II. COMPTES RENDUS DES TABLES RONDES

A. TABLE RONDE DU 10 NOVEMBRE 2010

IDENTITÉ DES ADOLESCENTS ET RELATIONS AUX AUTRES

Cette première table ronde vise à identifier les principaux déterminants de l'identité des adolescents et de leurs relations aux autres dans les quartiers urbains les plus en difficulté. Les rapports des jeunes à leur famille, à leur communauté, à leurs pairs et aux institutions seront évoqués.

Dans un second temps, il s'agira d'envisager comment ces facteurs sont susceptibles d'évoluer au cours des vingt prochaines années et quelles sont les actions à mener pour rendre possible la réalisation de scénarios favorables.

La construction d'une identité personnelle et sociale est l'un des enjeux de la période de l'adolescence : comment se forgent alors les rapports entre le collectif et l'individuel ? A quels groupes d'appartenance les jeunes s'identifient-ils ? Quelles sont les problématiques spécifiques aux quartiers sensibles ?


• La famille (père, mère, fratrie) : à quelles conditions les parents peuvent-ils contribuer à la réussite de leur enfant ?


• Le rôle de la culture : comment faire de la diversité culturelle des quartiers un facteur de réussite ?


• La religion : assiste-t-on à un retour du religieux et à une radicalisation des pratiques ?


• L'adolescent parmi ses pairs : « Ce qui fait l'attrait de la bande ? S'y dissoudre avec la sensation de s'y affirmer. La belle illusion d'identité ! » (Daniel Pennac, Chagrin d'école)


• Garçons/filles : comment la différence de « genre » marque-t-elle la vie des quartiers ?


• Le rapport aux institutions : défiance ou confiance ?

PAROLES D'ACTEURS

« Les jeunes se demandent : « comment moi, individu, je peux agir, alors qu'à l'échelle de la société je ne suis rien ? »

« Faute d'un message institutionnel, le collectif se fait par défaut sur des modes négatifs »

« Il nous manque aujourd'hui une intronisation, notamment des garçons, dans la société »

« Les enfants sont très présents au collège. C'est le lieu qui leur appartient »

« Il faut aider les enfants à se créer un espace intérieur »

« Il faut faire prendre conscience aux jeunes qu'ils ont un passé, un présent et un avenir »

« Le petit garçon, à trois ans, c'est un roi »

« Les garçons répètent des trajets d'échec »

« Les rapports filles/garçons sont très marqués par la pornographie »

Étaient présents :

- Mme Fabienne Keller, Sénatrice

- M. Corentin Bainier (Journaliste AEF)

- Mme Anne-Marie Bazzo (Inspectrice d'académie adjointe)

- Mme Martine Carn (Conseillère technique de service social D.G.E.S.C.O)

- M. Michel Cetin (Bénévole Etude Plus, Clichy-sous-Bois)

- Mme Catherine Chantelot (Adjointe à la mairie de Marseille en charge de la jeunesse et animation dans les quartiers)

- M. Philippe Dallier (Sénateur)

- M. François de Jouvenel (Directeur d'études Groupe Futuribles)

- M. Cyril Desouches (Proviseur Vie scolaire, Collège Jean Jaurès Montfermeil)

- M. Mehmet Erdem (Directeur de l'association Etude Plus)

- Mme Nathalie Gaudio (Inspectrice d'académie adjointe, Nord)

- Mme Rania Lamdaouar (Principale du collège Michelet - St Ouen)

- M. Franck Lorenzi (Principal du Collège Jean Jaurès, Montfermeil)

- M. Eric Luhembue (Responsable de l'association Parcours, Clichy/Montfermeil)

- M. Eric Maquer (Principal du Collège Albert Samain, Roubaix)

- M. Michel Quéré (Comité de pilotage, Directeur de l'évaluation, de la prospective et de la performance, Education nationale)

- M. Thierry Repentin (Sénateur, Président de l'USH)

- Mme Dahbia Sabbahi (Chargée de mission - Politiques Educatives Collèges/Lycées, Roubaix)

- Mme Marylou Vergez (Collège Jean Jaurès, Montfermeil)

M. Franck Lorenzy :

Beaucoup de pression et de difficultés rencontrées par les équipes éducatives qui se trouvent confrontées au « vivre ensemble » problématique dans les zones sensibles. Il faut beaucoup d'effort pour maintenir la laïcité.

Les proviseurs veulent plus d'autonomie, en allant plus loin dans les contrats d'objectifs car le collège est le réceptacle de beaucoup de demandes, de la part des élèves, des parents et des associations.

M. Eric Luhembue :

Jusqu'à il y a deux ans, l'association intervenait au sein du collège. Depuis la mise en place de l'accompagnement scolaire, l'association Parcours ne trouve plus sa place en son sein.

