2. La suprématie actionnariale consacrée par la pratique

Bien qu'elle soit fondée sur des présupposés discutables, la suprématie actionnariale a été consacrée par la pratique, qui a tendu à promouvoir des formes de « démocratie actionnariale » en améliorant les droits d'information et la transparence à l'égard des actionnaires, notamment minoritaires, dans les sociétés cotées, à l'image de la loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis (2002), qui a rendu les dirigeants pénalement responsables des comptes publiés.

En France, plusieurs travaux ont préconisé d'améliorer l'information des actionnaires et de renforcer l'indépendance des administrateurs. Il s'agit notamment des rapports Viénot I (1995) et II (1999) et du rapport Bouton (2002). La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) et la loi n°2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière (LSF) ont traduit ces évolutions sur le plan législatif, en introduisant de nouvelles obligations de transparence pour les dirigeants et de nouveaux droits pour les actionnaires .

Cette évolution en faveur des actionnaires s'est par exemple traduite par l'éviction des dirigeants d'Eurotunnel par l'assemblée générale de cette entreprise le 7 avril 2004, sur la base des dispositions de la loi NRE, qui avait autorisé les représentants de 5 % du capital seulement d'une entreprise à convoquer une assemblée générale. Cet événement a aussi montré que le gouvernement des entreprises n'était pas à l'abri d'une certaine dérive démagogique .

Les préconisations des principaux rapports de référence précités sur le sujet, ainsi que de recommandations de janvier 2007 et d'octobre 2008 sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées, ont été reprises dans le cadre du code AFEP 175 ( * ) -MEDEF relatif au gouvernement d'entreprise des sociétés cotées , dont la première édition date d'octobre 2003. Ce code peut être désigné par les sociétés cotées comme étant leur code de référence en application de la loi du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (DDAC). A défaut d'appliquer ce code, elles doivent fournir des explications, en application du principe anglo-saxon « comply or explain ».

Au plan international, Les Principes de gouvernement de l'entreprise de l'OCDE (2004) relèvent que « le gouvernement d'entreprise est l'un des principaux facteurs d'amélioration de l'efficience et de la croissance économiques et de renforcement de la confiance des investisseurs ». Ce gouvernement est défini comme faisant « référence aux relations entre la direction d'une entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et d'autres parties prenantes » . Les salariés sont reconnus au nombre de ces parties prenantes, l'OCDE préconisant de « permettre le développement des mécanismes de participation des salariés qui sont de nature à améliorer les performances » et l'amélioration de la transparence et de la diffusion de l'information. Si l'OCDE reconnaît les salariés comme parties prenantes, ce qui constitue une avancée par rapport à la conception strictement « shareholder » de la gouvernance d'entreprise, elle ne préconise toutefois pas leur participation avec voix délibérative aux conseils .

Dans ce contexte favorable à la gouvernance actionnariale, la place des salariés tend à être reconnue mais de façon résiduelle, et davantage dans le sens d'un développement de l'actionnariat salarié que dans le sens d'une prise en compte des intérêts du facteur de production que constitue le travail.


* 175 Association française des entreprises privées

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