III. COMPTE RENDU DU 5ÈME ATELIER DE PROSPECTIVE : L'AVENIR DES « ANNÉES COLLÈGE » DANS LES QUARTIERS SENSIBLES - 27 JANVIER 2011

A. OUVERTURE PAR JOËL BOURDIN, SÉNATEUR DE L'EURE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE À LA PROSPECTIVE

Mesdames et Messieurs bonjour. Le Sénat tient aujourd'hui son cinquième atelier de prospective, consacré au thème de l'avenir des « années collège ». Depuis la création de la Délégation à la prospective, il y a maintenant un an, d'autres thèmes ont été abordés parmi lesquels : la ville du futur, les équilibres alimentaires mondiaux en 2050, le pacte social, etc.

Le but de la prospective ne saurait être de prédire l'avenir. Son objectif est d'envisager les enchainements possibles en fonction de différentes variables, retenues pour décrire des phénomènes sociaux sur la base d'un diagnostic. L'avenir ne sera jamais ce que nous pouvons imaginer. Le risque serait néanmoins de ne pas engager de réflexions sur les évolutions potentielles, susceptibles de guider les décisions du présent. Combien d'erreurs auraient pu être évitées si nous avions été à même de procéder à des exercices d'anticipation des grandes évolutions de notre société, dans des domaines tels que la démographie, l'environnement, l'énergie, etc.

La réflexion engagée par Fabienne Keller est aujourd'hui plus que nécessaire. Que risquent de devenir les individus actuellement au collège, qui arriveront sur le marché du travail dans moins d'une décennie et qui verront une nouvelle génération leur succéder au sein de l'école ? Que deviendront les quartiers dans lesquels ils vivent aujourd'hui ? Quels sont les futurs possibles pour les zones que nous appelons « sensibles » ? Ces questions seront abordées ce matin.

Merci à tous pour votre participation à cette réflexion passionnante.

B. PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE : L'AVENIR DES « ANNÉES COLLÈGE » DANS LES QUARTIERS SENSIBLES PAR FABIENNE KELLER, SÉNATRICE DU BAS-RHIN

Merci à tous d'avoir répondu favorablement à notre invitation à participer à cet atelier. L'idée serait de profiter de ce moment pour échanger et partager nos regards, que nous soyons sociologues, responsables au sein de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DEGESCO) du Ministère de l'éducation nationale, responsables au sein de la Délégation interministérielle à la ville (DIV), acteurs de terrain dans les quartiers, au sein de centres sociaux, de collèges, de communes, etc. L'enjeu serait de croiser nos expériences et nos réflexions.

Je souhaiterais saluer tout particulièrement la présence d'acteurs venus de Marseille, de Bethoncourt, de Roubaix et d'Ile-de-France. Participeront à nos travaux : la responsable du secteur jeunesse du Centre social des Trois-Ponts de Roubaix, François de Jouvenel (directeur de Futuribles), Mariam Cissé (adjointe au maire de Clichy-sous-Bois), Vincent Cespedes (philosophe), Leyla Arslan (chercheuse au sein de l'Institut Montaigne), Gilles Kepel (professeur à Sciences Po), Vincenzo Cichelli (sociologue), Thierry Bodin (maire de Bethoncourt), Philippe Dallier (sénateur de Seine-Saint-Denis), Adil Jazouli (responsable du département prospective et stratégie de la DIV), Joël Bourdin (président de la Délégation sénatoriale à la prospective), Christian Oudin, Catherine Forgeard et Benjamin Jeanroy (du service des études économiques et de la prospective du Sénat), Hervé Masurel (secrétaire général du comité interministériel des villes), Michèle Tribalat (directrice de recherche à l'INED), Stéphane Gatignon (maire de Sevran), Monsieur Corni (ancien principal de collège à Marseille), Jean Arthuis (sénateur de la Mayenne), Jacques Grosperrin (député du Doubs) et Martin Hirsch (président de l'Agence du service civique). Le ministre de la ville, Maurice Leroy, interviendra quant à lui en conclusion de nos échanges.

