2. La politique européenne de l'énergie au secours des États baltes ?

L'adhésion des États baltes à l'Union européenne a renforcé leur souhait de mettre en oeuvre une politique d'affranchissement à l'égard de la Russie en matière énergétique. Force est de constater qu'à l'image du projet Nord Stream cette volonté de désenclavement n'a pas rencontré un écho immédiat au sein de l'Union européenne. Le projet de gazoduc Nord Stream qui devrait relier la Russie à l'Allemagne en contournant les États baltes a suscité, en Lituanie et dans une moindre mesure en Lettonie, un certain nombre de réserves, les gouvernements locaux relevant tant les implications politiques qu'économiques et environnementales du projet germano-russe, jugé finalement prioritaire par l'Union européenne.

On notera, à cet égard, un certain pragmatisme de la part du gouvernement letton, signe de la difficulté des États baltes à mettre en oeuvre une stratégie commune en matière d'indépendance énergétique. Dans la cadre du projet Nord Stream , Moscou souhaite en effet utiliser les capacités géologiques lettones pour le stockage du gaz. Le recours au réservoir de Dobele peut, de fait, permettre à Riga de réduire un peu plus sa vulnérabilité à d'éventuelles ruptures de livraison.

Le projet Nord Stream

Le gazoduc Nord Stream , d'une longueur de 1200 kilomètres, doit permettre d'acheminer le gaz des gisements russes de Vyborg (Russie) à Greifswald (Allemagne) via la mer Baltique. Cette voie directe entre l'Allemagne et la Russie évince les pays dits de transit, soit les pays baltes et la Pologne. L'Union européenne a néanmoins jugé ce projet prioritaire et adapté à la politique énergétique communautaire.

Nord Stream constitue une alternative au projet de gazoduc terrestre Ambre qui aurait pu traverser les trois pays baltes et la Pologne. L'Union européenne a cependant privilégié la voie sous-marine, le commissaire européen letton Andris Pielbags jugeant que le projet Nord Stream offrait plus de garanties en matière de sécurité des approvisionnements gaziers. Le soutien de Bruxelles s'est traduit en 2006 par l'octroi du statut de projet relevant des orientations énergétiques du réseau trans-européen de l'Union.

L'argument environnemental avancé par la Pologne et la Lituanie pour faire annuler le projet a été rejeté en 2009. Néanmoins, si des retards existent désormais et rendent hypothétique un achèvement des travaux en 2012, ils sont liés aux réserves qu'émettent les pays nordiques mais aussi l'Allemagne, pourtant impliquée dans le lancement du projet en 2005.

Le cas de Nord Stream vient souligner l'échec de la mise en oeuvre d'une véritable politique européenne de l'énergie et l'incapacité à mettre en place une réelle consultation entre pays membres à ce sujet, au grand dam des États baltes.

Le plan d'interconnexion des marchés énergétiques de la région de la Baltique (PIMERB), adopté en juin 2009 par l'Union européenne, traduit néanmoins une nouvelle inflexion en élargissant le marché de l'électricité nordique libéralisé jusqu'aux États baltes, créant les bases d'un marché régional. Le plan prévoit de fait un certain nombre de projets d'infrastructures pour relier les pays baltes et la Pologne avec leurs voisins nordiques mais aussi la construction d'un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) commun à l'ensemble des pays baltes. Ces projets d'infrastructures seraient financés à hauteur de 500 millions d'euros par l'Union européenne.

Dans le domaine électrique, plusieurs projets devraient obtenir des fonds de l'Union européenne, à l'instar du câble sous-marin appelé à relier en 2016 la Suède et la Lituanie qui serait ainsi financé à hauteur de 175 millions d'euros par l'Union européenne, le coût total du projet étant évalué à 435 millions d'euros (projet NordBalt ). L'Union européenne juge également prioritaire la construction d'une ligne à haute tension entre la Pologne et la Lituanie en vue d'accélérer le désenclavement de la région et la connexion au réseau électrique européen à l'horizon 2015 (projet Liptolink ). La Lettonie pourrait également bénéficier du doublement du câble sous-marin reliant déjà la Finlande et l'Estonie et dans lequel la compagnie électrique lettone Latvenergo possède une participation de 25 % du capital (projet Estlink - 2 ).

Les conclusions du Conseil européen du 4 février dernier témoignent d'une nouvelle implication européenne dans le désenclavement énergétique des pays baltes. Aux termes de celles-ci, aucun État membre de l'Union européenne ne devrait, en effet, demeurer à l'écart des réseaux européens d'électricité et de gaz au-delà de 2015, ni voir sa sécurité énergétique menacée par le manque de connexions appropriées.

Le troisième paquet « énergie climat » qui devait être transposé dans les législations nationales d'ici au 2 mars 2011, en imposant aux États membres la séparation entre les activités de production et de fourniture d'énergie et celles de transport permettent, en outre, une réorganisation des marchés locaux de l'énergie, comme en témoignent les velléités d'évictions de Gazprom du marché lituanien. Le parlement lituanien a amendé le 19 mai 2010 sa loi sur le gaz en ce sens. La législation communautaire en la matière a d'ailleurs été au centre de la réunion de travail entre la Commission et la Russie le 24 février dernier, le Premier ministre russe, M. Vladimir Poutine, condamnant la dissociation des activités de production et de transport, indiquant qu'elle devrait déboucher sur une hausse des prix, à l'instar de celle attendue en Lituanie. Moscou estime, par ailleurs, que cette séparation débouche sur une confiscation des infrastructures de transit.

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