Annexe 3 - Résolution 1957 (2011) - Violences à l'encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient

1.     L'Assemblée parlementaire rappelle que la Chrétienté a pris sa source au Proche-Orient il y a 2 000 ans et que, depuis lors, il y a toujours eu des communautés chrétiennes dans cette région.

2.     Ces communautés, constituées d'autochtones, ont vu leurs membres diminuer ces cent dernières années, pour l'essentiel du fait d'un faible taux de natalité combiné aux migrations qui, en certains endroits, sont déclenchées par la discrimination et les persécutions.

3.     La situation s'est aggravée au début du 21e siècle et, si elle n'est pas traitée convenablement, elle pourrait aboutir à la disparition - dans très peu de temps - des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient, ce qui entraînerait la disparition d'une part significative de l'héritage religieux des pays concernés.

4.     L'année 2010 a été marquée par l'augmentation des attentats à l'encontre des communautés chrétiennes dans le monde, ainsi que par la hausse du nombre de procès et de condamnations à mort pour blasphème, qui concernent souvent les femmes, comme dans le cas de Mme Asia Bibi.

5.     Les relations entre les communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient et les musulmans, majoritaires, n'ont pas toujours été faciles. On signale dans toute la région une discrimination et des cas d'extrêmes violences se sont produits sporadiquement dans plusieurs pays. Dans certains pays musulmans, les pouvoirs publics n'ont pas toujours donné les bons signaux concernant les communautés religieuses établies sur leur territoire.

6.     Deux événements récents ont été particulièrement tragiques : le 31 octobre 2010, une prise d'otages dans la cathédrale catholique syriaque de Notre-Dame du Salut à Bagdad s'est terminée en massacre de fidèles dont 58 ont péri et 75 autres ont été blessés. Un attentat suicide à la bombe dans une église copte d'Alexandrie a tué 21 personnes, et 79 autres ont été blessés, alors que les fidèles sortaient de la messe de minuit le 1 er janvier 2011.

7.     L'Assemblée condamne ces attentats avec la plus grande fermeté et exprime ses sincères condoléances aux familles des victimes, sa sympathie aux blessés et sa solidarité avec leurs familles.

8.     Elle rappelle que la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté de religion, y inclus la liberté de changer de religion, sont des droits humains universels, consacrés par l'Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, que chaque État membre des Nations unies s'est engagé à garantir. Elle souhaite également attirer l'attention sur l'article 18 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, sur la Déclaration des Nations unies de 1981 sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, sur les rapports de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de croyance et en particulier ses rapports du 29 décembre 2009, 16 février 2010 et 29 juillet 2010, sur l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et sur l'article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9.     La coexistence de congrégations religieuses est un signe de pluralisme et de l'existence d'un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l'Homme. L'Assemblée est convaincue que la disparition des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient serait aussi catastrophique pour l'Islam, car elle signifierait la victoire du fondamentalisme.

10.   Elle souhaite sensibiliser à la nécessité de combattre tous types de fondamentalisme religieux et la manipulation de croyances religieuses pour des motifs politiques, ces deux phénomènes étant si souvent à la source du terrorisme que nous connaissons actuellement. L'éducation et le dialogue sont deux outils importants qui pourraient contribuer à la prévention de ces fléaux.

11.   Étant donné qu'il est toujours plus nécessaire d'analyser et de comprendre l'évolution des développements culturels et religieux dans les relations internationales et les sociétés contemporaines, l'Assemblée recommande au Comité des ministres :

11.1.     de mettre en place une capacité permanente - en coopération avec le Commissaire aux droits de l'Homme et la Direction générale des droits de l'Homme et des affaires juridiques - pour suivre la situation des restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les États membres du Conseil de l'Europe et les États du Proche et du Moyen-Orient, et de rendre compte régulièrement à l'Assemblée ;

11.2.     d'élaborer d'urgence une stratégie du Conseil de l'Europe pour faire respecter la liberté de religion (y inclus la liberté de changer de religion) en tant que droit de l'homme, avec une liste de mesures pouvant être prises à l'encontre d'États qui sciemment ne protègent pas les confessions religieuses;

11.3.     de porter une attention accrue au sujet de la liberté de religion ou de croyance et à la situation des communautés religieuses, y compris chrétiennes, dans sa coopération avec des pays tiers ainsi que dans les rapports sur les droits de l'Homme.

12.   L'Assemblée invite les États membres :

12.1.     à réaffirmer que le développement des droits de l'Homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers et à veiller à ce que les accords entre eux et des pays tiers comportent une clause sur la démocratie ;

12.2.     à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés ;

12.3.     à promouvoir une politique, au niveau national et au niveau du Comité des ministres, qui intègre la question du respect des droits fondamentaux des minorités chrétiennes dans les relations avec des pays étrangers ;

12.4.     à produire, promouvoir et diffuser des supports pédagogiques traitant les stéréotypes et préjugés antichrétiens ainsi que la christianophobie en général ;

12.5.     à ne pas encourager les membres des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient à chercher refuge en Europe, à moins que la survie de ces communautés ne devienne impossible; mais, si tel est le cas, les États membres devraient prendre pleinement en compte les recommandations du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés sur le traitement des questions de demande d'asile et de renvoi dans le pays d'origine et se conformer pleinement aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme et aux mesures provisoires qu'elle indique au titre de l'article 39 ;

12.6.     à élaborer une politique globale d'asile basée sur des motifs religieux, qui reconnaîtrait en particulier la situation spécifique de ceux qui se convertissent à une autre religion ;

12.7.     à promouvoir des politiques pour aider à reloger des réfugiés chrétiens dans leurs pays d'origine et soutenir les communautés offrant localement un refuge aux minorités chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient ;

12.8.     à soutenir des initiatives visant à promouvoir le dialogue entre communautés religieuses au Proche et au Moyen-Orient ;

12.9.     à promouvoir et faciliter les relations entre les diasporas chrétiennes et leurs communautés d'origine.

13.   Suite à l'adoption par le Parlement européen d'une résolution sur la situation des chrétiens dans le contexte de la liberté de religion, le 20 janvier 2011, l'Assemblée appelle la Turquie à clarifier pleinement les circonstances entourant l'interruption de la célébration de la messe de Noël dans les villages de Rizokarpaso et Ayia Triada dans la partie nord de Chypre le 25 décembre 2010 et de faire comparaître devant la justice les responsables.

14.   L'Assemblée demande instamment à l'Irak et à l'Égypte de faire preuve de transparence et de détermination pour traduire aussitôt que possible en justice les auteurs des attentats de Bagdad et d'Alexandrie.

15.   L'Assemblée demande en outre instamment à tous les États du Proche et du Moyen-Orient:

15.1.   de condamner sans ambiguïté non seulement les attentats meurtriers contre des personnes innocentes mais aussi le recours à la violence en général et tout type de discrimination et d'intolérance fondé sur la religion et les croyances;

15.2.   de promouvoir une éducation positive sur les religions, y compris les minorités chrétiennes;

15.3.   de soutenir activement les initiatives visant à promouvoir la dimension interreligieuse du dialogue.

16.   L'Assemblée invite tous les chefs religieux en Europe à condamner les attentats contre les communautés chrétiennes et autres groupes de croyants et à accepter la base de l'égalité de respect pour chaque confession.

17.   Enfin, l'Assemblée invite l'Union européenne à suivre davantage l'évolution de la situation des communautés religieuses, chrétiennes et autres, dans son dialogue politique avec les pays du Proche et du Moyen-Orient et à lier sa politique de voisinage, y inclus l'aide financière, au degré de protection et de sensibilisation aux droits de l'Homme dans ces pays.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page