C. LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

La négociation collective demeure l'un des principaux moyens pour les salariés de faire entendre leur voix. Elle prend une part croissante comme source de droit. Dans l'entreprise, elle est le monopole des délégués syndicaux, lorsqu'ils existent.

1. Négociation de branche et d'entreprise

La convention de branche , qui couvre plus de 90 % des salariés français par le système de l'extension, jouait traditionnellement un rôle de régulation économique en permettant de limiter les distorsions de concurrence. Ce niveau, particulièrement adapté pour les PME , est devenu aujourd'hui secondaire. Les « lois Auroux » (1982) ont initié la montée en puissance de la négociation d'entreprise, en introduisant le mécanisme de l'accord dérogatoire dans le cas de la négociation du contingent annuel d'heures supplémentaires. La faculté de conclure des accords dérogatoires a ensuite été étendue à d'autres éléments de la négociation. Afin de combler les lacunes des règles de représentativité syndicale, un droit d'opposition a été mis en place, au profit des syndicats non signataires de l'accord ayant obtenu 50 % des voix des inscrits aux élections professionnelles.

Puis la loi du 4 mai 2004 161 ( * ) a autorisé les accords d'entreprises à déroger aux normes de la convention de branche sauf lorsque celle-ci l'interdit expressément 162 ( * ) . Depuis 2004, dans le silence de la convention de branche, un accord d'entreprise peut donc comporter des dispositions moins favorables. Cette faculté est toutefois exclue dans certains domaines : salaires minima, classifications, garanties collectives et mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

La loi du 20 août 2008 163 ( * ) confirme cette évolution. Elle rend l'accord de branche subsidiaire s'agissant des questions relatives au temps de travail.

Les lois de 2004 et 2008 ont parallèlement généralisé et simplifié le droit d'opposition , qui n'est plus limité aux seuls accords dérogeant in pejus , et qui peut être exercé par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés (et non des inscrits) au premier tour des dernières élections professionnelles 164 ( * ) .

A court terme, la faculté ouverte par la loi de 2004 n'a toutefois pas été mise en oeuvre :

« La complexité ressentie comme excessive du nouveau cadre légal, l'inadéquation du dispositif au regard des pratiques et des enjeux de la négociation collective dans les entreprises, l'existence d'une incertitude juridique forte autour de la notion de dérogation, et le verrouillage du dispositif par les acteurs des branches conventionnelles, sont autant de raisons identifiées expliquant le non-usage de la faculté de déroger. » 165 ( * ) .

A long terme, la tendance à la décentralisation de la négociation au niveau des entreprises et des établissements a probablement vocation à s'amplifier au cours des années à venir . Il n'est pas certain que la négociation de branche puisse résister longtemps à cette évolution, même s'il semble, pour l'heure, que la loi ait produit l'effet inverse de celui qui était recherché :

« On constate (pour l'instant) un renforcement du pouvoir des branches professionnelles sur le statut des salariés de la branche. En stipulant de multiples clauses de « verrouillage », les branches affirment (et révèlent en même temps) leur hégémonie sur les matières qu'elles traitent, et ne laissent finalement aux accords et conventions ayant un champ moins large qu'un rôle complémentaire et non un rôle de substitution » 166 ( * ) .

L'évolution vers une plus grande autonomie des acteurs pourrait priver toutefois la négociation collective d'une de ses fonctions, à savoir la régulation sectorielle de la concurrence. Notre collègue député Jean-Frédéric Poisson a d'ailleurs souligné l'intérêt de la négociation de branche , dans son rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles 167 ( * ) : entre l'accord national interprofessionnel et l'accord d'entreprise, qui ont tous deux pris une place croissante au cours des années récentes, l'accord de branche a le mérite de prendre en compte la diversité des organisations productives et des modèles de relations professionnelles, tout en ne laissant pas les entreprises isolées face aux enjeux qui leur sont communs. Ce rôle ne peut toutefois être joué utilement qu'à condition que les branches soient construites pour être efficaces , et non, par exemple, inutilement dispersées.

LA NÉGOCIATION OBLIGATOIRE

Au niveau de la branche

Au niveau de l'entreprise

Tous les ans

- sur les salaires, l'évolution économique et la situation de l'emploi dans la branche

Négociation annuelle obligatoire dans toutes les entreprises où existent une ou plusieurs sections syndicales représentatives avec nomination de délégués syndicaux

- salaires effectifs

- durée effective et organisation du temps de travail

- évolution de l'emploi et du travail précaire

- objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre

- création d'un régime de prévoyance maladie, dès lors que les salariés ne sont pas couverts par un tel accord

- épargne salariale s'il n'existe aucun autre accord

- accès et maintien dans l'emploi des salariés âgés et leur accès à la formation professionnelle (300 salariés et plus)

- éventuellement, la formation et la réduction du temps de travail

Tous les
3 ans

- sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

- sur les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois des seniors et sur la prise en compte de la pénibilité du travail

- sur les mesures tendant à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés

- sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation.

Tous les
5 ans

- sur les classifications professionnelles

- sur l'institution d'un ou plusieurs plan d'épargne interentreprises (PEI) ou plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) interentreprises lorsqu'il n'existe aucun accord conclu à ce niveau en la matière


* 161 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social

* 162 Plus exactement, « une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord stipule expressément qu'on ne peut y déroger en tout ou partie » (article L. 2252-1 du Code du travail).

* 163 Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

* 164 Élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

* 165 « Évaluation de la loi du 4 mai 2004 sur la négociation d'accords dérogatoires dans les entreprises », Document d'études de la DARES n° 140 (août 2008).

* 166 Document d'études de la DARES précité.

* 167 Rapport au Premier ministre sur la négociation collective et les branches professionnelles de M. Jean-Frédéric Poisson, député (La Documentation française, 2009).

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