III. VERS UN GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN ?

La crise à laquelle ont dû faire face l'Union européenne et la zone euro n'était pas seulement économique. Elle était aussi politique . Elle a souligné l'absence de mécanismes de surveillance crédibles, démontré l'échec de la stratégie, non financée, arrêtée pour améliorer la compétitivité européenne et révélé le manque de capacité de réaction rapide et de solidarité en Europe. Elle a aussi montré l'absence de liens avec la gestion économique conjoncturelle.

Au-delà des mesures d'urgence, concernant d'abord la Grèce puis l'ensemble de la zone euro, l'Union européenne cherche à tirer les leçons de la crise et à pallier le caractère incomplet de sa gouvernance économique .

Le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy, la Commission européenne ainsi que certains États membres ont formulé des propositions, certaines faisant l'objet d'un consensus au Conseil, d'autres étant encore discutées, qui, si elles sont mises en oeuvre, devraient profondément réformer le système de gouvernance économique. À cette occasion, le thème du gouvernement économique est ainsi revenu dans les négociations européennes.

Des avancées importantes ont déjà été obtenues, en particulier en termes de surveillance budgétaire et macroéconomique des États membres, de coordination de cette surveillance et, dans une moindre mesure, de sanction du non respect des règles. Nous n'en sommes pas encore à l'institution d'un véritable gouvernement économique et vos rapporteurs sont d'avis que, si l'on entend progresser dans cette direction, il convient de poursuivre la réflexion et les efforts de chacun.

A. RENFORCER LA SURVEILLANCE DES ETATS MEMBRES

Partager une monnaie unique requiert de la part des États qui l'utilisent le respect d'un certain nombre de règles destinées à assurer la cohésion de l'ensemble. Or, la zone euro souffre non seulement d'un fort niveau d'endettement, mais aussi de divergences économiques croissantes.

Les mécanismes prévus pour veiller à cette cohésion, trop axés sur les seuls paramètres budgétaires, n'ont pas fonctionné. Parfois même, ils n'auraient de toute façon pas pu fonctionner correctement, faute de disposer de données statistiques crédibles.

La réforme de la gouvernance économique en Europe nécessite donc un renforcement substantiel de la surveillance sur les plans budgétaire et économique. Ce second volet est le plus innovant ; il est aussi celui qui demandera le plus travail de mise en oeuvre.

1. Disposer de statistiques fiables

La crédibilité de la surveillance budgétaire est largement tributaire de statistiques budgétaires fiables, que les États membres notifient à la Commission, soit, concrètement, à son office statistique, Eurostat, pour pouvoir appliquer la procédure de déficit excessif.

Or, la crise grecque a mis en lumière, à la fois, les limites des appareils statistiques de certains États membres et de l'Union européenne et les manipulations dont ces statistiques pouvaient faire l'objet.

Le gouvernement grec a en effet, à plusieurs reprises, révisé ses statistiques en matière de finances publiques, qui avaient été délibérément sous-estimées par le gouvernement précédent.

Jusqu'à la crise, Eurostat n'avait qu'un rôle de collecte et de coordination des statistiques nationales, mais non de certification de ces informations. Il dépendait donc des chiffres que les instituts de statistiques nationaux voulaient bien lui transmettre.

Or, ces chiffres pouvaient avoir été falsifiés, comme c'était le cas en Grèce, rendant d'autant plus délicate la détection des difficultés de ce pays.

Un récent règlement a donc renforcé les prérogatives d'Eurostat (5 ( * )) .

Ce texte donne à Eurostat des droits d'accès supplémentaires à un ensemble plus vaste d'informations nécessaires à l'évaluation de la qualité des données. Ainsi, lorsqu'il effectue des visites méthodologiques dans un État membre dont les statistiques font l'objet d'un examen, Eurostat est désormais autorisé à accéder aux comptes des administrations centrales, des administrations d'États fédérés, des administrations locales et des administrations de sécurité sociale, ainsi qu'aux informations comptables ayant servi à leur établissement, aux enquêtes et questionnaires statistiques pertinents. Les contrôles devront principalement porter sur les comptes publics des différentes unités des administrations publiques et sur les comptes des unités publiques classées en dehors du secteur des administrations publiques. L'utilisation statistique des comptes publics devra également être évaluée.

Enfin, les États membres doivent s'assurer que les institutions et les fonctionnaires chargés de notifier à Eurostat les données effectives et les comptes publics sur la base desquels les statistiques sont établies respectent certaines obligations professionnelles.

Concrètement, Eurostat entretient un dialogue permanent avec les autorités statistiques des États membres et, à cette fin, y effectue :

- des visites de dialogue régulières , qui constituent l'occasion d'identifier les risques ou les problèmes potentiels concernant la qualité des données notifiées, grâce au passage en revue des données notifiées, à l'examen des aspects méthodologiques et des sources statistiques et à l'évaluation de la conformité aux règles comptables ;

- et, éventuellement, des visites méthodologiques , qui ont pour objet de contrôler les processus et de vérifier les comptes qui justifient les données notifiées et de tirer des conclusions relatives à la qualité des données notifiées. Elles ne sont effectuées que dans des cas exceptionnels, lorsque des risques ou des problèmes importants ont été clairement identifiés quant à la qualité des données, dans des conditions précisées par le règlement.

Par ailleurs, les États membres ont également approuvé l'idée d'assurer l'indépendance des instituts nationaux de statistiques afin de les soustraire aux influences politiques. Il n'est toutefois pas nécessaire que cette indépendance figure dans un texte pour être effective. Ainsi, l'INSEE est juridiquement une direction du ministère français des finances, mais il ne reçoit aucune instruction politique et la grande qualité des statistiques françaises est unanimement reconnue.


* (5) Règlement (UE) n° 679/2010 du Conseil du 26 juillet 2010 portant modification du règlement (CE) n° 479/2009 en ce qui concerne la qualité des données statistiques dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page