Rapport d'information n° 732 (2009-2010) de M. Bertrand AUBAN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 septembre 2010


N° 732

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le bilan de la réforme du régime spécial de retraites de la SNCF ,

Par M. Bertrand AUBAN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Mesdames, Messieurs,

Unifiés par la loi du 21 juillet 1909, les différents régimes de retraites des anciennes compagnies de chemins de fer sont à l'origine du régime spécial du personnel de la SNCF. Celui-ci a conservé son autonomie lors de la création du régime général de sécurité sociale en 1945. Il présente, parmi les vingt-et-un régimes de retraite de base 1 ( * ) , des caractéristiques particulièrement favorables en matière notamment d'âge d'ouverture du droit à la retraite et de mode de calcul des pensions.

Après une première vague de réformes qui ont principalement consisté à allonger la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein et le nombre des « meilleures années » prises en compte pour calculer le montant des pensions du régime général en 1993 et de la fonction publique 2 ( * ) en 2003, la question de la réforme des régimes spéciaux s'est inévitablement posée. Le fait qu'ils présentent des déséquilibres démographique et structurel implique que l'équilibre financier de ces régimes vieillesse repose très largement soit sur l'Etat en ce qui concerne certaines entreprises publiques, notamment la SNCF, soit sur le régime général pour les caisses qui y sont adossées (par exemple les industries électriques et gazières (IEG).

Dans un premier temps, le régime de la Banque de France a été modifié le 1 er avril 2007. Puis, dans la foulée, la réforme des régimes spéciaux de 2008 a concerné six autres systèmes de retraite : SNCF, RATP, Opéra de Paris, Comédie française, IEG, clercs et employés de notaires. Les modifications apportées ont conduit à un rapprochement partiel des droits et à aligner progressivement, avec un décalage dans le temps, les barèmes de décote et de surcote sur ceux applicables à la fonction publique et au régime général .

Deux ans après la réforme du régime spécial de la SNCF intervenue le 1 er juillet 2008, le temps est venu d'en dresser un premier bilan . L'enjeu est d'importance. En effet, la subvention de l'Etat aux retraites des cheminots, supérieure à deux milliards d'euros depuis 1995, a constamment augmenté 3 ( * ) et dépassera les trois milliards d'euros en 2010. Alors que le nombre de cotisants s'élevait à environ 162 000 actifs au 31 décembre 2009, pour 291 000 pensionnés , la part du financement public dans l'équilibre du régime atteint 60 % et devrait continuer à progresser dans les prochaines années : de 3,2 milliards d'euros en 2011 à plus de 3,3 milliards d'euros jusqu'en 2015 .

Même si les mesures adoptées en 2008 n'avaient pas pour ambition de répondre au besoin de financement du régime, qu'en est-il de l'objectif d'économie alors présenté par le Gouvernement à l'appui de cette réforme ? Quelles sont les conséquences financières de la prolongation d'activité des agents sur l'entreprise SNCF ?

De plus, le nouveau projet de loi portant réforme des retraites , actuellement en discussion devant le Parlement, a pour objectif de rééquilibrer le financement global du système de retraites par répartition en prévoyant, notamment, le report de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018. Cette réforme, qui devrait s'appliquer aussi bien aux salariés du secteur public qu'à ceux du secteur privé, aura-t-elle un impact sur le régime spécial de la SNCF ?

C'est pour répondre à l'ensemble de ces questions que, dans le cadre du « Rendez-vous 2010 » pour les retraites , votre commission des finances a organisé un cycle d'auditions au cours duquel votre rapporteur spécial a entendu, le 2 juin dernier, les directeurs des caisses de retraite des personnels de la SNCF et de la RATP, ainsi que les responsables en charge des relations sociales dans ces deux entreprises. Il a également rencontré les représentants des quatre organisations syndicales représentatives de la SNCF au niveau national 4 ( * ) .

Par ailleurs, le présent rapport d'information présente également un suivi des recommandations formulées par votre rapporteur spécial lors d'un précédent contrôle effectué en 2008 sur la caisse de retraite du personnel de la RATP 5 ( * ) .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPECIAL

1) S'agissant du bilan de la réforme du régime spécial du personnel de la SNCF


• Le régime de retraite des cheminots étant durablement déficitaire, du fait du déséquilibre démographique, la réforme de 2008 n'avait pas pour ambition un retour à l'équilibre financier de la branche vieillesse.


• La part du financement public dans l'équilibre du régime atteint aujourd'hui 60 % et, à moyen terme, la subvention d'équilibre de l'Etat continuera à progresser de 3,2 milliards d'euros en 2011 à plus de 3,3 milliards d'euros jusqu'en 2015.


• La réforme ne devrait, au mieux, que limiter cette progression. La réactualisation effectuée en 2009 par la CPRPSNCF de l'estimation initiale du Gouvernement (500 millions d'euros d'économies cumulées en 2012) présente pour le régime spécial des perspectives d'économies, de l'ordre de 300 millions d'euros par an sur la période 2009-2030 , soit 10 % de la subvention d'équilibre de l'Etat. Selon ces projections, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards d'euros .


• Les dernières prévisions fournies par la CPRPSNCF montrent, à long terme, un mouvement constant de décroissance de la charge des pensions de 2015 à 2030 pour des raisons démographiques . En euros constants 2010, la subvention d'équilibre repasserait sous la barre des trois milliards d'euros en 2023 (2,88 milliards d'euros) et s'élèverait à un peu plus de 2,5 milliards d'euros en 2030.


• En revanche, du point de vue de l'entreprise SNCF , la réforme de 2008 est analysée en termes de surcoût de masse salariale . En 2009, l'accroissement des charges de personnel du fait des mesures d'accompagnement sociales mises en place parallèlement à la réforme du régime spécial avait été estimé à 126 millions d'euros . En outre, s'ajoutait le coût induit par l'impact démographique , une conséquence mécanique de la prolongation de l'activité professionnelle après l'âge d'ouverture du droit à pension, qui était de l'ordre de 50 millions d'euros en 2009. La SNCF estime que le coût annuel global de la réforme est très significatif : de 173 millions d'euros en 2009, il passe à 418 millions d'euros en 2012. La réforme de 2008 a opéré un transfert de charges substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l'entreprise .


• Votre rapporteur spécial attire l'attention sur une conséquence inattendue de l'augmentation des charges de la SNCF : l'augmentation du coût pour les régions des conventions de transport express régional (TER). En 2010, le surcoût imputé à chaque région devrait être de l'ordre de deux millions d'euros en moyenne et de 24 millions d'euros pour le STIF.


• Dans le cadre du « Rendez-vous 2010 » pour les retraites, votre rapporteur spécial constate que le projet de loi portant réforme des retraites ne comporte aucune disposition expresse concernant l'application de la réforme des retraites aux régimes spéciaux . A la condition que les textes réglementaires d'application de la réforme des retraites soient publiés, les assurés des régimes spéciaux ne seraient pas concernés avant 2017 par l'augmentation progressive du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux maximum de pension ni par le relèvement de l'âge limite de maintien en service, qui passerait à 67 ans.

2) S'agissant du suivi du contrôle effectué en 2008 sur la caisse de retraite de la RATP


• Sur six recommandations, cinq portant sur la gestion et le financement du régime ont été suivies d'effets satisfaisants.


• En revanche, la recommandation tendant à relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général et aux régimes complémentaires est restée lettre morte . Cette opération était suspendue, depuis 2007, à une décision de la commission de Bruxelles qui devait établir si la création de la caisse présente ou non le caractère d'une aide illicite à la RATP. Or, cet obstacle a été levé en 2009, la Commission européenne ne posant pas d'obstacle à la création de la CRPRATP. Le dossier n'a guère progressé depuis l'enquête effectuée auprès de la caisse de retraite du personnel de la RATP en juin 2008 et le financement des charges de retraites repose toujours, de ce fait, sur les seules cotisations sociales vieillesse et sur la dotation d'équilibre de l'Etat.


La réforme du régime de retraite spécial de la RATP produirait également une économie , mais beaucoup plus mesurée que dans le cas du régime spécial de la SNCF, et à compter de 2015 seulement. En 2020, le gain ne serait que de 23 millions d'euros , qui ne représenteraient que 2,2 % du total des pensions servies.


• Toutefois, de son côté, la RATP a procédé à un chiffrage du surcoût induit par les mesures salariales d'accompagnement de la réforme . Celles-ci devraient entraîner une augmentation des charges de salaires pour la RATP de 10,5 millions d'euros dès 2012 , alors même que la réforme de 2008 n'aura, à cette date, produit aucune économie. A compter de 2015, cette charge supplémentaire devrait atteindre près de 14 millions d'euros. De 2015 à 2018, les économies issues de la réforme de 2008 seront inférieures aux surcoûts salariaux .

LES CHIFFRES-CLÉS DU RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF

1) Part de la subvention de l'Etat dans le budget de la CPRPSNCF :

(en millions d'euros)

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Exécution en loi de règlement pour 2009

5 070,69

2 969,38

59 %

Prévision en loi de finances initiale pour 2010

5 218,70

3 120,60

60 %

Prévision du projet de loi de finances pour 2011

5 195,70

3 192,25

61 %

Sources : loi de règlement pour 2009, loi de finances pour 2010 et projet de loi de finances pour 2011

2) Eléments démographiques (données 2009) :

- le nombre de cotisants s'élevait à 162 269 au 31 décembre 2009 pour 291 485 pensionnés, soit un ratio démographique de 0,56 (le ratio démographique pondéré est de 0,66 si l'on tient compte du nombre de retraités de droit direct - 184 406 - et du nombre de réservataires de droit dérivés pondérés par le taux de réversion - 107 079 - ) ;

- l'âge moyen de départ en retraite est de 54 ans et 8 mois (50 ans et 5 mois pour les conducteurs et 55 ans et 4 mois pour les autres salariés) ;

- les pensions moyennes directe servies par le régime s'élèvent à 21 970 euros par an, soit 1 830,83 euros par mois ; par ailleurs, au 1 er juillet 2010, le minimum de pension s'élevait à 1 151,18 euros par mois (le minimum vieillesse de droit commun est de 708,95 euros).

3) Financement du régime spécial :

Ø Le versement des cotisations salariales et patronales de la SNCF s'est élevé à 1 997 millions d'euros en 2009. Celui-ci correspond à une charge globale de 43,03 % et se décompose en :

- une cotisation salariale, fixée à 7,85% ;

- une cotisation patronale qui est la somme de deux composantes T1 et T2 ; le taux T1 provisionnel pour 2009 est de 22,56 %, le taux définitif étant calculé une fois l'année écoulée, et le taux T2 était fixé à 12,27 % pour 2008 et à 12,62 % pour 2009 ; il est de 12,73 % à compter de 2010.

Ø Une contribution de l'Etat qui assure l'équilibre financier du régime. Cette contribution publique d'équilibre retraite ressort à 2 969 millions d'euros en 2009.

Ø Les versements opérés par d'autres régimes au titre de la compensation prévue à l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale (158 millions d'euros en 2009).

Ø Les versements du fond de solidarité vieillesse et du fond spécial d'invalidité (639 403 euros en 2009).

Ø Toutes autres ressources affectées au régime de retraite (4 millions d'euros en 2009).

LES PRINCIPALES MESURES DE LA RÉFORME DE 2008

1) Les dispositions spécifiques du régime restées inchangées :


• Les âges d'ouverture des droits :

- 50 ans pour les agents de conduite ;

- 55 ans pour les autres agents .


• Le taux maximum de liquidation de la pension : 75% pour une carrière complète (pouvant être porté à 80% avec les bonifications).


• Le traitement de référence pour le calcul de la pension est basé sur la rémunération des six derniers mois.

2) Les modifications entrées en vigueur le 1 er juillet 2008 :

- la suppression de la mise à la retraite d'office à l'initiative de l'entreprise,

- le passage progressif, suivant un critère générationnel, de 150 trimestres (37,5 ans) à 164 trimestres (41ans) au 1 er juillet 2016 pour bénéficier du taux plein (75 %),

- l'instauration d'une décote (entraînant une minoration de pension) et d'une surcote (entraînant une majoration de pension),

- l'indexation des pensions sur les prix à compter du 1 er avril 2009,

- la suppression des clauses discriminatoires hommes/femmes :

la possibilité d'attribution (sous certaines conditions) d'une pension aux parents de trois enfants (et non plus aux seules mères de famille),

l'alignement des modalités d'attribution des pensions de veufs sur celles des veuves,

- la pension devient quérable : il appartient à l'agent de demander à la caisse la liquidation de sa pension en précisant la date d'entrée en jouissance (cela signifie que la date de liquidation de la pension peut être distincte de la date de cessation de fonctions à la SNCF),

- la possibilité de bénéficier d'une pension proportionnelle servie par le régime spécial dès lors que l'on compte 1 an de service (au lieu de 15 ans de service auparavant),

- le décompte des services valables pour la retraite en trimestres (et non plus en années, mois, jours),

- la possibilité de validation gratuite de périodes non travaillées (disponibilité, temps partiel) pour élever un enfant,

- la possibilité de rachat d'années d'étude (dans la limite de 12 trimestres),

- la possibilité de départ anticipé pour les agents handicapés (incapacité permanente d'au moins 80 % ou présentant un handicap lourd) ou présentant un taux d'IPP > ou = à 66 % suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle,

- la création d'une pension d'orphelin (attribuée en sus de la pension de réversion) de 10 % par enfant dans la limite de 100 % de la rémunération de base.

I. UN PREMIER BILAN DE LA RÉFORME DU RÉGIME DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF

A. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME SPÉCIAL

1. Une gestion assurée depuis 2007 par une caisse autonome de prévoyance et de retraite

Le régime spécial des cheminots a été créé en 1909 avec pour objet de garantir les agents actifs, retraités et leurs familles de l'ensemble des risques maladie et vieillesse.

Le régime de retraite était depuis 1938, date de création de la SNCF, géré directement par l'entreprise. Mais le poids des engagements de retraite, qui était estimé à près de 111 milliards d'euros, et la mise en oeuvre des normes comptables internationales IFRS au 1 er janvier 2007 ont conduit à la création au 30 juin 2007 d'une caisse autonome de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF). Cette caisse, dotée de la personnalité morale, est un organisme de sécurité sociale de droit privé.

a) De la genèse du régime de retraite des cheminots en 1909...

Le régime spécial du personnel de la SNCF est issu des différents régimes particuliers mis en place au 19 ème siècle dans les anciennes compagnies de chemin de fer. La loi du 21 juillet 1909 a unifié l'ensemble de ces caisses et a institué un règlement de retraites commun. Lors de la création du régime général de sécurité sociale en 1945, le régime de retraite de la SNCF a été maintenu (article L. 711-1 du Code de la sécurité sociale), sous réserve de servir des prestations au moins équivalentes à celles du régime général.

Aujourd'hui, cette réglementation spécifique ne peut être modifiée que par décret, pris sur rapport de la triple tutelle des ministres chargés du budget, des transports et de la sécurité sociale, après avis du conseil d'administration de la CPRPSNCF.

b) ... à la création d'une caisse autonome en 2007

En application du règlement européen n° 1606/2002 du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, la SNCF était tenue de présenter les comptes consolidés du groupe SNCF selon les nouvelles normes comptables IAS-IFRS 6 ( * ) à compter de l'exercice comptable 2007. Le passage à ces normes imposait ainsi à l'entreprise de provisionner, au premier semestre 2007, près de 111 milliards d'euros d'engagements de retraite et quelque 3 milliards d'euros au titre de la prévoyance.

L'effet de ces nouvelles règles comptables sur le bilan de l'entreprise aurait été de présenter des capitaux propres massivement négatifs, sans lien avec une quelconque évolution de sa situation économique et financière. C'est pourquoi, le conseil d'administration de la SNCF du 11 avril 2007 a proposé de déconsolider les engagements de prévoyance et de retraite de l'entreprise, c'est-à-dire d'extraire les provisions pour engagements de ses comptes de bilan consolidés, en confiant leur gestion à une caisse autonome .

La déconsolidation des engagements de retraite des comptes de la SNCF

Les 5 points clefs de la déconsolidation ont porté sur :

- la création d'une caisse dotée de la personnalité morale, sans aucun contrôle de sa gestion et de sa gouvernance par la SNCF, et portant tous les flux financiers relatifs au régime de retraite et de prévoyance ;

- la suppression corrélative de toute mention des retraites dans le cahier des charges de la SNCF, la caisse autonome se substituant à la SNCF en ce qui concerne la gestion de l'ensemble des ressources du régime de retraite des agents et le versement des pensions ;

- le versement à la caisse par la SNCF de cotisations forfaitaires libératoires, dont le taux n'est pas susceptible de varier en fonction de l'évolution présente ou future des prestations ;

- la garantie de l'équilibre financier du régime de retraite assurée par l'Etat, sous la forme d'une contribution d'équilibre de l'Etat, versée à la nouvelle caisse et non plus à la SNCF ;

- la suppression de la cotisation patronale d'assurance maladie sur les pensions.

Ce dispositif de neutralisation des engagements de prévoyance et de retraite a été mis en oeuvre au travers de quatre décrets publiés en mai et juin 2007 :

- un décret de création d'une caisse autonome de la SNCF : la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (décret n° 2007-730 du 7 mai 2007) ;

- un décret relatif aux ressources de la caisse (décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007) ;

- un décret modifiant le cahier des charges de la SNCF (décret n° 2007-1051 du 28 juin 2007) ;

- un décret modifiant l'assiette de la cotisation d'assurance maladie pour la faire porter sur la seule masse salariale des actifs (décret n° 2007-1055 du 28 juin 2007).

Le décret du 7 mai 2007 et les décrets associés du 28 juin ont apporté des modifications importantes au fonctionnement des régimes de prévoyance et retraite de la SNCF, au travers de sa caisse gestionnaire. Sa gouvernance, son financement et enfin les relations qu'elle entretient avec ses affiliés en sont sensiblement modifiés. La caisse autonome a été effectivement créée le 30 juin 2007 .

Le décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 a institué, au 30 juin 2007, une caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF), dotée de la personnalité morale. Cette caisse est un organisme de sécurité sociale, chargé d'une mission de service public au bénéfice des agents et des retraités de la SNCF, ainsi que de leurs ayants droit. Elle est placée sous la tutelle conjointe des ministres chargés du budget, des transports et de la sécurité sociale. Du point de vue financier, tous les biens, droits et obligations des précédents services de prévoyance et de retraite de la SNCF ont été transférés à la CPRPSNCF à titre gratuit, par voie de convention.

Depuis lors, la CPRPSNCF assure le fonctionnement du régime spécial dont relèvent les agents et anciens agents du cadre permanent et couvre les risques correspondant aux prestations de pensions de retraites et prestations de prévoyance servies. Les agents anciennement en charge de ces activités ont été mis par la SNCF à disposition de la nouvelle CPRPSNCF à compter du 1 er janvier 2008.

Cette caisse s'est vue également confier, pour le compte de la SNCF, un mandat de gestion, soumis à l'approbation des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale, portant sur la gestion et la comptabilisation des retraites mais aussi sur des prestations et activités relatives :

- aux remboursements des soins délivrés aux agents dans le cadre de la réglementation du service médical de la SNCF,

- aux prestations d'accidents du travail et maladies professionnelles, aux prestations de privation d'emploi et aux prestations supplémentaires du régime de prévoyance des cadres supérieurs.

La CPRPSNCF a gardé son siège social à Marseille où est centralisée l'ensemble de son activité.

Bâtiment du siège social de la CPRPSNCF à Marseille

Source : CPRPSNCF

Au 31 décembre 2009, la caisse employait 999 agents dont les fonctions se partagent entre deux activités majeures : la branche vieillesse (162 269 cotisants et 291 485 pensionnés en 2009) et la branche maladie (571 200 affiliés en 2009).

Elle est assistée par quatorze antennes régionales qui assurent la continuité des services auprès des affiliés.

2. Un équilibre financier garanti par l'Etat

En 2009, le régime spécial a servi 5,07 milliards d'euros de prestation vieillesse à quelque 291 485 pensionnés (184 406 pensionnés de droit direct et 107 079 ayant droit).

Or, ce régime présente un déséquilibre démographique important , essentiellement dû aux fortes embauches de cheminots lors de la reconstruction du réseau ferré après la deuxième guerre mondiale (450 000 cotisants en 1949). Au 31 décembre 2009, on dénombrait seulement 162 279 cotisants pour financer cette charge.

Aussi, les ressources de la CRPSNCF se sont-elle réparties en 2009 entre :

- le versement des cotisations salariales et patronales de la SNCF à hauteur de 1 997 millions d'euros. Celui-ci correspond à une charge globale de 43,03 % de la masse salariale et se décompose en une cotisation salariale, fixée à 7,85% et une cotisation patronale qui est la somme de deux composantes T1 et T2 ; le taux T1 provisionnel 7 ( * ) pour 2009 est de 22,56 %, le taux définitif étant calculé une fois l'année écoulée, et le taux T2 8 ( * ) était fixé à 12,27 % pour 2008 et à 12,62 % pour 2009 ; il est de 12,73 % à compter de 2010 ;

- les versements opérés par d'autres régimes au titre de la compensation prévue à l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale pour 158 millions d'euros ;

- les versements du fond de solidarité vieillesse et du fond spécial d'invalidité (639 403 euros) et diverses ressources affectées au régime de retraite (4 millions d'euros) ;

- et, enfin, une contribution de l'Etat qui assure l'équilibre financier du régime 9 ( * ) . Cette contribution publique d'équilibre retraite ressortait à 2 969 millions d'euros.

