C. LES NOUVELLES INCERTITUDES RELATIVES À L'USINE HISTORIQUE DE NOUMÉA

Si le précédent rapport de la commission des finances était centré sur les deux grands projets d'usine de nickel de Koniambo et de Goro, il semble aujourd'hui utile de faire le point sur l'usine historique de production de nickel en Nouvelle-Calédonie, à ce jour la seule commercialisant du nickel traité. En effet, cette usine, qui constitue un héritage fondateur pour le territoire, fait face à la vétusté croissante de ses installations.

La Société Le Nickel (SLN) :
une société au coeur de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie

La Société Le Nickel (SLN) est le résultat de la fusion en 1880 de deux sociétés, l'une appartenant à John Higginson et située en Nouvelle-Calédonie, l'autre détenue par Jules Garnier et localisée en France métropolitaine.

Le dessein de ses fondateurs était de supprimer toute concurrence entre l'Europe et la Nouvelle-Calédonie en établissant une puissante société exploitant et transformant la garniérite. De 1888 à 1974, la société était principalement détenue par la famille Rothschild qui, grâce à sa puissance financière, lui permit de surmonter les différentes crises du nickel, d'imposer un quasi-monopole en Nouvelle-Calédonie (en particulier face à la concurrence du groupe Ballande avant la seconde guerre mondiale) et de devenir un des premiers producteurs mondiaux de nickel.

Dans les années soixante, la SLN s'efforça de conserver son monopole métallurgique en s'opposant à toute tentative d'implantation d'un fondeur étranger, en l'espèce Inco. Durement frappée par la crise du nickel des années soixante-dix, la SLN fera l'objet d'importantes restructurations économiques et financières. En 1985, la SLN devient une filiale d'un nouveau groupe, Eramet, qui associe l'Etat à des actionnaires privés français et étrangers. La participation de l'État (26 %) est aujourd'hui détenue par le groupe Areva.

En 1999 et suite à l'Accord de Nouméa, l'État a vendu 30 % du capital de la SLN et 5,1 % du capital de Eramet à la société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI) qui représente les intérêts des trois provinces. Dans ce cadre, un prêt de 160 millions d'euros a été octroyé par l'agence française de développement (AFD) à la STCPI. Le reste du capital de SLN se répartit entre Eramet (60 %) et Nisshin Steel (10 %). L'accord sur l'entrée d'intérêts publics de la Nouvelle-Calédonie dans le capital d'Eramet et la SLN prévoyait aussi que les parts de la STCPI dans Eramet pouvaient être échangées contre des parts de SLN pour obtenir une minorité de blocage. Le 6 décembre 2006, la STCPI notifiait la levée de cette option, formalisée dans le pacte d'actionnaire STCPI - Eramet, amenant sa participation dans la SLN à 34 %.

Par ailleurs, le pacte d'actionnaire liant la famille Duval et le groupe Areva, les deux actionnaires principaux d'Eramet, leur permet de contrôler ensemble 63 % du capital et 74 % des droits de vote de la société.

La renégociation du pacte d'actionnaire STCPI - Eramet, prévue pour 2010, a été ajournée à la demande du partenaire calédonien, dans l'attente d'une clarification des évolutions possibles dans l'actionnariat d'Eramet, en particulier du point de vue des participations publiques et de la possibilité d'un rapprochement d'Eramet et du pôle minier d'Areva.

Source : ministère chargé de l'outre-mer

1. La SLN et l'usine de Doniambo

Employant 2 500 personnes, dont les deux tiers dans la métallurgie, la SLN est aujourd'hui le sixième producteur mondial de nickel et le premier producteur mondial de ferronickels. La SLN possède la seule usine métallurgique en état de production en Nouvelle-Calédonie. L'usine, que votre rapporteur spécial a pu visiter, est située pointe de Doniambo, à Nouméa, c'est-à-dire particulièrement près du centre de la capitale néo-calédonienne. Cette usine est alimentée à partir des centres miniers de la société : Thio, Kouaoua, Poro, Népoui et Tiébaghi et des centres de la société minière Georges Montagnat.

Le procédé métallurgique de l'usine de Doniambo est classique. Il fait appel à des fours, pour la production de ferronickels à environ 25 % de nickel. La SLN produit en outre, à partir de ferronickels, des mattes, sulfures de nickel à 75 % de nickel environ, destinées à la production de nickel pur par l'usine Eramet de Sandouville. L'usine dispose de trois fours dont les besoins énergétiques sont couverts par une centrale thermique au fuel, attenante à l'usine et par conséquent située également au coeur de l'agglomération de Nouméa .

