3. La primauté des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT)

La Cour de cassation, s'alignant sur une décision du Conseil d'Etat du 19 octobre 2005 relative au contrat « nouvelles embauches » (CNE) a estimé, le 29 mars 2006, que certains articles des conventions de l'OIT sont « d'application directe » devant les juridictions nationales 198 ( * ) .

C'est ainsi que ce nouveau type de contrat mis en place par une ordonnance de 2005, a été jugé par les tribunaux français 199 ( * ) non conforme à la convention 158 de l'OIT, donc contraire au droit international du travail 200 ( * ) , ce qui a entraîné son abrogation par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

4. Le rôle toujours essentiel de la loi

La loi qui a été, à l'origine, la source essentielle du droit du travail français continue, d'autre part, de jouer, en la matière, un rôle primordial, malgré la montée en puissance des sources négociées.

C'est elle qui définit tout d'abord le contenu de l' ordre public absolu , auquel nulle convention collective ne peut déroger s'agissant par exemple des compétences des inspecteurs du travail ou des conseils de prud'hommes.

Seule une loi peut, par ailleurs, autoriser un texte conventionnel à déroger à une norme légale (ou à un autre accord de rang hiérarchique supérieur) dans un sens moins favorable 201 ( * ) au salarié (ces exceptions concernent, essentiellement, la durée et l'aménagement du temps de travail).

C'est également la loi 202 ( * ) , qui crée une obligation pour les entreprises de négocier chaque année des accords sur des thèmes tels que les salaires effectifs, l'égalité entre les hommes et les femmes (rémunérations), la durée effective du travail (temps partiel, temps choisi), l'organisation du temps de travail, l'insertion des travailleurs handicapés...

La transformation en loi d'un accord interprofessionnel, enfin, est facultative et ne limite pas (cf. supra) l'usage par le Parlement de son droit d'amendement.

La loi conserve donc une prééminence certaine, dans la hiérarchie des normes, ce qui limite l'autonomie des accords d'entreprise.

5. Les branches au coeur du dispositif conventionnel

Cette autonomie se trouve également restreinte par le rôle des branches. Parfois déclarées en déclin, celles-ci conservent une grande importance dans le droit social français. Grâce à leur extension par la puissance publique, les conventions de branche couvrent, en effet, 97 % des salariés français (les accords d'entreprise 30 %). Elles définissent leurs garanties sociales essentielles, notamment en matière de salaires minima et de classifications. Elles permettent de s'affranchir des contraintes de la gestion de court terme des entreprises sans en être trop éloignées, donc sans les méconnaître.

Certes elles suppléent seulement les accords d'entreprises lorsqu'il s'agit de temps de travail. Mais elles peuvent toujours, autrement, interdire expressément à ces accords de leur déroger.

Les auteurs d'un rapport de 2007 sur l'évaluation de l'application du volet « dialogue social » de la loi « Fillon » du 4 mai 2004 soulignent, en outre, que le recours à la dérogation, qui devrait être pourtant devenue la règle de droit commun, « s'est heurtée à la pratique des acteurs ». Les accords autorisant la dérogation ne représentent, en effet, finalement moins de 20 % de l'ensemble des accords signés au niveau de la branche. Très peu d'entreprises se sont donc saisies des possibilités éventuelles de dérogation 203 ( * ) qui leur étaient offertes (mais elles n'en ont peut-être pas moins signé des accords qui « diffèrent » des conventions de branche), les syndicats ayant veillé au maintien du « principe de faveur » et du rôle « pivot » des branches en droit social (entre le niveau interprofessionnel et celui des entreprises).

Au total, l'équilibre entre les différentes normes qui fondent le pacte social en France subit des modifications en profondeur.

Celles-ci ne sont pas aussi radicales qu'on le présente parfois mais elles sont indéniables :

- diminution du rôle de la loi, qui demeure important, au profit des traités au-dessus d'elle, et du droit négocié, au dessous ;

- accroissement progressif de l'importance des conventions et des accords d'entreprise, limitée par la place encore occupée par la loi et les textes négociés au niveau des branches.


* 198 Les quatre droits fondamentaux que doivent respecter les signataires de la déclaration de juin 1989 de l'OIT sont :

- la liberté d'association et le droit de négociation collective ;

- l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ;

- l'abolition effective du travail des enfants ;

- l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

Dans un pays au droit social évolué comme la France, seuls le premier et le quatrième de ces droits ont parfois besoin d'être rappelés et défendus.

* 199 Décisions du Conseil d'Etat, suite à des recours syndicaux, puis de plusieurs conseils de prud'hommes, confirmées par les cours d'appel de Bordeaux et de Paris et, enfin, par la Cour de cassation.

* 200 Selon cette convention, un salarié ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable et avant que les moyens de se défendre lui aient été donnés. Or il était prévu une période d'essai de deux ans, durant laquelle l'employeur n'aurait pas à justifier un licenciement.

* 201 Dans l'ordre public dit « social » ou « dérogeable », un accord collectif peut toujours comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur, en application du « principe de faveur » consacré par la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat.

Une norme inférieure peut aussi toujours déroger, dans les mêmes conditions, à une norme supérieure dans la hiérarchie des textes collectifs.

* 202 D'abord les lois Auroux de 1982, puis la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (obligation triennale). La loi du 3 décembre 2008 pénalise les employeurs qui ne satisfont pas à cette obligation.

* 203 De 2004 à 2007, les accords potentiellement dérogatoires ont porté sur les thèmes suivants :

- éléments du salaire (autres que minima) : 35 %

- contrat de travail et droit des salariés : 35 %

- aménagement du temps de travail et congés : 27 %

- formation professionnelle : 15 %

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