Plus largement, l'Etat assure l'équilibre d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique, réunis au sein de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite » : SNCF, RATP, marins, mineurs, SEITA, Imprimerie nationale, régies ferroviaires d'outre-mer et ORTF.

Pour 2010, les contributions de l'Etat s'élèveront à 5,72 milliards d'euros , soit une progression de 10 % par rapport à 2009 (5,2 milliards d'euros). Ce budget soutient l'équilibre d'un ensemble hétéroclite de régimes sociaux et de retraite dans des proportions allant de 50 % à 100 % du montant des prestations d'assurance vieillesse. Le tableau ci-dessous retrace la part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraites.

Part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraite
relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraite » (prévisions 2010)

(en millions d'euros)

Nombre de cotisants/
nombre de pensionnés 10 ( * )

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Retraités de la SEITA

1 083/10 071

160,10

132,38

83%

Régime de retraite des marins

32 900/119 000

1 081,32

792,50

73%

Caisse autonome de la SNCF

162 279/291 485

5 218,70

3 120,60

60%

Caisse autonome de la RATP

44 100/47 120

912,00

526,70

58%

Fonds de retraite des mines

6 430/335 137

1 765,50

971,60

55%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

En outre, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (9 bénéficiaires 11 ( * ) ), des régies ferroviaires d'outre-mer (263 bénéficiaires) et de l'ORTF (350 bénéficiaires) ne comptent plus de cotisants et sont donc totalement subventionnés par l'Etat au titre de la solidarité nationale.

Votre rapporteur spécial observe que la contribution de l'Etat à l'équilibre du régime spécial du personnel de la SNCF représente 60 % du volume des prestations de pensions servies. Ce financement public du déséquilibre démographique de l'entreprise est d'autant plus massif qu'il représente également plus de la moitié du financement public global des régimes spéciaux .

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA RÉFORME DU RÉGIME SPÉCIAL EN 2008

Une profonde réforme du régime spécial de retraite est intervenue en 2008 . Le règlement de retraite a été modifié par le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la société nationale des chemins de fer français, applicable à compter du 1 er juillet 2008 .

1. Une modification profonde du « contrat social » des cheminots

L a réforme négociée en 2007 et appliquée en 2008 pour le régime spécial des cheminots a opéré un rapprochement partiel des droits et a aligné progressivement, avec un décalage dans le temps, les barèmes de décote et de surcote sur ceux applicables à la fonction publique , tout en maintenant le principe d'une spécificité des droits .

Ce faisant, elle a profondément redéfini le mode de calcul des pensions des agents de la SNCF 12 ( * ) et est considérée par le personnel de la SNCF comme une remise en cause profonde du « contrat social » auquel les cheminots sont très attachés.

a) Le maintien de la spécificité du régime spécial

Avant la réforme , l'entreprise pouvait placer à la retraite les agents ayant atteint leur 55 ème anniversaire (ou 50 ème pour les agents de conduite). La pension était calculée en fonction de la formule suivante :

Pension =

salaire des 6 derniers mois

x 2 %

x nombre d'années de service.

Le taux plein était alors obtenu pour 37,5 années de cotisations et ouvrait droit à 75% du salaire des 6 derniers mois. Les pensions étaient annuellement indexées sur les salaires.

Plusieurs de ces dispositions , plus favorables que celles en vigueur dans les autres régimes de base, ont été maintenues :

- les âges d'ouverture des droits (50 ans pour les agents de conduite et 55 ans pour les autres agents) ;

- le taux maximum de liquidation de la pension (75 % pour une carrière complète, pouvant être porté à 80 % avec les bonifications) ;

- et le calcul de la pension sur les éléments de rémunération des six derniers mois.

b) La convergence progressive avec le régime de la fonction publique

Les principaux paramètres de convergence du régime spécial de la SNCF avec ceux de la Fonction publique 13 ( * ) ont été les suivants :

- le passage de 37,5 à 40 ans (150 à 160 trimestres) en 2012, puis à 41 ans (164 trimestres) en 2016, de la durée d'assurance pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;

- l' indexation des pensions sur les prix , et non plus sur les salaires, à compter de 2009 ;

- l' introduction d'une décote entraînant une minoration de pension à compter du 1 er juillet 2010 et d'une surcote entraînant une majoration de pension à compter du 1 er juillet 2008 ;

- la suppression des bonifications gratuites de trimestres pour les nouveaux recrutements ;

- la suppression des « clauses-couperets » , c'est-à-dire de la mise à la retraite d'office des agents qui atteignent leur âge d'ouverture des droits à la retraite de 50 ou de 55 ans.

En application de la réforme de 2008, la formule du calcul de la pension est devenue la suivante :

Pension =

salaire des 6 derniers mois

x taux de l'annuité fonction de la date d'ouverture des droits (= 2 %)

x nombre d'années de service

x décote ou surcote.

Les paramètres de calcul de la pension dépendent de la génération de naissance de l'agent. Pour les agents sédentaires, le tableau ci-après présente le calendrier d'évolution de l'âge pivot permettant d'éviter l'application de la décote. Il retrace également le processus de convergence, s'achevant en 2016, avec l'instauration de la durée de cotisation de 164 trimestres pour bénéficier de la retraite à taux plein.

Paramètres de calcul des pensions des agents sédentaires de la SNCF

Source : CPRPSNCF

2. Les mesures d'accompagnement négociées parallèlement à la réforme

Parallèlement à l'instauration de la réforme, un certain nombre de mesures dites d'accompagnement ont été négociées entre l'Etat, les organisations syndicales et l'entreprise SNCF.

Les principales mesures sont :

- la création d'un échelon supplémentaire d'ancienneté ;

- l' élargissement de l'assiette liquidable prévoyant une intégration progressive d'une part de la prime de travail dans la prime de fin d'année, d'autre part de la gratification d'exploitation et de la prime de vacances dans le salaire liquidable ;

- l'anticipation de l'intégration du demi-point d'indemnité de résidence dans le salaire liquidable ;

- des mesures de fin de carrière (0,5 % de majoration par semestre supplémentaire dans la limite de cinq semestres pour les agents de conduite et sept pour les sédentaires, et 2,5 % pour les agents de conduite qui atteignent l'âge pivot).

En outre, des dispositions particulières, liées à la situation personnelle de chaque agent, ont été mises en oeuvre : avantages familiaux, pénibilité, période d'apprentissage, rachat d'années d'étude.

Afin de réactualiser les estimations de l'impact financier de la réforme de 2008 sur la gestion du régime spécial par la CPRPSNCF comme sur la SNCF, votre rapporteur spécial a demandé à toutes les parties prenantes une nouvelle évaluation chiffrée des gains escomptés de la modification des paramètres de calculs de retraite ainsi que du coût induit sur la masse salariale de l'entreprise.

C. L'IMPACT FINANCIER DE LA RÉFORME

Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur spécial s'était intéressé à l'impact financier de la réforme des régimes spéciaux. A sa demande, les services du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité avaient indiqué que la réforme permettrait 500 millions d'euros d'économies 14 ( * ) cumulées en 2012 , dont 90 % concernerait la SNCF et, dans une moindre mesure, la RATP.

Or, ce chiffrage réalisé ex ante ne pouvait, par nature, se fonder sur des hypothèses de modification des comportements de départ en retraite suffisamment fiables. En 2010, ce paramètre de calcul et de projection demeure encore instable. Ainsi le directeur de la CPRPSNCF a-t-il déclaré lors l'audition du 2 juin dernier organisée par votre commission des finances : « Le principal effet de la réforme est que la SNCF ne met plus systématiquement ses agents à la retraite d'office à cinquante ou cinquante-cinq ans. En conséquence, le nombre annuel de demandes de liquidation des droits à retraite diminue : il est passé de 7 000 en 2007 à 5 800 en 2008 et à 4 800 en 2009. Les économies ainsi réalisées sont supérieures de 100 millions d'euros aux prévisions. Mais nul ne sait quel sera à l'avenir le comportement des agents ».

Sur la base de nouvelles hypothèses sur les comportements de départ en retraite induits par la réforme, la CPRPSNCF et le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) ont élaboré une perspective démographique et financière du régime à moyen et long termes.

1. Les hypothèses de modification des comportements de départ en retraite

La CPRPSNCF a construit un modèle de projection, élaboré à partir d'un échantillon représentatif de la population, tenant compte du barème de la réforme ainsi que des mesures d'accompagnement.

L'hypothèse de comportement de départ en retraite constitue l'un des critères clés du modèle.

Initialement, le scénario central était que les agents cesseraient leurs fonctions au moment de l'annulation de la décote. Toutefois, compte tenu des modifications de départs en retraite observées sur les années 2008 et 2009, les hypothèses initialement retenues ont été modifiées .

Ainsi en 2009, le flux des demandes de liquidation des droits à retraite ont été inférieure de 40 % au niveau prévu. Toutefois, la CPRPSNCF considère qu'il est impossible d'en déduire une tendance constante et de déterminer avec précision les flux de départs attendus dans les prochaines années car des phénomènes de rattrapage peuvent s'opérer. De plus, les paramètres de calcul de la pension vont évoluer dans le temps (instauration d'une décote à compter de 2010, baisse progressive de la valeur de l'annuité) et les causes de maintien en activité, qui sont multiples (bénéfice des mesures salariales d'accompagnement, augmentation du nombre de trimestres liquidables, etc.), ne sont pas nécessairement pérennes. Ces dernières dépendent de la politique salariale de l'entreprise et non du règlement des retraites.

Aussi, afin de prendre en compte l'important taux de maintien en activité observé sur les douze mois qui ont suivi la mise en place de la réforme, de nouvelles hypothèses 15 ( * ) de départ en retraite ont été retenues afin d'appréhender au mieux les changements de comportement.

Les projections effectuées par la CPRPSNCF sont donc réalisées en estimant que, dès aujourd'hui, 50 % des agents décalent leur âge de départ en retraite. Ce pourcentage devrait évoluer progressivement pour atteindre 100 % au moment où les paramètres de la réforme se stabiliseront en 2018. Les agents qui décalent leur départ cesseraient leur activité à 58,5 ans, soit l'âge pivot d'annulation de la décote.

Le graphique ci-dessous présente, par année d'ouverture du droit à pension, la proportion d'agents décalant leur départ parallèlement à l'évolution de cet âge pivot.

Hypothèses de comportements au départ

Source : CPRPSNCF

Le principal effet de la réforme résulte de ce que les agents ne sont plus mis à la retraite d'office à cinquante ou cinquante-cinq ans selon qu'ils sont conducteurs ou sédentaires. En conséquence, le nombre annuel de demandes de liquidation des droits à retraite à la SNCF a diminué à compter de 2008 : il est passé de 7 000 en 2007 à 5 800 en 2008 et à 4 800 en 2009 (au lieu de 7 700 initialement projetés cette année-là). Seulement 40 % des agents en droit de partir à la retraite en 2009 ont fait valoir ce droit. Les économies d'ores et déjà réalisées, de l'ordre de 75 millions d'euros, prennent également en compte une moindre revalorisation des pensions : 0,4 % au lieu de 1,5 % prévu dans le budget initial.

Dans ce contexte de la réforme du régime, les gains évalués par le modèle sont de deux natures :

- gains en cotisations (puisque les agents cotisent plus longtemps et à des niveaux plus élevés en fin de carrière) ;

- gains en pensions (puisque les pensions sont versées plus tardivement et permettent donc un décalage de paiement et un versement moins long à espérance de vie constante).

2. Une réactualisation du chiffrage des gains financiers pour le régime

La réactualisation effectuée en 2009 par la CPRPSNCF de l'estimation initiale du Gouvernement (500 millions d'euros d'économies cumulées en 2012) présente pour le régime spécial des perspectives d'économies plus élevées, de l'ordre de 300 millions d'euros par an sur la période 2009-2030, soit 10 % de la subvention d'équilibre de l'Etat.

Les gains annuels

Source : CPRPSNCF

Selon ces projections, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards d'euros .

Les gains cumulés entre 2009 et 2030

Source : CPRPSNCF

Il convient de préciser que la CPRPSNCF n'a pas réalisé, depuis 2009, de nouveaux chiffrages des impacts financiers de la réforme de 2008. En revanche, ces données ont permis d'élaborer des projections démographiques et financières à moyen et long termes qui présentent une prévision d'évolution, pour la période 2010-2030, de deux éléments majeurs : le montant annuel des pensions versées et celui de la subvention de l'Etat .

3. Les perspectives démographiques et financières à moyen et long termes

Même si la branche vieillesse de la caisse de retraite de la SNCF reste structurellement déficitaire, il apparaît que la subvention d'équilibre de l'Etat, jusqu'alors en constante augmentation, se stabiliserait à compter de 2015 et entamerait un mouvement de décroissance constant jusqu'à l'échéance de la prévision en 2030 (en euros constants, la subvention d'équilibre s'élèverait à 2,5 milliards d'euros pour un total de 4,4 milliards d'euros de charges).

Cette projection est fondée sur une amélioration du rapport démographique en raison du maintien, de principe, du nombre de cotisants et d'une diminution mécanique, du fait des décès, du nombre de pensionnés : 140 000 cotisants pour 220 000 pensionnés en 2030, au lieu d'environ 292 000 aujourd'hui. Les perspectives démographiques à long terme sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Projections démographiques du régime de retraite de la SNCF

(*) Ratio du nombre de cotisants et de la somme du nombre de retraités de droit direct et du nombre de réservataires pondéré par le taux de réversion

Source : CPRPSNCF

a) Les prévisions jusqu'en 2015

En réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) a communiqué un tableau de prévision du montant de la subvention de l'Etat jusqu'en 2015. Celui-ci présente à moyen terme une perspective d'augmentation très nette, de l'ordre de 6,5 % entre 2011 et 2013, puis une stabilisation à environ 3,3 milliards d'euros annuel en 2014 et 2015.

Les prévisions démographiques et financières pour la période 2010 - 2015

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre de cotisants

155 150

153 680

152 152

150 635

149 129

147 638

Nombre de retraités directs

184 148

184 031

183 988

184 022

184 405

184 473

Nombre de réversions

105 723

104 242

102 609

100 832

98 948

96 948

Rapport démographique pondéré 16 ( * ) (réversion : 0,5)

65 %

65 %

64 %

64 %

63 %

63 %

Montant des cotisations

(en millions d'euros courants)

2 025

1 987,6

1 955

1 949

1 912

1 882

Montant des pensions versées

(en millions d'euros courants)

5 019

5 195

5 136

5 159

5 175

5 181

Montant de la subvention de l'Etat

(en millions d'euros courants)

2 992

3 192

3 311

3 404

3 314

3 350

Source : MEEDDM

Si la projection présentée par le ministère correspond bien aux calculs fournis par la caisse pour 2014 et 2015, les prévisions retenues pour 2011, 2012 et 2013 dans le cadre de la programmation budgétaire triennale diffèrent sensiblement 17 ( * ) de celles présentées par la CPRPSNCF (cf. annexe IV). Sur la base de données mises à jour en août 2010, la caisse ne remet pas en cause l'orientation globalement à la hausse de la contribution publique, mais affine cette progression :

- en 2010, le soutien public pourrait être légèrement inférieur (3,02 milliards d'euros) à la prévision budgétaire (3,12 milliards d'euros) ;

- entre 2011 et 2015, la progression serait constante, sans « bosse » en 2013.

Les prévisions budgétaires et de la CPRPSNCF pour la période 2010-2015

Montant de la subvention de l'Etat

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Prévisions en LFI 2010 et PLF 2011

3 120

3 192

-

-

-

-

Prévisions CPRPSNCF

3 020

3 153

3 223

3 261

3 314

3 350

Source : documents budgétaires et CPRPSNCF

Ces divergences de chiffrage à court terme illustrent certes le caractère relativement instable des paramètres de calcul, mais aussi la nécessité de resserrer les délais de traitement, par le Gouvernement, des informations fournies par la CPRPSNCF pour déterminer, à l'avenir, le niveau adéquat des crédits qui seront soumis au vote du Parlement 18 ( * ) .

Des questions légitimes se posent sur la qualité de la communication entre la caisse et l'autorité de tutelle et sur les conditions de retraitement des données par le ministère responsable des crédits du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ». La comparaison entre les sources montre qu'une certaine « marge de précaution » budgétaire pourrait être introduite au niveau des arbitrages interministériels.

b) Les perspectives à l'horizon 2030

A long terme, le mouvement de décroissance de la charge des pensions est constant jusqu'à l'échéance de la prévision en 2030. En euros constants 2010, la subvention d'équilibre repasserait sous la barre des trois milliards d'euros en 2023 (2,88 milliards d'euros) et s'élèverait à un peu plus de 2,5 milliards d'euros en 2030. Parallèlement, le montant des pensions versées suivrait une pente dégressive similaire, passant de près de 5,2 milliards d'euros en 2015 à 4,4 milliards d'euros en 2030.

Les prévisions démographiques et financières pour la période 2015 - 2030

(en millions d'euros, chiffres arrondis)

2015

2017

2019

2021

2023

2025

2027

2030

Nombre de pensionnés

281 421

273 340

263 242

252 715

242 729

234 740

228 305

221 598

Pensions versées

5 181

5 099

4 962

4 826

4 672

4 556

4 468

4 376

Frais de gestion et divers

34

33

32

31

30

30

29

28

Total des charges

5 214

5 132

4 994

4 858

4 702

4 586

4 497

4 405

Cotisations

1 882

1 852

1 835

1 825

1 841

1 849

1 858

1 875

Subvention de l'Etat

3 350

3 297

3 176

3 050

2 879

2 755

2 656

2 547

Moyens d'équilibre

3 331

3 278

3 157

3 031

2 860

2 736

2 637

2 528

Ressources propres

1 883

1 854

1 836

1 827

1 842

1 850

1 860

1 876

Total des produits

5 214

5 132

4 994

4 858

4 702

4 586

4 497

4 405

Sources : MEEDDM et CPRPSNCF

Malgré cet objectif à long et très long terme de la réduction du soutien public 19 ( * ) , votre rapporteur pour avis constate que le niveau de la contribution de l'Etat pour les retraites de la SNCF dépassera, chaque année, les trois milliards d'euros jusqu'en 2021. Si la réforme de 2008 semble permettre de réduire la charge des pensions pour le régime spécial, donc pour l'Etat qui en assure l'équilibre financier, elle ne répond assurément pas au défi d'un retour à l'équilibre.

De plus un nouvel enjeu se fait jour sur deux paramètres essentiels de l'équilibre du régime spécial, à savoir le niveau des cotisations et celui de la subvention d'équilibre de l'Etat.

Le financement public est calculé par différence entre les dépenses et les ressources de la caisse. Or, s'il semble logique que l'augmentation des taux de cotisations salariales et patronales soit, pour l'Etat, un levier de réduction de sa contribution à l'équilibre du régime, ce point de vue n'est pas partagé par la SNCF. En effet, le marché concurrentiel dans lequel s'engage le rail constitue un nouvel argument de modération du taux de cotisation patronale T2 qui correspond au coût spécifique du régime et de rapprochement avec les autres régimes de base.

Du point de vue de l'entreprise SNCF, la réforme de 2008 est analysée en termes de surcoût de masse salariale du fait de l'allongement de la durée d'activité des personnels en fin de carrière, donc les mieux rémunérés.

D. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU RÉGIME SPÉCIAL

1. La réforme du régime a pour première conséquence un surcoût de la masse salariale supportée par l'entreprise SNCF

S'il convient d'observer que le recul de l'âge de départ à la retraite des cheminots a représenté une économie dès 2009 pour le régime spécial, il a représenté de facto une charge supplémentaire pour l'entreprise SNCF. La réforme de 2008 a entraîné deux sources de surcoût salarial : les mesures d'accompagnement et l'effet démographique.

a) Le coût des mesures d'accompagnement salariales

En contrepartie de la réforme des régimes spéciaux, un certain nombre de mesures d'accompagnement ont été accordées : création d'un échelon supplémentaire pour les agents accompagnant leur prolongation d'activité, élargissement de l'assiette du salaire brut liquidable, majorations de traitement liées à la prolongation d'activité, mesures d'accompagnement de fin de carrière et prise en compte de la pénibilité.

Ainsi que votre rapporteur spécial l'avait observé lors de l'examen des crédits pour 2010 de la mission « Régimes sociaux et de retraite », ces avantages ont été estimés, en 2009, à une moyenne de 112 millions d'euros par an 20 ( * ) sur la période 2010-2030. Il s'agirait d'une charge nette, non compensée par les économies réalisées par le régime spécial car celui-ci est depuis 2007 géré de manière autonome par la CPRPSNCF.

