2. La rigueur comme seule réponse possible à la crise

Combinée à la perte latente de compétitivité des deux États membres, la crise économique mondiale est venue considérablement fragiliser les économies lettone et lituanienne, confrontées dès lors à une contraction de l'activité quasiment inconnue depuis l'accession à l'indépendance et à une augmentation concomitante du chômage. Les chiffres sont, à cet égard, éloquents : en 2009, la Lettonie a enregistré une récession de 18 %, le produit intérieur brut lituanien ayant pour sa part chuté de 14,7 %. Le chômage frappe également les deux populations, à un niveau jamais atteint jusqu'alors, 14,5 % en Lettonie et 17,4 % en Lituanie fin 2010.

La dégradation de la situation économique n'a, bien évidemment, pas été sans conséquence, sur les comptes publics. Le déficit public lituanien a ainsi atteint 9,2 % du PIB en 2009 et 8 % au cours du dernier exercice. Le Conseil de l'Union européenne a d'ailleurs adressé, début 2010, une recommandation à la Lituanie pour qu'elle mette fin à la situation de déficit excessif. Le déficit public letton a, quant à lui, atteint 10 % en 2009 et 8,2 % en 2010. De telles dégradations conduisent les gouvernements à adopter des mesures d'austérité destinées à concilier consolidation budgétaire et amélioration de la compétitivité.

a) Le recours letton à l'aide internationale

(1) Les failles du système bancaire local

La crise économique qui frappe la région est doublée en Lettonie d'une crise bancaire grave. Lié à la crise financière internationale, l'effondrement des prix immobiliers en 2008 (de - 38 à - 70 % pour un appartement standard à Riga) n'est pas sans conséquence pour l'ensemble du système financier. Le prix de revente des biens immobiliers achetés au plus fort de la croissance ne permet plus, en effet, de rembourser les emprunts contractés. Dans le même temps, les banques voient leurs créances hypothécaires perdre de leurs valeurs, plaçant les établissements financiers dans une situation délicate.

Le secteur bancaire letton s'avère surdimensionné par rapport à la taille du pays. La quasi-fixité du taux de change avec l'euro a attiré un certain nombre de capitaux étrangers, en provenance, notamment, de l'ancienne Union soviétique. Outre les banques lettones, des établissements financiers -scandinaves et allemands pour l'essentiel - structurent le marché. 60 % des actifs lettons sont ainsi détenus par des banques étrangères, le système bancaire local devenant une véritable filiale des établissements européens, dépendant de la politique menée par ceux-ci.

L'arrimage de la monnaie à l'euro facilite, dans le même temps, un recours à l'endettement extérieur en vue de combler un déficit courant de plus en plus important. En finançant sa croissance de la sorte, la Lettonie s'est rendue dépendante des banques et entreprises étrangères. 70 % de l'endettement letton est ainsi libellé en devises étrangères. En cas de rapatriement des capitaux, le risque de crise de liquidité est réel.

La Banca Parex, première banque lettone - 4,9 milliards de lats d'actifs (6,95 milliards d'euros) -, est ainsi affectée par une véritable crise de confiance de la part des déposants, principalement liée à l'annonce par Stockholm d'un plan de garantie aux banques suédoises. Ce plan se justifiait notamment, aux yeux du gouvernement suédois, par l'exposition des établissements financiers locaux dans les pays baltes. La publicité autour de ce plan a conduit les déposants à s'interroger sur la capacité de la Parex à honorer ses engagements et a entraîné un vaste mouvement de retrait de capitaux.

Confrontée à un problème de refinancement, la banque lettone sollicite l'aide de l'État en octobre 2008. Le poids de la Parex dans le système bancaire local a conduit le gouvernement à acquérir 51 % de son capital. Cette intervention ne jugule pas la fuite des capitaux, 457,4 millions de lats (648,5 millions d'euros), principalement d'origine russe, ayant quitté les caisses de la banque entre le 7 et le 20 novembre 2008. Une nouvelle injection publique dans les comptes de la banque, à hauteur de 1 milliard de lats (1,4 milliard d'euros) - le budget de l'État s'élevant à alors 5,5 milliards de lats (7,8 milliards d'euros) - a obligé le gouvernement à recourir à une aide conjointe de l'Union européenne, du Fonds monétaire international et des pays voisins.

(2) La rigueur comme corollaire de l'aide internationale

L'aide internationale s'est traduite par un prêt, en décembre 2008, de 7,5 milliards d'euros sur trois ans, remboursable sur cinq ans et conditionné à l'adoption, par le gouvernement, d'un programme de stabilisation économique. Ce plan prévoit, notamment, une réduction progressive du déficit public à 3 % du PIB d'ici 2012.

Aux côtés du FMI et de l'Union européenne, la Suède a joué un rôle non négligeable en tant que contributeur mais également en garantissant, en cas de banqueroute, les banques suédoises les plus impliquées dans le système financier letton. Ces garanties ont d'ailleurs été étendues à toutes les filiales qui opèrent dans les États baltes.

