DEUXIÈME PARTIE - POUR DES POLITIQUES INDUSTRIELLES FONDÉES SUR LES DYNAMIQUES TERRITORIALES

Si elle veut redonner à son industrie non seulement l'attractivité mais surtout la solidité et l'ampleur indispensables pour en refaire un moteur puissant de son développement économique, la France doit renouer avec la vision - modernisée - d'une industrie de « bâtisseurs ».

Car en dépit du déficit d'attractivité des filières industrielles, l'industrie conserve une image positive auprès des Français. Le sondage réalisé par l'institut Ifop pour le magazine l'Usine Nouvelle et publié le 18 novembre 2010 est à cet égard révélateur. En effet, 87 % des Français considèrent que l'industrie a beaucoup décliné ces dernières années en France et 35 % jugent que l'industrie est le secteur économique à aider en priorité , devant l'agriculture (28 %) et les services (17 %). Il est intéressant de relever également dans cette étude que 61 % des personnes interrogées considèrent que les pouvoirs publics ne soutiennent pas suffisamment l'industrie en France.

Si le secteur de l'industrie séduit moins que par le passé, son déclin est clairement vécu comme une réalité et une grande majorité de la population plaide pour une action vigoureuse à son égard.

Une ambition nationale forte doit ainsi être dégagée, mais également mieux ciblée. L'approche aujourd'hui en termes de mesures destinées à l'industrie ne doit pas être uniforme sur les territoires.

Comme l'a fait observer notre collègue M. Philippe Leroy, « les attentes à l'égard des acteurs locaux sont fortes, pour ne pas dire plus fortes encore qu'à l'égard de l'État ». La mission approuve cette identification de deux sphères d'intervention aux interactions évidentes et qui doivent impérativement répondre aux besoins de convergence et de synergie.

L'État est incontournable pour la maîtrise des règles et normes dans de nombreux domaines comme le droit du travail, le droit social ou encore l'environnement. Sur ce dernier point, l'interaction avec la dimension territoriale est évidente. Comment vanter et travailler l'attractivité d'un territoire si les normes et exigences en matière d'émission de dioxyde de carbone, tant pour le processus industriel que pour le transport, empêchent le développement et la mobilité face à des concurrences plus lestes à proximité ?

Les territoires ont pris leurs destins en main et agissent en responsabilité pour maintenir et développer leur attractivité et leur compétitivité. Cette évolution forte qui s'intègre dans le développement de la décentralisation a modifié le paradigme de la responsabilité de la définition de la politique industrielle.

(...) Il ne s'agit plus de trouver une politique adaptée aux territoires et une politique de soutien pour des territoires à la recherche d'une excellence industrielle. Les collectivités territoriales en lien avec les acteurs du monde économique ont ainsi développé une véritable action exogène innovante responsable afin d'anticiper et de participer au renouvellement du tissu des entreprises.

L'évolution du paradigme invite également à suggérer la remise en cause de certains instruments qui ne peuvent plus répondre aux attentes et exigences de la situation actuelle. Le modèle lié à la mise en oeuvre des conventions de revitalisation doit être refondé pour faciliter le refondement de l'attractivité des territoires et la coordination des initiatives locales.

Contribution écrite de M. Philippe Leroy, sénateur de la Moselle.

Si l'impulsion doit être nationale, afin de définir une véritable politique industrielle, la déclinaison de cette dernière doit être adaptée à chacun des territoires et par ces territoires eux-mêmes, pour une plus grande efficacité.

I. LA NÉCESSAIRE AFFIRMATION D'UNE VOLONTÉ NATIONALE EN FAVEUR DE L'INDUSTRIE

« Il faut que la France aime à nouveau son industrie ». C'est ainsi que M. Jean-François Dehecq, président du comité national des États généraux de l'industrie, a évoqué lors de son audition par la mission la nouvelle orientation dans laquelle doit s'engager la France en matière industrielle. Il semble en effet que l'industrie et la politique industrielle ont été abandonnées à la fin des Trente Glorieuses.

