c) Une plus forte adhésion aux tâches exigeant un management attentif


• Autant la motivation de la personne, en mobilisant ses capacités et son intelligence, constitue un aspect positif des nouvelles méthodes de management, autant peut être perçu négativement l'engagement de toute la personne, non seulement dans ses dimensions physique et intellectuelle, mais aussi psychologique, lorsqu'il s'avère nécessaire de faire sien l'objectif ou le projet sans distanciation raisonnable.

Dans le cadre d'un nouveau projet, l'enthousiasme et une implication maximale apparaissent souvent comme la norme et la condition de la réussite collective. On demande d'apporter sa créativité, lorsqu'on ne fait pas appel, sous l'influence de « gourous » du management, à l'émotivité de la personne. Sous l'impulsion du manager ou du chef de projet, dont il est attendu une importante capacité d'entraînement, une adhésion plus ou moins forte finit par se manifester, d'autant plus qu'il se révèle psychologiquement avantageux de souscrire aussi intimement que possible aux objectifs au regard des contraintes réelles que leur réalisation implique.

Le reproche de manipulation ou d'exploitation, parfois formulé en de pareilles circonstances, pourrait être réfuté au motif qu'il n'y a pas d'intentionnalité évidente qui prendrait le masque de l'autonomie et de la responsabilité offertes.

Il n'empêche qu'au nom du respect des temps sociaux, sinon d'une certaine conception de la dignité humaine, certaines personnes se sentent en décalage avec un mode de fonctionnement exigeant une adhésion jugée trop intime et envahissante au « projet » et supposant même parfois la mobilisation, alors ressentie difficilement, d'un tissu de relations mêlant intérêts professionnels et affinités.

Quoiqu'il en soit, il semble que les Français attachent une importance particulière au travail . Ainsi que le rappelle Dominique Méda 123 ( * ) , « Au Danemark et en Grande Bretagne, les personne interrogées ne sont que 40 % à dire que leur travail est important. Elles sont 50 % dans un groupe de pays constituant une sorte de ventre central, avec l'Allemagne et la Grèce. Enfin, dans une série de pays dont fait partie la France, les taux sont extrêmement élevés ».

Au vu des enquêtes disponibles, les explications pouvant être avancées résident notamment, outre la peur de perdre son emploi, dans « l'intérêt intrinsèque accordé au travail » : « Les Français seraient (...) attachés à la dimension expressive du travail et auraient des attentes extrêmement fortes en matière de réalisation de soi et d'expression de soi dans le travail ».

Cet attachement est peut être l'expression de l'insatisfaction ressentie au travail.


• Il arrive que, pour des raisons quelconques (dont les difficultés précédemment énoncées peuvent être à l'origine), un salarié ne donne pas satisfaction . Un tel fait, souvent étayé par des « indicateurs de performance » individuels, ne manquera pas d'être rapidement révélé à l'intéressé, tant l'organisation du travail en flux tendus ne supporterait pas le maintien de « maillons faibles ».

Alors, en raison d'une plus forte adhésion à sa tâche, une remise en cause de la qualité ou de l'efficacité du travail , fût-elle parfaitement légitime, tend à devenir plus fragilisante . Cette observation vaut aussi collectivement : si un projet réussi crée un fort sentiment de satisfaction, son échec est symétriquement de nature à engendrer une frustration importante. Aussi, le management doit-il redoubler de précautions pour marquer une quelconque déception ou désapprobation, et donner le cas échéant au salarié, par exemple au moyen de formations ou de conseils, les moyens de s'améliorer .

Plus généralement encore, l'implication du personnel rend difficilement supportable une simple absence de reconnaissance des objectifs tenus, du projet réalisé ou, tout simplement, du travail bien fait ou seulement fait.

Ainsi, en toute hypothèse, un management inattentif aux hommes présente une capacité de nuisance redoublée lorsqu'il est requis, par ailleurs, une forte adhésion à sa tâche, adhésion à laquelle les Français seraient, semble-t-il, prédisposés.


* 123 « Travail : la révolution nécessaire », éditions de l'aube, février 2010.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page