Etats qui en sont membres qui prennent les décisions.

J'ai rapporté à plusieurs reprises une expérience qui m'a marqué. Je me trouvais, un jour de 1983, dans la délégation française, à Genève, à côté du représentant du Cambodge. Cet homme, qui parlait couramment français, était très courtois avec le représentant français que j'étais. Je l'ai vu monter à la tribune et faire un discours d'une violence extraordinaire contre l'impérialisme, le colonialisme, la France, etc. Je n'en revenais pas ! L'OMS, alors que le génocide remontait à 1975, continuait à accueillir dans ses rangs un génocidaire qui représentait le Cambodge ! Il faut comprendre en effet ce qu'est l'OMS, qui est obligée de représenter les gouvernements tels qu'ils sont. Elle est politique et, de ce fait, peut être amenée à faire des erreurs techniques.

L'exemple du Sida est patent. C'est une épidémie qui éclate, un virus nouveau. Personne ne le connaît. Il tue réellement et l'OMS affirme : « Il tue aux Etats-Unis, il tue des homosexuels, des toxicomanes, des malades transfusés : ce n'est pas le problème numéro un du Tiers monde ! » . Le déni de l'OMS face au Sida, dans les premières années, a été tragique car il a amplifié le phénomène en Afrique, qui était l'épicentre de l'infection et qui paye depuis un très lourd tribut à cette infection.

L'OMS, qui devrait être le phare sanitaire de l'humanité, se trompe soit par défaut ou retard - comme dans le cas du Sida - soit par précipitation - comme pour la grippe. Pourquoi s'est-elle trompée dans le cas présent ? Elle s'est trompée parce que la direction générale est actuellement entre les mains de Mme Margaret Chan, une personne certes respectable et de très grande qualité technique, mais qui vient de Hong Kong, d'Asie, avec cette charge vis-à-vis des virus grippaux qui caractérise un peu ce continent, et avec son expérience des virus de la grippe, du SRAS, du virus de la grippe aviaire et de tout ce qui a suivi.

Mme Margaret Chan, pour lutter contre la grippe aviaire, a fait tuer près de 20 millions d'oiseaux en Asie, et pour peu de chose ! On peut penser que ce n'est pas très important mais c'est un peu triste. Rappelez-vous l'histoire de ce chat de Hambourg, mort pour avoir mangé un cadavre d'oiseau probablement porteur - disait-on - de la grippe aviaire. A l'époque, ce chat a défrayé la chronique !

La grippe aviaire, en 2005 et en 2006, avait beaucoup inquiété les pouvoirs publics. Je me souviens que le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, avait pris à juste titre des mesures pour lutter contre ce danger. On avait acheté des vaccins et de nombreux masques. Plus tard, lorsque j'ai vu ces masques stockés dans les réserves de la Croix-Rouge française, que j'ai présidée durant sept ans et demi, j'ai demandé aux secouristes : « Qu'allez-vous en faire ? », on m'a dit : « On ne sait pas ! ». Le nombre de masques était alors très inférieur aux 2 milliards commandés cette fois-ci dont on ne sait toujours pas quoi faire. Certains disaient que si la fumée du volcan islandais arrivait sur Paris, on se servirait des masques en réserve ! Pas de chance, la fumée s'est dissipée avant et nous gardons nos masques.

Cette erreur par excès, un peu partout, que ce soit pour les masques, pour les médicaments - le Tamiflu, etc. - tout cela est démesuré, incontestablement, et c'est l'OMS qui est la première responsable.

Je comprends bien l'attitude de la ministre de la santé, à laquelle un de ses conseillers - je ne dirais pas lequel, peut-être l'avez vous entendu - parle de 30 000 à 60 000 morts. C'est terrible ! La canicule n'en a fait « que » 15 000 et c'était déjà beaucoup. Elle se demande ce qu'elle va devenir si 30 000 Français meurent...

Ce conseiller est crédible, par définition...

M. François Autain, président - Il paraît qu'il n'était pas conseiller du ministre !

M. Marc Gentilini - Mais il y a quand même bien des conseillers autour du ministre ! Je voudrais en être certain ! Nous ne désignerons personne - c'est vous qui l'avez désigné, pas moi...