2. Une usine ancienne, qui doit trouver la voie de sa modernisation
a) Le projet de réalisation d'une nouvelle centrale électrique

La vétusté de l'usine électrique servant aujourd'hui à l'alimentation du site de Doniambo et ses conséquences environnementales ont conduit la SLN à envisager son remplacement par une nouvelle centrale. L'ensemble des personnes rencontrées par votre rapporteur spécial à Nouméa se sont d'ailleurs émues des possibles effets de l'usine actuelle sur la santé des habitants.

Un projet de construction d'une nouvelle centrale à charbon, qui produirait deux fois 90 mégawatts, est donc à l'étude. Il prévoit la possibilité d'utiliser jusqu'à 10 % de biomasse en combustible, sous réserve de la mise en place d'une filière viable de production en Nouvelle-Calédonie.

b) Le projet d'extension de l'usine

Outre cette amélioration de la centrale électrique, la SLN souhaitait que la production annuelle de l'usine de Doniambo passe de 60 000 tonnes de métal contenu à 75 000 tonnes, pour accompagner la croissance mondiale du marché du nickel. Cet objectif devait initialement être atteint dès l'année 2006.

Dans cette perspective, l'un des trois fours de l'usine a été modernisé, permettant ainsi d'augmenter sa capacité actuelle de fusion d'environ 25 %. C'est dans ce cadre également que se sont inscrits les investissements industriels réalisés sur le centre minier de Tiébaghi, visant à faire passer sa production annuelle de 250 000 à plus d'1 million de tonnes. Une nouvelle usine d'enrichissement du minerai a ainsi été mise en place.

L'objectif d'accroissement de la production initialement fixé a toutefois dû être abandonné en raison, d'une part, de difficultés dans la montée en puissance du four et, d'autre part, de la crise du marché du nickel en 2008 et 2009, qui a rendu les nouveaux investissements moins rentables.

C'est pourquoi Eramet a présenté en novembre 2009 un nouveau plan stratégique pour la SLN. La logique de ce plan était différente de celle du plan de montée en puissance de la production initialement envisagé. En effet, il se contentait de fixer un niveau optimal de production, de 65 000 tonnes, à atteindre en cinq ans, assorti d'un palier intermédiaire de 60 000 tonnes à atteindre en 2012. Les objectifs de production ont donc été fortement revus à la baisse. Par ailleurs, ce plan visait à réduire les coûts de production, à hauteur de 90 millions d'euros d'ici à l'année 2012, au travers notamment de la réduction des effectifs de l'usine à 2 100 personnes.

Comme l'indique le ministère chargé de l'outre-mer, ce plan s'appuie sur le constat des difficultés structurelles de la SLN dans la compétition internationale. La vétusté relative de l'usine et la diminution progressive de la teneur en nickel des centres miniers de l'entreprise place en effet l'usine parmi les producteurs les moins compétitifs avec un coût complet de production de huit dollars la livre . Ce plan d'amélioration de la compétitivité a pour objectif d'abaisser ce coût d'environ un dollar.

c) Quelles perspectives à long terme pour la SLN ?

Outre les initiatives prises par l'entreprise pour renouveler et améliorer son outil de production et sa structure industrielle, le domaine minier vieillissant et épars dont dispose la SLN pose, à long terme, la question de la pérennité de l'entreprise sur le territoire.

C'est dans cette perspective que la province Sud a décidé, en janvier 2009, d'attribuer les domaines miniers de Prony et de Pernod, situés à la pointe Sud de l'île, à cette entreprise. L'objectif de cette opération était de permettre à la SLN de développer une nouvelle usine, qui utiliserait un procédé hydrométallurgique, proche de celui utilisé dans l'usine de Vale. Eramet a en effet mis au point, dans son centre de recherche de Trappes (Yvelines), un procédé hydrométallurgique dont la première mise en oeuvre industrielle est prévue sur le site indonésien de Weda Bay.

La procédure d'attribution a toutefois été annulée car jugée irrégulière par le tribunal administratif de Nouméa en novembre 2009, suite à un recours déposé par Vale Inco. L'avenir de la SLN reste donc de ce point de vue incertain .

De même, le projet de remplacement de l'usine électrique de Doniambo est arrêté , dans l'attente d'une décision des actionnaires de la SLN.

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