CONCLUSION

A l'issue de ce rapport, il apparaît que l'obésité, au-delà des lieux communs et des clichés dont elle fait l'objet, est une maladie chronique à la fois complexe et grave.

L'obésité est une vraie maladie qui, lorsqu'elle est installée, devient chronique et souvent irréversible en raison des modifications physiologiques induites qui créent des résistances à la perte de poids.

Ainsi, confronté à un apport calorique réduit, le corps réagit en diminuant sa dépense énergétique grâce à une amélioration de son efficience énergétique.

La résistance à l'amaigrissement pourrait également provenir de la modification physiologique du tissu adipeux. D'abord, la prise de poids entraîne une multiplication du nombre des adipocytes. Par conséquent, le niveau minimum de masse grasse qu'il est possible d'atteindre est limité par le nombre d'adipocytes. Par ailleurs, certains patients développent de la fibrose dans le tissu adipeux qui entrave l'élasticité de ces cellules et empêche la perte de masse grasse.

La restriction calorique entraîne également une augmentation du taux de ghréline dont l'action est orexigène et une diminution du taux de leptine dont l'action est anorexigène. Les sensations de faim sont donc exacerbées.

Les déterminants psychologiques ne doivent pas non plus être sous-estimés. Le moteur de l'acte alimentaire est le plaisir. Réduire l'apport alimentaire (notamment en diminuant la part des aliments palatables contenant du gras et du sucre) peut donc avoir des conséquences psychologiques non négligeables sur les individus et entraîner des frustrations ou encore des obsessions qui ne seront pas contrôlables à long terme, créeront des désinhibition et contribueront à la reprise de poids.

Cette étude a également rappelé que l'obésité est une maladie grave à la fois par les complications qu'elle entraîne, par les stigmatisations qu'elle induit et, compte tenu de son évolution préoccupante, par les coûts financiers qu'elle implique.

Les pathologies liées à l'obésité sont nombreuses.

Certaines sont bien connues telles que le diabète, les risques cardiovasculaires, la stéatose hépatique. Elles sont graves puisqu'elles peuvent entraîner la cécité, l'amputation, et peuvent même s'avérer mortelles en cas de cirrhose ou d'accident vasculaire cérébral par exemple.

Mais l'obésité est également associée à d'autres maladies. Ainsi, les liens entre l'obésité et certains cancers (oesophage, pancréas, colon, rectum, endomètre, rein, sein pour la femme ménopausée) sont clairement établis.

De même, plusieurs études épidémiologiques récentes ont montré une association entre l'obésité, l'adiposité viscérale et le déclin cognitif.

Par ailleurs, l'obésité s'accompagne globalement d'une stigmatisation des personnes obèses qui a des répercussions néfastes sur leur équilibre psychologique, mais également sur leur trajectoire sociale dans la mesure où les discriminations dont elles sont victimes influencent négativement leur accès à l'enseignement supérieur et à l'emploi, leurs revenus et leurs mobilité professionnelle.

L'obésité induit enfin des coûts financiers considérables qui risquent de remettre en cause la viabilité de notre système d'assurance maladie.

Actuellement, la France compte 16,9 % d'adultes obèses et 34,2 % en surpoids et la prévalence de l'obésité augmente de +5,9 % par an.

26,2 % des hommes et 40 % des femmes ont un tour de taille trop important, qui constitue un facteur de risque de maladie métabolique.

Entre 1960 et 2000, l'obésité infantile a été multipliée par 4. Elle touche désormais 3,5 % des enfants tandis que 14,3% sont en surpoids. Certes, la prévalence de l'obésité infantile semble stabilisée depuis le début des années 2000, mais pour l'instant, il est trop tôt pour savoir si ce « plateau » a vocation à perdurer ou s'il sera suivi d'une nouvelle hausse.

Ces incertitudes sont liées en particulier à la difficulté d'appréhender les causes de l'obésité qui sont nombreuses et variables en fonction des individus. Sept déterminants majeurs ont été identifiés : les déterminants génétiques, les déterminants biologiques, les déterminants précoces, les facteurs psychologiques, les comportements individuels, les déterminants économiques et sociaux et les déterminants liés au type de société dans laquelle nous vivons.

L'obésité est donc une maladie chronique complexe, et ce rapport a vocation à remettre en cause l'idée fausse mais malheureusement encore trop répandue selon laquelle l'obésité serait le résultat d'une faillite de la volonté.

Si la recherche a permis de mieux comprendre les origines de l'obésité, en revanche, elle n'a pas encore réussi à élaborer de thérapies permettant de guérir cette maladie.

Ainsi, tous les médicaments visant à réduire la prise alimentaire ont été retirés du marché compte tenu de leurs effets secondaires, alors que les médicaments jouant sur la mauvaise absorption des nutriments sont peu efficaces.