La nécessité de l'intervention de l'État en faveur de l'industrie fait aujourd'hui l'objet d'un consensus, mais les modalités de son intervention doivent être définies. Les élites se sont détournées du secteur industriel, or, nous avons besoin d'un recentrage de notre économie sur la production, qu'elle soit agricole ou industrielle.

Concernant la place du volontarisme dans les politiques industrielles, on peut ainsi observer par exemple la relative discrétion des pouvoirs publics allemands qui laissent la plupart des décisions stratégiques aux dirigeants des grandes entreprises. Pour sa part, la France semble pâtir d'une mauvaise réputation à l'étranger en raison de l'interventionnisme excessif de l'État dans l'économie.

Il convient cependant de rappeler que l'action de l'État en matière d'aide aux entreprises est largement contrainte par la législation communautaire qui définit, à l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - ancien article 87 TCE -, un certain nombre de dispositifs d'aide prohibés.

Les aides d'État aux entreprises dans le cadre communautaire

Parmi les objectifs de la Communauté européenne figure l'établissement d'un « régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur » (art. 3 TCE). L'article 3 TCE a été abrogé par le Traité de Lisbonne et remplacé en substance par les articles 3 à 6 TFUE. Le principe d'une concurrence non faussée a été renvoyée au Protocole n°27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé au TUE et au TFUE. Selon les termes dudit protocole, « le marché intérieur tel qu'il est défini à l'article 3 du TFUE comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée ».

Or, la concurrence peut être faussée par les États lorsqu'ils interviennent en faveur des entreprises.

Le rapport de la commission européenne sur les aides d'État dans l'Union européenne du 18 juillet 2001 rappelait déjà que « une aide d'État implique généralement un conflit d'intérêt entre, d'une part, les agents économiques qui en bénéficient et, d'autre part, leurs concurrents dans les autres États membres qui, corrélativement, se trouvent mis dans une position moins favorable sur le marché communautaire que celle qui serait normalement la leur ».

Les aides d'État sont donc, en principe, interdites par l'article 87, 1, CE, devenu l'article 107 du TFUE. Cependant, les paragraphes 2 et 3 de l'article 107 TFUE, dérogeant à ce principe, dressent la liste des aides qui sont compatibles avec le marché commun ou peuvent être considérées comme telles.

Pour l'application de l'interdiction des aides incompatibles, le droit communautaire considère :

- l'origine de l'aide : il s'agit des aides accordées par l'État ou au moyen de ressources d'État ; faute de proposer un critère précis de l'aide d'État, la Commission a énoncé en 1969 une énumération des avantages accordés par l'État susceptibles de tomber sous le coup de cet article : « les subventions, exonérations d'impôts et de taxes, exonérations de taxes parafiscales, bonifications d'intérêt, garanties de prêt à des conditions préférentielles, couverture des pertes d'exploitation » ;

- les effets de l'aide : ces aides ne sont incompatibles que si elles « affectent les échanges entre États membres » et si « elles faussent ou menacent de fausser la concurrence » , le marché de référence étant délimité selon le critère de la substituabilité du produit.

Les exceptions à ce principe d'interdiction peuvent être classées en deux catégories :

- les aides de plein droit compatibles (article 87 paragraphe 2 TCE, devenu article 107 paragraphe 2 TFUE) ;

- les aides déclarées compatibles sur proposition de la Commission (article 87, paragraphe 3 TCE devenu article 107 paragraphe 3 TFUE).

Les aides réputées de plein droit compatibles avec le marché commun sont de trois types, limités et spécifiques. Ce sont des aides motivées par des impératifs de solidarité et non par l'interventionnisme économique des États : les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits ; les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires (exemple : aides accordées à la suite de la marée noire) ; les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne.

Les aides qui peuvent être déclarées compatibles sont soit destinées à favoriser le développement économique de certaines régions, soit destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen ou à remédier à la perturbation grave de l'économie d'un État membre, soit destinées à faciliter le développement de certaines activités ou régions économiques ou à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

Enfin, le règlement général d'exemption par catégorie de la Commission du 6 août 2008 déclare certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun. Sont notamment concernées : les aides régionales, les aides à l'investissement et à l'emploi en faveur des PME, les aides en faveur des PME, les aides sous forme de capital-investissement, ou encore les aides à la recherche, au développement et à l'innovation.