Mme Martine Carn :

Concernant la famille, on assiste à un défi afin de permettre à tous de réussir alors que tous n'ont pas la même culture de l'enseignement, il existe différents codes que les parents, notamment, ne connaissent pas. Les enfants qui ne sont pas portés par leurs parents manquent d'ambition. Un exemple : On observe une évolution négative quand les enfants de 6 e peuvent facilement dire le métier qu'exerçaient leurs grands-parents mais pas celui de leurs parents.

Il existe par ailleurs un problème d'éparpillement des dispositifs liés au collège, un besoin de plus de cohérence.

On assiste par ailleurs à la montée d'incidents violents. Notamment des parents envers le personnel éducatif. Il existe un gros problème de compréhension, ce qui fait dire à Mme Carn qu'il faudrait créer une plateforme d'échanges afin de permettre aux parents d'être plus présents au sein du collège et non plus seulement lors de la remise des bulletins scolaires, qui peut s'apparenter à une vision négative du collège chez les parents.

Les temps forts de violence sont d'ailleurs liés aux remises des bulletins et aux conseils de discipline.

« Plus il y a de fait violents et plus il y a d'élèves en situation d'exclusion »

On observe d'ailleurs que le niveau de tolérance lié à la violence n'est pas le même dans tous les établissements et nécessite sans doute un besoin d'autonomie avec des sanctions propres aux collèges.

Mme Dahbia Sabbahi :

On parle tellement de la famille comme institution qu'on a un peu perdu la place de la famille dans la société notamment comme vecteur de socialisation.

A l'entrée au collège, on ne retrouve plus les parents.

Il existe un réel besoin associatif car ce n'est pas le rôle de l'éducation nationale de travailler sur la famille. Il faut accompagner la famille dans toutes ses démarches et lui redonner le statut d'éducateur.

« On n'élève plus les enfants selon les valeurs républicaines »

M. François de Jouvenel :

On assiste à une certaine démission parentale, ce qui est un facteur croissant d'inégalité sociale.

M. Michel Quéré :

« Qu'est ce qui construit aujourd'hui l'identité d'un adolescent ? »

On ne trouve pas forcément une augmentation de la violence mais elle est concentrée dans un petit nombre de collèges. « 10 % des établissements concentrent 50 % des actes violents. » Il y a d'ailleurs plus de violence au sein des collèges et lycées professionnels qu'au sein des collèges/lycées généraux et technologiques.

L'incompréhension est multiple, due à l'absence de codes et de médiation.

On observe une relative déperdition du vivre-ensemble créé par les associations et les familles et à l'apparition de nouvelles valeurs.

Sur les incompréhensions : les institutions ne comprennent pas la construction du système de valeurs des adolescents et sont doublées d'une autorité verbale morale de l'enseignant incomprise par l'élève.

Il faut distinguer famille et parents, la famille telle que connue auparavant n'existe plus vraiment.

Concernant l'éducation nationale : « C'est le ministère de l'espérance ». Il faut concilier l'inégalité inhérente à l'apprentissage de chacun et la volonté de faire passer des valeurs à chacun.

M. Philippe Dallier ;

Il faut comprendre les facteurs de différenciation entre les élèves au sein d'un même collège.

Réponse de M. Michel Quéré : il est compliqué de faire ça sur du long terme sur le parcours scolaire des adolescents.

M. Eric Maquer :

Il existe une tendance que l'on observe, les familles se désengagent au fil des années au collège en laissant ce dernier tout régler.

On assiste à une violence anti-institutionnelle tournée contre l'école. Les parents sont insatisfaits, les élèves dénoncent ce qu'ils perçoivent comme des injustices.

Néanmoins, même en zone sensible, des parents viennent, le problème c'est d'en avoir en nombre. « Les parents ne se reconnaissent pas dans l'institution de l'école qui est le reflet de leurs échecs passés ». On revient à la nécessité d'un contact permanent avec les parents qui doivent participer activement à la vie de l'établissement en dehors des programmes.

Mme Rania Lamdaouar :

Obligation de travailler en partenariat avec les parents qui, pour beaucoup, ne sont pas démissionnaires, mais démunis. « Les premiers éducateurs sont les parents et il faut leur faire une place à l'école »

Mme Catherine Chantelot :

Les adolescents sont avant tout une cible commerciale, des artistes, des grandes marques, de la télévision, etc. Certains de ces modèles sont désastreux pour la formation des adolescents (exemple des footballeurs).

D'autant plus que les enfants ont beaucoup plus de moyens financiers qu'auparavant, il y a un rapport à l'argent extrêmement destructeur.

M. Franck Lorenzi :

Il n'y a jamais eu « d'âge d'or » de l'éducation en France. La génération d'aujourd'hui arrive à pointer du doigt les dysfonctionnements de la société, notamment sur les discriminations. Ceux qui réussissent posent maintenant des questions difficiles aux institutions. Il faudrait développer l'esprit critique des collégiens notamment par l'introduction de la philosophie au collège.

