D. ÉLARGIR LE CHAMP DES MISSIONS ET, PAR CONSÉQUENT, LES MOYENS DE LA CCEN

1. Élargir le domaine d'intervention de la CCEN sur le flux de normes
a) Consulter systématiquement la CCEN sur les projets de loi et d'amendement du Gouvernement concernant les collectivités territoriales

Cette recommandation fait écho à une observation formulée par la CCEN elle-même, dans son rapport d'activité pour l'année 2009.

En effet, le Gouvernement n'a jamais fait usage de la faculté qui lui est ouverte par le 5 ème alinéa de l'article L. 1211-4-2 du CGCT : « le Gouvernement peut consulter la CCEN sur tout projet de loi ou tout projet d'amendement du Gouvernement concernant les collectivités territoriales » .

Pourtant, presque un tiers des projets de texte réglementaire soumis à la CCEN en 2009 constituaient des mesures d'application d'un texte législatif. D'où la conclusion de la CCEN :

« L'État pourrait s'appuyer davantage sur les consultations de la CCEN afin d'évaluer au préalable les projets de loi intéressant les collectivités territoriales.

Un tel échange serait de nature à préparer le débat parlementaire et à favoriser l'appropriation par les élus locaux d'une réglementation qu'ils seront chargés de mettre en oeuvre ou de respecter. En outre, élargir de la sorte son champ de compétence consacrerait définitivement la CCEN comme l'une des instances majeures de régulation des relations entre l'État et les collectivités territoriales, satisfaisant ainsi aux attentes des élus locaux. ».

Votre Délégation approuve, dans son principe, cette recommandation ; elle partage tout particulièrement le souci de préparer au mieux le débat parlementaire ce qui la conduite à préconiser que les observations que pourrait faire la CCEN soient présentées et pris en compte dans les études d'impact devant accompagner les projets de loi.

Proposition : Consulter systématiquement, sauf impossibilité absolue, la CCEN sur les projets de loi et d'amendement du Gouvernement concernant les collectivités territoriales ; exiger, le cas échéant, que les études d'impact présentent et prennent en compte les observations de la CCEN dans les études d'impact des projets de loi.

b) Respecter l'obligation de consultation de la CCEN sur les projets de texte communautaire concernant les collectivités territoriales

La CCEN est légalement « chargée d'émettre un avis sur les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics ». Cette consultation est obligatoire.

Pourtant, dans son rapport d'activité pour 2009, la CCEN constate : « après deux ans d'activité, ni le Gouvernement, ni le SGAE n'ont encore jamais saisi la CCEN de ce type de mesures, alors même que de nombreux textes réglementaires d'application de lois ou de transposition de directives communautaires lui sont régulièrement soumis. » .

Cet « oubli » est d'autant plus regrettable qu'elle met la CCEN devant le fait accompli lorsque, plus tard, celle-ci est appelée à se prononcer sur les textes d'application du droit communautaire.

Proposition : Consulter systématiquement la CCEN sur les projets de texte communautaire concernant les collectivités territoriales.

c) Permettre la consultation de la CCEN sur les initiatives parlementaires

Dans leur contribution, les sénateurs membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés de la commission des Finances proposent que la CCEN soit « saisie automatiquement pour avis, avant l'examen par le Parlement » de toute proposition de loi (et, semble-t-il, de tout amendement d'origine parlementaire) impactant financièrement les collectivités territoriales.

Une telle proposition peut sembler un peu trop contraignante, ne serait-ce que pour la CCEN elle-même : il n'est guère souhaitable d'alourdir une charge de travail déjà conséquente avec un examen « systématique » des propositions de loi (même limité à celles examinées par le Parlement) et, a fortiori, des amendements (puisque, statistiquement, il en est toujours, en nombre parfois important, qui ne sont pas adoptés par l'assemblée).

En revanche, il peut être opportun de prévoir, sous une forme ou sous une autre, une possibilité d'intervention de la CCEN lorsque l'initiative parlementaire acquiert une chance raisonnable de figurer dans la loi. La saisine de la CCEN pourrait donc être envisagée non pas avant l'examen par le Parlement, mais à partir du moment où une des deux assemblées aurait adopté la proposition ou l'amendement parlementaire : l'avis de la CCEN éclairerait alors l'autre assemblée (et le cas échéant la première, en cas de vote non conforme) ou la commission mixte paritaire.

Une question se poserait alors : cette saisine devrait-elle être obligatoire -comme le suggèrent les sénateurs socialistes- ou facultative ? Dans la mesure où les initiatives des parlementaires sont soumises à l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution, le nombre de celles qui impacteraient les finances des collectivités territoriales devraient représenter une charge de travail « gérable », de nature à justifier une saisine obligatoire (une partie de ces initiatives aurait d'ailleurs un impact positif pour les collectivités, puisque la CCEN connaît aussi des normes qui réduisent les charges de celles-ci, si bien que son avis devrait alors ne pas donner lieu à de trop longs débats).

Proposition : Imposer la saisine de la CCEN sur toute proposition de loi ou amendement d'origine parlementaire adopté par une assemblée.

