2. Laisser à la commission des sondages le soin de définir la notion de « sondages publiés ou diffusés »

La loi de 1977 ne s'applique qu'aux sondages publiés ou diffusés au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.

La commission des sondages a opportunément développé une conception extensive du caractère public des résultats d'un sondage électoral. La publicité peut revêtir selon elle différentes formes : publication organisée ou publication résultant d'une fuite même si le sondage n'avait pas vocation à être publié et que la fuite provient d'un tiers, support écrit ou immatériel. Sur ce point, la commission des sondages, constatant la multiplication des sites internet et des blogs des candidats aux élections, relève que ceux-ci comportent parfois des informations selon lesquelles leurs auteurs bénéficieraient de sondages avantageux pour leur candidature. Elle a récemment indiqué que de telles références valaient « quel que soit leur degré de généralité, publication du sondage » 26 ( * ) . En conséquence, les responsables des sites et des blogs doivent, s'ils souhaitent faire état, pour la première fois, de tels résultats, respecter l'ensemble des dispositions de la loi du 19 juillet 1977.

De la même façon, la commission des sondages a considéré que les déclarations orales faites en public (au cours, par exemple, d'une réunion publique ou d'une conférence de presse), ou encore la distribution d'un tract n'ayant pas, par définition, la nature d'une publication de presse peuvent, si ces déclarations ou ces tracts mentionnent les résultats du sondage, être considérés comme des modes de diffusion des résultats d'un sondage, ce qui soumet ce dernier au régime de la loi de 1977.

Vos rapporteurs jugent parfaitement fondée et cohérente la doctrine développée par la commission des sondages dans ce domaine et, en conséquence, ne propose pas de modifier la loi sur ce point.

3. Conserver l'interdiction de publication de tout sondage 48 heures avant le scrutin, sous réserve de deux aménagements

Rappelons que la loi n° 2002-214 du 19 février 2002 prohibe la publication, la diffusion ou le commentaire de tout sondage la veille et le jour de chaque tour de scrutin - initialement ce délai était d'une semaine.

Vos rapporteurs proposent de ne pas revenir sur cette règle qui avait été largement approuvée en 2002, par delà les clivages politiques.

Deux raisons fortes militent en ce sens : d'une part, cette période d'interdiction coïncide avec celle prévue à l'article L. 49 du code électoral qui prohibe « à partir de la veille du scrutin à zéro heure, la diffusion par tout moyen de communication audiovisuelle de tout message ayant le caractère de propagande électorale. ». La publication d'un sondage électoral la veille du scrutin donnerait donc l'occasion aux journalistes d'intervenir directement dans la campagne électorale alors que les candidats n'ont plus de droit de réponse.

D'autre part, la veille d'une élection et, a fortiori , le jour du scrutin, paraissent se prêter à la réflexion personnelle de l'électeur , sans interférence extérieure, ou le moins possible. Ces deux jours doivent être sanctuarisés afin que l'électeur se retrouve seul avec lui-même, dans une sorte de « recueillement républicain ».

S'il apparaît opportun, en conséquence, de maintenir l'interdiction de publication de tout sondage 48 heures avant le scrutin, cette règle doit toutefois être doublement aménagée .

En premier lieu, vos rapporteurs proposent que, compte tenu du développement des technologies et de l'Internet interactif, dit 2.0, les sondages politiques publiés ou diffusés avant vendredi minuit puissent continuer à faire l'objet de commentaires et, le cas échéant, demeurer en ligne. Dans les deux cas, la date de première publication ou diffusion devrait être indiquée afin de ne pas induire le public en erreur.

En second lieu, vos rapporteurs proposent d'inscrire dans la loi de 1977 que l'interdiction de publication des sondages s'impose pour l'ensemble du territoire national à partir du vendredi minuit , y compris pour les parties du territoire qui votent le samedi.

En 2007, la Commission nationale de contrôle 27 ( * ) et la commission des sondages ont été confrontées à une difficulté compte tenu de la décision d'organiser le vote le samedi dans certains départements et collectivités d'outre-mer pour les raisons qui seront développées plus loin. Trois solutions étaient envisageables :

- interdire, pour l'ensemble du territoire national, la publication et la diffusion des sondages à partir du jeudi à minuit, en raison du vote prévu le samedi ;

- appliquer littéralement la loi sur les sondages et fixer cette interdiction soit le jeudi à minuit soit le vendredi à minuit selon la date du scrutin ;

- prévoir une telle interdiction pour l'ensemble du territoire national à partir du vendredi minuit.

La Commission nationale de contrôle et la commission des sondages ont, par une position commune rendue publique par un communiqué en date du 26 mars 2007, retenu la troisième option considérant que :

- la première option, qui aurait eu pour effet de faire passer l'interdiction de 24 heures à 48 heures dans les parties du territoire où le scrutin avait lieu le dimanche, méconnaissait les termes mêmes de la loi ;

- la deuxième option n'était pas praticable à l'heure de la diffusion massive des informations sur Internet en tous points de la planète.

Cette position commune des commissions a été contestée devant le juge des référés du Conseil d'Etat par un électeur qui a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de ce communiqué au motif qu'un même délai de réflexion sans propagande ni diffusion de sondages devait être reconnu à tous les citoyens quel que soit leur lieu de vote. Le juge des référés n'a pas accueilli ce recours 28 ( * ) . Il a jugé que les deux commissions avaient recherché, compte tenu tant de la répartition du corps électoral entre les bureaux de vote métropolitains et les autres que des caractéristiques particulières de la législation relative aux sondages d'opinion, un équilibre entre les différents impératifs qu'il leur incombait de concilier et il a estimé que la mesure contestée ne paraissait pas, en l'état de son instruction, contraire aux impératifs de libre expression de suffrage et de sincérité du scrutin.

Il apparaît nécessaire de sécuriser sur le plan juridique cette solution qui apparaît contraire à la lettre même de la loi sur les sondages. Pour les territoires qui votent le samedi, les sondages seront donc autorisés jusqu'à la veille, à minuit alors que la métropole bénéficierait d'un jour de « quiétude » supplémentaire. Toutefois, il s'agit là d'un compromis acceptable dès lors qu'il est nécessaire d'avancer dans certains cas le vote au samedi et que les sondages seront bien interdits de publication le jour du vote.


* 26 rapport de la commission des sondages suite aux élections municipales de 2008 et européennes de 2009, page 10.

* 27 De son nom complet, la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l'élection présidentielle, institué par l'article 13 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, veille à ce que tous les candidats à l'élection présidentielle bénéficient, de la part de l'Etat, des mêmes facilités pour la campagne en vue de cette élection.

* 28 Cf. ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 2 mai 2007, Mme Barrast (n° 305200).

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