C. UNE VOIE DIFFICILE

S'il existe un consensus sur l'importance de la prévention pour freiner et renverser l'évolution de la prévalence de l'obésité, les actions conduites jusqu'à présent incitent à beaucoup de modestie.

Comme rappelle le Directeur général du centre d'analyse économique, Vincent Chriqui : « Les messages de prévention en matière de santé rencontrent aujourd'hui des limites. Qu'il s'agisse d'obésité ou de tabagisme, les campagnes destinées au grand public ont souvent permis d'éveiller les consciences mais elles peinent à modifier les comportements à risque. »

1. Arriver à changer les comportements

Une part significative des décès prématurés liés aux maladies chroniques pourrait être évitée par des changements de comportements (on parle de mortalité évitable).

C'est la raison pour laquelle les politiques de communication visant à promouvoir des comportements favorables à la santé sont devenues un outil majeur des programmes de prévention et d'éducation pour la santé.

Néanmoins, leur impact est mitigé 25 ( * ) .

Globalement, les messages de prévention permettent de sensibiliser la population sur une question et de l'informer sur les avantages d'un certain type de comportement. Néanmoins, à lui seul, ce type de communication n'est pas efficace pour entraîner des changements de comportement.

Ainsi, une évaluation commandée par l'INPES du slogan « 5 fruits et légumes par jour » a montré qu'entre 2005 et 2009, le nombre d'individus connaissant ce slogan est passé de 35 % à 75 %.

Pour autant, cette meilleure connaissance n'a eu que peu d'influence sur l'évolution de la consommation de fruits et légumes : selon le baromètre nutrition santé de 2008 26 ( * ) , 11,8 % des Français âgés de 12 à 75 ans ont mangé des fruits et légumes au moins cinq fois la veille de l'interview contre 10 % des personnes interrogées en 1996 et en 2002.

Cet exemple illustre la difficulté à changer les comportements alimentaires à court terme.

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.

D'abord , les comportements alimentaires se caractérisent par une très forte inertie dans la mesure où les habitudes jouent un rôle considérable dans leur détermination. Certes, elles sont très variables d'un individu à l'autre dans la mesure où elles reposent sur de nombreux facteurs tels que l'apprentissage des comportements alimentaires pendant l'enfance, les contraintes de temps, les contraintes budgétaires etc. Néanmoins, lorsque les habitudes sont établies, elles sont difficiles à modifier.

En outre, les campagnes de prévention reposent sur l'idée que si les individus ne font pas les bons choix, c'est parce qu'ils sont mal informés. Or, ce schéma de l'individu rationnel est réducteur, comme en témoigne le fait que des gens continuent à fumer tout en sachant que c'est mauvais pour leur santé.

On peut donc imaginer que les difficultés rencontrées par les politiques de santé publique pour modifier les comportements sont également liées à une mauvaise compréhension de leurs déterminants.

Par ailleurs, la difficulté à changer les comportements individuels provient du fait que ces derniers sont pour une grande partie contraints par des déterminants socio-économiques . Ainsi, les comportements alimentaires dépendent de la disponibilité alimentaire (telle que la proximité des lieux d'achats et de consommation), de l'offre alimentaire (qualité nutritionnelle des produits, taille des portions), mais également du budget pouvant être consacré à l'alimentation, du temps pouvant être consacré aux achats et à la préparation des repas etc. Par conséquent, une politique de prévention efficace doit également s'intéresser à ces déterminants.

Intérêts et limites de la communication

Aux Etats-Unis, le National Cancer Institute a dressé la liste de ce que la communication en santé publique peut faire et ne pas faire.

Ce que la communication peut faire :

-  Augmenter les connaissances du public et la conscience d'une question de santé ;

-  Influencer les perceptions, les croyances et les attitudes avec comme conséquence l'évolution des normes sociales ;

-  Réfuter les mythes ;

-  Démontrer ou illustrer des capacités/savoir-faire en matière de santé ;

-  Renforcer les connaissances ou les comportements ;

-  Montrer les bénéfices d'un changement de comportement ;

-  Défendre une position sur une question de santé ;

-  Augmenter la demande de service de santé.

Ce que la communication ne peut pas faire seule :

-  Entraîner des changements de comportement au niveau de l'individu ;

-  Communiquer des messages très complexes ;

-  Compenser le manque d'accès aux soins.

Source : Florence Condroyer : « Inégalité sociales de santé et campagnes de communication en prévention et en éducation pour la santé : enjeux et perspectives à travers l'exemple du PNNS, 2007


* 25 Non seulement l'impact est mitigé, mais il est mal évalué. Cette question sera évoquée plus loin dans le rapport.

* 26 Il est basé sur une enquête téléphonique.

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