L'aide extérieure : calendrier de versement et contributeurs (en milliards d'euros)

2009

2010

2011

Total

Union européenne

2,7

0,3

0,1

3,1

FMI

1

0,6

0,1

1,7

Pays nordiques (Danemark, Estonie, Finlande, Norvège, Suède)


1,9


1,9

Banque mondiale

0,2

0,2

0,4

BERD, Estonie, Pologne, République Tchèque

0,2

0,2

Totaux

4,1

3

0,4

7,5

Le gouvernement letton a parallèlement mis en place un programme dit de « dévaluation interne ». Celui-ci se caractérise notamment par une baisse du niveau des retraites et une diminution d'environ 30 % des rémunérations versées dans le secteur public. L'aide conjointe de l'Union européenne, via la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), et du FMI est notamment conditionnée à une telle politique de désinflation par les salaires. La réduction des salaires dans le secteur public doit permettre, à terme, un alignement des revenus de l'ensemble de l'économie et améliorer de la sorte la compétitivité du pays.

Le gouvernement poursuit dans le même temps une politique de réduction des dépenses de l'État, matérialisée par des coupes budgétaires allant de 20 à 40 % selon les ministères concernés. Une rationalisation du système de santé et une modernisation de l'enseignement supérieur sont également mis en oeuvre : 10 % des écoles sont ainsi fermées, les budgets dédiés aux universités sont réduits de 30 à 40 %. Les crédits des agences publiques sont eux réduits de moitié. Les entreprises publiques voient, quant à elles, leurs conseils d'administration supprimés, à l'exception des grandes entreprises telle Latvenergo , la compagnie d'électricité, ou celle à capitaux mixtes comme Air baltic ou Lattelekom .

Un audit a, par ailleurs, déterminé la direction à suivre pour optimiser et rationnaliser l'action publique, le gouvernement privilégiant les investissements structurels. Une réflexion est engagée à ce sujet pour améliorer l'utilisation des crédits européens et favoriser différents projets d'infrastructures. L'ambition du gouvernement est en effet de renforcer l'attractivité de la Lettonie dans le domaine des transports et de la logistique. Des aides spécifiques à destination des entreprises exportatrices sont également mises en oeuvre.

Une telle cure d'austérité a été rendue nécessaire par l'aggravation de la crise. En mars 2009, face à l'absence de réelles mesures destinées à ramener le déficit public en dessous des 5 % du PIB, comme elle s'y était engagée auprès du FMI, la Lettonie s'est vu, dans un premier temps, refuser le versement de la deuxième tranche de l'aide de 7,5 milliards d'euros. Par ailleurs, l'augmentation des primes de risques sur les obligations gouvernementales s'est aussi traduite en juin 2009 par l'impossibilité pour le gouvernement letton de vendre ses titres de dette lors d'une adjudication. Ces difficultés se sont poursuivies en septembre 2009, la Lettonie ne parvenant pas à placer l'intégralité de ses titres lors d'enchères. Les taux s'échelonnaient alors entre 10,5 et 14,3 %.

La situation s'est néanmoins relativement améliorée depuis. Les mesures d'austérité mises en place par les autorités devraient ainsi permettre à la Lettonie de ne pas utiliser la totalité des 7,5 milliards d'euros prévus mais seulement 5 milliards. La reprise économique a, dans le même temps, permis à la Lettonie de réviser à la baisse les mesures de consolidation budgétaire envisagées avec les bailleurs de fonds internationaux.

Ainsi, alors que le programme d'aide internationale de 2008 prévoyait entre 560 et 630 millions d'euros de recettes fiscales et d'économies budgétaires supplémentaires, la loi de finances pour 2011 chiffre le montant de celles-ci à environ 400 millions d'euros. Cette révision à la baisse est principalement liée aux signes de reprise économique observables. La croissance pourrait ainsi atteindre 3,3 % du PIB en 2011.

Les mesures adoptées en 2011 traduisent cependant une poursuite notable de la rigueur, matérialisée par une augmentation de la fiscalité : hausse de la TVA de 21 à 22 %, suppression du taux réduit de TVA sur l'électricité, élévation du taux réduit de TVA de 10 à 12 % dans tous les secteurs concernés, augmentation de 100 % de l'impôt foncier, majoration des taux d'accise sur différents produits, création d'une taxe sur les établissements de crédit, etc.

La Commission européenne a, par ailleurs, autorisé le 15 septembre dernier la restructuration de la banque Parex . Ce plan prévoit un transfert des principaux actifs et activités de Parex et d'une partie des aides publiques de trésorerie au sein d'une nouvelle banque, la Citadelle banka . Les autres actifs sont transmis dans une structure de défaisance en vue d'une cession progressive. Une privatisation des deux entités est à l'étude. Les coûts de restructuration sont partagés par les actionnaires historiques. La banque est quant à elle recentrée sur son coeur de métier dans les pays baltes. Il convient, par ailleurs, de relever qu'en avril 2009, la BERD est entrée dans le capital de la Parex à hauteur de 25 %. Cet assainissement du secteur bancaire devrait favoriser à moyen terme un desserrement des conditions de crédit aux entreprises.

La Lettonie envisage, en outre, de pouvoir accéder de nouveau au marché obligataire européen courant 2011.

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