M. François Autain, président - Je ne l'ai pas désigné non plus !

M. Marc Gentilini - Nous sommes donc d'accord !

Par ailleurs, la directrice générale de l'OMS change son levier de vitesse et passe du stade 3, en avril, au stade 4 puis au stade 5 et au stade 6. C'est de la folie !

Heureusement, Mme Roselyne Bachelot a du bon sens : elle n'est pas passée au stade 6. Dans le cas contraire, je ne crois pas que l'on aurait pu tenir une séance comme celle-là !

M. François Autain, président - Nous sommes toujours au stade 6.

M. Marc Gentilini - Pas en France, mais l'OMS est encore au stade 6, c'est vrai.

On a donc encore chez nous des politiques de bons sens, il faut le souligner, en dépit des démarches des organisations sanitaires qui exercent sur eux une pression. Il faut voir comment on s'agite à Genève, dans un immeuble que je connais bien !

Mise en avant du principe de précaution, bouclier que vous qualifierez de sanitaire, d'une part, et pression de l'OMS, d'autre part : on peut comprendre que des politiques soient un peu déstabilisés ou déstabilisables et qu'ils soient amenés à prendre des décisions extrêmes.

Je ne pense pas que les premiers coupables, dans toute cette mésaventure, soient les politiques - je l'ai dit à plusieurs reprises - mais les experts sanitaires.

Ce n'est guère aimable de le dire quand on a fait partie du milieu mais je suis heureusement plus vieux qu'eux, qui sont en exercice direct et j'ai donc le droit de m'exprimer sous le feu des critiques. C'est plus facile pour moi que pour eux.

Il va falloir certainement, si l'erreur relève de l'appréciation des experts - à condition que l'on sache ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont dit et ce qu'ils ont transmis - que l'on change l'expertise. Une expertise sans la société civile, dans le milieu qui est le nôtre, sera amputée et en grande partie vouée à l'échec lorsqu'elle recommandera des décisions concernant l'ensemble de la collectivité.

Enfin, je voudrais achever mon propos en disant que l'erreur qui a été commise et que je m'étais efforcé de dénoncer à temps est la mise à l'écart du tissu sanitaire de la République. Les médecins généralistes ont été mis de côté au moment où on appelait à la mobilisation générale. Tous ceux qui connaissent les vaccinations de masse et les très grandes difficultés et les très grands risques qu'elles comportent, en Afrique, au Brésil ou ailleurs, savent que c'est avec le tissu sanitaire qu'on les réussit ou qu'on les rate.

Dans le cas présent, on l'a ratée et c'est bien dommage, pour deux raisons. La première est qu'il nous reste des vaccins, et l'on a appris ce matin, je crois, que certains laboratoires ne veulent pas revenir sur leurs prix, ni sur les termes de leurs contrats.

La deuxième est que cela va jeter le discrédit sur le concept même de vaccination qui est un concept très respectable, indispensable et qui risque d'être mis à mal à cause de ce ratage.

M. François Autain, président - Merci pour ce propos liminaire très complet, très instructif et très intéressant.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur - Comment peut-on expliquer que le discours sur la pandémie ait été dominé par l'expression d'une « pensée scientifique unique » privilégiant une vision catastrophiste de la grippe et de ses conséquences ?

Comment expliquer que si peu d'opinions divergentes se soient exprimées, notamment parmi les experts ?

Ce quasi-unanimisme était-il réel ou était-il fabriqué par les médias ?

On nous a fait observer qu'en dehors des problèmes de liens d'intérêts entre chercheurs et industrie, le climat de compétition féroce qui règne dans le monde de la recherche, la course pour l'identification de chaque pathogène, l'élaboration de tests, la valorisation de brevets, peuvent conduire les chercheurs à espérer - même inconsciemment - qu'une maladie arrive et faire qu'objectivement leurs intérêts aillent dans le même sens que ceux de l'industrie.

Que pensez-vous de cette observation et peut-on lutter contre ces convergences d'intérêts ?