Il conviendrait d'articuler cette règle avec le recours à la procédure accélérée, dont elle pourrait limiter l'efficacité en cas d'urgence. La solution la plus simple serait, comme le proposent les sénateurs socialistes de la commission des Finances, de limiter le recours à la procédure accélérée à des circonstances vraiment exceptionnelles.

d) Associer la CCEN à l'élaboration de certaines normes techniques

La grande majorité des normes techniques et professionnelles de type AFNOR ou ISO demeure d'application volontaire (selon la CCEN, sur environ 30.000 normes françaises homologuées, moins de 400 sont obligatoires).

Or, comme on l'a vu (cf. I), ces normes officiellement facultatives sont de fait obligatoires pour les collectivités territoriales, tout particulièrement dans les domaines de la construction et de la sécurité.

C'est pourquoi il a notamment été suggéré de modifier l'article 6 du décret du 16 juin 2009 relatif à la Normalisation : celui-ci disposant que « l'Association française de normalisation assure la programmation des travaux de normalisation laquelle vise [...] à réaliser des études d'impact économique », il pourrait y être ajoutée l'obligation d'évaluation préalable de l'impact financier de la norme projetée sur les destinataires (État, collectivités, entreprises, particuliers). En cas d'impact financier sur les collectivités territoriales, la consultation de la CCEN deviendrait obligatoire, tout au moins pour les normes de construction et de sécurité.

Une telle suggestion a été réitérée par les sénateurs du groupe socialiste, apparentés et rattachés dans leur contribution adressée à la commission des Finances.

Proposition : Modifier le décret relatif à la normalisation afin que l'AFNOR soit tenue de faire procéder à une évaluation préalable de l'impact financier des normes envisagées ; imposer la consultation de la CCEN sur les mesures de normalisation ayant un impact sur les collectivités territoriales et, au minimum, sur celles envisagées en matière de construction et de sécurité.

2. Sur le stock de normes : engager, via la CCEN, une démarche pragmatique de toilettage des normes existantes
a) Soumettre sans délai à la CCEN les normes adoptées avant sa création et non encore entrées en vigueur

La CCEN vient seulement de souffler ses deux bougies. Compte tenu du rôle précieux qui est le sien dans l'examen des projets de norme, il serait souhaitable :

- de dresser sans tarder l'inventaire des normes adoptées avant sa mise en place mais qui, du fait d'une entrée en vigueur reportée, ne sont pas encore applicables ;

- de soumettre ces normes à l'examen de la CCEN pour lui permettre de se prononcer sur leur impact pour les collectivités.

Proposition : Soumettre sans délai à la CCEN les normes adoptées avant sa création et non encore entrées en vigueur.

b) Élargir la démarche de simplification au stock des normes

En novembre 2010, le Premier ministre a opportunément désigné un commissaire chargé de la simplification (M. Rémi BOUCHEZ, conseiller d'État), rattaché au Secrétariat général du Gouvernement. Sa mission, si elle concerne aussi bien les normes applicables aux collectivités que celles destinées aux entreprises, ne porte cependant « que » sur le flux : l'intéressé est en effet chargé de veiller à ce que l'impact des nouvelles normes soit correctement anticipé et évalué.

Les commissions permanentes du Sénat, en particulier celles des Lois et de l'Économie, ont mis l'accent sur la nécessité de simplifier le droit applicable dans plusieurs domaines, pour le rendre à la fois plus cohérent et plus lisible.

Cette démarche pourrait être conduite en s'inspirant de travaux de codification menés, avec succès, au cours des années 1990 par une commission présidée par le regretté Guy BRAIBANT, membre éminent du Conseil d'État. Cette codification, aujourd'hui achevée, a été effectuée « à droit constant ». Elle pourrait servir de modèle à une nouvelle étape dans la recherche de la simplification : après la simplification par rassemblement des normes au sein d'un même code, viendrait le temps de l'examen au fond de leur pertinence et de leur cohérence d'ensemble.

Une « commission de simplification » pourrait, comme feue la commission de codification, constituer des groupes de réflexion spécialisés, animés par un ou des rapporteurs (en pratique, du Conseil d'État). Cette commission de simplification pourrait être une structure ad hoc, mais le plus simple, pour éviter la création d'une instance nouvelle, serait d'habiliter la CCEN à effectuer ce travail.

Suivant les suggestions des commissions permanentes du Sénat, ses premiers chantiers seraient appelés à porter sur :

- le droit des sols (avec le droit de l'urbanisme comme « noyau dur ») ;

- le droit applicable outre-mer ;

- le droit de la construction ;

- le droit de l'environnement.

Proposition : Charger la CCEN, siégeant en commission de simplification, de l'« audit » de grands secteurs du droit au regard de la nécessité des normes, de leur cohérence et de leur lisibilité.

3. Renforcer les moyens de la CCEN

Le renforcement des moyens de la CCEN est le corollaire des propositions tendant à développer ses missions.

A côté d'un renfort en personnels, qui semble inévitable, les sénateurs du groupe socialiste, apparentés et rattachés membres de la commission ont opportunément soulevé la question de la possibilité, qu'ils souhaitent automatique, de produire un contre-rapport au sein de la CCEN. Lorsque cette possibilité serait mise en oeuvre, le contre-rapporteur pourrait « solliciter l'appui d'experts issus de l'encadrement des collectivités territoriales ou des associations représentatives des collectivités » .

Proposition : Renforcer les moyens en personnels de la CCEN ; généraliser la possibilité, pour la CCEN, de confier à un de ses membres un contre-rapport sur un projet de texte qui lui est soumis.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page