Jusqu'à présent, seule la chirurgie bariatrique (essentiellement le by-pass gastrique) a un effet spectaculaire à la fois en matière de perte durable de poids, mais également en termes de diminution de la mortalité grâce à une forte diminution de la prévalence du diabète, de l'hypertension, de certaines maladies cardiovasculaires et de certains cancers.

Néanmoins, le gain de poids n'est pas une fatalité, même chez les personnes prédisposées génétiquement, à condition d'adopter un mode de vie permettant d'éviter un déséquilibre de la balance énergétique.

C'est la raison pour laquelle la voie de la prévention doit être privilégiée. Dès 2000, la France a lancé une campagne de prévention ambitieuse portant sur la nutrition et l'activité physique et dont l'un des objectifs visait à réduire la prévalence de l'obésité.

Néanmoins, s'il existe un consensus sur l'importance de la prévention pour freiner et renverser l'évolution de la prévalence de l'obésité, les actions conduites jusqu'à présent (et pas seulement en France) incitent à la modestie.

En effet, les messages de prévention peinent à changer les comportements. En outre, ils touchent difficilement les groupes « à risque », ce qui peut aboutir à une situation dans laquelle les politiques de prévention contribuent à aggraver les inégalités sociales dans la mesure où les messages de prévention touchent les catégories socioprofessionnelles dans lesquelles la prévalence de l'obésité est déjà la plus faible.

Les apports de la recherche en sciences humaines sur les aspects comportementaux, sociaux, économiques et environnementaux ainsi que ceux liés aux neurosciences et au marketing sont particulièrement instructifs sur les voies à suivre pour améliorer l'efficacité des politiques de prévention et il conviendrait d'en tenir compte.

En outre, ce type de recherche devrait être privilégié compte tenu de leur importance en matière de santé publique.

En attendant, l'état actuel de la recherche permet déjà d'orienter utilement les mesures de prévention.

Ainsi, beaucoup d'études insistent sur la plus grande efficacité d es interventions sur l'environnement par rapport aux interventions sur les individus .

En effet, les comportements résultent moins d'un libre choix que de l'impact des facteurs culturels et structurels en grande partie indépendants de la volonté individuelle.

Le gradient socioculturel de l'obésité est très fort, particulièrement pour les femmes et pour les enfants. La catégorie socioprofessionnelle, le niveau de revenu et le niveau d'éducation sont trois déterminants importants de l'obésité.

Par conséquent, toutes les mesures visant à réduire les inégalités dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'éducation, de la santé, des transports, constituent un levier puissant pour lutter contre l'obésité.

De même, les politiques de prévention doivent se concentrer sur l'amélioration de la qualité de l'offre alimentaire, la limitation de l'exposition des enfants aux publicités et au marketing ou encore la modification de l'environnement afin de réduire la sédentarité et encourager l'activité physique.

L'apparence et la santé sont devenues de véritables obsessions dans nos sociétés modernes, et particulièrement en France où la pression sociale en faveur d'un idéal de minceur est particulièrement forte. Ainsi, alors que les femmes françaises sont en moyenne les plus minces d'Europe, 70% s'estiment insatisfaites de leur poids. Pourtant, dans une société caractérisée par l'abondance alimentaire et la sédentarisation, il est urgent de mettre un terme au mythe selon lequel tout le monde pourrait peser le poids qu'il souhaite, et d'encourager la diversité corporelle dans les médias.

Compte tenu des risques liés aux régimes amaigrissants et démontrés scientifiquement, il convient également de les réglementer strictement.

A l'issue de cette étude, la lutte contre l'obésité apparaît comme un combat long et difficile, qui exige une mobilisation nationale et une implication de tous les acteurs impliqués directement et indirectement dans le développement de l'obésité.

Néanmoins, la période paraît propice : au plus haut sommet de l'Etat, un plan obésité est en train d'être finalisé qui devrait porter à la fois sur la recherche, la prévention et l'organisation des soins.

Par ailleurs, le troisième plan national nutrition santé est en train d'être élaboré en lien avec ledit plan obésité.

Enfin, les parlementaires semblent de plus en plus attentifs à la question de l'obésité. Le rapport d'information de Mme Valérie Boyer, député des Bouches du Rhône, avait déjà sensibilisé les esprits.

Votre rapporteur espère que ce travail contribuera à convaincre les parlementaires de la nécessité d'agir pour lutter contre ce fléau aux conséquences sociales, psychologiques et financières dramatiques et que la commission des affaires sociales du Sénat, à l'origine de la saisine, utilisera les recommandations de ce rapport afin d'élaborer une proposition de loi visant à promouvoir une France active qui s'alimente sainement.

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