Coût pour la SNCF des mesures d'accompagnement de la réforme du régime spécial

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

Années ultérieures

66

139

153

159

160

217

Source : réponse au questionnaire budgétaire d'octobre 2009

Les principales mesures salariales d'accompagnement de la réforme du régime spécial en 2008 se répartissent en trois catégories :


Des mesures visant à accompagner financièrement l'allongement de la vie professionnelle :

- l'attribution d'un 10 ème échelon aux agents sédentaires et d'un 8 ème échelon aux agents de conduite, selon un calendrier étalé sur une période de cinq ans ;

- les majorations salariales de traitement de 0,5 % par semestre travaillé après l'âge d'ouverture des droits, dans la limite de sept semestres pour les sédentaires et de cinq pour les agents de conduite ;

- les suppléments de rémunération versés aux agents des qualifications A-C et E-H âgés de plus de cinquante ans et se situant sur la dernière position de leur qualification depuis au moins cinq ans et aux agents de conduite six mois avant d'atteindre l'âge pivot auquel la décote s'annule ;

- le dispositif de compte épargne temps.


Des mesures visant à augmenter les pensions en augmentant la part liquidable de la rémunération :

- la majoration de la prime de fin d'année (PFA) par intégration de la prime théorique de codes 1 et 2 ;

- l'intégration des gratifications de vacances et d'exploitation dans l'assiette liquidable.


Des mesures visant à prendre en compte spécifiquement la pénibilité de certains emplois :

- la majoration fixe de la prime de travail pour les agents ayant occupé un poste de travail à pénibilité avérée pendant au moins vingt années ou vingt-cinq années ;

- les nouvelles formules de cessation progressive d'activité (CPA) avec prise en charge par l'entreprise des cotisations retraite salarié et employeur sur la part non travaillée pour les agents ayant occupé des emplois pénibles.

A la demande de votre rapporteur spécial, la SNCF a établi un chiffrage détaillé et réactualisé du coût de ces mesures, dont le total de près de 127 millions d'euros est un peu inférieur aux montants estimés en octobre 2009 (139 millions d'euros) 21 ( * ) . Le tableau ci-dessous présente les projections les plus récentes. Celles-ci confirment la montée en puissance progressive des mesures salariales et la charge croissante qu'elles représenteront pour l'entreprise (près de 180 millions d'euros en 2012).

Coût en 2009 et projection pour la période 2010 - 2013
des mesures salariales d'accompagnement
22 ( * )

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

Echelon 10

28,86

37,00

47,00

60,00

64,00

Majorations salariales

1,84

2,76

4,14

6,21

9,31

Suppléments de rémunération

4,67

5,00

5,00

5,00

5,00

Majoration de PFA

46,19

46,19

46,19

46,19

46,19

Majoration de prime de pénibilité

15,45

16,00

16,00

16,00

16,00

Intégration GRAVAC-GAEX

9,93

10,00

10,00

10,00

10,00

Cessation progressive d'activité

5,50

10,00

10,00

10,00

10,00

CET (estimation)

6,00

8,00

12,00

15,00

18,00

TOTAL

126,95

139,95

160,33

179,40

189,50

Source : SNCF

b) Les répercussions de l'impact démographique sur la masse salariale de la SNCF

Les mesures d'accompagnement résultent de décisions prises pour faciliter l'adoption et la mise en oeuvre de la réforme. S'y ajoute un second facteur de dépenses supplémentaires : le coût induit par l'impact démographique . Il s'agit d'une conséquence mécanique de la prolongation de l'activité professionnelle liée à la réforme de 2008.

Lors de l'audition du 2 juin précitée, le directeur délégué des ressources humaines de la SNCF a indiqué que l'impact démographique avait déjà coûté environ 50 millions d'euros en 2009 et annoncé qu'il continuerait à augmenter au fur à mesure qu'un nombre grandissant d'agents prolongeront leur activité .

Ainsi, dans l'hypothèse où les agents poursuivent en moyenne leur activité jusqu'à l'âge à partir duquel la décote s'annule, le surcoût de charges de personnel induit par l'impact démographique est évalué par la SNCF, en euros 2007, à 100 millions d'euros en 2010, puis 177 millions d'euros en 2011 et 242 millions d'euros en 2012.

Chiffrage de l'effet démographique et estimation du coût global
de la réforme pour la SNCF 23 ( * )

(en millions d'euros 2007)

2008

2009

2010

2011

2012

Effet démographique lié à la suppression de la retraite d'office et à l'incitation de la réforme à reculer l'âge de départ

13

54

100

177

242

Autres conséquences (mesures salariales d'accompagnement)

54

119

141

160

176

Impact total de la réforme

67

173

241

337

418

Source : SNCF

Ces résultats montrent le caractère très significatif de l'impact de la réforme de 2008 sur les crédits de personnel de la SNCF. Votre rapporteur spécial a remarqué qu' en 2011 le coût global intégrant l'effet démographique et ses mesures salariales d'accompagnement s'élèvera à 337 millions d'euros, soit un montant supérieur à l'économie annuelle escomptée (300 millions d'euros) pour le régime spécial proprement dit .

A moyen terme, on peut donc considérer que la réforme de 2008 a opéré un transfert de charges substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l'entreprise .

c) Une conséquence inattendue pour les conseils régionaux : l'augmentation du coût des conventions de transport express régional (TER)

Les régions ont fait état de renégociation à la hausse avec la SNCF des conventions pluriannuelles de TER en raison des surcoûts liés à la réforme de 2008 . Devant cette situation, qu'il a considérée comme étant pour le moins inattendue 24 ( * ) , votre rapporteur spécial s'est étonné de ce lien de causalité et a posé les questions suivantes à la SNCF : quels sont les motifs de ces surcoûts imputables à la réforme et quels sont les montants répercutés sur les régions ?

Les conventions pluriannuelles TER prévoient que les modifications ayant un caractère d'extériorité, et un impact significatif sur le financement, font l'objet d'une proposition d'une des parties, qui si elle est acceptée par l'autre, se traduit par un avenant conventionnel. En cas de refus de l'autre partie, une procédure de conciliation est engagée. A défaut d'accord des deux parties, l'ultime solution envisageable est l'éventuelle saisine des juridictions administratives.

C'est sur ce fondement juridique que la SNCF a considéré que les conséquences financières de la réforme, qui impactent toutes ses activités, se sont traduites par une rupture significative et immédiate de l'équilibre économique des conventions, rupture dont le fait générateur est de nature réglementaire 25 ( * ) . Elle a donc présenté mi-2009 à vingt régions, pour l'activité TER, et au syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), pour le Transilien, une proposition d'avenant aux conventions afin de prendre en compte l'impact de la réforme du régime spécial.

Une clé de répartition des impacts a été déterminée entre toutes les activités de la SNCF, au prorata du poids salarial total de leurs différents facteurs de production (personnel directement affecté, conduite et accompagnement des trains, services en gare, entretien du matériel, etc.) 26 ( * ) .

L'application de cette répartition au montant de l'impact global de la réforme suit la même progression que le coût des mesures salariales d'accompagnement et de l'effet démographique. Le tableau ci-dessous présente les coûts que la SNCF met à la charge des régions au titre de la réforme de 2008.

En 2010, le surcoût imputé à chaque région devrait être de l'ordre de deux millions d'euros en moyenne et de 24 millions d'euros pour le STIF.

Calcul du surcoût de la réforme du régime spécial
imputé aux régions pour leurs activités de transport régional

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

Trains express régionaux (TER)

12,1

31,1

43,4

60,7

75,2

Transilien (Ile-de-France)

6,7

17,3

24,1

33,7

41,8

Total des trains régionaux

18,8

48,4

67,5

94,4

117,0

Source : SNCF

2. Plusieurs thèmes de négociation abordés en 2008 restent à résoudre
a) La situation des apprentis

Au cours des auditions menées par votre rapporteur spécial avec les organisations syndicales, il est apparu que le calcul de la pension pour les personnes ayant été apprentis à la SNCF posait problème malgré les évolutions apportées par la réforme du régime spécial 27 ( * ) .

En effet, les périodes accomplies à la SNCF en qualité d'apprentis par les personnes dont le contrat d'apprentissage s'est achevé avant le 1 er juillet 2008 restent validées dans le régime général de sécurité sociale. Or diverses anomalies concernant le nombre de trimestres portés au compte individuel des anciens apprentis de la SNCF ont été signalées 28 ( * ) :

- soit le relevé de situation individuelle de la caisse ne comptabilise aucun salaire ni trimestre d'assurance pour les années 1978, 1979 et 1980 ;

- soit, lorsque des salaires sont inscrits au compte des intéressés, le montant indiqué est inférieur à celui figurant sur leurs bulletins de salaires de l'époque du fait de la forfaitisation de l'assiette des cotisations 29 ( * ) à partir de 1978.

Par ailleurs, l'affiliation des apprentis et des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation qui ne sont pas admis au cadre permanent à l'issue de leur contrat soulève des difficultés : dans ce cas, les intéressés ne peuvent pas bénéficier d'une pension proportionnelle du régime spécial même s'ils comptent plus d'un an de services. Ils peuvent au mieux, s'ils sont affiliés, bénéficier d'une pension calculée selon les règles des régimes général et complémentaire. Le régime d'affiliation des apprentis se révèle donc difficile à appliquer dans la mesure où l'entreprise ne titularise que 25 % d'entre eux et soulève un réel problème de gestion de leurs droits pour ceux qui ne sont pas titularisés.

La SNCF et la CPRPSNCF ont signalé ces difficultés de mise en oeuvre de la réforme de 2008 et ont proposé de mettre en place un dispositif de transfert des cotisations dans le régime général et à un organisme de retraite complémentaire. Cette solution éviterait ainsi aux différentes caisses de prévoir des règles de coordination, dont l'application est lourde et complexe, pour de très faibles pensions. Elle permettrait également de simplifier les démarches des intéressés.

Il semble donc que ces difficultés nécessitent une modification du règlement du régime spécial de retraite du personnel de la SNCF qui relève du domaine réglementaire 30 ( * ) .

b) La situation des polypensionnés

Le nombre des polypensionnés va mécaniquement augmenter du fait de l'abaissement à un an, depuis la réforme de 2008, de la période minimale de stage leur permettant de bénéficier d'une pension du régime spécial. La CPRPSNCF a fait part à votre rapporteur spécial de ses interrogations sur la pertinence d'une telle mesure qui risque d'accroître le nombre d'assurés bénéficiaires d'un régime de coordination.

Il semblerait que la gestion de ces dossiers ne soit pas satisfaisante. C'est pourquoi, la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2010 - 2013 conclue entre l'Etat et la CPRPSNCF a prévu un transfert de tout ou partie de ces dossiers à la CNAV 31 ( * ) . Il conviendra donc d'en suivre la mise en oeuvre avec attention.

3. L'absence d'effet avant 2017 de la réforme des retraites sur le régime spécial de la SNCF

Pour en venir au « Rendez-vous 2010 » pour les retraites et à la réforme actuellement en cours d'examen devant le Parlement , la question que s'est d'emblée posée votre rapporteur spécial est la suivante : comment seront traités les régimes spéciaux dans la réforme des retraites ?

S'il est effectivement prévu dans le projet de loi portant réforme des retraites que la réforme s'appliquera à tous les Français , c'est-à-dire aux salariés du privé et du public, s'agissant des régimes spéciaux , la date d'entrée en vigueur sera différée 32 ( * ) pour tenir compte de la montée en charge des réformes de 2007 et 2008.

De fait, le présent projet de loi ne comporte aucune disposition expresse concernant l'application de la réforme des retraites aux régimes spéciaux . Stricto sensu , ceux-ci ne sont juridiquement pas concernés 33 ( * ) : comme cela fut le cas en 2007 et 2008 - lors de la réforme des régimes spéciaux - les caractéristiques de ces régimes relèvent de la compétence réglementaire en application de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

Le XI de l'article 20 du projet de loi précité prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement, avant le 1 er janvier 2017, d'un rapport sur les mesures de relèvement des âges d'ouverture du droit à pension et des limites d'âge prises, par voie réglementaire, pour les régimes spéciaux de retraite .

C'est de cette disposition, dont la valeur est purement déclaratoire, que découle une interprétation a contrario selon laquelle la réforme de 2010 sera appliquée par la voie réglementaire.

En tout état de cause, elle ne commencerait à produire ses effets sur les régimes spéciaux qu'à partir de 2017.

Ce report dans le temps aurait ainsi pour objet principal de ne pas remettre en cause les « accords » conclus en 2008 car ceux-ci prévoient que les mesures de rapprochement des régimes spéciaux et du régime de la fonction publique, lui-même réformé en 2003, ne seront pleinement effectives qu'en 2016.

Ce n'est donc qu'à la condition que les textes réglementaires d'application de la réforme des retraites soient publiés, que les incidences suivantes pourraient affecter les assurés des régimes spéciaux à partir de 2017 :

- une augmentation progressive du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux maximum de pension ;

- une augmentation progressive de l'âge limite de maintien en service qui passerait à 67 ans ;

- une augmentation progressive de 4 mois par année de l'âge d'ouverture du droit à pension qui passerait de 50 à 52 ans pour les conducteurs et de 55 à 57 ans pour les autres agents relevant du cadre permanent. Selon ce calendrier, la réforme de 2010 ne serait donc pleinement effective pour les régimes spéciaux qu'en 2023 .

II. LE SUIVI DU CONTRÔLE EFFECTUÉ SUR LA CAISSE DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA RATP EN 2008

A. RAPPEL DU CONTEXTE DE LA MISSION

1. La création d'une caisse autonome pour gérer les retraites de la RATP

C'est pour les mêmes raisons d'ordre comptable 34 ( * ) , qui ont présidé à la création de la CPRPSNCF en 2007, que la caisse de retraite du personnel de la RATP (CRPRATP) a été créée, le 1 er janvier 2006 , par le décret n° 2005-1635 du 26 décembre 2005 .

La création d'une caisse autonome pour le régime spécial de la RATP permettait de ne plus imputer au bilan de l'entreprise les provisions au titre des engagements de retraite qui étaient évalués à 21 milliards d'euros . En application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'Etat demeure dans l'obligation d'assurer l'équilibre économique du régime de retraite du personnel de la RATP et s'en acquitte depuis 2006 par des versements à la CRPRATP.

Pour mémoire, la subvention d'équilibre de l'Etat à la CRPRATP s'est élevée en 2009 à 501 millions d'euros , soit 58 % du volume des prestations vieillesse servies par le régime spécial.

Part de la subvention de l'Etat dans le budget de la CPRPSNCF :

(en millions d'euros)

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Exécution en loi de règlement pour 2009

868,67

501,00

58 %

Prévision en loi de finances initiale pour 2010

912,00

526,70

58 %

Prévision du projet de loi de finances pour 2011

934,80

526,73

56 %

Sources : loi de règlement pour 2009, loi de finances pour 2010 et projet de loi de finances pour 2011

2. Les recommandations formulées par votre rapporteur spécial

En 2008, après deux années de fonctionnement, il apparaissait opportun de dresser un premier bilan de la gestion de cette nouvelle caisse de retraite . De plus, en application de la réforme des régimes spéciaux , entrée en vigueur le 1 er juillet 2008, les conditions de validation et de liquidation des droits à retraite du personnel de la RATP ont été rapprochées de celles du régime de la fonction publique de l'Etat. Il convenait, en conséquence, de s'interroger sur l'impact de cette évolution sur le financement du régime spécial de la RATP.

En s'appuyant sur les travaux 35 ( * ) menés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 et à l'issue d'un contrôle sur place et sur pièce de la CRPRATP, effectué le 18 juin 2008, votre rapporteur spécial avait proposé six recommandations portant sur la gestion de la caisse autonome et sur le financement du régime spécial 36 ( * ) :

? Sur la gestion de la caisse de retraite du personnel de la RATP

Recommandation n° 1 - Conclure une convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CRPRATP afin d'instaurer un pilotage des coûts de gestion et de mesure de la performance de la caisse.

Recommandation n° 2 - Inscrire le traitement de la chaîne des pensions dans une démarche de qualité et d'efficience du service, notamment par :

- la réduction des délais pour l'accueil physique ;

- l'amélioration de la qualité de l'accueil téléphonique ;

- la dématérialisation des procédures de traitement des demandes des assurés et la mise en place de services Internet en ligne.

Recommandation n° 3 - Achever l'évolution des systèmes d'information , la numérisation et la sécurisation des quelque 110 000 dossiers d'archives « papiers ».

? Sur le financement du régime spécial de retraite du personnel de la RATP

Recommandation n° 4 - Sécuriser le versement des acomptes mensuels et mettre fin à la sous-budgétisation récurrente de la subvention d'équilibre que verse l'Etat à la CRPRATP.

Recommandation n° 5 - Relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général prévue dès 2006 :

- par un nouveau chiffrage de la soulte , tenant compte des modifications apportées par la réforme du régime spécial ;

- par la négociation d'un échéancier de paiement avec la CNAV ;

- par la prise en considération des conséquences financières de l'adossement dans l'évaluation du montant de la subvention d'équilibre de l'Etat, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009 .

Recommandation n° 6 - Donner un chiffrage actualisé des économies à moyen et long termes escomptées de la réforme du régime spécial et de l'adossement au régime général.

B. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LA CRPRATP

1. Dans l'ensemble, des recommandations suivies d'effets...

S'agissant des trois premières recommandations portant sur la gestion de la CRPRATP , votre rapporteur spécial a été informé de la mise en oeuvre des actions suivantes :

- une convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CRPRATP couvrant la période 2009-2012 a été signée le 9 octobre 2009 ;

- la suppression progressive de la version imprimée du bulletin de pension permettra une baisse substantielle des frais d'affranchissement ;

- par ailleurs, des services dématérialisés permettront dès 2010 à l'ensemble des affiliés actifs de procéder, en ligne, à la simulation de leurs droits au régime spécial et d'accéder à leurs données personnelles.

S'agissant du financement du régime spécial, votre rapporteur spécial constate que seules les recommandations 4 et 6 ont été mises en oeuvre par le Gouvernement et la CRPRATP :

- le versement des acomptes mensuels de la subvention de l'Etat est dorénavant effectué par le ministre chargé des transports dans les délais, permettant ainsi à la caisse de ne plus procéder à aucun emprunt depuis 2008 ;

- la CRPRATP a procédé à un chiffrage des économies escomptées de la réforme du régime spécial dès l'examen du projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » 37 ( * ) .

A la lumière des estimations fournies par la CRPRATP en octobre 2009, votre rapporteur spécial avait ainsi pu constater que la réforme du régime de retraite spécial de la RATP produirait également une économie, mais beaucoup plus mesurée que dans le cas du régime spécial de la SNCF , et à compter de 2015 seulement. En 2020, le gain ne serait que de 23 millions d'euros, qui ne représenteraient que 2,2 % du total des pensions servies.

Prestations de retraite à servir dans le cadre du régime de la RATP

(en millions d'euros)

Année

Avant réforme des droits

Après réforme des droits

Ecart

2010

899,3

900,3

0,9

2011

916,1

917,6

1,6

2012

954,3

956,8

2,5

2013

993,2

995,9

2,7

2014

999,8

1 002,0

2,2

2015

1 007,9

1 007,0

- 0,9

2016

1 020,1

1 013,9

- 6,2

2017

1 032,9

1 020,0

- 12,9

2018

1 044,8

1 026,6

- 18,1

2019

1 054,7

1 033,8

- 20,8

2020

1 061,6

1 038,6

- 23,0

Source : réponses au questionnaire budgétaire

De son côté, la RATP a procédé, en septembre 2010, à un chiffrage du surcoût induit par les mesures salariales d'accompagnement de la réforme . A l'instar de ce qui s'est déroulé pour la SNCF, et toutes choses égales par ailleurs, les négociations tripartites Gouvernement - RATP - organisations syndicales, menées en 2007, ont acté l'allongement de la durée d'activité et décidé d'assouplir les effets de la réforme pour les salariés.

Les mesures de reconnaissance de l'allongement de la durée d'activité se concrétisent :

- par la création de deux nouveaux échelons d'anciennetés en 2012, puis en 2014, acquis respectivement à 26 et 28 années d'ancienneté.

- et par l'attribution de points de rémunération dits « points retraites », qui, associés au bénéfice des deux nouveaux échelons, conduiront à majorer le taux de remplacement de la pension de 3,75 %. Cette mesure, attribuée sous réserve de justifier d'au moins 28,5 ans d'ancienneté sera mise en oeuvre progressivement sur trois ans, à compter de 2014, afin d'en étaler les coûts.

Par ailleurs, afin d'accompagner les salariés ayant construit un projet de vie et dont le départ est prévu entre juillet 2008 et juin 2012, l'entreprise a mis en oeuvre une « mesure transitoire 2008-2012 » visant à majorer la rémunération de fin de carrière de façon à compenser la baisse tendancielle de la valeur de l'annuité résultant de l'augmentation de la durée de cotisation.