En dehors même des questions que peut poser l'évolution de la définition de la pandémie par l'OMS, ne doit-on pas s'interroger, en termes d'organisation des réponses aux crises pandémiques et de perception sociale des risques sanitaires, sur le caractère opérationnel d'une définition des pandémies excluant toute référence à leur gravité ?

Comment améliorer le fonctionnement de l'OMS qui, comme vous l'avez observé, a, selon les cas, soit sous-estimé soit surestimé les risques sanitaires ?

M. Marc Gentilini - Je vais vous dire les choses telles qu'elles se sont passées. J'ai un successeur que j'aime beaucoup, qui est très connu et qui est de grande qualité. J'en ai parlé avec lui et je lui ai dit : « Prenez position, dites que ce n'est pas tout à fait comme cela que cela va se passer, freinez un peu cette ardeur juvénile des décideurs ! ».

Il m'a répondu : « Je ne peux pas le dire car je suis solidaire des autres membres du comité d'experts ». Je comprends un peu sa position : ce n'est pas élégant. Il a ajouté : « Mais vous, vous êtes libre. Vous pouvez le dire ». C'est pourquoi je me suis exprimé.

Pour répondre à votre question, ce n'est pas de la couardise mais une sorte de position solidaire de groupe qui fait que l'on ne parle pas ; la pensée qui aurait pu être modifiée se fige alors en une pensée unique. C'est grave ! Il va falloir étudier cela de près car si les experts n'ont pas individuellement une certaine liberté d'expression - sans toutefois tout remettre en cause - l'expertise sera forcément biaisée.

Pourquoi si peu de gens ont-ils réagi au début ? Cela n'intéressait pas énormément de monde en cette fin de juillet. En juillet, la France est déjà en vacances. Cependant, quand un journal du soir m'a interviewé, alors que je me trouvais en vacances pour quarante-huit heures, j'ai répondu et j'ai été frappé de voir que le baigneur français moyen prenait le temps de lire le journal sur la plage, car cela a eu un retentissement important dans certains journaux où on était quand même entendu.

Quand on interrogeait les médecins, que l'on écoutait son répondeur ou que l'on regardait son courrier, on recevait des messages de félicitations bien peu mérités car il n'y avait là rien d'extraordinaire, mais les voix se multipliaient et beaucoup de gens, de tous bords, disaient déjà : « Vous avez bien fait de le dire ! ». Il y avait donc, dès cette époque, des réticences dans l'opinion publique française moyenne et dans l'opinion médicale. Beaucoup de médecins protestaient. Les généralistes disaient en particulier qu'ils ne voyaient rien de tout ce qu'on annonçait dans leur cabinet !

Pour ce qui est de la recherche, la réflexion que vous faites est dure mais juste. J'ai été directeur d'une unité de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), à côté de mes fonctions hospitalo-universitaires, et j'ai pu mesurer le type d'hommes ou de femmes qui deviennent chercheurs et celui de ceux qui deviennent cliniciens. Je suis clinicien avant tout et le malade m'intéresse encore plus que l'éprouvette ou que les résultats de la recherche - bien qu'il faille de bons résultats en recherche pour faire de bons médicaments - mais j'ai le sentiment que le chercheur est, par démarche, plus égoïste. C'est sa recherche, il n'a pas le malade au bout de la chaîne pour lui demander une explication, ni une famille à rassurer. Toute cette charge émotionnelle, il ne la connaît pas. Heureusement pour son métier, il est plus dur que le clinicien et un peu féroce.

Le chercheur, s'il veut réussir, doit être un battant. Il ne peut pas être tendre, sous peine de se faire dépasser. Si vous trouvez la même chose que quelqu'un d'autre en même temps sur le même thème, c'est le premier qui publiera qui sera reconnu comme étant l'auteur de cette découverte.

Ce que l'on a vécu autour du Sida est fort démonstratif à cet égard. C'est un combat que je connais très bien ; tous les livres qui ont été écrits sur ce sujet ne disent pas toute la vérité. Le jour où je serai appelé à une retraite réellement définitive, si j'ai encore le courage d'écrire, je dirai peut-être ma vérité sur l'épidémie. Mais cela n'intéressera sûrement plus personne et je devrais donc plutôt me garder de le faire !

