IV. UN BESOIN ET UNE DOCTRINE D'EMPLOI QUI N'ONT PAS ÉTÉ CLAIREMENT DÉFINIS

La mission, au fil de son analyse, a pu constater que l'emploi des réserves en période de crise n'a finalement pas fait l'objet d'une réflexion approfondie. Aucune doctrine n'en définit l'usage, les limites et les conditions d'emploi.

L'absence de cadre juridique permettant la mobilisation des réservistes et leur emploi dans la durée explique sans doute l'absence de référence aux réserves dans la planification de crise ainsi que l'absence d'une doctrine d'emploi des réservistes. Cette lacune a pu à son tour légitimer l'absence de cadre juridique adapté.

La mission a découvert au fil de ses auditions qu'elle se posait des questions auxquelles ses interlocuteurs n'avaient pas de réponse préétablie et concertée.

Cette situation découle, semble-t-il, de l'absence de définition d'un besoin. Les armées comme les forces de police ont pris l'habitude de penser les scénarios de crise sans les réserves.

C'est une des différences notables avec le système américain où les réserves : l'Armed Forces Reserve et les National Guards sont intégrés dans le dispositif de gestion de crise comme un des éléments de réponses des pouvoirs publics aux événements majeurs. Dans sa déclaration de l'état d'urgence du 14 septembre 2001 consécutive aux attaques terroristes, le Président des Etats-Unis a annoncé la mobilisation des réservistes disponibles en s'appuyant sur un cadre juridique lui permettant une mobilisation pouvant atteindre 1 000 000 d'hommes pour une période ne dépassant pas 24 mois.

En France, dans un contexte de profonde transformation des armées, les pouvoirs publics se sont peu souciés d'avoir un cadre juridique véritablement adapté à un événement majeur exigeant une mobilisation plus collective des réservistes.

L'absence de cadre juridique adapté rendant la présence des réservistes fiable explique, à son tour, que l'on ne trouve pas trace des réserves dans les publications interarmées (PIA) relatives aux concepts et doctrines d'organisation du commandement, de planification opérationnelle et d'emploi des forces, ni dans la famille des plans vigipirates, des plans blancs, ORSEC.

Comme l'a souligné le Préfet JOUNOT, directeur de la Planification de Sécurité Nationale dans une réponse à un questionnaire écrit de la mission à propos des réserves civiles : « Ces réserves sont de création récente. Lorsqu'elles pourront être recensées de façon fiable, identifiées et, le cas échéant, qu'elles auront montré leur utilité, elles seront intégrées dans les différentes planifications (plans communaux de sauvegarde, planifications départementales ou zonales) et deviendront un outil nécessaire de la gestion de crise majeure. ».

Sans doute cette absence de formalisation est-elle compréhensible pour les réserves civiles de faible effectif et de création récente, elle l'est moins concernant des armées qui dépensent chaque année un budget de près de 80 millions d'euros, voire le double si on intègre les coûts de gestion pour faire fonctionner ses réserves.

La mission a, en effet, été surprise de constater qu'il existait peu d'éléments de doctrine militaire qui permettent de dire -selon les scénarios de crise sur le territoire national ou selon les engagements multiples en opérations extérieures- combien de réservistes seraient nécessaires et pour quelle mission.

Le format des réserves militaires n'est lui-même, on l'a vu, que très théoriquement fondé sur les contrats opérationnels . La construction des cibles par les différentes armées intègre avant tout les effectifs passés, les capacités d'encadrement par les militaires d'active, les besoins en matière de lissage de l'activité et les contraintes budgétaires.

Dans un contexte de révision générale des politiques publiques et de réduction des effectifs, une réflexion approfondie sur les besoins quantitatifs et qualitatifs auxquels doivent répondre les réserves civiles et militaires apparaît nécessaire à la mission.

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