Ces mesures devraient entraîner un surcoût de masse salariale pour la RATP de 10,5 millions d'euros dès 2012 , alors même que la réforme de 2008 n'aura à cette date produit aucune économie. A compter de 2015, cette charge supplémentaire devrait atteindre près de 14 millions d'euros. Le tableau comparatif ci-dessous montre que de 2015 à 2018, les économies issues de la réforme de 2008 seront inférieures aux surcoûts salariaux .

Tableau comparatif des économies issues de la réforme de 2008
et du coût des mesures salariales d'accompagnement de 2015 à 2020

(en millions d'euros)

Année

Economies pour le régime spécial

Coût des mesures salariales d'accompagnement pour la RATP

2015

0,9

13,9

2016

6,2

13,3

2017

12,9

13,9

2018

18,1

14,3

2019

20,8

14,6

2020

23,0

15,0

Source : commission des finances d'après les données transmises par la RATP
et la CRPRATP

2. ...mais un objectif majeur de la création de la CRPRATP qui n'a toujours pas abouti : l'adossement au régime général

La recommandation n°5 « Relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général et aux régimes complémentaires » est restée lettre morte.

Les décrets du 26 décembre 2005 relatifs à la réforme du financement du régime spécial de retraite de la RATP ont prévu un adossement de ce régime spécial sur le régime général et sur les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC.

C'est en application de ce changement de système que les taux de cotisations vieillesse ont été modifiés dès la création de la CRPRATP en 2006, quittant notamment le niveau de cotisation salariale de la fonction publique (7,85 %) pour s'établir à 12 % 38 ( * ) .

La réforme du financement et l'adossement sur les régimes de droit commun avait pour but d' améliorer l'assise financière du régime spécial , du fait de la mutualisation avec des régimes de retraite à base démographique plus large, et de prévoir des taux de cotisation salariale et patronale en phase avec les autres entreprises de droit privé du secteur.

Le schéma de principe de l'adossement de la CRPRATP au régime général

L'adossement a pour conséquence de limiter le financement par le budget de l'Etat d'une part aux seules prestations spécifiques du régime - les prestations de retraite « de droit commun » étant alors payées par la CNAV, l'AGIRC et l'ARRCO à la caisse - et, d'autre part, au versement de la soulte due à la CNAV pour compenser l'écart entre les prestations et les cotisations des régimes CNAV et RATP.

La définition de ces flux financiers doit ainsi conduire à contenir l'intervention de l'Etat au seul financement du « régime chapeau » correspondant aux droits spécifiques des retraités de la RATP selon le schéma de principe présenté ci-dessous.

Source : CRPRATP

La neutralité financière de l'opération devait être assurée par une soulte dont le montant avait été estimé entre 500 et 700 millions d'euros . Les conditions de l'adossement devaient faire l'objet de négociations avec la CNAV en vue d'un aboutissement de la procédure en 2007. Or, celle-ci demeure interrompue depuis cette date.

Si le principe de l'adossement n'a pas été remis en cause, Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, avait fait valoir en 2008 que ce dossier nécessitait un accord de la Commission européenne et que le montant de la soulte à octroyer au régime général d'assurance vieillesse n'était toujours pas fixé 39 ( * ) . Tout en reconnaissant qu'aucune date ne pouvait être avancée pour la réalisation de l'adossement, il avait indiqué que l' économie qui en résulterait s'élèverait à environ 30 millions d'euros par an.

Cette opération était alors suspendue à une décision de la commission de Bruxelles sur la question de savoir si la création de la caisse présentait ou non le caractère d'une aide illicite à la RATP. Par ailleurs, la caisse nationale d'assurance vieillesse avait suspendu les négociations d'adossement dans l'attente de la décision européenne.

Or, cet obstacle a été levé en 2009, la Commission européenne ne posant pas d'obstacle à la création de la Caisse de Retraite du Personnel de la RATP 40 ( * ) . Depuis, votre rapporteur spécial ne cesse de réitérer sa recommandation tendant à la reprise du projet d'adossement et du processus de détermination du montant actualisé de la soulte qu'aura à verser l'Etat.

Au final, votre rapporteur spécial observe que le dossier n'a guère progressé depuis l'enquête effectuée auprès de la caisse de retraite du personnel de la RATP en juin 2008 et que, de ce fait, le financement des charges de retraites repose toujours sur les seules cotisations sociales vieillesse et la dotation d'équilibre de l'Etat .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS DU 2 JUIN 2010 SUR LE RENDEZ-VOUS 2010 POUR LES RETRAITES

Réunie le mercredi 2 juin 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Frédéric Buffin, directeur de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, Mme Nathalie Droulez, directeur par intérim de la caisse de retraite du personnel de la RATP, MM. Serge Gayraud, directeur délégué du service des ressources humaines de la SNCF, et Paul Peny, directeur général adjoint chargé de l'innovation sociale à la RATP, dans le cadre du « rendez-vous 2010 » pour les retraites.

M. Jean Arthuis , président . - Nous abordons à présent le sujet des régimes spéciaux.

M. Frédéric Buffin, directeur de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF . - Je ne suis pas moi-même issu de la SNCF et je ne parle qu'en tant que directeur de la caisse de retraite du personnel. Il serait illusoire, à mon sens, de vouloir dresser dès aujourd'hui le bilan de la réforme des régimes spéciaux : les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003 n'avaient pas produit leurs effets deux ans après leur entrée en vigueur. Mais celle de 2008 a déjà eu pour résultat de faire mieux connaître les règles des régimes spéciaux aux administrations. La collaboration étroite entre ces dernières et la caisse a permis d'appliquer sans retard la réforme, notamment la décote, qui entrera en vigueur le 30 juin de cette année. En revanche, le Conseil d'Etat considère que le règlement de la caisse ressemble encore trop à un règlement d'entreprise et n'est pas conforme aux canons de la légistique. Par ailleurs, le calcul des pensions prend toujours en compte des éléments de rémunération liés à la carrière de l'agent ou à sa situation familiale, de sorte qu'il n'est pas possible de simplifier les règles de gestion sur la seule base des cotisations déclarées par l'entreprise.

Le principal effet de la réforme est que la SNCF ne met plus systématiquement ses agents à la retraite d'office à cinquante ou cinquante-cinq ans. En conséquence, le nombre annuel de demandes de liquidation des droits à retraite diminue : il est passé de 7 000 en 2007 à 5 800 en 2008 et à 4 800 en 2009. Les économies ainsi réalisées sont supérieures de 100 millions d'euros aux prévisions. Mais nul ne sait quel sera à l'avenir le comportement des agents.

M. Jean Arthuis , président . - Je lis qu'il y a aujourd'hui 300 000 pensionnés de la SNCF.

M. Frédéric Buffin . - En effet : 190 000 pensionnés de droit direct et 110 000 titulaires d'une pension de réversion.

M. Jean Arthuis , président . - Les cotisants sont 161 500, le montant des prestations servies s'élève à 5,2 milliards d'euros et celui de la subvention de l'Etat à 3,12 milliards, soit 60 % du total.

M. Frédéric Buffin . - Cela résulte de la directive européenne de 1969 sur les transports. Depuis le début de l'année, l'âge moyen de départ en retraite recule pour atteindre cinquante-six ans. Les salariés entendent ainsi profiter des avantages acquis lors de la négociation, comme la création d'un dixième échelon, l'élargissement de l'assiette de liquidation aux mesures d'accompagnement des fins de carrière et aux avantages familiaux, ainsi que la prise en compte de la pénibilité.

M. Jean Arthuis , président . - L'État n'a donc rien gagné !

M. Frédéric Buffin . - Je m'inscris en faux contre ce type d'affirmation, comme je l'ai indiqué à Dominique Leclerc , rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS). Au plan technique, nous avons fait des économies. Il faut dissocier la situation de la caisse de retraite, devenue autonome, des effets de la réforme sur l'entreprise. Certes, le fait que la SNCF garde plus longtemps ses employés âgés et qu'elle ait dû leur accorder divers avantages lui coûte de l'argent. Mais je suis hostile à la consolidation des résultats de l'entreprise et de la caisse car, depuis 2007, celle-ci est un établissement autonome.

M. Jean Arthuis , président . - Vous voulez dire que les économies réalisées par la caisse se sont traduites par des charges supplémentaires pour l'entreprise ?

M. Serge Gayraud, directeur délégué du service des ressources humaines de la SNCF. - Il faut distinguer les mesures d'accompagnement des fins de carrière des conséquences démographiques inévitables de la réforme. Nul n'ignore qu'un employé de plus de cinquante-cinq ans est mieux payé qu'un jeune de vingt-deux ans !

M. Jean Arthuis , président . - La SNCF a-t-elle réduit ses recrutements ?

M. Serge Gayraud . - Bien entendu.

M. Jean Arthuis , président . - Quelle est la rémunération moyenne d'un agent en début et en fin de carrière ?

M. Serge Gayraud . - Elle passe de 1 200 euros à 2 000 ou 2 500 euros net environ.

M. Jean-Paul Alduy . - Mais il faut tenir compte des primes !

M. Frédéric Buffin . - La caisse constate chaque année une diminution du nombre de ses affiliés. Nous avions évalué les économies tirées de la réforme à 200 millions d'euros par an sur vingt-cinq ans, mais, au vu des deux premières années, elles pourraient être de 300 millions d'euros par an. Cela résulte de la baisse tendancielle des pensions, due à la décote, de la faiblesse des progressions de carrière et de l'augmentation des cotisations. Pour ce qui concerne la SNCF proprement dite, il est vrai que les salariés qui restent plus longtemps dans l'entreprise lui coûtent plus cher.

M. Jean Arthuis , président . - Avez-vous établi les résultats consolidés de la réforme ?

M. Serge Gayraud . - Il est encore trop tôt. En 2009, les mesures d'accompagnement ont coûté 125 millions d'euros, et l'évolution démographique 50 millions d'euros. Mais d'après nos hypothèses sur le comportement des agents et l'évolution des salaires, le coût lié à la démographie pourrait, à terme, excéder 150 millions d'euros par an.

M. Jean Arthuis , président . - Pouvez-vous nous rappeler les principales caractéristiques du contrat de travail et du régime de retraite à la SNCF ?

M. Serge Gayraud . - L'âge d'ouverture des droits est resté fixé à cinquante-cinq ans et à cinquante ans pour les conducteurs. Mais la durée de cotisation pour bénéficier du taux plein augmentera progressivement à cent soixante-quatre trimestres. La part liquidable équivaut à environ 90 % de la rémunération. Les pensions de réversion sont égales à la moitié des pensions de droit direct.

M. Frédéric Buffin . - Ajoutons que le taux de remplacement est assez faible - 66 % - car les cheminots partis tôt à la retraite n'ont pas cotisé assez longtemps pour bénéficier d'une pension à taux plein. La pension annuelle moyenne de droit direct est de 24 500 euros, la pension de réversion moyenne étant de 9 500 euros, soit moins que dans d'autres fonctions publiques.

M. Jean Arthuis , président . - Pour résumer, la réforme de 2008 avait pour objectif d'aligner les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP sur les règles valables dans le reste de la fonction publique : passage progressif de 37,5 à 40, puis 41 annuités de cotisation, décote et surcote éventuelles, indexation des pensions sur les prix, suppression des bonifications en vigueur pour les salariés embauchés après le 1 er janvier 2009 et libre choix du moment de départ à la retraite sans « clause couperet » à cinquante ou cinquante-cinq ans.

M. Frédéric Buffin . - Le plus important est le véritable « changement culturel » introduit dans l'entreprise : les salariés doivent désormais demander la liquidation de leurs droits alors qu'avant ils étaient mis d'office à la retraite. La réforme de 2008 ne fut pas une réformette ! Il ne faut pas sous-estimer l'ampleur des modifications apportées au régime spécial. Ses effets devront être appréciés à long terme.

M. Jean Arthuis , président . - Le régime spécial de la SNCF s'est-il rapproché du régime général ?

M. Frédéric Buffin . - Hormis quelques spécificités, ses règles ont été alignées sur celles de la fonction publique. Toute modification de ces dernières affectera le régime de la SNCF de manière toutefois différée pour tenir compte du calendrier particulier mis en place en 2008.

M. Jean Arthuis , président . - Quel est le taux des cotisations salariales ?

M. Frédéric Buffin - Il est de 7,85 %.

Mme Nathalie Droulez, directeur par intérim de la caisse de retraite du personnel de la RATP. - A la RATP il est de 12 %, car il est prévu d'adosser ce régime spécial sur le régime général.

M. Serge Gayraud . - L'adossement n'a jamais été envisagé pour la SNCF, contrairement à la RATP et aux industries électriques et gazières.

M. Jean Arthuis , président . - Faut-il le mettre à l'ordre du jour ?

M. Frédéric Buffin . - Le régime général et l'Etat n'y sont guère favorables en raison de la masse financière qu'il faudrait dégager pour cela. Celle-ci est évaluée à 15 milliards d'euros pour assurer la neutralité de l'opération.

M. Jean Arthuis , président . - La SNCF devrait donc verser cette somme au régime général sous forme de soulte ?

M. Frédéric Buffin . - En effet.

Mme Nathalie Droulez. - A la RATP l'adossement, prévu dans les textes depuis 2007, n'a pas encore été mis en place. Les négociations, alors soumises à un avis favorable de la commission européenne, n'ont pas été rouvertes avec la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) depuis la création de la caisse.

M. Jean Arthuis , président . - Pourquoi ce blocage ?

Mme Nathalie Droulez. - Nous attendons de nos autorités de tutelle l'autorisation de procéder à de nouveaux calculs avec la CNAV.

M. Jean Arthuis , président . - Si la SNCF devenait une société anonyme, ne faudrait-il pas adosser son régime de retraite au régime général ?

M. Serge Gayraud . - Je ne suis pas sûr que cet adossement s'impose juridiquement.

M. Jean Arthuis , président . - Quel serait le montant de la soulte versée par la RATP ?

Mme Nathalie Droulez. - En 2004, elle avait été évaluée à 700 millions d'euros, mais entretemps est intervenue la réforme de 2008 et les paramètres ont donc changé.

M. Jean Arthuis , président . - Revenons à la question des taux de cotisations. Quels sont-ils à la SNCF ?

M. Frédéric Buffin . - Le taux des cotisations salariales est de 7,85 %. Le taux des cotisations patronales se décompose en un taux T1 et un taux T2. Le taux T1 est déterminé chaque année afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, les montants qui seraient dus si les salariés relevaient du régime général : il est cette année de 22,56 %. Le taux T2 est destiné à financer les avantages liés au régime spécial : il s'élève à 12,73 %. La SNCF contribue donc davantage en tant qu'employeur que dans l'hypothèse où ses salariés relèveraient du régime général.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je reviens à la soulte : la même règle doit s'appliquer à France Télécom, à la Poste et à la SNCF ! Pourquoi cette différence de traitement ?

M. Jean Arthuis , président . - Cela impliquerait de dégager 15 milliards d'euros. Peut-être pourrait-on transférer la dette à Réseaux ferrés de France ...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Ou peut-être faut-il renoncer au changement de statut...

M. Serge Gayraud . - Le régime de la SNCF souffre d'un déficit structurel lié à la démographie : il y avait 500 000 cheminots en 1945, on n'en compte plus que 150 000.

M. Jean Arthuis , président . - A la RATP, on compte 44 200 cotisants pour 44 000 pensionnés ; le montant des prestations servies s'élève à 912 millions d'euros, celui de la subvention de l'État à 526 millions euros, soit 58 %. J'ajoute qu'une dette de 600 ou 700 millions d'euros devra un jour être payée sous forme de soulte.

Mme Nathalie Droulez. - Ce montant devra sans doute être revu à la hausse. Comme à la SNCF, la réforme du régime spécial de la RATP est, avant tout, d'ordre culturel : les salariés n'ont plus affaire pour leur retraite à un service interne, mais à une caisse autonome. Au titre des négociations tripartites menées entre 2007 et 2008, il a été décidé que les mesures d'accompagnement se prolongeraient davantage qu'à la SNCF : jusqu'au 30 juin 2012, les affiliés qui avaient prévu de liquider leurs droits avant cette date se verront verser une compensation par l'entreprise. La réforme n'aura donc pas d'incidence sur les prestations versées avant 2014.

L'âge de départ à la retraite est resté fixé à soixante ans. Mais il existait, d'une part, une bonification de cinq ans, d'autre part, des mesures liées à certains tableaux de retraite comme l'abaissement de deux ans de l'âge de départ pour cinq ans travaillés dans le tableau B. Un agent ayant relevé du tableau B pendant toute sa carrière pouvait ainsi partir à cinquante ans, à condition d'avoir accompli vingt-cinq années de services effectifs. La réforme de 2008 n'a pas modifié cette règle : seule la bonification a disparu.

M. Jean Arthuis , président . - On peut donc toujours partir à cinquante ans !

Mme Nathalie Droulez. - Oui, mais il faudra tenir compte de la décote éventuelle, qui diminuera le montant de la pension. Le taux de remplacement n'a guère varié depuis la réforme : il est resté aux alentours de 70 %. Mais les salariés ont compris que les règles changeraient à compter du 1 er juillet 2012.

M. Jean Arthuis , président . - Monsieur Peny, nous avons vu le procès injuste qui est fait à la SNCF : qu'en est-il à la RATP ?

M. Paul Peny, directeur général adjoint chargé de l'innovation sociale à la RATP. - Les deux régimes sont équivalents, à ceci près que chacune des entreprises a pris des mesures transitoires particulières pour appliquer la réforme de 2008. Quand nous serons en vitesse de croisière, en 2016-2018, nous pourrons parler d'une pleine convergence avec le régime de la fonction publique. Quant à la bonification, elle ne concerne plus les agents recrutés après 2009.

M. Jean Arthuis , président . - Voilà qui est clair. Cependant, nous n'excluons pas de modifier encore les dispositions relatives à la retraite dans la fonction publique, et dans les régimes spéciaux en particulier.

M. Paul Peny. - De fait, la convergence est là et toute mesure concernant la fonction publique a vocation à s'appliquer de façon différée à la RATP.

M. Jean Arthuis , président . - Quand le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique disait qu'il ne toucherait pas aux régimes spéciaux, il entendait peut-être dire que la réforme y avait déjà été conduite à son terme...

M. Paul Peny. - C'est le cas. Les différences subsidiaires tiennent au calendrier et aux mesures transitoires.

M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 29 septembre 2010, sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, sur le bilan du régime spécial de retraite de la SNCF.

M. Bertrand Auban , rapporteur spécial de la mission « Régime sociaux et de retraite » . - Deux ans après la réforme du régime spécial de la SNCF, le temps est venu d'en dresser un premier bilan. Lors des auditions organisées par notre commission au printemps dernier dans le cadre du « Rendez-vous 2010 » sur les retraites, nous avons auditionné le 2 juin les directeurs des caisses de retraite de la SNCF et de la RATP, ainsi que les responsables en charge des relations sociales dans ces deux entreprises.

Quelques chiffres-clés sur le régime de retraite de la SNCF pour commencer. Le régime des chemins de fer présente un déséquilibre démographique important, essentiellement dû aux fortes embauches de cheminots lors de la reconstruction du réseau ferré après la deuxième guerre mondiale : il y avait 450 000 cotisants en 1949, il n'y en a plus que 155 000 aujourd'hui pour 290 000 pensionnés. La subvention d'équilibre qui sera versée par l'Etat au titre de l'année 2010 représente 60 % du volume des pensions servies, soit 3,12 milliards d'euros sur 5,2 milliards d'euros. Il s'agit des prévisions votées en loi de finances initiale. Le versement des cotisations salariales et patronales de la SNCF s'élève donc à un peu plus de 2 milliards d'euros. Le taux de cotisation salariale est de 7,85 % et le taux de cotisation à la charge de la SNCF en tant qu'employeur est la somme des deux composantes T1 et T2. Le taux T1 est déterminé chaque année afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraites complémentaires obligatoires ; depuis 2007, il s'élève à 22,52 %. Le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial. Il a été fixé à 11,96 % pour 2007, 12,23 % pour 2008, 12,62 % pour 2009 et 12,73 % pour 2010. Ainsi le taux global de cotisation patronale a régulièrement progressé de 34,48 % en 2007 à 34,75 % en 2008, 35,14 % en 2009 et 35,25 % en 2010.

Le régime spécial des cheminots a été créé par les lois du 21 juillet 1909 et du 28 décembre 1911. Il couvre l'ensemble des risques des agents actifs et retraités et de leur famille et finance un service médical gratuit pour les agents actifs du cadre permanent. Le régime de retraite était depuis 1938, date de création de la SNCF, géré directement par l'entreprise. Mais le poids des engagements de retraites, qui était estimé à près de 120 milliards d'euros, et la mise en oeuvre des normes comptables internationales IFRS au 1er janvier 2007 ont conduit à la création d'une caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF) par le décret du 7 mai 2007. Cette caisse, dorénavant autonome et dotée de la personnalité morale, est un organisme de sécurité sociale de droit privé. Au 31 décembre 2009, elle employait 999 agents dont les fonctions se partageaient entre deux activités majeures : la branche vieillesse - 161 500 affiliés en 2009 - et la branche maladie - 571 200 affiliés.