J'introduirai le débat en présentant sept scénarii qu'il vous appartiendra de commenter. Le premier serait le scénario « ghetto ». Dans ce scénario, nos quartiers se referment progressivement sur eux-mêmes. Les réseaux mafieux et d'extrémisme religieux tiennent les quartiers. La République n'existe plus. Les jeunes n'ont plus de repères républicains qui leurs soient accessibles.

Le second scénario serait celui du « statu quo ». Les quartiers vieillissent. Le fossé se creuse entre les parties rénovées et les autres. Une certaine présence publique maintient la paix sociale. Les adolescents ont peu de référents de la société dans son ensemble.

Le troisième scénario serait celui de la « relégation acceptée ». La vocation très sociale de certains quartiers est assumée. On y accueille des services publics denses et adaptés. C'est le scénario de la bonne conscience collective, dans lequel on travaille pour les quartiers tout en maintenant éloignées les populations les plus fragiles. Aucun effet d'exemplarité n'est produit. L'objectif pour les jeunes est toujours de quitter le quartier lorsqu'ils le peuvent.

Le quatrième scénario, plus positif, serait celui du « populaire géré ». Il existe une réelle politique dynamique de peuplement, poursuivie notamment par les bailleurs sociaux. Une attractivité nouvelle des quartiers se développe, en lien avec la rénovation urbaine et le dynamisme des structures sociales et éducatives. On recrée de l'espoir pour les jeunes et les familles, mais l'équilibre reste fragile, instable et nécessite d'être sans cesse géré.

Le cinquième scénario serait celui de la « normalisation ». Dans ce scénario idéal, grand espoir des politiques menées (ZEP, rénovation urbaine, etc.), les quartiers se normalisent. L'emploi s'y développe. L'ambition légitime des habitants, et en particulier des jeunes, est nourrie de nombreux exemples, à la fois d'anciens habitants et de proches résidents.

Le sixième scénario, davantage associé aux centres villes en Ile-de-France et à Marseille, serait celui de la « boboïsation ». Le bon positionnement et la bonne desserte des quartiers font que de nouvelles populations « bobos » s'y installent. Les quartiers se modernisent, se rénovent et deviennent très agréables. Cependant, les populations fragiles en ont été chassées, vraisemblablement à travers un processus de regroupement de la fragilité dans des zones plus éloignées.

Le septième et dernier scénario serait celui de la « boboïsation mixée ». Là encore, on observe une rénovation des quartiers. Les classes moyennes s'y installent. Les personnes les plus fragiles y demeurent cependant pour partie, produisant une mixité intéressante.

A partir de ces éléments, en quoi pouvons-nous tous ensemble renouveler notre approche ? Notre souhait serait d'opérer un croisement entre des regards globaux ou d'analyse et des expériences de terrain, s'accompagnant elles-mêmes d'analyses fines. L'enjeu serait ainsi de mettre en oeuvre des outils pertinents à une échelle globale.

Il nous faudra également appréhender les nouveaux leviers d'action pour les quartiers que pourraient constituer, par exemple : la sécurité (apportée par les forces de l'ordre mais aussi traitée sous l'angle de l'image, en lien avec le marquage persistant des quartiers par les phénomènes d'insécurité), l'ambition des jeunes (pour leur donner de l'espoir, de l'envie de mieux faire et une volonté légitime de prendre toute leur place dans la société) et le lien à la double-culture (avec en point de mire la question de l'appropriation des valeurs républicaines et l'amorce d'un débat sur notre histoire commune).

Avant d'ouvrir notre première table ronde, je vous propose de visionner un petit film reprenant un certain nombre de réflexions et d'échanges suscités lors de rencontres organisées sur le terrain, dans les quartiers, les centres culturels et les collèges.

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