Cette course à la découverte me paraît quelque peu pathologique et dangereuse pour le malade in fine .

Vous m'avez questionné sur l'OMS et sur la définition de la pandémie. Elle est scandaleuse ! J'appartiens à la veille école mais c'est encore une bonne école et je sais ce que pandémie veut dire ! Une pandémie, étymologiquement, c'est une maladie qui touche tous les peuples. Il est important qu'il y ait dissémination pour parler de pandémie, mais dans le concept de pandémie, il y avait également celui de drame, de virulence de l'agent pathogène.

En enlevant la virulence pour ne garder que la dissémination, l'OMS s'est fait une définition de la pandémie à sa mesure. Elle a décidé pour elle-même, par elle-même et contre tout l'enseignement dispensé dans le monde, ce que devait être une pandémie. Or, une pandémie, c'est la fièvre jaune du corps expéditionnaire de Leclerc en Haïti décimant les petits Auvergnats envoyés à Port-au-Prince, c'est le choléra, la peste, le typhus exanthématique. Ce sont là des pandémies dont la mortalité était de l'ordre de 30 à 70 %.

On nous dit que la grippe A (H1N1)v est une maladie qui va très vite. Tant mieux, madame la directrice générale, si la maladie se dissémine très vite, tant qu'elle ne fait pas plus de morts que ce que nous constatons ! Car cela veut dire que la maladie se répand, vaccine au passage un nombre important de gens et qu'on n'a pas besoin du vaccin pour autant !

Je ne comprends donc pas cette attitude et cette remise en cause des concepts fondamentaux du monde sanitaire.

M. François Autain, président - Si cette définition de la pandémie n'avait pas été modifiée, aurait-il été nécessaire de déclarer l'état de pandémie pour le H1N1 ?

M. Marc Gentilini - Il faut s'entendre sur la définition de la pandémie. Si on dit qu'il s'agit d'une maladie qui se dissémine partout très vite et qui a une mortalité très lourde, il faut sonner l'alarme ! Je suis toutefois persuadé que le jour où il y aura une véritable pandémie, avec des morts en grand nombre, tous les moyens mis en place par le plan élaboré pour la grippe aviaire en 2005-2006 seront dépassés. Il ne faut pas se faire d'illusions : imaginons que la mortalité ait été celle annoncée, la panique aurait envahi les rues de Paris, les centres de vaccination auraient été emportés, etc.

Il faut donc être très critique à l'égard de la stratégie que l'on affiche. Elle ne correspond pas, en règle générale, à la réalité. Dans le cas présent, elle était trop importante pour la situation réelle et elle aurait peut-être été complètement inutile, parce que dépassée, si l'épidémie avait été dramatique.

Je pense que tous ces généraux, stratèges en chambre derrière leur ordinateur, établissant des modèles, sont respectables mais ils sont à côté du problème ! Ils connaissent très bien leur métier, je les respecte mais ils se trompent. Le drame, lorsqu'ils se trompent, c'est qu'ils ne le reconnaissent pas et ne s'en excusent pas ! Je voudrais pourtant les entendre !

M. François Autain, président - Ils reconnaissent de plus en plus s'être trompés !

M. Marc Gentilini - Mais ils ne s'excusent pas !

M. François Autain, président - Pas encore !

M. Marc Gentilini - Ils reconnaissent qu'ils se sont trompés mais cela ne leur coûte rien et cela nous coûte à nous !

Savez-vous, monsieur le président, de combien les ambassades de France disposent, dans le monde entier, pour leur action sur le terrain ? 82 millions d'euros au total ! Ce 1,5 milliard d'euros environ aurait pu servir à des choses plus pertinentes.

M. Alain Milon, rapporteur - Le professeur Antoine Flahault, que nous avons entendu la semaine dernière, a observé que l'on n'était pas préparé à faire face à une pandémie comme la grippe A (H1N1)v qui, sauf dans un nombre de cas limité, n'est pas grave, alors que nous avons des chances qu'il s'en produise d'autres du même genre dans l'avenir.