L'âge moyen de cessation d'activité, de 54 ans et 2 mois en 2006, est d'environ trois ans inférieur à celui du secteur privé. Le taux de remplacement net de prélèvements sociaux, de 66,2 %, est inférieur à celui de la fonction publique - 76 % - et du privé - 83 % - du fait du départ à un âge relativement précoce. Le minimum de pension, qui s'établit à 1 122,34 euros par mois, est nettement supérieur au minimum vieillesse de droit commun, fixé à 628,10 euros. En résumé, les pensions sont en moyenne moins élevées que dans le secteur privé, mais servies plus tôt.

La réforme de 2008 a eu pour objet d'opérer un rapprochement avec les droits de la fonction publique issus de la réforme de 2003 et, ce faisant, a modifié le contrat social auquel sont très attachés les cheminots. Il a été décidé de passer progressivement de 37,5 ans à 41 ans de cotisations au 1er décembre 2016 pour bénéficier du taux plein de 75 %, de supprimer la mise à la retraite d'office, d'instaurer une décote à compter du 1er juillet 2010 et une surcote à partir du 1 er juillet 2008, et d'indexer les pensions sur les prix. La spécificité du régime a malgré tout été conservée, qu'il s'agisse de l'âge d'ouverture des droits - 50 ans pour les agents de conduite et 55 ans pour les autres -, du taux maximum de liquidation de la pension, fixé à 75 % pour une carrière complète, ou du traitement de référence pour le calcul de la pension, qui est celui des six derniers mois.

Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur spécial s'était intéressé à l'impact financier de la réforme. A l'époque, les services du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité avaient prévu 500 millions d'euros d'économies cumulées en 2012 pour l'ensemble des régimes spéciaux, dont 90 % pour la SNCF et la RATP. Si l'on en croit la caisse de retraite de la SNCF, l'économie sera en fait de l'ordre de 300 millions d'euros par an sur la période 2009-2030, soit 10 % de la subvention d'équilibre de l'Etat. Selon les projections de la SNCF, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards d'euros. Il s'agirait d'une part de gains en cotisations, puisque les agents cotisent plus longtemps et à des niveaux plus élevés en fin de carrière, d'autre part de gains en pensions, puisque les pensions sont versées plus tardivement et permettent donc un décalage de paiement et un versement moins long à espérance de vie constante.

Même si la branche vieillesse de la caisse de retraite du personnel de la SNCF reste structurellement déficitaire, il apparaît que la subvention d'équilibre de l'Etat, jusqu'alors en constante augmentation, devrait se stabiliser à compter de 2013 pour diminuer ensuite jusqu'en 2030 où elle s'élèverait alors à 2,5 milliards d'euros, pour un total de 4,4 milliards d'euros de charges. Cette évolution résulterait de l'amélioration du rapport démographique en raison du maintien du nombre de cotisants, et de la diminution mécanique du nombre de pensionnés : 140 000 cotisants pour 220 000 pensionnés en 2030, au lieu de 290 000 aujourd'hui. Mais un nouvel enjeu se fait jour sur deux autres paramètres : les cotisations et la subvention de l'Etat. Le financement public est calculé par différence entre les dépenses et les ressources de la caisse. Or, s'il semble logique que l'augmentation des taux de cotisations salariales et patronales conduise l'Etat à réduire sa contribution, ce point de vue n'est pas partagé par la SNCF qui, désormais confrontée à un marché concurrentiel, plaide pour une modération du taux de cotisation patronale T2, qui correspond au coût spécifique du régime, et pour un rapprochement des droits avec les autres régimes de base.

Du point de vue de l'entreprise, la réforme de 2008 a abouti à un surcoût de masse salariale. En 2009, cet accroissement mécanique des charges de personnel avait été estimé à 126 millions d'euros du fait des mesures d'accompagnement social mises en place parallèlement à la réforme, par exemple l'attribution d'un dixième échelon aux agents sédentaires et d'un huitième échelon aux agents de conduite, ou des majorations salariales de traitement. En outre, l'impact démographique de la prolongation de l'activité professionnelle après l'âge d'ouverture du droit à pension devait occasionner un surcoût de 50 millions d'euros. A la demande de votre rapporteur spécial, la SNCF a réévalué ces estimations ; le coût de la réforme s'élèvera à 418 millions d'euros en 2012 contre 173 millions en 2009.

De plus, la SNCF a mis en place une clé de répartition de l'impact de la réforme entre toutes ses activités, au prorata du poids salarial total de leurs différents facteurs de production. Une conséquence inattendue est apparue : le surcoût mis à la charge des régions par la SNCF dans le cadre de la renégociation des contrats pluriannuels d'exploitation des trains express régionaux (TER).

A cet égard, je vous conseille la lecture d'un article du Figaro daté du 4 juin, qui s'intitule : « Les régions refusent de payer les retraites des cheminots ». L'Etat et la SNCF cherchent à accroître la participation des régions au paiement des retraites des cheminots, par le biais des conventions pour les TER : il sera facile, alors, de dire qu'elles dépensent trop !

La réforme a donc opéré, à moyen terme, un transfert de charges substantiel du régime de retraite vers l'entreprise. Le régime demeurera cependant structurellement déficitaire à long et très long terme.

Lorsque nous avons auditionné les organisations syndicales, elles ont soulevé le problème de la retraite des apprentis. Les périodes accomplies à la SNCF en qualité d'apprenti par les personnes dont le contrat d'apprentissage s'est achevé avant le 1er juillet 2008 restent validées dans le régime général de sécurité sociale. Or, on constate certaines anomalies : le relevé de situation individuelle de la caisse ne comptabilise aucun salaire ni trimestre d'assurance pour les années 1978, 1979 et 1980, et lorsque des salaires sont inscrits au compte des intéressés, le montant indiqué est inférieur à celui figurant sur leur bulletin de salaires de l'époque du fait de la forfaitisation de l'assiette des cotisations à partir de 1978. La seule solution semble être une modification du règlement du régime spécial, qui relève du pouvoir réglementaire.

Pour en venir aux effets de la réforme des retraites, mis à par quelques mesures d'application directe, comme l'institution d'un entretien d'information à partir de 45 ans puis tous les cinq ans, le projet de loi ne devrait pas avoir d'incidences sur le régime spécial avant 2017 : le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux maximum de pension augmentera alors progressivement, l'âge limite de maintien en service passera à 67 ans, et l'âge d'ouverture du droit à pension de 50 à 52 ans pour les conducteurs et de 55 à 57 ans pour les autres agents relevant du cadre permanent. Ce n'est qu'en 2023 que la réforme de 2010 deviendrait effective à la SNCF, dans des conditions qui restent à fixer par voie réglementaire.

En conclusion, je souhaite vous présenter les constatations que j'ai faites sur le suivi des recommandations que j'ai formulées en 2008 dans le cadre du rapport n° 452 (2007-2008) sur la caisse de retraite du personnel de la RATP (CRPRATP). Pour les mêmes raisons comptables qui ont présidé à la création de la caisse autonome de retraite de la SNCF, la CRPRATP a vu le jour le 1er janvier 2006. Deux ans après sa création, votre rapporteur spécial avait jugé opportun de dresser un premier bilan de la gestion de cette nouvelle caisse et formulé six recommandations : je préconisais de conclure une convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la caisse ; d'instaurer une démarche de qualité et d'efficience du service ; d'achever l'évolution des systèmes d'information, la numérisation et la sécurisation des quelque 110 000 dossiers d'archives « papiers» ; de mettre fin à la sous-budgétisation récurrente de la subvention d'équilibre que verse l'Etat à la CRPRATP ; de relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général prévue dès 2006 par un nouveau chiffrage de la soulte tenant compte des modifications apportées par la réforme du régime spécial et par la négociation d'un échéancier de paiement avec la CNAV ; enfin d'établir une estimation actualisée des économies à moyen et long terme escomptées de la réforme du régime spécial et de l'adossement au régime général. Toutes ces recommandations ont été mises en oeuvre, hormis le projet d'adossement de la caisse au régime général. Les négociations avec la CNAV sont toujours au point mort, et la soulte estimée entre 500 et 700 millions d'euros en 2005 n'a fait l'objet d'aucune nouvelle évaluation.

M. Jean Arthuis , président. - Ces constats sont précieux à l'heure où nous préparons l'examen de la prochaine loi de finances et où nous discutons du projet de loi sur les retraites. La réforme de 2008 coûte plus cher que prévu, ce dont je ne m'étonne guère... Il faudra un jour se poser la question de la persistance de régimes aussi différenciés : c'est l'égalité des Français devant la retraite qui est en jeu.

M. Serge Dassault . - Il y a donc aujourd'hui 155 000 cotisants pour 290 000 pensionnés à la SNCF : c'est bien la preuve de l'échec de la répartition ! Naturellement l'Etat paie la différence, pour permettre aux cheminots de partir à la retraite à 50 ou 55 ans, alors qu'ils n'ont plus qu'à appuyer sur quelques boutons pour faire rouler les trains... Dans quel chapitre budgétaire la subvention de trois milliards d'euros de l'Etat est-elle inscrite ?

M. Bertrand Auban , rapporteur spécial . - Dans la mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget de l'Etat.

M. Jean Arthuis , président . - Pour trouver ces trois milliards, l'Etat emprunte : c'est la « dette perpétuelle » dont parle Jean-Pierre Fourcade...

M. Jean-Jacques Jégou . - Il me paraît un peu abusif de parler d'un « gain » de 300 millions d'euros par an suite à la réforme de 2008 : il s'agit plutôt d'une moindre dépense. La subvention de l'Etat ne diminuera pas avant 2020 !

M. Jean Arthuis , président. - Sans réforme, elle aurait fortement augmenté. Ce débat montre à l'évidence que la situation des finances publiques est très préoccupante. Cela doit dissiper les derniers doutes quant à la nécessité de réduire les dépenses et de consolider les recettes. Je vous propose d'adopter le rapport qui vient de nous être présenté par Bertrand Auban et d'en assurer la plus large diffusion.

A l'issue de ce débat, la commission des finances donne acte à M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE I - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Pour la SNCF : M. Serge Gayraud, directeur délégué du service des ressources humaines de la SNCF

Ø Pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF : M. Frédéric Buffin, directeur

Ø Pour les organisations représentatives du personnel de la SNCF :

- Confédération française démocratique du travail (CFDT Cheminots) : MM. Pierre-Paul Dittrich, secrétaire national, et Arnaud Morvan, secrétaire général

- Confédération générale du travail (CGT cheminots ) : MM. Eric Ferreres, secrétaire fédéral (secteur protection sociale), Maurice Samson, administrateur de la caisse (Bureau national des retraités) et Dominique Lagorio, secrétaire fédéral (Administration de la caisse)

- « Solidaire, unitaire et démocratique » (SUD-Rail) : M. Jean-Marc Fontaine

- Union nationale des syndicats autonomes (UNSA cheminots) : MM. Jean-Daniel Bigarne, secrétaire général de l'UNSA Cheminots, et Eric Tourneboeuf, secrétaire général de l'UNSA Transport

Ø Pour la RATP : M. Paul Peny, directeur général adjoint chargé de l'innovation sociale

Ø Pour la caisse de retraite du personnel de la RATP : Mme Nathalie Droulez, directeur

ANNEXE II - COMPARAISON DES RÉGIMES DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF, DE LA FONCTION PUBLIQUE, GÉNÉRAL ET COMPLÉMENTAIRES EN 2009 (SOURCE : CPRPSNCF)

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ANNEXE III - EVOLUTION DES COMPTES SUR LA PÉRIODE 1995-2009 (SOURCE : CPRPSNCF)

ANNEXE IV - PERSPECTIVES DÉMOGRAPHIQUES ET FINANCIÈRES DU RÉGIME DE RETRAITE À MOYEN ET LONG TERMES (SOURCE : CPRPSNCF)

ANNEXE V - CONTRIBUTIONS DES ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL DE LA SNCF

(avertissement : cette annexe présente les contributions adressées par la CGT cheminot, SUD-Rail et l'UNSA cheminot, la CFDT cheminot n'ayant pas souhaité transmettre de texte à votre rapporteur spécial)

CONTRIBUTION DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL (CGT CHEMINOTS)

LE FINANCEMENT DU REGIME DE RETRAITES DES CHEMINOTS

En application des articles L 711-1 et R 711-1 du Code de la sécurité sociale, les agents de la SNCF soumis au Statut 41 ( * ) sont affiliés obligatoirement au régime spécial des cheminots dont la gestion est assurée par la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF), bénéficiant d'une autonomie juridique et financière suite au décret du 7 mai 2007 42 ( * ) .

LES ORIGINES DU REGIME DES CHEMINOTS

Les cheminots figurent parmi les premières professions du secteur privé à bénéficier de régimes de retraite créés progressivement par les compagnies de chemin de fer à partir de 1850, non par philanthropie patronale, mais tout simplement pour répondre aux besoins croissants de transports de l'industrie. Ces régimes avaient pour finalité de fixer à l'entreprise la main d'oeuvre qualifiée indispensable pour la croissance de la productivité, d'assurer la sécurité des circulations en imposant une discipline quasi militaire, mais aussi d'obtenir la paix sociale 43 ( * ) .

Ces régimes fonctionnaient alors par la capitalisation individuelle des cotisations 44 ( * ) à partir d'un livret individuel ouvert à la première caisse interprofessionnelle de retraite, la Caisse Nationale de Retraite pour la Vieillesse (CNRV) instituée par la loi du 18 juin 1850.

Ce système ne permettant pas d'éviter le «nomadisme salarial» et de fixer à l'entreprise la main d'oeuvre qualifiée qu'elles avaient formée, les compagnies créèrent très rapidement des caisses patronales internes, en contrepartie de la mise en place de régimes dits «à tantièmes» , c'est-à-dire de régimes dans lesquels les pensions de retraite résultent d'une fraction (1/50 ème par exemple) du salaire de fin de carrière par année de cotisation 45 ( * ) . Les cheminots sont ainsi passés de régimes de retraite dits «à cotisations définies» (CNRV) à des régimes dits « à prestations définies» et la capitalisation individuelle à la capitalisation collective.

Cependant, il existait autant de régimes que de compagnies de chemin de fer, et donc des différences dans les cotisations et les prestations, d'où la revendication d'un régime unifié. Après plusieurs décennies de projets rejetés le plus souvent par le Sénat, et grâce à l'appui d'un groupe de députés parmi lesquels figurait Jean Jaurès, l'unification des régimes de cheminots (mais pas des caisses) est acquise par la loi du 21 juillet 1909, et ce malgré l'opposition des compagnies de chemin de fer.

S'il a été mis en place à compter de janvier 1911, d'où son appellation de «régime de 1911», il faudra attendre la loi du 28 décembre 1911 pour obtenir son application rétroactive...

Le financement de ce régime fonctionnant par capitalisation collective, était assuré par un taux de cotisation de 20 % comprenant une part patronale de 15 % et une part ouvrière de 5 %, alors que le taux d'équilibre du régime avait été estimé à 18 %... sous condition que le système monétaire ne connaisse ni trop d'inflation, ni de dévaluation du franc !

En 1911, on comptait 288 600 cotisants pour 92 500 pensionnés

Malgré de très nombreuses modifications, ce régime est toujours en vigueur aujourd'hui à la SNCF...

L'EVOLUTION DU REGIME DES CHEMINOTS (1911- 2007)

Depuis sa création en 1909, le régime des cheminots a connu d'importantes modifications, tant au niveau de sa gestion que de son financement.

De la capitalisation à la répartition (1934)

Après la Première guerre mondiale l'inflation s'envole 6 ( * ) ... Confrontés à la baisse de leur pouvoir d'achat, les cheminots obtiennent des revalorisations de pensions et des améliorations des prestations servies par le régime.

Le coût de ces mesures prises entre 1920 et 1929, ajouté aux mauvais placements réalisés par les dirigeants des compagnies (notamment avec la souscription massive d'emprunts russes !), amène un important déséquilibre financier du régime, ce qui nécessite un relèvement sensible de la contribution des compagnies de chemin de fer. Le gouvernement de l'époque vient à leur secours...

Pour soulager financièrement les compagnies, le gouvernement Doumergue impose par décret-loi des réductions d'effectifs (départs anticipés) et des baisses de salaires et de retraites. Mais c'est au travers du décret-loi du 19 avril 1934 qu'il fait passer le régime de retraite des cheminots de la capitalisation collective à la répartition 7 ( * ) .

Le passage à la répartition vise uniquement à soulager les finances des compagnies, puisqu'il leur permet de réduire de moitié leurs contributions retraite ! En effet, le décret-loi substitue à la cotisation patronale de 15 % une «dotation nécessaire et suffisante pour que, s'ajoutant aux revenus du portefeuille et aux retenues subies par les agents en activité, elle permette aux Caisses de faire face à leurs dépenses.» 8 ( * ) De plus, si les caisses de retraite conservent leur patrimoine, par contre elles ne récupèreront jamais les dettes patronales !

On notera que le régime des cheminots n'a pas été concerné par la loi du 30 avril 1930 sur les «assurances sociales» , comme il ne l'avait pas été non plus par la loi du 5 avril 1910 sur les «retraites ouvrières et paysannes» . Il est simplement devenu un régime spécial...

La création de la Caisse de retraites de la SNCF en 1938

Par la Convention du 31 août 1937, approuvée par le décret-loi du même jour, les compagnies de chemin de fer sont «nationalisées» 9 ( * ) pour constituer la SNCF.

L'article 39 de cette convention stipule : «La société nationale prendra possession de l'ensemble des avoirs des caisses de retraites et des caisses de pensions-accidents, à la date du 1 er janvier 1938, tels qu'ils se trouveront à cette époque. (...) En ce qui concerne les retraites du personnel, elle inscrira chaque année, parmi ses dépenses d'exploitation, les sommes nécessaires pour porter, dans chaque exercice, au niveau des dépenses (arrérages et capitaux des pensions, remboursements de retenues, allocations de réforme et frais de gestion) les ressources du fonds spécial de ces retraites (retenues des agents et autres ressources réglementaires, produits des placements de fonds à revenus des valeurs, capitaux constitutifs des pensions de rétroactivité, dons et legs).»

Résultant de la fusion des anciennes caisses de retraites des compagnies de chemin de fer, la Caisse de retraites de la SNCF s'est substituée à leurs droits et leurs obligations à compter du 1 er janvier 1938, n'apportant pas de changement au régime de retraite des cheminots, unifié par la loi du 21 juillet 1909.

La nouvelle Caisse de retraites prend en charge 403 736 cotisants et 242 765 retraités dont 84 324 réversions, soit un rapport démographique de 1,66 cotisants pour 1 retraité (2,01 % en pondéré) 1 ( * )0 .

Le régime spécial des cheminots est maintenu en 1946

A la Libération, en application du programme du Conseil National de la Résistance, l'ordonnance du 4 octobre 1945 lance la mise en place d'une organisation de sécurité sociale. Selon l'article 17 de cette ordonnance «sont provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale, certaines branches d'activité ou entreprises (...) celles jouissant déjà d'un régime spécial» . La société nationale des chemins de fer français figure au 6° de la liste de l'article 61 du décret d'application du 8 juin 1946.

L'apparition d'un déséquilibre financier structurel au début des années 1950

Après la deuxième guerre mondiale, la reconstruction des installations ferroviaires a engendré d'importants besoins de main-d'oeuvre : le nombre de cheminots actifs affiliés au régime spécial atteint 440 750 en 1949... soit son niveau de 1939 ! (1 ( * )1) Mais, comme la montée en charge du régime se poursuit, le nombre de retraités atteint 330 405 (dont 115 903 réversions) en 1949 et le rapport démographique se dégrade puisqu'il passe à 1,33 cotisants pour 1 retraité (1,62 en pondéré).

Dans la même période sont prises un certain nombre de mesures améliorant les prestations servies par le régime spécial, la plus importante étant sans doute l'application d'un mécanisme de péréquation 1 ( * )2 automatique des pensions à compter du 1 er janvier 1949.

Dégradation démographique et coût des mesures prises engendrent un accroissement de la dotation patronale pour les retraites qui atteint l'équivalent un taux de cotisation de 43 % en 1951 contre 10,7 % en 1934 lors de la mise en oeuvre de la répartition !

Dans le même temps la SNCF qui subit les contre coups d'une concurrence rail - route exacerbée, s'engage, à la demande du gouvernement, dans un plan dit «de modernisation» comportant de très nombreuses fermetures de lignes, des transferts sur route, des suppressions massives d'emplois... et une mise en cause du régime de retraite des cheminots avec recul de l'âge de la retraite !