Source : d'après Lamy Droit économique, édition 2011.

Si un relatif consensus s'est établi autour de cette nouvelle impulsion donnée à la politique industrielle, la France a-t-elle les moyens de cette ambition ?

A. AMÉLIORER L'OFFRE DE SERVICES DE L'ÉTAT AUX ENTREPRISES

1. L'impulsion des États généraux de l'industrie (EGI) : quelles avancées concrètes ?

Le ministre en charge de l'Industrie a lancé en novembre 2009, les États généraux de l'industrie, vaste synthèse de réflexions menées tant au niveau national, dans le cadre de groupes thématiques, qu'au niveau local ou encore dans le cadre des différents secteurs. Deux phases se sont succédé dans leur mise en oeuvre : une première phase de diagnostic et d'identification des principaux enjeux et une seconde phase d'articulation de propositions . Ces deux phases ont donné lieu à un rapport de synthèse, basé sur le postulat énoncé par M. Jean-François Dehecq : les industriels doivent être des « bâtisseurs d'empire » et non pas seulement de bons gestionnaires.

Dans le droit fil des États généraux de l'industrie, la Conférence nationale de l'industrie, présidée par le Premier ministre a été créée par le décret du 3 juin 2010.

La Conférence nationale de l'industrie

La première mesure des EGI visait à créer une conférence nationale de l'industrie (CNI), instance de concertation partenariale rassemblant l'ensemble des acteurs concernés par les problématiques de l'industrie. Son ambition est de prolonger et développer le large consensus, obtenu dans le cadre des EGI, relatif à la nécessité d'une industrie forte pour l'économie française.

Placée sous la présidence du Premier ministre, ou par délégation du ministre chargé de l'industrie, la CNI est ainsi une instance consultative spécifique à l'industrie, qui a vocation à poursuivre dans la durée les réflexions engagées dans le cadre des EGI, et notamment de suivre la politique industrielle qui sera mise en place.

Elle pourra notamment émettre des avis et propositions sur :

- les mesures visant à développer l'industrie et ses emplois en France;

- le suivi du développement de l'emploi industriel, de l'adéquation du dispositif de formation avec les besoins de l'industrie ;

- le suivi de la politique industrielle, par filière, en lien avec les comités de filières qui seront créés ;

- les projets de texte législatif ou réglementaire, susceptibles d'avoir un impact sur l'industrie ;

- l'évaluation des aides publiques en faveur de l'industrie.

La CNI a été créée par le décret n° 2010-595 du 3 juin 2010 et se substitue à la Commission permanente de concertation pour l'industrie. Ses membres ont été nommés par un arrêté du Premier ministre du 6 juillet 2010. La CNI comprend, outre les représentants de l'État et les élus, trois collèges :

-le collège des entreprises industrielles, composé de 15 membres ;

- le collège des salariés de l'industrie, composé de 10 membres (2 représentants de la CGT, 2 représentants de la CGT-FO, 2 représentants de la CFDT, 2 représentants de la CFE-CGC, 2 représentants de la CFTC) ;

- le collège des personnalités qualifiées nommés en fonction de leurs compétences ou leur expérience industrielle, et composé de 7 membres. Au sein de ce collège, M. Jean François Dehecq, qui a piloté les travaux nationaux des EGI, a été nommé vice-président de la CNI.

Source : ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

En outre, en conclusion de ces États généraux, le 4 mars 2010, le président de la République a annoncé un ensemble d'actions pour un renouveau industriel en France, qui comprend vingt-trois mesures 121 ( * ) , se structurant autour de cinq leviers d'actions, dégagés après cette grande concertation :

- mettre l'industrie au coeur d'un grand projet commun ;

- développer l'emploi et les compétences sur les territoires ;

- consolider la structuration des filières industrielles françaises ;

- renforcer la compétitivité des entreprises et l'innovation ;

- assurer le financement de l'industrie.