Selon vous, comment faudrait-il donc organiser la réponse à une nouvelle pandémie grippale ?

Enfin, vous l'avez regretté - et je pense que les membres de la commission le regrettent aussi - les médecins généralistes n'ont pas été associés à la vaccination ; nous pensons que l'échec de celle-ci est lié à ce fait. Vous savez également que l'organisation de la médecine en France est différente de l'organisation de la médecine en Suède ou au Royaume-Uni. En Angleterre, la vaccination est passée par les médecins généralistes mais, au bout du compte, le succès n'est pas plus grand qu'en France.

Comment, si nous devions avoir affaire à une nouvelle pandémie, organiser la vaccination avec des généralistes dispersés, en particulier avec le système des multidoses ?

M. Marc Gentilini - Je connais les prises de position du directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique. C'est un homme brillant mais je crois qu'il faudrait qu'il rappelle le nombre de morts probables qu'il avait annoncé en même temps qu'il dit que la maladie n'est pas aussi grave que prévu. Elle a été prévue comme devant être grave, je ne sais plus par qui, mais je sais qu'un ministre de la santé ne peut imaginer seul la gravité d'une épidémie de grippe ! Il a bien fallu autour de lui des gens qui attisent le drame ! Vous avez remarqué, comme moi, que le directeur de cabinet de la ministre de la santé a disparu, subitement, en février. On n'a pas eu d'explications mais on peut la fournir : chacun sait très bien qu'il soufflait sur les braises et cela ne devait pas être facile pour la ministre !

Il faut que le directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique aille plus loin dans l'analyse de l'échec de cette grippe, heureusement avortée, et qu'il dise pourquoi il n'a pas reconnu plus tôt l'erreur qu'il reconnaît maintenant. Cela aurait peut-être permis de freiner un certain nombre d'achats ou de tempérer un certain nombre de décisions. Il faudrait aussi qu'il dise qu'il ne recommencera pas. Or, ce n'est pas du tout ce que j'entends. J'entends - et vous venez presque de le rappeler - qu'il faudrait tout de suite remettre le plan pour la grippe d'automne.

Comme l'ont fait remarquer certains virologues, il existe deux types de virus, les grands - Sida, Ebola, fièvre de Lassa, Chikungunya - qui ont fait parler d'eux largement et les petits, ceux de la grippe saisonnière, annuelle, à répétition, qui ne font pas de bruit : 5 000 morts par an en France, cela paraissait peu bien que ce soit beaucoup plus que la grippe A (H1N1)v. On n'en parlait pas. C'étaient plutôt des vieux qui mouraient et c'était dans la nature des choses. Je pense que monsieur le directeur ferait bien de dire les choses comme elles sont et non de courir vers la répétition de la mise en scène pour l'automne 2010 ! Je ne pardonnerai pas aux pouvoirs publics de ne pas tenir compte de ces deux ratés. Je vous rappelle que certains annonçaient 500 000 morts en France en 2006 pour la grippe aviaire, qui avait mobilisé tout le monde sans qu'il y ait un mort.

M. François Autain, président - Le livre s'est très bien vendu !

M. Marc Gentilini - Oui, mais les titres sont faits pour cela !

C'est triste ! Dans une société assaillie par des problèmes quotidiens - économiques, sociaux, familiaux, éthiques - matraquer les gens avec des drames sanitaires et leur dire que leur vie est menacée n'est pas loyal. C'est ce contre quoi je lutte.

Quant aux médecins généralistes, le 12 octobre 2009, j'avais accompagné le Président Jacques Chirac à Cotonou, où il lançait son appel contre le trafic des faux médicaments en Afrique. Le succès de cette opération, qui exige un lourd suivi, a été important. Ce qui se passe est terrible : le commerce des faux médicaments croît considérablement.

Le 13 au matin, je suis rentré à Paris pour présider, à l'Académie nationale de médecine, la séance consacrée à la grippe A (H1N1)v. J'ai eu le plaisir de me trouver aux côtés du directeur dont nous avons parlé et du directeur général de la santé - à qui on ne reproche pas d'être chirurgien quand il parle de la grippe comme on reproche à d'autres d'être urologues.

