II. DEUX PROJETS D'USINES DE NICKEL MENÉS À BIEN, NON SANS DIFFICULTÉS

A. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DES DEUX GRANDS PROJETS D'USINE DE TRAITEMENT DU NICKEL EN 2005

Un regard rétrospectif sur les conclusions du précédent rapport d'information de la commission des finances sur les grands projets d'usine de nickel, réalisé par notre ancien collègue Henri Torre en 2005 montre que la situation a, depuis, beaucoup évolué.

1. Le projet de l'usine du Nord : Koniambo
a) Une condition suspensive non encore levée

L'échange des massifs miniers prévu dans le protocole de Bercy, dont les dispositions ont été détaillées ci-dessus, était subordonné à une condition suspensive : engager de façon ferme la réalisation de l'usine du Nord avant le 1 er janvier 2006.

Or, à la date d'examen du précédent rapport par votre commission des finances, le 5 octobre 2005, cet engagement ferme n'avait pas encore été pris par la société Falconbridge, alors partenaire de la SMSP pour la construction de l'usine du Nord. Nous avions donc pointé les « très fortes incertitudes » qui pesaient sur la réalisation de l'usine de Koniambo.

La commission des finances rappelait ainsi que « la principale difficulté à ce jour consiste en la levée, ou non, de la clause suspensive des accords de Bercy. Sur ce point, les incertitudes juridiques sont très fortes, et les divergences d'appréciation nombreuses. Cette question [...] est la plus sensible de l'ensemble de ce dossier : elle est susceptible de mettre en cause le compromis trouvé par les accords de Bercy ».

b) Les deux interrogations soulevées par la commission des finances

Deux questions au coeur du débat avaient été soulevées par Henri Torre.

Tout d'abord : Falconbridge a-t-elle l'intention, dans les conditions fixées par le protocole, de mener à bien l'usine du Nord ?

A l'époque de l'adoption du précédent rapport de la commission des finances, la société faisait valoir qu'elle avait déjà « investi plus de 170 millions de dollars dans les études préliminaires ». Le document ajoutait : « les équipes sur place, que votre rapporteur a pu rencontrer, font montre d'un grand enthousiasme et de projets très aboutis quant à la formation des calédoniens et l'insertion de l'usine dans le respect des populations locales ». Par ailleurs, la société avait su rallier à son projet les populations locales par des campagnes d'information et de sensibilisation particulièrement convaincantes.

La seconde question soulevée en 2005 était de savoir si les conditions financières du projet de Koniambo étaient suffisantes pour mener un projet de cette ampleur .

Un argument avancé par Falconbridge consistait à comparer ce projet avec celui du Sud, pour estimer que l'engagement de l'Etat n'était pas assez fort.

Sur cette question, notre ancien collègue Henri Torre estimait que « même s'il est difficile de se faire une idée de la rentabilité exacte du projet, il semble que les potentialités offertes par le massif du Koniambo soient importantes, suffisamment pour en faire une usine économiquement viable. De même, l'engagement de l'Etat est déjà considérable : 630 millions de dollars de base défiscalisable, soit un montant total de l'ordre de 220 millions de dollars de dépenses fiscales. Il faut rajouter à cela le montant de la soulte versée en 1998 à Eramet pour le massif, soit 150 millions d'euros, ainsi que la garantie qui devrait être accordée et dont le montant aurait connu une forte augmentation pour s'établir à environ 450 millions de dollars ».

On constate donc qu'en 2005 de nombreuses incertitudes pesaient sur la réalisation de l'usine de Koniambo, le précédent rapport de notre commission étant intervenu quelques semaines avant l'échéance fixée par les accords de Bercy pour la réalisation de la condition suspensive.

A l'inverse, le second projet, celui du Sud, avançait rapidement sur la voie d'un achèvement.

2. Le projet de l'usine du Sud : Goro nickel

D'autre part, un projet d'usine prenait place dans le Sud de la Nouvelle-Calédonie : le projet de Goro nickel, que le précédent rapport de notre commission jugeait être sur de « bons rails » puisqu'il estimait que « par rapport au projet du Nord, le projet du Sud, situé à Goro, peut paraître pacifié et serein ».

a) Un projet de grande ampleur et particulièrement novateur

Comme l'indiquait le rapport de notre ancien collègue Henri Torre, le projet de Goro nickel, au Sud de la Nouvelle-Calédonie, était de particulièrement grande ampleur et reposait sur un pari technologique novateur.

En effet, à la différence de l'usine historique de Nouméa et de celle en projet de Koniambo, le projet du Sud n'est pas axé sur la valorisation des garniérites riches en nickel mais sur un minerai différent : les latérites, plus pauvres en nickel mais plus abondantes dans le sud du territoire. Son exploitation est fondée sur un procédé technologique différent : l'hydrométallurgie, largement moins développé dans le monde que la pyrométallurgie pratiquée par la SLN et en projet dans le Nord.

L'intérêt de cette technologie est de rendre rentable l'exploitation de minerais plus pauvres en nickel. Elle pourrait également permettre de traiter les latérites présentes dans les minerais et ne pouvant être exploitées par les usines traditionnelles.

Votre commission des finances relevait en 2005 l'ampleur des infrastructures à réaliser avant de pouvoir mettre en service l'usine de Goro nickel. Le projet comprenait en effet, « outre une mine à ciel ouvert à Goro, des usines de préparation et de traitement du nickel et du cobalt, une centrale électrique au charbon de deux fois 50 MW, une usine de production d'acide sulfurique comprenant un stockage de 500 tonnes de dioxyde de soufre liquéfié, une centrale à vapeur, une usine de calcaire, un four à chaux, un port industriel en baie de Prony, une installation de traitement des effluents et son émissaire de rejet en mer, un site de stockage des résidus pour les six premières années d'exploitation de l'unité métallurgique et enfin une « base vie » pouvant accueillir 3 000 personnes durant la phase de construction ».

b) Une entrée en production prévue pour 2007

Le projet était mené par la société canadienne Inco (International Nickel Company Ltd), qui avait des liens étroits avec la Nouvelle-Calédonie puisqu'elle naquit en 2002 de la fusion de sept sociétés dont deux détenaient un domaine minier en Nouvelle-Calédonie depuis le début du XX ème siècle.

Comme le rappelait le rapport de la commission des finances en 2005, le projet de Goro nickel a connu deux versions. La première démarra en 2001 lorsqu'Inco prit la décision de lancer la construction de son unité commerciale. Toutefois, dès l'année 2002, le dérapage des coûts d'investissement conduisait à la suspension du projet. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2004 qu'une nouvelle évaluation des coûts du projet était finalisée et permettait d'officialiser la décision d'Inco de poursuivre la mise en oeuvre de l'usine, le 19 octobre 2004.

Malgré l'ampleur des réalisations à effectuer, décrite ci-dessus, le projet semblait en 2005 en bonne voie. Nous estimions ainsi qu'avec « une remobilisation sur le site prévue au début de l'année 2005, la phase de construction du projet de Goro Nickel devrait durer 35 mois et la phase de production devrait débuter en septembre 2007 et atteindre douze mois plus tard 90 % de sa capacité nominale ».

Page mise à jour le

Partager cette page