Onze filières stratégiques , porteuses de croissance et d'emploi ont été définies : automobile, aéronautique et spatial, ferroviaire, naval, éco-industries, services et technologies de l'information et de la communication, technologies et industries de santé, luxe et mode, biens de consommation, agroalimentaire et agro industrie, chimie et matériaux.

La mise en oeuvre de ces vingt-trois mesures est engagée depuis mars 2010. Elles sont censées être opérationnelles début 2011.

La mission estime qu'au-delà de l'impulsion donnée par les États généraux de l'industrie, qui témoigne effectivement d'une réelle ambition et d'un volontarisme nouveau en matière industrielle, il faudra être attentif au suivi des différentes mesures annoncées et à leur véritable impact sur l'environnement des entreprises . Le Parlement pourrait ainsi être associé de manière plus étroite, sous la forme d'un rapport annuel du Gouvernement ou d'une collaboration avec la CNI par exemple, à ce contrôle et au suivi de la dynamique lancée par les EGI.

2. Les progrès apportés par la mise en place d'interlocuteurs dédiés
a) De nouveaux interlocuteurs : médiateur du crédit, médiateur de la sous-traitance, fonds sectoriels

Les entreprises ont fait l'objet, depuis quelques années, d'une attention particulière et ciblée afin, non seulement de simplifier leur création, leur transmission, leurs démarches, mais aussi de faciliter leur financement ou encore leurs relations entre elles.

Beaucoup de nouveaux interlocuteurs, spécifiquement dédiés, ont été mis en place dans ce cadre et ont favorisé l'usage de la médiation afin d'améliorer, pour une meilleure compétitivité, les relations des industriels entre eux, avec les banques et avec l'administration.

(1) La médiation du crédit aux entreprises

Afin de faciliter l'accès des entreprises au crédit, dans le cadre de leurs besoins de financement, qui se sont faits plus aigus pendant la crise, une médiation du crédit aux entreprises a été mise en place. La mission du Médiateur du crédit consiste à s'assurer que les établissements de crédit bénéficiant des prêts de la Société de financement de l'économie française (SFEF) respectent bien les engagements qu'ils ont pris en termes de financement des entreprises, et des PME en particulier. Un communiqué de presse du Médiateur du crédit et de la Fédération bancaire française (FBF) en date du 28 novembre 2008 a précisé que la saisine du médiateur était enclenchée par la simple déclaration unilatérale, via le site internet mis à la disposition, d'une entreprise qui estimerait être dans une situation de blocage avec sa banque.

Le médiateur du crédit aux entreprises

La mission de médiation du crédit est ouverte à tout chef d'entreprise, artisan, commerçant, profession libérale, créateur ou repreneur d'entreprise, entrepreneur individuel qui rencontre avec sa ou ses banques des difficultés pour résoudre ses problèmes de financement ou de trésorerie.

Cette mission placée auprès de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a été confiée par le président de la République à M. René Ricol, Président d'honneur du Conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables ainsi que de la Compagnie des Commissaires aux comptes, puis, depuis octobre 2009, à M. Gérard Rameix, ancien secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ce dispositif s'intègre au plan d'ensemble mis en place dans chaque département auprès des préfets et qui mobilise avec le concours des Directeurs régionaux des finances publiques, les différents services de l'État.

La médiation du crédit est conduite dans chaque département dans le respect des règles de confidentialité et de secret bancaire par les médiateurs départementaux qui sont les directeurs de la Banque de France.

Aucune entreprise ne doit rester seule face à ses difficultés. C'est l'engagement collectif de chacun des acteurs impliqués, y compris celui des réseaux consulaires (CCI et chambres de métiers) et des organisations patronales qui se sont mobilisés autour de la médiation.

Source : site du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - http://www.mediateurducredit.fr/site/Mediateur-du-Credit2/Mission .