Je lui ai posé la question de savoir pourquoi il n'autorisait pas les médecins généralistes à vacciner. J'entends encore sa réponse - et je pensais qu'elle serait suivie de décisions : « Pourquoi pas ? ». C'est tout. Il ne s'est rien passé ! Nous étions le 13 octobre.

Or, les présentations que l'on a dit ne pas pouvoir correspondre à la vie des médecins dans leur cabinet - dix doses - étaient, d'une part, parfaitement compatibles, le plus souvent, avec un cabinet bien organisé ; d'autre part, même si on avait jeté cinq des dix doses, on aurait eu une couverture vaccinale supérieure à celle obtenue par la fermeture des gymnases par la ministre des sports pour servir la ministre de la santé !

M. François Autain, président - Et sans doute à un moindre coût !

M. Marc Gentilini - Bien sûr ! Tout cela est quelque peu incohérent. Le bon sens français n'a pas été présent pendant un an. Une année sans bon sens !

M. François Autain, président - Espérons que nous allons le recouvrer en 2011.

M. Gilbert Barbier - Vous êtes professeur de maladies infectieuses. Vous nous avez dit que l'on n'aurait pas dû s'affoler. Pensez-vous - c'est l'idée qui court - que les personnes nées avant 1957 avaient une immunité voisine et que la propagation de l'épidémie a été bloquée par cette immunité d'un certain nombre de personnes ?

En second lieu, combien de vaccins fallait-il commander ? Et fallait-il vacciner ? Vous regrettez que les médecins n'aient pas été associés à une plus large vaccination de la population. Je suis d'accord avec vous mais fallait-il vacciner tout le monde ou personne ?

M. Marc Gentilini - Je réponds clairement à votre première question : cette thèse ne me convient pas !

Combien fallait-il commander de vaccins ? La question préalable est de savoir s'il fallait en commander ! Vous posez là une question très importante. A 60 ou 65 ans, on propose tous les ans automatiquement une vaccination gratuite contre la grippe. A l'armée, on vaccine tous les trois ans contre la grippe saisonnière. Cette vaccination à répétition est-elle vraiment utile ? Cette question là devrait être posée à l'occasion de cet épisode de grippe A (H1N1)v ! Personne ne paraît discuter la vaccination saisonnière, mais elle a bien un coût ! Il y a un peu de H1N1 dans les composants du vaccin saisonnier. Peut-être ces gens là ont-ils été protégés par cette vaccination à répétition mais je ne crois pas que ce soit par le contact avec une souche antérieure à 1957.

Nous nous habituons à des décisions que l'on nous impose. Personnellement, je ne suis pas vacciné contre la grippe saisonnière. J'ai 80 ans. Je n'en vois pas la nécessité absolue. En revanche, si un vieillard de mon âge me demandait conseil, je lui dirai de se faire vacciner contre les pneumocoques. On ne meurt pas facilement de grippe : on meurt de complications pulmonaires grippales, de complications infectieuses. La mortalité due à la grippe espagnole ne tient pas au virus grippal lui-même mais aux complications pulmonaires que l'on n'a pu traiter faute d'antibiothérapie.

La question que vous soulevez est importante car elle permettrait d'ouvrir un nouveau dossier. C'est un des effets bénéfiques de l'épidémie de grippe !

M. Alain Milon, rapporteur - Dans ma ville, les généralistes qui ne pouvaient pas vacciner contre la grippe H1N1 se sont mobilisés pour vacciner contre les complications pulmonaires de celle-ci. Le Pneumo 23 a été beaucoup prescrit.

M. François Autain, président - Il me semble que vous n'avez pas totalement répondu à M. Gilbert Barbier...

M. Marc Gentilini - Combien fallait-il commander de vaccins ? Heureusement pour la France, je ne suis pas ministre de la santé, mais je n'aurais certainement pas commandé 94 millions de doses ! Une couverture vaccinale avec deux injections représentait deux fois la moitié de 94 millions, soit 47 millions. On a basé la commande sur deux injections systématiques, alors qu'on n'en savait rien !

