2. Une tendance pernicieuse

Le penchant français pour la complexité est illustré par les mécanismes dérogatoires souvent présents dans nos lois. Dans une évaluation 250 ( * ) , déjà citée plus haut, de la loi du 4 mai 2004, concernant la négociation d'accords de ce type, dans les entreprises il est écrit que « les entreprises perçoivent cette loi comme indéchiffrable , incompréhensible , y compris par des responsables des affaires sociales formés au droit et informés des évolutions conventionnelles et jurisprudentielles ».

Les auteurs de ce document d'études estiment, plus généralement, que « le droit de la négociation collective (qui, dans un scénario de « laisser faire » supplanterait la loi) a atteint un tel degré de complexité qu'il laisse les parties prenantes - y compris les spécialistes de la matière - dans l'incapacité d'en comprendre la logique et d'en saisir les potentialités ».

La loi ne définit plus de façon assez précise ce qui relève de chaque niveau de négociation. Les branches se sont dès lors arrogées le pouvoir de substituer une hiérarchie conventionnelle à la hiérarchie légale par le biais de clauses d'interdiction de déroger particulièrement sophistiquées dont l'intrication finit par rendre abscons l'ensemble du système.

On imagine l'effet dissuasif qu'une telle complexité peut produire sur des investisseurs étrangers, son impact négatif sur l'attractivité du territoire national.

Le surcoût imposé en conséquence aux entreprises et aux administrations (ministère du travail, sécurité sociale, justice...) concernées par le fonctionnement de notre système social ou chargées de sa gestion, est difficilement mesurable mais probablement considérable.

La complexité favorise par ailleurs, sinon la fraude 251 ( * ) , du moins un certain arbitraire, qui affaiblit le système notamment en nourrissant un sentiment d'injustice chez les Français.

Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être présentées, il parait nécessaire de ne pas se contenter de ce qui a déjà été accompli 252 ( * ) mais d'aller plus loin dans la simplification des règles du droit du travail, de veiller à la qualité de la rédaction de textes issus de la négociation entre partenaires sociaux et d'assurer un contrôle sur les normes seraient-elles issues des conventions ou des formes informelles prises par la « soft law ».

Comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son rapport sur l'année 2006, la complexité croissante des normes crée une insécurité juridique préjudiciable, notamment, aux opérateurs économiques. Elle menace l'Etat de droit , égare l'usager et laisse les juges perplexes. Elle justifierait donc des réactions appropriées suffisamment vigoureuses de la part du législateur.


* 250 Document d'études de la DARES n° 140, août 2000, évaluation sous la direction d'Olivier MERIAUX.

* 251 Le travail au noir représenterait 3,3 % de la richesse produite et un manque à gagner pour les collectivités publiques d'environ 2 % du PIB.

* 252 Nouvelle codification du droit du travail - le 1 er mai 2008 - proposition de loi, en cours d'examen, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit - ordonnances du 25 mars 2003 -.

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