Depuis sa mise en place en novembre 2008, la médiation du crédit a permis à plus de 12 000 entreprises de surmonter le refus initial de leur banque et de trouver un financement permettant de poursuivre et de développer leur activité. Sur 26 894 saisines, 83 % ont été déclarées éligibles à la médiation. Ce nombre de saisines évolue à la baisse en raison des progrès du dialogue entre les banques et les entreprises. En 2010, si les saisines mensuelles s'avèrent inférieures d'environ un tiers à celles de 2009, elles continuent à se situer à un niveau d'environ 800 dossiers nouveaux par mois.

Le dispositif de médiation du crédit aux entreprises a contribué depuis son lancement à débloquer environ 3 milliards d'euros et à préserver 218 000 emplois en France. 81 % des entreprises en médiation comptent moins de 11 salariés et 15 % en comptent entre 11 et 50 ; 13 % de ces entreprises appartiennent au secteur de l'industrie extractive et manufacturière, 18 % au bâtiment, à la construction et aux travaux public et 27 % au commerce.

Des solutions ont notamment été apportées aux difficultés particulières rencontrées par les PME sous LBO.

Toutefois, la mission souligne avoir reçu de nombreux témoignages, émanant de créateurs d'entreprise, ne parvenant pas à trouver des interlocuteurs bancaires susceptibles de financer des projets industriels. Dans ces cas précis, le recours à des garanties publiques ont été nécessaires.

Les avantages du financement par LBO

Les montages financiers de type « leveraged buy-out » (LBO) ou acquisitions par emprunt bénéficient, en cas de réussite, d'un effet de levier parfois important dû à la part de l'acquisition financée par endettement et à une rentabilité interne supérieure au taux d'intérêt de la dette. En cette période de crise, ces montages financiers ont parfois été fragilisés par une évaluation initiale trop élevée de l'entreprise cible rachetée en haut de cycle et par des prévisions exagérément optimistes de chiffres d'affaires et de rentabilité justifiant un recours excessif à l'endettement. « L'effet de levier » attendu du LBO a pu alors se transformer en ce qu'on pourrait nommer un « effet de massue », dû à de brusques diminutions de carnet de commandes et à des chutes proportionnelles de chiffre d'affaires. Les entrepreneurs se sont vus contraints, dans de nombreux cas, à puiser financièrement dans les fonds propres de leurs entreprises, avant d'avoir recours, au bout d'une année de crise, à la médiation du crédit.

Les dossiers de LBO ont été traités selon un principe de réalité, afin de bâtir des solutions sur mesure, tant pour l'entreprise que pour les actionnaires et pour les banquiers, dans une optique de continuité de l'entreprise. Les actionnaires ont été sollicités au maximum et les banquiers ont fréquemment, à la demande de la médiation, réaménagé leurs concours, que cela passe par un simple rééchelonnement, un abandon de créances ou même une conversion d'une partie de leur dette en capital avec engagement de financer les investissements de l'entreprise pendant quelques années.

Dans d'autres cas, la médiation a été saisie de situations post-LBO, où la holding de reprise avait disparu et où il s'agissait de permettre à l'ex-entreprise cible de poursuivre son activité malgré la crise et les forts prélèvements de cash induits par l'ancien LBO.

Source : rapport d'activité médiation du crédit aux entreprises, 2009-2010

(2) La médiation entre donneurs d'ordres et sous-traitants

La nécessité d'une médiation pour de meilleures relations entre sous-traitants et donneurs d'ordres a été récemment mise en avant.

Le recours massif à la sous-traitance remonte aux années 1980 alors que les grandes entreprises industrielles, qui cherchaient, face à la concurrence internationale, à réduire leurs coûts, se sont recentrées sur leur coeur de métier et ont délégué à des sous-traitants tout ce qu'elles ne pouvaient pas faire elles-mêmes à un coût économique raisonnable. Mais très vite les sous-traitants ont été victimes d'une volonté de plus en plus affirmée de la part des grandes entreprises de réduire leurs coûts externes, notamment via la délocalisation dans des pays à bas coûts de main d'oeuvre. Cette évolution a contribué à exacerber les rapports entre des sous-traitants en difficulté et leurs donneurs d'ordres ; comme le note l'avis budgétaire de Mme Geneviève Fioraso 122 ( * ) , députée, sur le projet de loi de finances pour 2011, « les relations entre industriels et sous-traitants sont historiquement et culturellement mauvaises et défaillantes en France, par rapport à l'Allemagne ou à l'Italie ».