M. François Autain, président - Avec une option à 130 millions. Je ne sais si la vaccination de toute la population était possible sur le plan logistique - mais c'est une autre question.

M. Marc Gentilini - Il faut bien voir les pressions qui existent. Souvenez-vous de l'audition de la ministre de la santé de Pologne devant le Conseil de l'Europe - nous étions ensemble. Elle a fait front ! Je me tourne vers Mme Marie-Thérèse Hermange : heureusement qu'il existe des femmes dans le domaine de la santé publique ! C'est la ministre polonaise qui a dit : « Non, je n'achèterai pas vos vaccins sous la pression ! Vous baisserez vos prix ou je n'achèterai rien ! ».

M. François Autain, président - Toutes les femmes ne se ressemblent pas !

M. Claude Domeizel - Vous avez dit avoir écrit un article qu'un journal spécialisé n'a pas voulu publier...

M. Marc Gentilini - Je me suis mal exprimé. J'ai répondu à Mme Hélène Cardin, pour ne pas la citer, sur France Inter, qui m'a tendu son micro le 22 juillet. Les autres sont venus à moi pour me demander mon opinion. Le Monde.fr a une diffusion extraordinaire. Si Le Monde n'est pas acheté outre-mer, Le Monde.fr est accessible partout. De même, un article dans Le Parisien , c'est mieux qu'un article dans The Lancet ! Au moins, il a une répercussion. Si vous voulez faire passer un message de santé publique, il vaut mieux passer par Le Parisien .

J'ai lu dans un journal du matin - celui auquel je faisais allusion tout à l'heure et que je ne lis plus, ou en cachette seulement - le témoignage d'une jeune fille intitulé : « Le calvaire de ma grippe », où elle était interviewée. Je connais la famille : c'est faux !

On a voulu orchestrer la peur des Français, on l'a organisée. Il fallait absolument que le drame qui se jouait au ministère de la santé soit perçu par tout le monde. C'est un mauvais message de santé publique ! Je ne suis pas là pour défendre des idées de droite ou de gauche et je pense que la démarche de chacun d'entre nous est du reste la même : savoir comment mieux faire.

M. Claude Domeizel - Vous avez pourtant dit qu'un journal avait refusé de publier l'un de vos articles.

M. Marc Gentilini - Quand on parle, on devient vite excessif. J'ai dit que je regrettais qu'un journal médical comme le Quotidien du médecin - avec qui j'ai les meilleures relations ainsi qu'avec M. Gérard Kouchner, qui est homme de qualité - n'ait pas ouvert un vrai débat sur la grippe en rapportant les positions de M. Bernard Debré, les miennes et celles des autres ! Je l'ai dit à son directeur après la fin de la période aiguë de la pseudo-grippe.

M. Claude Domeizel - Voyez vous un lien entre le fait qu'un journal médical n'ait pas eu l'idée d'ouvrir un débat sur ce sujet et les firmes pharmaceutiques ?

M. Marc Gentilini - Je peux répondre très fermement et avec conviction : dans ce domaine, absolument pas ! Je ne puis imaginer qu'un journal destiné au corps médical puisse se trouver ligoté par des accords dont je ne vois pas très bien ce qu'ils pourraient lui rapporter. C'est mon intime conviction.

Je ne dirai pas la même chose d'un certain nombre d'experts. Vous avez entendu sur ce sujet des voix plus autorisées que la mienne, mais je suis persuadé que le vrai problème de l'expertise est que l'Etat ne consacre pas assez d'argent à la recherche dans le domaine thérapeutique ; tant que celle-ci sera dans les mains des seules firmes pharmaceutiques, il faudra redouter ces dérives. C'est là que le bât blesse.

Si les firmes pharmaceutiques n'existaient pas, il n'y aurait pas de découvertes thérapeutiques en France ni ailleurs. On ne peut diaboliser les firmes pharmaceutiques. On peut reprocher à des experts d'avoir des accords peu clairs et dénoncer ces accords mais sans les firmes pharmaceutiques, le Sida ne bénéficierait pas de ces éléments de résurrection que sont les antirétroviraux, qui ont été découverts dans des conditions de rapidité extraordinaires.