La mobilisation des cheminots empêche non seulement toute remise en cause du régime spécial et notamment la «fermeture» 1 ( * )3 aux nouveaux embauchés, mais elle contraint l'Etat-patron à assumer ses responsabilités financières consécutives à la baisse des effectifs SNCF par l'avenant du 10 juillet 1952 à la Convention du 31 août 1937. Selon l'article 19 quater de cet avenant «les charges de retraites afférentes aux agents mis à la retraite depuis le 1 er janvier 1949 et non remplacés dans l'effectif, seront prises en charge par l'Etat à partir du 1 er janvier 1952 ...»

Un an après, par un décret daté du 9 août 1953, le gouvernement Laniel décide de reculer l'âge de la retraite dans les régimes spéciaux dont celui des cheminots. La grève d'août le mettra en échec : l'âge de la retraite n'est pas remis en cause...

Cependant, le gouvernement promulgue deux décrets : l'un pour les mises à la retraite d'office des agents remplissant la double condition (décret du 9 janvier 1954), l'autre pour les départs volontaires (décret du 12 novembre 1954). Les réductions d'effectifs cotisants vont se poursuivre alors que le nombre de retraités continue de croître, accroissant ainsi le déséquilibre structurel du régime...

Un règlement européen de 1969 impose une modification fondamentale du financement du régime des cheminots (1971)

L'effectif cotisant est passé de 440 750 en 1949 à 299 101 en 1969 (- 141 649 agents soit - 32 %) alors que dans le même temps celui des retraités a progressé de 330 405 à 431 257 (+ 100 852 soit + 30,5 %) dont 160 889 veuves, d'où un ratio démographique de 0,69 cotisant pour 1 retraité (0,85 en pondéré). Ainsi, en 1969, la contribution de l'Etat au titre des «emplois non remplacés» représente 31,2 % des produits de la Caisse des retraites et celle de la SNCF 62,3 % soit l'équivalent d'un taux de cotisation de 60,5 % ! Inutile de dire combien cette évolution a favorisé le dumping social au profit du transport routier, entraînant la SNCF dans la spirale du déclin...

Au niveau européen, une décision du 13 mai 1965 vise à une «normalisation et une harmonisation des comptes» dans les entreprises de transports. Mais c'est le règlement CEE n°1192/69 «relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer» , adopté le 26 juin 1969, qui va amener une réforme en profondeur du financement du régime de retraite de la SNCF.

L'article 4 point c) de ce règlement précise que, font l'objet de la «normalisation des comptes, caractérisé par la compensation financière des effets provoqués par ces charges» , les «charges de retraites et pensions supportées par les entreprises de chemin de fer dans des conditions différentes de celles en vigueur pour les entreprises des autres modes de transport» . Quant à l'article 5 point 2, il indique que «la comparaison ne se fait qu'avec les entreprises privées des autres modes de transport» .

C'est l'annexe III de ce règlement qui détermine le mode de calcul de la compensation de l'Etat en matière de charges de retraites et pensions qui «proviennent :

1. du fait que les chemins de fer doivent payer directement et entièrement les pensions existantes, tandis que les entreprises des autres modes de transport versent une contribution à un organisme en fonction du nombre et du niveau des rémunérations du personnel en activité,

2. ou du fait que le personnel des chemins de fer bénéficie de l'application de certaines dispositions particulières auxquelles les autres modes de transport ne sont pas soumis, et qui entraînent des charges supplémentaires ou des avantages pour les chemins de fer.»

Et il est précisé qu'en ce qui concerne les charges visées au point 1, «l'indemnité compensatrice est égale à la différence entre la charge supportée par l'entreprise et celle qu'elle supporterait si elle était soumise, avec le même effectif en activité et les mêmes rémunérations, soit au régime de droit commun (régime général de sécurité sociale et régimes complémentaires obligatoires), soit au régime des autres modes de transport.»

Pour ce qui des charges du point 2, «l'indemnité compensatrice est égale à la différence entre d'une part, les charges que l'entreprise supporte ou supporterait pour couvrir l'ensemble des charges du régime de retraites et des pensions auquel elle est soumise et, d'autre part, les charges qui découlerait de l'application du régime de référence.»

Ce règlement européen, qui est toujours en vigueur aujourd'hui, a amené un nouvel avenant à la Convention de 1937 daté du 27 janvier 1971 qui modifie l'article 19 quater et le calcul de la contribution de l'Etat avec effet à partir de l'exercice 1970. Le nouvel article 19 quater est ainsi libellé :

La Société nationale recevra de l'Etat une contribution aux charges de retraites égale à la différence entre les deux éléments ci-après :

a) les charges de toute nature afférentes aux prestations diminuées des produits du placement de son fonds de réserve pour les pensions de retraites,

b) les cotisations normalisées (part salariale et part patronale) dont le taux est initialement fixé à 40,3 % des salaires soumis à retenue pour la retraite.

Ce taux de 40,3 % variera en fonction de l'évolution des régimes de référence et du régime de retraite du personnel de la Société nationale, de telle façon que les charges de la Société nationale soient les mêmes que celles d'une entreprise dont le personnel en activité serait affilié à ces régimes de référence et bénéficierait en sus, aux frais de l'entreprise, d'avantages particuliers.

Le dernier alinéa de l'article 19 quater est sans ambigüité. Au travers de la «cotisation normalisée» , il laisse à la charge de la SNCF et des cheminots, au travers d'une cotisation supplémentaire à celles du droit commun, le financement des avantages particuliers servis (âge de départ, calcul de la pension, etc....) par le régime spécial, l'Etat ne prend en charge que le coût du différentiel démographique entre le régime SNCF et les régimes de droit commun.

Malheureusement, la plupart des médias et bon nombre d'hommes politiques, y compris au plus haut niveau de l'Etat, «ignorent» cette réalité financière en affirmant malhonnêtement que c'est le contribuable (ou les autres salariés) qui finance les «privilèges» des cheminots..., l'objectif étant de dresser l'opinion publique contre les cheminots, afin de faire la peau à leur régime de retraite !

La «compensation généralisée» (1974) ne prend pas en compte les droits spécifiques des cheminots et vient uniquement en déduction de la contribution de l'Etat

La compensation généralisée entre les régimes de retraite, instituée par le gouvernement Chirac avec la loi n°74-1094 du 24 décembre 1974 1 ( * )4 , vise à instituer à compter du 1 er janvier 1975, une solidarité démographique entre les régimes de retraite de base des salariés (du privé comme du public) et de non salariés dont le nombre de ressortissants (actifs + retraités de droit direct de 65 ans et plus) est supérieur à 20 000 personnes.

L'article 2 de cette loi précise que «la compensation tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les régimes. Toutefois, tant que les capacités contributives de l'ensemble des non-salariés ne pourront être définies dans les mêmes conditions que celles des salariés, la compensation entre l'ensemble des régimes de salariés et les régimes de non-salariés aura uniquement pour objet de remédier aux déséquilibres démographiques.»

La compensation généralisée résulte de la mise en oeuvre d'un régime unique fictif entre les régimes de salariés (1 ere phase), puis entre ce régime unique fictif des salariés et les régimes de non-salariés (2 ème phase) qui verserait une pension unique à tous les retraités de droit direct de 65 ans et plus uniquement et qui percevrait une cotisation unique 1 ( * )5 .

Les paramètres de calcul (retraités de 65 ans et plus, pension la plus faible...) servant à déterminer le montant des compensations versées ou reçues par les régimes en présence, sont tels qu'ils ne peuvent amener le moindre financement des acquis spécifiques des cheminots comme de tout autre régime d'ailleurs 1 ( * )6 .

Comme le montre le tableau ci-dessous, la compensation généralisée n'apporte financièrement que très peu au régime des cheminots, et ce malgré un déséquilibre démographique très important...

ANNEE

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2006

2007

2008

2009

2010

% des produits

3,12

3,73

1,07

2,50

1,20

0,26

0,17

0,26

0,24

0,32

0,06

La faiblesse de cet apport résulte des paramètres de calculs, et notamment de la 2 ème phase de calcul qui amène le régime des cheminots à contribuer pour les régimes de non salariés... ce qui réduit le montant de la compensation résultant de la 1 ère phase. Mais l'absence de connaissance des revenus réels des non salariés, n'est pas étrangère à cette situation...

Certes, à l'exception des professions libérales, les pensions perçues par les non salariés sont faibles, mais quel est leur véritable effort contributif comparativement à celui des salariés ? 1 ( * )7 Par contre, la compensation généralisée est particulièrement positive pour le régime des exploitants agricoles 1 ( * )8 , et pour le RSI (commerçants et artisans)... Comme l'ont souligné certains analystes, le véritable objectif de cette compensation n'était-il pas «de faire financer par les salariés le déficit des régimes de non salariés» ? 1 ( * )9

Enfin, il faut noter que le montant de la compensation généralisée vient réduire la contribution de l'Etat au régime de retraite de la SNCF, comme le confirme d'ailleurs le texte de l'article 30 du «cahier des charges» ci-après.

L'article 30 du Cahier des charges Etat-SNCF de 1983 reconduit le mécanisme financier mis en oeuvre en 1971 en application du Règlement européen de 1969

Après le changement de statut de l'entreprise SNCF, devenue un EPIC 2 ( * )0 suite à la LOTI 2 ( * )1 du 30 décembre 1982, un «cahier des charges» 2 ( * )2 a établi les relations financières entre l'Etat et la SNCF (article 28), relations concrétisées par un contrat de plan (article 29).

L'article 28 de ce «cahier des charges» prévoit que «le concours de l'Etat comprend (...) la contribution aux charges de retraite, versée au compte retraites».

L'article 30 de ce «cahier des charges» ci-après reconduit le principe de financement adopté en 1971 en application du Règlement européen de 1969. Il définit le calcul du montant de la contribution de l'Etat aux charges de retraites et des modalités de calcul de la contribution de la SNCF et des cheminots.

«Art.30 - Le versement de l'Etat au compte des retraites de la SNCF visé à l'article 28 est égal à la différence entre, d'une part, les charges de toutes natures, afférentes aux prestations de retraites de la SNCF, diminuées des produits du placement des fonds de la caisse des retraites, des dons et legs, et du produit des mécanismes de compensation inter-régimes institués par les lois et règlements en vigueur, d'autre part, le produit d'une cotisation normalisée (part patronale et part salariale).

Le taux de cette cotisation normalisée est déterminé, dans le contrat de plan, 2 ( * )

3

à partir du taux en vigueur dans les régimes de référence (régime général et régimes complémentaires obligatoires les plus généralement appliqués dans les entreprises de transport du secteur privé). Ce taux est majoré pour tenir compte des coûts supplémentaires correspondant aux avantages nets supplémentaires que le régime de la SNCF offre par rapport aux régimes de référence.

Ces avantages nets supplémentaires portent à la fois sur les différences réelles de prestations et sur les différences provenant des conditions d'âge associées à la liquidation des pensions. Le coût correspondant de ces avantages est évalué par différence sur une même population globale d'actifs et de retraités présentant des caractéristiques démographiques aussi proches que possible de celles des populations auxquelles s'appliquent les régimes de référence. Les nouveaux avantages propres au régime SNCF qui pourraient être créés par rapport à ces régimes de référence sont à la charge de l'établissement public et de ses salariés pour l'ensemble de leurs bénéficiaires.»

En clair, l'article 30 ci-dessus définit :

la contribution de l'Etat comme le résultat de la différence entre les charges totales de retraite du régime et l'ensemble des produits 2 ( * )4 (autres que la contribution de l'Etat) dont ceux résultant de la «cotisation normalisée» et de la compensation inter-régimes 2 ( * )5 (1 er alinéa) ;

la «cotisation normalisée» comme la clé de voute du mécanisme de financement puisqu'elle est l'addition :

- d'un taux de cotisation T1 (comprenant une part patronale et une part salariale) équivalent à celui des salariés du secteur privé (base + complémentaire)

- et d'un taux de cotisation supplémentaire T2 correspondant à la prise en charge des acquis spécifiques des cheminots en matière de retraite (2 ème et 3 ème alinéas) ;

le taux de la cotisation supplémentaire T3 destiné à financer les nouveaux avantages attribués dans la période qui sépare deux calculs du taux de la cotisation normalisée (dernière phrase du 3 ème alinéa).

Le contenu de cet article 30 montre que les cheminots se paient leurs acquis spécifiques au travers des taux T2 (et T3) et donc que la contribution de l'Etat ne prend en charge que les coûts du différentiel démographique entre les cheminots et les salariés du transport privé... après intervention des mécanismes de compensation inter-régimes !

Selon l'article 16 du contrat de plan 1990 - 1994, «la somme des cotisations sera égale à un pourcentage de la masse des salaires liquidables fixé, chaque année du contrat, à 36 % dont 27,1 % de cotisation patronale et 8,9 % de cotisation salariale». Ce taux de la cotisation normalisée a été modifié dès le 1 er février 1991 suite à la création de la CSG 2 ( * )6 .

Si ce taux n'a plus été modifié jusqu'en juillet 2007 2 ( * )7 , il faut cependant préciser que toutes les mesures supplémentaires prises en faveur des retraités à partir de 1991 ont donné lieu à une contribution complémentaire versée par la SNCF à la Caisse de retraites en application du dernier alinéa de l'article 30 du Cahier des charges.

En 2006, à partir du montant de cette contribution complémentaire, la direction SNCF a déterminé un taux T3 de 5,18 % qu'elle a fait apparaître sur les fiches de paie. Ainsi, en 2006, le taux global de la cotisation s'élevait à 41,47 %.

La «compensation spécifique entre régimes spéciaux» (1985) permet uniquement de réduire la contribution de l'Etat

Instituée par le gouvernement Fabius grâce à la loi de Finances du 30 décembre 1985, la «compensation spécifique entre régimes spéciaux» dite «surcompensation», n'a d'autre finalité que de réduire la contribution de l'Etat à quelques régimes spéciaux (SNCF, mines, marins...) en la transférant pour partie à la charge de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL) alors largement excédentaire.

Limitée aux seuls régimes spéciaux de plus de 5 000 ressortissants, la «surcompensation» est déterminée en appliquant les mêmes principes (régime unique fictif) que ceux mis en oeuvre pour la compensation généralisée , mais avec des paramètres différents (retraités de 60 ans et plus, prise en compte des réversions, pension moyenne, taux unique de cotisation, masse salariale liquidable). Son montant est limité et plafonné.

La loi Fillon du 21 août 2003 prévoit la réduction progressive des transferts résultant de la surcompensation et sa suppression au 1 er janvier 2012 2 ( * )8 .

LE FINANCEMENT ACTUEL DU REGIME DES CHEMINOTS

Le financement actuel du régime des cheminots qui résulte du changement du statut juridique de la Caisse de Prévoyance et de Retraite au 30 juin 2007, continue cependant de s'appuyer sur le règlement européen de 1969.

Le changement de statut juridique du régime SNCF au 30 juin 2007

En 2007, la SNCF (comme toutes les sociétés faisant appel public à l'épargne) a été soumise à l'application du règlement européen 2 ( * )9 substituant aux normes comptables nationales, les normes anglo-saxonnes IFRS 3 ( * )0 élaborées par un cabinet privé l'IASB 3 ( * )1 .

Les incidences financières de ce changement de normes comptables, et notamment celles de la norme IAS 19 qui a fait l'objet d'une «recommandation» du Conseil national de la comptabilité 3 ( * )2 , sont très importantes pour la SNCF et son régime spécial de retraites. En effet, cette norme IAS 19 indique les «avantages sociaux» nés d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un accord collectif ou d'un simple usage, accordés aux salariés ou ex-salariés d'une entreprise dont les engagements financiers postérieurs à l'emploi 3 ( * )3 sont à inscrire au passif du bilan annuel et à provisionner. La pratique de comptes sociaux en annexe au bilan de l'entreprise est désormais proscrite.

Cependant, en matière de retraite, la norme IAS 19 qui ne fait pas de différence entre régimes par répartition et régimes par capitalisation, distingue deux types de régimes :

les régimes dits «à cotisations définies» dans lesquels l'entreprise verse des cotisations à une entité distincte ayant l'autonomie financière et morale. Dans ce cas, l'entreprise verse une cotisation libératoire et n'a aucun engagement sur le niveau des prestations servies et sur l'équilibre financier du régime, donc elle n'a pas de provisionnement à effectuer ;

les régimes dits «à prestations définies» dans lesquels l'entreprise verse des cotisations à une entité distincte ou non, mais cette entité n'a pas la personnalité morale. Dans ce cas, l'entreprise est engagée sur les prestations et sur l'équilibre financier du régime. On dit qu'elle porte «le risque actuariel» , donc elle doit provisionner la totalité des engagements du régime.

Ainsi, à la SNCF, l'entité à laquelle sont versées les cotisations des cheminots, la caisse de retraites, a certes une autonomie financière, mais elle n'a pas de personnalité morale : c'est un service annexe de la SNCF. La cotisation n'est pas libératoire et l'entreprise est engagée sur les prestations servies et sur l'équilibre du régime de retraite. En application de la norme IAS 19, le régime spécial des cheminots est donc un régime «à prestations définies» .

Pour la SNCF, deux solutions sont possibles :

soit l'entreprise provisionne la totalité des engagements du régime de retraite, ce qui est totalement hors de ses possibilités financières, et donc elle fait apparaître un passif de 111 milliards d'euros 3 ( * )3 dans son bilan ;

soit l'entreprise donne la personnalité morale à la caisse des retraites qui devient autonome, et de ce fait la cotisation devient libératoire, et il n'y a pas de provisionnement à effectuer.

Au Conseil d'Administration de la SNCF du 20 décembre 2006, le commissaire du gouvernement opte pour la 2 ème solution : sortir les Caisses de Prévoyance et de Retraite (CPR) des comptes de la SNCF en leur donnant la personnalité morale et l'autonomie juridique.

Dans sa réponse au courrier de la Fédération CGT des cheminots 3 ( * )4 , le Premier Ministre Dominique de Villepin, réaffirme l'obligation légale pour la SNCF de présenter ses comptes aux normes IFRS, et confirme qu'il est indispensable d'isoler les engagements de retraite des comptes de la SNCF en donnant l'autonomie juridique à la CPR SNCF. Il d'engage à ce que les mesures arrêtées respectent une triple neutralité : sociale, comptable et budgétaire.

Après une audience le 7 février 2007, le Ministère des Transports s'est engagé par écrit sur :

- la garantie financière de l'Etat pour le régime sans que l'évolution se traduise par un adossement ;

- le maintien de la péréquation et des droits existants pour l'ensemble des cheminots ;

- le statut et la gestion de la caisse ;

- le maintien du statut de cheminot et des droits pour les personnels de la caisse.

Par le décret «caisse» n°2007-730 du 7 mai 2007, le gouvernement a donné la personnalité morale et l'autonomie aux Caisses de Prévoyance et de Retraite qui sont fusionnées pour donner la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF à compter du 30 juin 2007 3 ( * )5 .

L'article 1 er (point IV) de ce décret précise que «la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français est un organisme de sécurité sociale régi par le titre II du livre I er du code de la sécurité sociale, doté de la personnalité morale. Elle est chargée d'une mission de service public au profit des personnes mentionnées à l'article suivant» .

L'article 1 er (point III) de ce décret précise que la caisse sert «les pensions et prestations de retraite servies aux anciens agents du cadre permanent, définies par la loi du 21 juillet 2009 susvisée, par le règlement de retraites du personnel de la Société nationale des chemins de fer français et par le statut des retraités de la Société nationale des chemins de fer français.»

Ainsi, ce décret a donné l'autonomie juridique à la CPR, mais n'a modifié ni le Règlement des retraites, ni le Statut des retraités de la SNCF, les prestations servies sont restés identiques à celles existantes en janvier 2007 3 ( * )6 .

Le financement actuel du régime des cheminots

Suite au changement du statut juridique de la CPR, le financement du régime des cheminots a été modifié par le décret n°2007-1056 du 28 juin 2007. Ce financement, résulte comme précédemment du règlement (CEE) n°1192/69 du 26 juin 1969 et comprend donc une contribution de l'Etat au titre de la démographie.

L'article 1 (point I) de ce décret indique les ressources du régime qui «sont constituées par :

1° Le produit des cotisations dues par les agents du cadre permanent de la SNCF et par la SNCF ;

2° Le versement de l'Etat conformément à l'article 3 ;

3° Lorsque le régime spécial d'assurance vieillesse de la SNCF est bénéficiaire à la compensation prévue à l'article L 134-1 du code de la sécurité sociale, les versements opérés à ce titre par d'autres régimes ;

4° Les versements du fonds de solidarité vieillesse ;

5° Les versements du fonds spécial d'invalidité ;

6° Les produits financiers du placement des fonds et les revenus des valeurs du fonds de réserve du régime des retraites ;

7° Toute autre ressource affectée au régime de retraites, y compris les dons et les legs.»

L'article 2 de ce décret «ressources» indique :

au point I, que le taux de cotisation à la charge de la SNCF «est la somme de deux composantes, ci-après désignées T1 et T2.»

au point II, que «le taux T1 est déterminé chaque année afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, les montants qui seraient dus si ses salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire mentionnés à l'article L 921-4 du code de la sécurité sociale.