Le 6 avril 2010, M. Jean-Claude Volot a été nommé Médiateur de la sous-traitance, nouvelle fonction qui constitue, selon le ministre alors en charge de l'industrie, « une pièce maîtresse de la politique de filières décloisonnée à construire où donneurs d'ordres et sous-traitants s'inscrivent dans une logique de partenariat ».

Ce nouveau médiateur a ainsi pour mission de favoriser une relation partenariale, solide, fiable et durable entre donneurs d'ordres et fournisseurs au sein de filières structurées et décloisonnées.

L'intervention du médiateur de la sous-traitance, qui s'inscrit en dehors de toute procédure contentieuse ou juridique, peut prendre une forme collective ou individuelle. Il peut s'appuyer sur tout un réseau de médiateurs régionaux.

Le médiateur a remis au ministre chargé de l'industrie le 30 août 2010 un rapport sur la sous-traitance industrielle, recensant un certain nombre de mauvaises pratiques en matière de sous-traitance.

Mauvaises pratiques en matière de sous-traitance recensées par le rapport Volot

1- Consultation ne respectant pas les règles de la concurrence.

2- Appel d'offres avec des prix et des conditions irréalisables.

3- Exigence d'amortir les coûts non récurrents d'outillage dans le prix des pièces pour obtenir la commande.

4- Non-respect des cadences de commandes et de quantités convenues dans le cadre de contrats à commande ouverte ; ajustement des clauses d'amortissement des coûts de développement.

5- Désengagement brutal du donneur d'ordres. (...)

6- Rapatriement brutal d'activité sous-traitée.

7- Contrats commerciaux léonins (comme par exemple l'introduction par les donneurs d'ordres industriels dans les bons de commande de conditions générales d'achat dont il est précisé qu'elles se substituent aux conditions générales de vente qui leur sont contraires, ou encore l'auto-facturation).

8- Contrats français en devises étrangères ou absence de clause d'actualisation au regard de la fluctuation des devises.

9- Non-respect des contrats tacites.

10- Gestion de fait.

11- Modification du contrat (cahier des charges ou commande, sans réajustement de prix).

12- Défaut d'information du fournisseur en cas de litige.

13- Retard volontaire dans le traitement d'un litige.

14- Litige partiel ou non-paiement de fournitures réceptionnées sans réserve.

15- Exploitation de brevet ou de savoir-faire sans l'accord du sous-traitant.

16- Contrat de longue durée sans clause de révision des prix (matières premières, contraintes réglementaires, ...).

17- Activités non rémunérées (logiciels, études, savoir-faire).

18- Baisse de prix imposée unilatéralement sur des programmes pluriannuels.

19- Non-respect de la revue d'offre en demandant des gains de productivité annuels sous couvert de directives de la direction des achats.

20- Demande des états financiers de l'entreprise par le donneur d'ordres sous prétexte de vérifier sa solidité et sa pérennité, mais surtout pour définir des objectifs de productivité non contractuels.

21- Clause de compétitivité qui annihile les effets du contrat.

22- Modification du cahier des charges sans réajustement des prix.

23- Incitation du sous-traitant à transférer tout ou partie de son activité à l'étranger.

24- Délais de paiement.

25- Taux d'escompte excessifs en contrepartie du respect des délais de paiement.

26- Déduction d'office de coûts de réparation des produits

27- Escomptes forcés.

28- Escomptes rétroactifs.

29- Avoir d'office non contradictoire.

30- Pénalités de retard abusives.

31- Annulation d'une commande sans indemnité.

32- Fin du contrôle réception prise comme délai de paiement par rapport à la date de livraison.