Votre question me trouble néanmoins...

M. Claude Domeizel - Qui finance les journaux médicaux ?

M. Marc Gentilini - Je ne puis répondre car je ne connais pas le financement du Quotidien du médecin mais je ne pense pas qu'il ait besoin d'un financement extérieur important pour survivre. Il est le seul vrai journal qui subsiste. Il n'y en a pas beaucoup d'autres dans le domaine de l'information quotidienne des médecins.

M. François Autain, président - Qu'entendez-vous par « financement extérieur » ?

M. Marc Gentilini - Je parlais du financement par les laboratoires pharmaceutiques.

M. François Autain, président - Selon vous, ce n'est donc pas l'industrie pharmaceutique qui financerait le Quotidien du médecin ?

M. Marc Gentilini - Je ne me suis jamais posé la question. Je ne le sais pas mais je pense que le Quotidien du médecin est financé par les abonnements.

M. François Autain, président - Tant que j'ai été médecin, je l'ai toujours reçu sans être abonné - tout comme les autres journaux.

M. Marc Gentilini - J'ai été obligé de m'abonner. L'abonnement est maintenant obligatoire.

M. François Autain, président - Pour le recevoir actuellement, il faut être en effet être abonné.

Mme Marie-Thérèse Hermange - Vous posiez la question de savoir comment mieux faire par rapport au phénomène des modélisations réalisées par des personnes comme M. Antoine Flahault et autres, et qui peuvent être source d'erreurs, et par rapport au phénomène de peur.

Personnellement, avez-vous décidé de mettre en place une stratégie afin que les phénomènes ne se reproduisent pas l'année prochaine ? Des gens comme M. Bernard Debré et vous-même ont-ils réfléchi à la façon de contrer les problèmes posés par les « modélisations » - qui sont sources d'erreurs, dont on ne connaît pas très bien les hypothèses sur lesquelles elles se fondent - ou les phénomènes de peur qui s'amplifient dans les médias ?

M. Marc Gentilini - Je ne suis plus aux affaires : je n'ai donc pas de propositions concrètes à avancer mais je suis dans mon rôle en incitant à la réflexion et à la tempérance lorsque je vois que les choses vont trop vite et trop fort !

Aucune épidémie ne ressemblera exactement à la précédente. S'il y a une épidémie un jour - pas forcément en octobre 2010 mais peut-être au moment où on ne l'attendra plus, en 2012 par exemple - il ne faudra pas répéter les erreurs de 2009 et avoir prévu un mécanisme de réponse mieux adapté.

Je ne puis répondre à votre question : on ne sait pas comment une épidémie peut se dérouler. C'est pourquoi il est légitime de sonner l'alerte mais non de sonner l'alarme trop vite !

Mme Marie-Thérèse Hermange - Avez-vous eu des contacts avec le cabinet du ministre de la santé ?

Mme Patricia Schillinger - Je ne vous ai pas entendu parler des personnes à risque - femmes enceintes ou jeunes enfants - à qui on a imposé ce vaccin. Or, au cours de la première année, un enfant reçoit plusieurs vaccins différents. On n'a pas non plus évoqué de suivi de contrôle. Qu'en pensez-vous ?

M. Marc Gentilini - J'ai toujours été pour la vaccination des groupes à risque. J'ai toujours dit que si l'on s'était contenté de viser 15 millions de personnes à vacciner, on aurait réussi l'opération. En visant la vaccination de tous, on s'est trompé. En vaccinant 12 à 15 millions de personnes, on aurait commandé la quantité nécessaire pour vacciner ces groupes à risque et on aurait eu des résultats. Les dernières publications prouvent bien que les femmes enceintes étaient plus exposées que les autres. Il y a là, à l'occasion de cette épidémie de grippe, une prise de conscience importante.

M. François Autain, président - Monsieur le professeur, je vous remercie pour la contribution très importante que vous avez apportée à notre réflexion.

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