En cas de changement des taux de cotisation du régime général ou des régimes de retraite complémentaire (...), le taux global des cotisations à la charge de la SNCF et de ses salariés est modifié à due concurrence et avec la même date d'entrée en vigueur que celle du changement de taux dans les régimes de retraite mentionnés ci-dessus.»

aux points III et IV, que «le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial, y compris l'incidence du recours à des ressources non permanentes lié à l'obligation de verser les pensions aux bénéficiaires par terme à échoir. Ce taux est libératoire pour la SNCF.

Il est fixé à :

- 11,96 % pour l'année 2007 ;

- 12,27 % pour l'année 2008 ;

- 12,62 % pour l'année 2009 ;

- 12,73 % à compter de l'exercice 2010.

Après le 31 décembre 2010, le taux T2 évolue au 1 er janvier de chaque année comme le rapport, pour un salarié non cadre, entre le montant des cotisations d'assurance vieillesse assis sur le montant maximum des rémunérations ou gains à prendre en compte pour la fixation du montant des cotisations d'assurance vieillesse prévu par l'article D 242-16 du code de la sécurité sociale et ce montant maximum.

au point VI, que «le taux de la cotisation à la charge des agents du cadre permanent de la SNCF est fixé à 7,85 % de l'assiette définie au V ci-dessus.»

De cet article, il ressort que le principe du taux de la cotisation normalisée est quasiment reconduit puisque, d'une part le taux T1 correspond à ce que paieraient les cheminots s'ils étaient affiliés aux régimes des salariés du privé (base + complémentaire) ; d'autre part, que le taux T2 vise à prendre en charge le coût des droits spécifiques des cheminots. Ce taux a été recalculé en 2007 sous le contrôle du Ministère du Budget.

On notera que le taux T1 comporte une part patronale variable suivant les évolutions constatées dans les régimes des salariés du privé, et une part salariale fixée à 7,85 %.

L'article 3 de ce décret «ressources» indique que «le versement de L'Etat prévu au 2° du I de l'article 1 er assure l'équilibre financier entre les charges de toute nature et les autres recettes du régime de retraites.»

Pour être en conformité avec les normes comptables, le décret n° 2007-1051 du 28 juin 2007 a modifié l'article 28 du Cahier des charges Etat - SNCF et a abrogé l'article 30. La contribution de l'Etat n'est plus versée à la SNCF, mais directement à la CPR.

Compte tenu du calcul de la cotisation T1 et T2 de la SNCF et des cheminots, le versement de l'Etat à la CPR SNCF vise uniquement à prendre en charge le différentiel démographique entre le régime spécial et les régimes des salariés du privé.

* Cotisations des apprentis et contrats de professionnalisation prises en charge par l'Etat

Répartition des produits figurant au compte de résultat du régime de retraites des cheminots pour l'année 2009 :

Cotisations : 1 997,1 M€ soit 39,19 % des produits

Compensations : 158,6 M€ soit 3,11 % des produits

Contribution de l'Etat : 2 940,8 M€ soit 57,70 % des produits

Quelle évolution à venir pour la contribution de l'Etat ?

La contribution de l'Etat qui représentait 57,7 % des produits du régime en 2009, risque de s'accroître dans les années à venir en raison :

de la suppression de la surcompensation à compter du 1 er janvier 2012 ;

de l'évolution de la compensation généralisée suite à la dégradation démographique de bon nombre de régimes ;

de la dégradation du rapport démographique du régime des cheminots suite aux suppressions d'emplois à la SNCF.

des mesures concédées lors de la réforme des régimes spéciaux, mesures qui ne seront pas neutres financièrement...

Enfin, si la demande du Président Pépy, visant à réduire voire à supprimer le taux T2, était acceptée par le gouvernement, elle accroîtrait mécaniquement la contribution de l'Etat...

EVOLUTION DES EFFECTIFS COTISANTS

ET PENSIONNES

EVOLUTION DES PRODUITS DE LA CAISSE DES RETRAITES SNCF

(en % du total des produits)

REPARTITION

1969

1970

1974

1980

1983

1984 6)

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

COTIS. AGENTS

COTIS. SNCF

CONTRIB SUP (5)

CONTRIBUT. ETAT

COMPEN. CNAV (3)

SURCOMPENS. (4)

PRODUITS DIVERS

.

6,17

93,47

(1)(2)

-

-

0,36

6,16

35,15

58,39

-

-

0,30

6,23

35,85

54,54

3,12

-

0,26

5,88

35,91

54,28

3,73

-

0,20

5,85

36,00

55,53

2,46

-

0,16

6,77

27,78

63,72

1,60

-

0,13

6,72

27,64

62,40

1,07

2,03

0,14

6,91

26,89

53,94

1,30

10,54

0,41

7,20

26,04

49,05

2,30

14,64

0,77

7,10

25,57

48,07

2,85

15,14

1,28

7,92

25,37

53,05

1,91

9,87

1,88

7,90

23,72

0,09

55,42

2,50

10,23

0,24

6,73

25,04

0,41

56,01

2,06

9,61

0,55

6,68

25,30

0,80

52,20

2,13

12,76

0,93

6,55

25,13

1,61

48,57

1,58

16,32

1,75

6,59

24,91

1,34

49,82

1,27

15,94

1,47

6,65

24,76

1,60

48,93

1,20

16,75

1,71

TOTAL PRODUITS

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

REPARTITION

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

COTIS. AGENTS

COTIS. SNCF

CONTRIB SUP (5)

CONTRIBUT. ETAT

COMPEN. CNAV (3)

SURCOMPENS. (4)

PROD. DIVERS (7)

.

6,90

24,88

1,82

48,40

1,33

16,56

1,93

6,88

24,83

1,96

48,43

0,89

16,50

2,47

6,97

25,14

2,19

49,15

0,32

15,71

0,51

6,98

25,17

2,47

49,68

0,22

14,98

0,51

7,20

25,92

2,78

49,16

0,26

13,09

1,58

7,38

26,71

3,30

50,34

0,14

11,20

0,92

7,39

26,65

3,81

50,33

- 0,08

11,33

0,52

7,38

26,53

4,01

52,37

0,03

9,12

0,56

7,30

26,21

4,30

53,00

0,36

8,28

0,56

7,23

26,01

4,71

54,34

0,17

6,96

0,58

7,19

26,12

4,67

53,90

0,26

5,81

2,05

6,94

27,74

2,49

56,09

0,24

4,55

1,95

6,81

30,18

/

59,10

0,32

3,43

0,16

7,08

31,90

/

57,70

0,06

3,04

0,22

TOTAL PRODUITS

.

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

(1) L'Etat avait versé 1 094 MF à la SNCF (soit 31,19 % des produits) pour l'année 1969 ((remboursement des charges de retraite allouées aux agents non remplacés)

(2) Création du taux de cotisation normalisée à partir de 1970

(3) Compensation généralisée entre les régimes de base

(4) Surcompensation (compensation spécifique entre les régimes spéciaux d'assurance vieillesse)

(5) Contribution supplémentaire de la SNCF pour financement des avantages « nouveaux » (intégration de points d'IR, relèvement du minimum de pension, des primes de travail, nouvelle grille salariale...) accordés aux retraités.

(6) Application de l'art. 30 du nouveau Cahier des charges de la SNCF qui a amené une réduction de la contribution patronale de 37,1 à 29 % et augmenté celle de l'Etat.

(7) Jusqu'en 2007, ces produits incluent les revenus des immeubles, les produits financiers, les reprises sur provision et divers ; à partir de 2008, ne sont inclus que les produits de la cotisation de l'Etat pour les contrats d'apprentissage et de professionnalisation, ainsi que les produits du FSV et du FSI

CONTRIBUTION DU SYNDICAT « SOLIDAIRE, UNITAIRE ET DÉMOCRATIQUE » (SUD-RAIL)

Monsieur Le Sénateur Bertrand AUBAN

Rapporteur spécial Régimes sociaux et de retraite

15 rue de Vaugirard

75006 PARIS

Saint-Denis, le 10 mai 2010

Objet : Avis de la Fédération des syndicats SUD-Rail sur la réforme du régime spécial de prévoyance et de retraites des cheminots

Pour la Fédération des syndicats SUD-Rail, la contre-réforme du régime spécial de retraites des cheminots a spolié les personnels d'une partie du salaire socialisé qu'est la pension de retraites.

Pour rappel, lorsque le CNR (Conseil National de la Résistance) a mis en place un système généralisé de retraites en 1947, il avait gardé les régimes spéciaux pour qu'à terme, le régime général s'améliore jusqu'au niveau de ces régimes spéciaux. Aujourd'hui, la volonté est de "détricoter" les acquis issus du CNR et des combats des salariés. Il s'agit de réduire les pensions de tous les salariés par quelques moyens que ce soit.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de préciser que le calcul, à ce jour inchangé, de la part liquidable sur les 6 derniers mois n'est pas un privilège contrairement à la doxa libérale. Il convient de rappeler que, pour le calcul du salaire liquidable, :

n'est pris en compte qu'une partie du salaire, 88% (traitement et prime de travail, mais pas l'indemnité de résidence),

n'entre pas en ligne de compte les primes et les éléments variables de solde (par exemple : les déplacements, l'astreinte etc.).

Pour le financement des retraites des cheminots, il convient de rappeler quelques faits :

En 1974, l'Etat a mis en place une solidarité entre tous les régimes, comme toutes les professions à forte baisse d'effectifs, la SNCF bénéficie d'une solidarité partielle. En 1986, est mise en place la même compensation mais entre régime spéciaux (la surcompensation).

Lors de la création de l'EPIC SNCF en 1983, l'Etat prend en charge le surcoût lié au déséquilibre démographique puisqu'il imposait les effectifs de la SNCF et a créé un déséquilibre important. S'il ne le payait pas, ce serait le régime général qui le verserait.

À la SNCF, les cotisations salariales et patronales financent les particularités liées au régime spécial de retraite Les cotisations SNCF sont fixées par décret après discussions entre gouvernement et SNCF. Elles se composent de 30,34% pour la part correspondant à ce que le cheminot devrait payer s'il était au régime général, et de 11,96% pour les « avantages spécifiques ».Les salarié-e-s, sur la base du travail produit, financent les particularités de leur régime de retraite, malgré un niveau global de rémunération moins élevé que dans les autres champs professionnels.

Ces cotisations sont d'environ 12% plus élevées que celles du privé. Mais, malgré cela, les pensions des cheminots ne sont pas élevées. La pension moyenne était en 2008 46 ( * ) de 1 787,50€ brut par MAIS, la moitié des pensionnés touchaient moins de 1 549€ et un quart moins de 1 252,50€. La moitié des ayants droit touchant la pension de réversion reçoivent moins de 635,80€.

À l'âge d'ouverture des droits (50 ou 55 ans), en 2019, avec la contre-réforme, la moitié des pensions seraient peu supérieures au minimum de pension (environ 1 150€ brut en 2008).

Avant la contre-réforme de 2007, le pourcentage de salaire liquidable par trimestre validé était de 0,5%, après le passage à 41 ans, il sera de 0,4573%. Un agent sédentaire ayant travaillé 33ans (à l'âge de 55 ans), avant 2008, touchait 66% du salaire liquidable. En 2019, le même agent s'il part à l'âge d'ouverture des droits (55 ans) perdra plus de 20% de sa pension (trimestre validé moins important et décote) ou devra travailler 3,5 ans (âge pivot annulant la décote pour 41 ans) de plus pour ne pas subir de décote et touchera 66,7% de son salaire liquidable. C'est travailler plus pour gagner autant.

Pour les conducteurs de trains (ADC), la potion est encore plus amère. Les ADC embauchés avant le 31 décembre 2008 gardent le bénéfice de leurs bonifications (5 ans pour 20 ans de conduite sachant que ce décompte est activé après 3 ans de conduite à raison d'un trimestre par an) donc un agent ayant conduit pendant 28 ans (+ 5 ans de bonifications) aura les mêmes inconvénients que dans l'exemple ci-dessus.

Par contre, pour les conducteurs de trains embauchés à partir du 1 er janvier 2009, les bonifications qui compensaient la pénibilité du travail des ADC, disparaissent. Si l'ADC a travaillé 28 ans et veut partir à l'âge d'ouverture des droits (50 ans), il perd 35% environ de sa pension. S'il part à l'âge pivot (53,5 ans pour 41 ans), il perdra les 5 ans de bonification et donc touchera une retraite inférieure (57,6% du salaire liquidable au lieu de 66,7%).

Les effets de cette spoliation ne s'arrêtent pas là.

Au terme des pseudos négociations (mi 2008), 77 métiers étaient reconnus à pénibilité avérée à la SNCF. Or, le décret les reprenant, sorti avant la fin des négociations n'en reprend que 58. Cela a des incidences sur le calcul du salaire liquidable. Pour les 19 métiers non repris au décret, les agents bénéficient en activité de l'augmentation de la prime de travail (10€ pour 20 ans et 25€ pour 25 ans) ; mais pour le calcul du salaire liquidable, cette augmentation n'est pas reprise et cela diminue encore la pension.

Avant 1978, les ex-apprentis et élèves (entrés à la SNCF avant 18 ans) étaient versés au régime général. En 1978 le gouvernement BARRE faisait un cadeau (parmi d'autres) au patronat en prenant à sa charge les cotisations retraite des apprentis. Par contre dans le même temps, pour limiter la dépense induite ce gouvernement changeait le mode de calcul de l'assiette de cotisation qui ne prenait plus en compte les salaires réels versés aux apprentis et la prime semestrielle mais un minimum forfaitaire correspondant à un pourcentage du SMIC prévu par le code du travail mais en amputant arbitrairement celui de 11%.

La mise en oeuvre a été source d'un certain nombre d'erreurs constatées suite à la contre-réforme (puisque maintenant, les trimestres d'apprentissage sont pris en compte) qu'il devrait être facile de rectifier.

Les femmes agents ne bénéficiaient pas avant la contre-réforme des trimestres alloués pour les enfants. Dans sa magnanimité, la SNCF leur a accordé 2 trimestres (contre 8 dans le privé). Cette magnanimité a spolié les femmes polypensionnées qui, la SNCF ne donnant rien, bénéficiaient des 8 trimestres qui, maintenant, sont réduits à 2 (perte de 6 trimestres).

Ces anomalies ont fait l'objet de courrier aux différents ministères en décembre 2009. À ce jour la Fédération des syndicats SUD-Rail attend toujours une réponse.

En dernier lieu, la Fédération des syndicats SUD-Rail s'interroge sur les possibilités de reclassement des salarié-e-s soumis à des métiers à pénibilité avérée ou aux 3X8 en fin de carrière. En effet, la restructuration de l'entreprise par activité a déjà soumis au reclassement quelques milliers d'agents dont certains sont toujours en recherche de poste. Il n'est pas par ailleurs certain qu'une reconversion non anticipée sur le long terme permette des changements sans souffrance pour les salariés.

La mise en place des Espaces Mobilité Emploi et de l'Espace Développement Cadres, sorte de Pôle Emploi interne aux conditions drastiques (durée, postes proposés) ainsi que la réglementation concernant les reclassements, l'inaptitude et le handicap dont les modalités sont en cours de discussion mettent en place une "machine à éjecter" les cheminots. Pour les plus anciens, ne pouvant plus assurer leur métier devenu trop pénible soumis à des troubles squelettomusculaires, s'ajoutera un fort risque de troubles psychosociaux et un départ qui risque fort d'amputer sérieusement leurs pensions.

Pour la Fédération des syndicats SUD-Rail, comme pour l'Union Syndicale Solidaires, il est inadmissible que les salariés soient spoliés de la richesse qu'ils produisent.

Une plus juste répartition des richesses (la part de la rémunération du travail a perdu plus de 9 points ces 20 dernières années dans le PIB au profit de la rémunération du capital et des placements financiers),

une suppression des exonérations de taxe qui profitent aux employeurs et actionnaires (l'ACOSS l'a estimée à 31 milliards d'euros en 2009),

une fiscalité intégrant les revenus financiers,

permettraient de réduire les soi-disant déficits mis sur le devant de la scène pour entraîner un sentiment de panique et d'adhésion à une régression sociale.

La fédération SUD-Rail considère que, toute nouvelle mesure d'alignement avec le privé serait un renforcement du dumping social s'exerçant via la partie socialisée des salaires.

CONTRIBUTION DE L'UNION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES (UNSA CHEMINOTS)

Audition UNSA par le commission des finances du SENAT

Régimes Spéciaux : SNCF

Date: Le 4 mai 2010

Participants :

Jean Daniel BIGARNE : Secrétaire général de l'UNSA-Cheminot

Eric TOURNEBOEUF : Secrétaire général de l'UNSA-Transport, administrateur de la SNCF

Monsieur le Sénateur,

Nous vous remercions de bien vouloir recevoir l'UNSA, deuxième organisation syndicale de la SNCF, deux ans après le début de la mise en oeuvre de la réforme des régimes spéciaux de 2007. Cette réforme est entrée en application depuis le 1er juillet 2008 et son déploiement durera jusqu'au 1er juillet 2018, si la durée de cotisation pour bénéficier du taux plein de 75 % reste de 41 ans. Dans le cas contraire, son déploiement se poursuivra sur les années suivantes notamment en ce qui concerne la valeur des annuités et la décote.

Pour le moment, et jusqu'au 1er juillet 2010, l'age pivot reste à 55 ans, les cheminots ne sont pas encore affectés par la décote. Seule la valeur des annuités a baissée de 2% pour 37,5 ans à 1,948% correspondant à une durée de cotisation de 38,5 ans. Cette valeur baissera jusqu'à 1,829 % pour 41 ans de cotisation à compter du 1er juillet 2016. A cette date, les pensions des cheminots qui n'auraient pas les annuités nécessaires pourraient être amputées de 10,5 % supplémentaire. Ce taux étant porté à 17,5 % à compter du 1er juillet 2018 si la durée de cotisation reste de 41 ans. Tout cela pour dire que l'on en est qu'au tout début du processus de dégradation des pensions des cheminots retraités.

Aussi, à ce niveau de notre intervention, il nous semble utile de regarder la situation actuelle des pensionnés de la SNCF. Pour cela, nous vous proposons d'étudier le rapport de la CPR SNCF pour l'année 2008, année peu impactée par la réforme. Au 31/12/2008, le constat, en se bornant à la situation des pensions directes, est assez saisissant : 1 pensionné sur 4 touche moins de 15 000 € par an (1250€ brut par mois) et 1 nouveau pensionné sur 4 moins de 22 000€ par an (1830€ brut par mois). La moitié des pensions sont inférieures à 1540 € par mois. Pour l'UNSA, ces chiffres démontrent largement que la tentative de faire passer les cheminots pour des nantis dans le discours du gouvernement ou de certains responsables politiques est une forfaiture. Plus encore, ce constat ne peut que se dégrader dans les prochaines années avec les conséquences de la réforme en cours.

Cette dégradation sans précèdent du régime spécial des cheminots va-t-elle profiter financièrement à l'État ? C'est, me semble-t-il, la question naturelle qui se pose au rapporteur de votre commission des finances. Pour l'UNSA, rien n'est moins sur.

Il est probable que les dépenses liées au versement des pensions vont être réduites par la baisse de ces dernières. Mais cette baisse risque de s'accompagner d'une baisse encore plus rapide des recettes de cotisations. Le financement du régime spécial des cheminots étant équilibré par le versement par l'État d'une contribution au titre du déclin démographique, il est probable que cette dernière augmente dans les prochaines années.

En effet, cette tendance à la baisse du nombre de cotisants est historique et durable. Pour l'illustrer, souvenons nous qu'il y avait 378 000 cotisants en 1955. Il en restait 244 000 vingt ans plus tard en 1985. Il n'y en a moins de 155 000 aujourd'hui. Pour l'UNSA, au delà des questions que cela soulèvent au niveau de la qualité du service public ferroviaire et des conditions de travail des cheminots, cette politique de réduction des effectifs pose, à terme, la question du financement d'un régime qui compte plus de 300 000 pensionnés.

Ce déclin démographique pourrait même s'accélérer du fait de la dégradation du régime de retraite rendant le statut de cheminot de la SNCF encore moins attractif. Dans une période où le ferroviaire est entré dans une phase de libéralisation de l'ensemble de ces marchés, la baisse des effectifs à statut pourrait connaître une accélération importante du fait de la perte de part de marché de la SNCF ou de son choix de recourir à des filiales de droit commun pour résister à la concurrence. Par ailleurs, la part T2 de la cotisation employeur payée par la SNCF se justifiera de moins en moins du fait de la convergence des régimes et de la distorsion de concurrence qu'elle génère par des taux de charges de personnel différent sur un marché ouvert à la concurrence comme cela est déjà le cas pour le fret ferroviaire.

