C. QUELLE PLACE POUR LE PROJET POLITIQUE EUROPÉEN ?

1. L'Union européenne : simple guichet ?

L'orientation libérale et atlantique des gouvernements letton et lituanien ne remet pas en cause leur attachement à l'Union européenne, envisagée notamment comme un contributeur important à la consolidation budgétaire mais aussi à la relance économique.

La Lituanie devrait ainsi percevoir près de 8,58 milliards d'euros au titre des fonds européens pour la période 2007-2013, dont 6,77 au titre des fonds structurels et de cohésion (14 milliards d'euros pour la France pour la même période) et 1,81 dans le cadre de la politique agricole commune. La Lettonie recevra quant à elle 5,706 milliards d'euros au cours de la même période, dont 4,5 au titre des fonds structurels et de cohésion et 1,206 dans le cadre de la politique agricole commune. Ces montants sont proches des budgets annuels des deux États : 7,25 milliards d'euros pour la Lettonie et 7,7 milliards d'euros pour la Lituanie en 2011. Les deux États sont, bien évidemment, bénéficiaires nets du budget de l'Union européenne.

Concernant l'utilisation des fonds structurels et de cohésion, leur utilisation diverge d'un pays à l'autre, même si tous deux mettent plus ou moins l'accent sur l'amélioration des services et infrastructures publics.

Utilisation des fonds structurels et de cohésion 2007-2013

Lettonie

Lituanie

Développement des ressources humaines

25,31 %

13,8 %

Renforcement de la compétitivité et économie de la connaissance


15,7 %


45,7 %

Amélioration des services et infrastructures publics


58,99 %


39,1 %

L'utilisation des fonds communautaires est assez optimale comme en témoignent le nombre et l'importance des contrats conclus pour la période 2007-2013, la Lettonie ayant notamment conclu, au titre des crédits accordés en faveur des projets ayant trait au développement des ressources humaines, des contrats représentant près de 82 % des fonds accordés par l'Union européenne.

Contrats conclus pour la période 2007-2013 (en % des fonds accordés)

Lettonie

Lituanie

Développement des ressources humaines

81,7 %

55,8 %

Renforcement de la compétitivité et économie de la connaissance


66,3 %


67,5 %

Amélioration des services et infrastructures publics


82,3 %


62,2 %

La manne financière de l'Union européenne est donc une opportunité indéniable pour ces deux pays en vue de poursuivre la modernisation de leurs infrastructures et parer, de la sorte, à l'insuffisance de leurs ressources budgétaires. Il n'est, à cet égard, pas anodin de voir les deux pays, et plus particulièrement la Lettonie, plaider pour un système plus équitable dans le cadre de la politique agricole commune de façon à bénéficier d'aides directes plus importantes.

Cette implication dans les dossiers financiers contraste avec la relative timidité des deux États, par ailleurs membres de l'espace Schengen, dans les autres domaines communautaires. L'Union européenne demeure avant tout un biais pour une modernisation des structures économiques voire sociales de chacun des deux pays avant d'être un véritable projet politique. L'adhésion à l'Union européenne est, pour les Lettons comme pour les Lituaniens, un élément d'affirmation voire d'opposition face à l'ancien tuteur russe. Elle n'implique pas, pour autant, un renforcement de la solidarité régionale, comme en témoignent les maigres résultats obtenus dans le cadre de la stratégie de l'Union européenne pour la région de la mer Baltique lancée fin 2009 ou dans celui du projet de Dimension septentrionale de l'Union européenne. Dans le cas lituanien, les difficultés avec la Pologne tendent même à souligner l'absence d'effet de l'Union européenne en vue d'un rapprochement.

Le bilan mitigé de la dimension septentrionale de l'Union européenne

La Dimension septentrionale est une initiative relativement ambitieuse, couvrant un territoire vaste, du Sud de la Baltique au Groenland. Outre l'Union européenne et la Russie, la Norvège et l'Islande participent à cette organisation. Le Conseil des États de la mer Baltique (CEMB), le Conseil euro-arctique de la mer de Barents (CEAB), le Conseil de l'Arctique (CA), le Conseil nordique des ministres (CNM), des institutions financières internationales telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque nordique d'investissement (BNI), des organisations et des autorités régionales et sous-régionales, des ONG et d'autres organisations de la société civile assistent à ses réunions. Le Canada et les États-Unis disposent du statut d'observateur.

La mise en oeuvre de différents partenariats - en matière de santé et d'environnement notamment - ont pu déboucher ces dernières années sur des réalisations concrètes dans le domaine de l'assainissement de l'eau ou du développement économique. La dimension septentrionale permet parallèlement d'accroître les liens et la coopération avec les organisations régionales locales, tels que le Conseil euro-arctique de Barents et le Conseil des États de la mer Baltique.

Il y a néanmoins lieu de s'interroger sur l'absence de réelle dynamique politique, qui n'est pas sans rappeler l'atonie dans laquelle est plongé le processus euro-méditerranéen. Les difficultés que peuvent rencontrer certains États avec la Russie contribuent à fragiliser les tentatives de coopérations concrètes. Il y a de fait lieu de se demander si les actions de coopération techniques n'auraient, de toute façon, pas pu être menées sans créer cette structure.

Le fait que le personnel politique au pouvoir soit encore en grande partie issu d'une génération ayant connu l'exil en Amérique du Nord durant l'occupation soviétique justifie pour partie cette fragilité du sentiment européen dans les pays baltes. Une évolution est néanmoins observable, comme en témoigne la reconfiguration progressive du paysage politique en Lettonie ou l'arrivée à la présidence de la République lituanienne de Mme Dalia Grybauskaité, ancienne commissaire européenne. La « Dame de fer » a succédé à M. Valdas Adamkus qui a longtemps vécu aux États-Unis et a adopté dans la foulée une ligne politique plus nuancée à l'égard de Washington, ne paraissant plus privilégier davantage le lien transatlantique au détriment de l'Union européenne.

Les avancées timides enregistrées dans le domaine de la défense ces derniers mois soulignent, à cet égard, une implication un peu plus grande dans le projet politique européen.

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