« Le collège ne peut pas tout faire, il n'est plus ce sanctuaire »

Mme Anne-Marie Bazzo :

On assiste à l'arrivée de « nouvelles » thématiques telle que la parentalité et l'accès des parents à l'école. Les jeunes ont besoin de réponses et l'éducation nationale ne peut répondre à toutes. Ce ne sont pas des questions que l'on posait il y a 15 ans.

Il y a un gros problème concernant la langue pour les élèves étrangers, notamment les primo-arrivants. On a besoin d'enlever cette « honte » qui est intrinsèque au fait de ne pas parler le français.

Les adolescents sont extrêmement attachés au respect qu'on leur doit. On doit par ailleurs leur redonner de la fierté.

Mme Nathalie Gaudio :

Concernant l'ambition : Il faut arriver à convaincre les élèves et leurs familles qu'ils peuvent réussir. En 4 e et 3 e , les élèves n'ont pas l'ambition nécessaire pour continuer. Néanmoins ceux qui continuent au lycée réussissent plutôt bien. Il faut tirer vers le haut l'élève et multiplier les parrainages ponctuels qui existent déjà (comme le suivi individuel d'élève par la Fondation des la Légion d'Honneur).

Identité numérique : L'outil numérique et les réseaux sociaux rendent instantanée la communication. Il ne faut pas faire abstraction de leurs nouveaux systèmes de communication.

Mme Martine Carn :

Les élèves montrent qu'il n'y a pas de déterminisme entre l'échec scolaire et le milieu de l'élève, seulement des corrélations telles que le savoir culturel.

On observe que les filles acceptent plus facilement ce temps d'apprentissage qu'est le collège ainsi qu'un manque de « temps ensemble » entre les parents et les enfants.

M. Philippe Dallier :

Il faut considérer la place de la culture française chez ces élèves, sans renier une possible culture étrangère. Certains élèves ne se sentent pas assez Français en partie parce que l'école ne véhicule plus cette culture.

M. Michel Cetin :

Arrivé au collège, les soucis arrivent (par rapport au primaire). Il faut utiliser ceux qui ont réussi, qui sont allés au lycée, à la fac comme exemples pour les collégiens.

Il est important de faire un programme de la journée de l'élève avec les parents ainsi que de réfléchir à l'intelligence des punitions afin de faire comprendre aux élèves de ne pas avoir ce type de comportement.

M. Cyril Desouches :

Dans le 93, baisse de 14 % des faits de violence depuis 2 ans. La typologie des incidents diffère mais elle semble être de nature plus violente.

Il faut poser la question du collectif, le groupe ne pourrait-il pas être un vecteur de changement ? Les actions et projets de groupes sont vecteurs de réussites (ex du TPE).

Notion de fracture culturelle : les élèves se retrouvent mis à l'écart sans le savoir.

Mme Catherine Chantelot :

Au sein des centres sociaux nous avons des personnes aux compétences exceptionnelles et d'autres des animateurs sans pédagogie, sans motivation.

Il semble exister un problème avec la formation des animateurs sociaux. Le BAFA n'est pas fait pour ça.

M. Eric Maquer :

Au quotidien, ce qui fait fonctionner le groupe c'est la reconnaissance individuelle par le groupe. On assiste à un développement de la loi du plus fort au sein du groupe.

Mme Dahbia Sabbahi :

Qu'est ce qui structure les groupes ? On assiste par ailleurs à l'apparition de groupes de filles qui se calquent sur le modèle des groupes de garçons.

Il y a un gros problème pour les filles de vivre leur féminité.

M. Eric Maquer :

Il faut s'interroger sur ce que doit être et ce qu'est devenu le concept de citoyenneté. Quel est sa place au sein du cursus scolaire ?

Tour de table final : Sur quoi peut-on s'appuyer ?

Mme Catherine Chantelot : Faire porter aux jeunes leurs projets

M. Franck Lorenzi : Osez mettre en pratique leurs ambitions.

M. Michel Cetin : Etre à l'écoute des jeunes

M. Haroun : S'appuyer sur la notion de citoyenneté française avec le respect d'autrui.

M. Cyril Desouches : S'appuyer sur leur énergie.

Mme Fabienne Keller : La créativité des adolescents.

M. Eric Maquer : La compétence de chacun, capacité du jeune à être acteur de sa formation.

Mme Nathalie Gaudio : Les écouter et croire en eux, les élèves ont beaucoup de choses à dire.

Mme Martine Carn : Faire confiance aux jeunes

Mme Rania Lamdaouar : Trouver le moyen de communiquer avec les nouvelles générations.

M. François de Jouvenel : Leur combativité.

M. Mehmet Erdem : C'est un vivier de talents qu'il faut responsabiliser, les remettre dans la réalité.

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