Par ailleurs, et pour en finir avec l'impact de la réforme de 2007, l'UNSA tient à signaler que la suppression dans le règlement de la caisse de retraite de la possibilité de mettre en retraite d'office à 55 ans ( ou 50 ans pour les Agents de conduite) des cheminots ayant accomplis 25 années de service pose des problèmes multiples à la SNCF tant financiers que d'organisation notamment en termes de GPEC. Pour l'UNSA, la suppression de cette mesure est inéluctable dès lors que la loi introduit le principe de la décote. Nous l'avons d'ailleurs exigé lors des rencontres avec le Ministre du Travail lors des consultations préalables à la réforme. La double peine est déjà insupportable, la triple peine aurait probablement ouvert la voie à un recours en justice contre la loi. La conséquence de la réforme sur les comptes de la SNCF est donc non négligeable et se chiffre à plusieurs points de masse salariale. Par ailleurs, le non départ d'un certain nombre de cheminots fait peser un risque supplémentaire de blocage de la promotion interne et en parallèle de la mobilité des personnels avec une dégradation sensible du climat social.

Voilà, Monsieur le Sénateur, ce que l'UNSA voulait vous faire toucher du doigt dans ce constat de la réforme de 2007. Nous restons à votre disposition pour poursuivre ce débat si vous le souhaitez.


* 1 Les vingt-et-un régimes de base sont regroupés au sein du GIP Info Retraite : régime général (salariés du privé non agricole - CNAV), MSA salariés (salariés agricoles), MSA non-salariés (non-salariés agricoles), régimes des fonctionnaires civils et militaires, FSPOEIE (ouvriers des établissements industriels de l'État), CNRACL (collectivités locales), régimes des mines, CNIEG (industries électriques et gazières), SNCF, RATP, ENIM (marins), CRPCEN (clercs et employés de notaires), CAVIMAC (cultes), Banque de France, Opéra de Paris, Comédie française, RSI (artisans et commerçants), CNAVPL (professions libérales), CIPAV (architectes et autres professions libérales), CNBF (avocats), Port autonome de Strasbourg. A ces vingt-et-un régimes s'ajoutent un certain nombre de régimes regroupant un nombre limité d'assurés - dont de nombreux régimes « fermés » et des régimes « locaux » (Alsace-Lorraine notamment).

* 2 La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit un allongement de la durée de cotisation, soit 40 ans en 2008 pour les fonctionnaires ainsi alignés, sur ce point, sur le régime général. Il a également été prévu que la durée de cotisation s'allonge progressivement pour l'ensemble des actifs à 41 ans en 2012.

* 3 Cf. annexe III « Evolution des comptes sur la période 1995-2009 ».

* 4 Ont été auditionnés par le rapporteur spécial les quatre syndicats de la SNCF considérés comme représentatifs au niveau national à la suite des élections professionnelles du 26 mars 2009 (CGT 39,3 % ; UNSA 18,05 % ; Sud Rail 17,67 % et CFDT 11,59 %), les autres organisations n'ayant pas atteint le seuil de 10 %.

* 5 Rapport n° 452 (2007-2008) « La caisse de retraite du personnel de la RATP : comment maîtriser le financement du régime spécial de la RATP ».

* 6 Les normes de comptabilité internationale IAS / IFRS ( International Accounting Standards / International Financial Reporting Standard ou Normes Internationales d'Information Financière ) ont pour but d'établir un corpus de normes comptables destiné aux grandes entreprises internationales. Le règlement CE 1606/2002 de l'Union européenne a imposé à toutes les sociétés cotées publiant des comptes consolidées d'établir des états financiers dès le 1 er janvier 2005 en I.A.S./I.F.R.S.

* 7 Le taux T1 représente le taux de cotisation qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes complémentaires, déduction faite du montant des cotisations salariales.

* 8 Le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des avantages spécifiques de retraite du régime spécial.

* 9 En ce qui concerne le financement spécifique du régime spécial de la SNCF, l'Etat a pris en charge, à partir de 1952, l'incidence financière du déséquilibre démographique du régime, et depuis 1971, en vertu du règlement européen n°1192/69, il garantit son équilibre financier en contrepartie des cotisations versées par la SNCF. Cette garantie a été inscrite dans le décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la CPRPSNCF précité.

* 10 Données 2009.

* 11 L'imprimerie nationale est une société anonyme, à capitaux publics, depuis le 1 er janvier 1994. Parmi environ 550 salariés, moins de 20 sont actuellement fonctionnaires.

* 12 Un tableau établi par la CPRPSNCF présente, en annexe II, un comparatif des droits à pensions et modalités de liquidation avec ceux du régime général et de la fonction publique.

* 13 L'analyse qui suit vaut pour l'ensemble des régimes spéciaux. L'objet de la réforme de 2008 était, en effet, d'introduire des dispositions analogues à celles adoptées pour les régimes de la fonction publique en 2003 avec, sauf exception, un décalage de calendrier de 4 ans et demi (la réforme est entrée en vigueur au 1 er juillet 2008, alors que celle de la fonction publique était d'application au 1 er janvier 2004).

* 14 Réponse au questionnaire budgétaire du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

* 15 Outre l'évolution de l'âge de départ en retraite, le modèle de projection fait appel à de nombreux paramètres (nombre de cotisants, flux de sorties et d'entrées, montant du salaire moyen et glissement vieillesse technicité - GVT -, taux de cotisation, etc.) exposé en annexe IV dans un document de la CPRPSNCF d'août 2010 « Perspectives démographiques et financières du régime de retraite à moyen et long termes ».

* 16 Le rapport démographique pondéré est le quotient cotisants / retraités dans lequel le nombre de retraités est la somme du nombre de retraités directs et de la moitié du nombre de réversions puisque le taux de réversion est de 50%.

* 17 Par ailleurs, le chiffrage de la dotation pour 2010, présenté dans le tableau, ne correspond pas au montant voté en loi de finances initiale pour 2010.

* 18 C'est pourquoi, outre les chiffrages issus du MEEDDM et repris dans le présent rapport, votre rapporteur spécial a jugé utile de joindre, ci-après en annexe IV, le document établi par la CPRPSNCF en août 2010 « Perspectives démographiques et financières du régime de retraite à moyen et long termes ».

* 19 Sur ce point, les chiffrages fournis par le MEEDDM ont repris à l'identique les calculs effectués par la CPRPSNCF.

* 20 Rapport spécial n° 101 (2009-2010) - tome III - annexes 24.

* 21 Dans sa réponse de septembre 2010, la direction des ressources humaine de la SNCF précise qu'il s'agit d'une « tentative de projection » réalisée sans prendre en compte les mesures salariales annuelles et le GVT positif pour les rémunérations individuelles. Pour la plupart des items, elle résulte d'un certain nombre d'hypothèses relatives au comportement des agents.

* 22 Le coût des mesures d'accompagnement pour la SNCF intègre les charges sociales patronales.

* 23 La SNCF a procédé à un calcul sur l'ensemble de l'entreprise, avec le concours d'un cabinet externe d'actuaires pour ce qui concerne l'effet démographique, basé sur le fichier complet des 160 000 agents présents à la fin 2007, et sur les départs en retraite effectivement constatés en 2008 et 2009. C'est la raison pour laquelle le chiffrage est présenté en euros 2007 et que les montants présentés au titre des « autres conséquences », qui correspondent aux mesures salariales d'accompagnement, diffèrent insensiblement de ceux présentés dans le tableau précédent.

* 24 Plusieurs articles de la presse quotidienne nationale ont relaté le refus des régions de se voir imputer le coût de la réforme du financement des retraites des cheminots, notamment Le Figaro « Les régions refusent de payer les retraites des cheminots » (4 juin 2010) et Les Echos « Les régions prêtes à dénoncer les conventions TER avec la SNCF » (20 septembre 2010).

* 25 Selon la SNCF, à la différence des entreprises du secteur privé, dans lesquelles l'incidence des réformes des retraites sur l'âge de sortie d'activité est amorti par les dispositifs sociaux (chômage de fin de carrière et préretraites), la cessation d'activité à la SNCF est étroitement liée au départ en retraite et à la liquidation de la pension : tout recul de l'âge de la retraite implique immédiatement un allongement équivalent de la durée d'activité, donc une augmentation de l'âge moyen des emplois, avec ses conséquences sur la masse salariale.

* 26 En effet, dans une entreprise intégrée comme la SNCF, une grande partie des personnels ne sont pas affectés à une seule activité, mais contribuent à la production de plusieurs d'entre elles. Une faible proportion d'agents SNCF est notamment affectée directement aux activités TER (4 500 agents sur 160 000, soit 2,8% en nombre et 3,1% en masse). Le poids salarial global de la production provient donc, non seulement du personnel directement affecté, mais aussi de la part salariale dans le coût des unités d'oeuvre facturées par les autres domaines de la SNCF (traction, matériel, contrôleurs, etc.).

* 27 Le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, qui est entré en vigueur le 1 er juillet 2008, comprend deux articles concernant la situation des apprentis au sein du régime spécial de la SNCF.

* 28 En application de l'article 2 du décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 relatif à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, dans sa version modifiée par le décret du 30 juin 2008, les personnes ayant conclu un contrat d'apprentissage ou un contrat de professionnalisation après le 30 juin 2008, sont affiliés à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF. Il en est de même des personnes dont le contrat était en cours au 1 er juillet 2008 en application de l'article 35-IV du décret du 30 juin 2008.

* 29 Cette majoration salariale exceptionnelle de traitement est attribuée par la SNCF qui communique à la caisse, au moment de la liquidation de la pension de l'agent, le nombre de trimestres d'apprentissage. Ainsi les trimestres retenus au titre des périodes d'apprentissage permettent d'augmenter la rémunération de base, élément de calcul de la pension SNCF. Les trimestres d'apprentissage sont susceptibles de valider des trimestres auprès du régime général de sécurité sociale. Ils sont donc pris en compte dans la durée d'assurance tous régimes confondus permettant le calcul de la décote applicable depuis le 1 er juillet 2010, dès lors que huit trimestres d'apprentissage peuvent être pris en compte pour réduire ou annuler la décote. Mais le changement d'assiette de cotisation issu de la réforme pénalise fortement les périodes d'apprentissage effectuées à partir de 1978, car les nouvelles mesures de forfaitisation ne permettent plus aux apprentis de pouvoir valider la totalité des huit trimestres nécessaires.

* 30 Les fédérations syndicales des cheminots ont écrit en ce sens, le 15 juillet 2010, au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

* 31 La COG 2010 - 2013 précise que « Ce transfert est souhaitable en vue d'améliorer le service à ce type d'assurés, du fait de la difficulté technique de garantir une bonne coordination entre la CNAV et la caisse. L'impact de cette évolution sur l'équilibre économique de la caisse devra faire l'objet d'un avenant budgétaire à la convention d'objectifs et de gestion ».

* 32 Le document d'orientation du Gouvernement publié le 16 mai dernier a précisé que « en ce qui concerne les régimes spéciaux, ces évolutions s'appliqueront dans le respect du calendrier de mise en oeuvre de la réforme de 2007 ».

* 33 Néanmoins, certaines dispositions prévues dans le projet de loi pourront s'appliquer, lorsque la loi portant réforme des retraites sera promulguée. Il s'agit notamment des dispositions prévues notamment dans le titre 1 er du projet de loi « Dispositions générales » :

- l'entretien d'information à partir de 45 ans, puis tous les cinq ans ;

- la participation au répertoire de gestion des carrières unique ;

- la mensualisation de la pension à la demande des assurés.

* 34 On rappelle que les nouvelles normes comptables internationales IAS-IFRS précitées qui s'appliquent aux comptes consolidés dès 2007 pour les entreprises qui ont recours à l'épargne, imposent de provisionner les engagements de retraite qui sont à leur charge.

* 35 Rapport spécial n° 91 - tome III - annexe 24 (2007-2008) « Régimes sociaux et de retraite, Compte spécial pensions ».

* 36 Rapport n° 452 (2007-2008) « La caisse de retraite du personnel de la RATP : comment maîtriser le financement du régime spécial de la RATP ».

* 37 Rapport spécial n° 101 - tome III - annexe 24 (2009-2010) « Régimes sociaux et de retraite, Compte spécial pensions ».

* 38 Le taux de cotisation vieillesse employeur est dans le même temps passé de 15,34 % à 18 %.

* 39 Audition par votre commission des finances le 3 juillet 2008 dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes pour 2007.

* 40 La Commission européenne a notifié le 13 juillet 2009 cette décision aux autorités françaises : la création de la Caisse de Retraite du Personnel de la RATP (CRPRATP) constitue une aide compatible avec les règles communautaires sous condition que la réforme du régime spécial de retraite de la RATP soit entièrement mise en oeuvre.

* 41 En application du décret n°2008-640 du 30 juin 2008, sont également affiliés à ce régime «les personnes ayant conclu après le 30 juin 2008 avec la SNCF un contrat d'apprentissage prévu à l'article L 6221-1 du code du travail ou un contrat de professionnalisation prévu à l'article L 6325-1 du même code».

* 42 Décret n°2007-730.

* 43 A noter que, comme le souligne la direction SNCF dans des notes du 22 mars 2001 et 19 février 2003, «l'existence d'un régime spécial pour les cheminots trouve ses fondements dans la spécificité des tâches, les contraintes de continuité du service public, les responsabilités liées à la sécurité des circulations». Et parmi ces contraintes, elle cite les horaires décalés, les découchés, le travail de nuit et de week-end, les astreintes, la mobilité, etc...

* 44 Avec la création de cotisations prélevées sur le salaire, on assiste à la naissance d'une rémunération de la force de travail binôme comportant une part versée directement au salarié (le salaire net) et une part versée aux caisses de protection sociale (salaire indirect). Le fait que le salaire indirect comporte une part dite «cotisations ouvrières» et une part dite «cotisations patronales» n'a d'autre objectif que de permettre au patronat de réduire le salaire direct, et surtout de justifier sa main mise sur la gestion des caisses sociales... alors que cet argent appartient aux salariés !

* 45 Principe du «traitement continué» mis en oeuvre dans le régime des fonctionnaires civils suite à la loi du 9 juin 1853.

* 6 Les prix ont été multiplié par 5,7 entre 1909 et 1933 : 1 F de 1909 ne valait plus réellement que 17,6 centimes en 1933 !

* 7 En fait il s'agit d'un régime mixte de capitalisation et de répartition, mais dans lequel l'apport de la capitalisation va se réduire très rapidement.

* 8 Après la Deuxième guerre mondiale, suite aux suppressions massives d'emplois résultant d'une politique des transports particulièrement favorable aux transports routiers, ce mécanisme va cependant s'avérer redoutable pour la SNCF.

* 9 La SNCF est une société anonyme créée pour 45 ans et dans laquelle l'Etat détient 51 % contre 49 % aux anciennes compagnies.

* 10 Pondéré pour tenir compte que la réversion ne représente que 50 % de la pension directe.

* 11 Cependant, c'est en 1927, avec un effectif de 466 800 que le nombre de cotisants a été le plus élevé.

* 12 La péréquation consiste à indexer la pension liquidée sur l'évolution du salaire comptant pour la retraite d'un agent en activité de même situation administrative (position hiérarchique, ancienneté et grade identiques). Ce mécanisme qui est semblable à celui mis en oeuvre dans la fonction publique suite à la loi du 20 septembre 1948, ramène le calcul du salaire de base de la pension sur les 6 derniers mois de la carrière au lieu des 3 meilleures années.

* 13 La fermeture d'un régime aux nouveaux embauchés de l'entreprise conduit, à long terme (à l'extinction naturelle des derniers retraités), à la disparition du régime. C'est ce qui a été fait en 1954 pour la CAMR, le régime des chemins de fer secondaires. A noter qu'il existe encore plus d'une centaine de régimes spéciaux fermés en voie d'extinction.

* 14 Cette loi a été complétée par le décret n°75-773 du 21 août 1975 et inscrite dans le Code de la sécurité sociale aux articles L 134-1 à L 134-15 et D 134-1 à D 134-46.

* 15 En 2002, le gouvernement Raffarin a intégré les chômeurs dans les effectifs cotisants du régime général (CNAV) au prétexte que le FSV (Fonds de solidarité vieillesse) lui versait une cotisation retraite. Cette mesure a eu pour effet d'accroître le montant de la compensation généralisée versée par la CNAV.

* 16 Comme les retraités pris en compte sont ceux âgés d'au moins 65 ans, les cheminots retraités ayant entre 50 et 65 ans n'entrent pas dans le calcul et restent donc à la charge du régime spécial. Le montant de la pension retenu correspond à la pension la plus basse des régimes en présence : ce n'est jamais celle de la SNCF, mais celle des salariés agricoles (1 ère phase de calcul) et celle des commerçants ou des exploitants agricoles (2 ème phase de calcul). Les pensions de réversion sont ignorées, alors qu'une des caractéristiques du régime des cheminots réside dans le nombre important de réversions du fait que la SNCF est une entreprise à dominante masculine (18 % de femmes actuellement) comme c'est le cas pour les mineurs ou les marins.

* 17 Peu d'études ont été réalisées sur cette question... Cependant le Livre blanc sur les retraites de 1991 montre clairement que l'effort contributif des non salariés est largement inférieur à celui des salariés du privé et, à fortiori, à celui des salariés des régimes spéciaux. Dans ces conditions, l'utilisation des pensions perçues par les non salariés dans le cadre du calcul de la compensation généralisée ne peut qu'être sujette à caution.

* 18 Pour l'année 2008 (derniers chiffres définitifs publiés au JO du 17 décembre 2009), le régime des exploitants agricoles a reçu 4,1 Mds€ soit 50,65 % du montant total de la compensation (16,47 % pour le RSI) contre 0,13 % au régime SNCF.

* 19 En 2008, la compensation généralisée est financée à 93,5 % par les régimes de salariés, et est perçue à 67,1 % par les régimes de non salariés (à noter que les régimes agricoles reçoivent 78,4 % du montant de la compensation généralisée).

* 20 ) Au 1 er janvier 2003, la SNCF devient un Etablissement public industriel et commercial (EPIC) qui se substitue à la société anonyme issue de la Convention de 1937.

* 21 Loi d'Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) n°82-1153 du 30 décembre 1982

* 22 Décret n°83-817 du 13 septembre 1983.

* 23 Suite à la modification de l'article 30 du Cahier des charges par le décret n°99-11 du 1 er janvier 1999, le taux de cotisation normalisée peut être révisé par simple décret... du fait de l'absence de contrat de plan depuis 1995 !

* 24 Avec la loi de Financement de la sécurité sociale 2006, le gouvernement De Villepin impose à la Caisse de retraites SNCF de vendre son patrimoine immobilier afin de réduire la contribution de l'Etat en 2006.

* 25 Il en sera de même à partir de 1985 suite à la création de la compensation spécifique entre régimes spéciaux (surcompensation).

* 26 En fait ce taux ne sera appliqué qu'un seul mois, puisqu'il sera modifié à la suite de la création de la CSG à compter du 1 er février 1991 où il passe à 36,29 % (la part patronale est augmentée de 1,34 % en contrepartie d'une baisse de la cotisation familiale de 1,6 % et la part salariale est ramenée à 7,85 % en contrepartie d'une CSG au taux de 1,1 % et d'une ristourne de 42 F supprimée à partir du 1 er septembre 1995).

* 27 Lors du changement de statut de la CPR, un nouveau taux de cotisation normalisé a été calculé.

* 28 Le décret n°2009-1750 du 30 décembre 2009 a fixé le taux à 8 % pour 2010 et à 4 % pour 2011. Il a de plus entérimé la disparition de compensation spécifique au 1 er janvier 2012.

* 29 Règlement CEE n°1606/2002 du 19 juillet 2002 applicables aux sociétés cotées en Bourse en 2005, et aux sociétés faisant appel public à l'épargne au 1 er janvier 2007.

* 30 International Financial Reporting Standard (IFRS).

* 31 L' International Accouting Standarts Board (IASB) est une société privée implantée à Londres dont les membres sont nommés par un conseil d'administration situé aux Etats-Unis, dans l'Etat du Delaware.

* 32 Recommandation du Conseil national de la comptabilité n°2003-R01 du 1 er avril 2003.

* 33 Tous les engagements pris envers les futurs retraités et les retraités (retraite et prévoyance) sont à provisionner.

* 33 Auxquels il faut ajouter 3 milliards d'euros au titre de la Caisse de Prévoyance.

* 34 Bien qu'opposé aux normes comptables IFRS, la CGT a rejeté toute solution compromettant l'existence du régime spécial (ce qui était le cas en laissant apparaître 114 milliards au passif de l'entreprise), et elle ne s'est pas opposé à la création d'une caisse autonome sous réserve que les droits des cheminots actifs et retraités soient totalement préservés.

* 35 Ce décret a modifié aussi la gestion de la CPR qui comporte 5 sections comptables distinctes : régime de retraites, régime de prévoyance, mandat de gestion pour la SNCF (prestations sociales annexes), mandat de gestion pour l'Etat (anciens agents d'Afrique du Nord), gestion administrative. Un conseil d'administration paritaire est institué et pour la 1 ère fois historiquement, les 2 représentants des retraités sont élus directement par les retraités.

* 36 Le décret n°2008-640 du 30 juin 2008 modifie l'article 1 er du décret caisse du 7 mai 2007 pour tenir compte de la réforme des régimes spéciaux contenue dans le décret n°2008-639 du 30 juin 2008.

* 46 Chiffre clés CPRP 2008

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