33- Retour des marchandises dans un délai non acceptable après livraison.

34- Contournement de la loi française par des commandes passées de l'étranger, même si la livraison est en France.

35- Stocks consignation, modalités de prélèvement, facturation. (...)

Source : rapport de Jean-Claude Volot sur le dispositif juridique
concernant les relations interentreprises et la sous-traitance

Son action a, par ailleurs, d'ores et déjà conduit à la signature par 45 grandes entreprises d'une charte des bonnes pratiques entre donneurs d'ordres et sous-traitants. La mission a pu néanmoins constater, notamment lors de ses déplacements, que tous les problèmes n'ont pas été résolus.

Compte tenu de l'importance de l'établissement de bonnes relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants, la réglementation gagnerait ainsi à favoriser des relations plus équilibrées entre clients et fournisseurs ainsi que des processus de regroupement des sous-traitants.

À cet égard, le pôle de compétitivité « Aerospace Valley » pourrait représenter un modèle d'équilibre pour les relations entre Airbus et ses sous-traitants au sein de la filière aéronautique.

(3) La simplification de la réglementation

La simplification de la réglementation permet une meilleure prise en compte des enjeux de compétitivité par les textes qui impactent les entreprises.

Toutefois, cette simplification ne peut se faire au détriment de normes de sûreté et de sécurité essentielles à l'installation et la bonne marche de sites pouvant présenter des risques industriels pour les populations comme pour l'environnement.

Dans ce cadre, une mission a été confiée le 7 mai 2010 à Mme Laure de la Raudière, députée, qui a rendu en septembre 2010 un rapport faisant état des pistes de simplification envisageables en la matière. Ces travaux partent du constat que « la multiplication des normes et l'instabilité juridique engendrée par des modifications successives et régulières compliquent parfois l'action des entreprises et occasionnent des coûts de mise en oeuvre » . Le rapport note, par ailleurs, que « ce problème touche particulièrement les PME qui ne disposent pas toujours de moyens financiers suffisants ni d'un personnel qualifié capable d'analyser les textes législatifs et réglementaires et de remplir les multiples obligations administratives qui en découlent » .

Outre des propositions générales de simplification des procédures destinées à améliorer l'accompagnement des industriels, le rapport préconise un certain nombre de mesures spécifiques aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui constitue aujourd'hui un pan important des relations entre l'industrie et l'administration.

Régime de l'enregistrement pour les ICPE

L'ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement a introduit un régime d'enregistrement, intermédiaire entre le régime de l'autorisation et celui de la déclaration, témoignant de cette volonté d'allègement des procédures en la matière.

Aux termes de l'ordonnance, sont désormais soumises à enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. La publication d'un arrêté de prescriptions générales est nécessaire à l'entrée en vigueur du classement d'une rubrique de la nomenclature dans le régime d'enregistrement.

La procédure d'enregistrement introduit un ensemble d'allègements par rapport à la procédure générale d'autorisation, en particulier :

- en général, l'industriel n'a pas à effectuer une étude spécifique pour son projet mais simplement à justifier qu'il respectera des règles générales édictées pour les installations de sa catégorie,

- sauf cas particulier, les prescriptions applicables sont celles définies au niveau national pour la catégorie d'installations ; elles sont donc facilement prévisibles par l'industriel,

- la méthode de consultation du public est raccourcie et simplifiée par rapport à l'enquête publique,

- le préfet ne saisit le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) que lorsqu'il envisage de prononcer un refus d'enregistrement ou de renforcer, au cas particulier, les prescriptions générales fixées par le ministre chargé des installations classées.

Les délais pour obtenir l'autorisation d'exploiter devraient donc se trouver notablement raccourcis par la mise en oeuvre de cette procédure, ce qui correspond à une attente très forte des industriels.

Le préfet peut toutefois décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de la procédure d'autorisation si, au regard de la localisation du projet, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ou, encore, si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie. Cette disposition donne la possibilité de traiter les cas d'installations très particulières pour lesquelles les prescriptions générales de la catégorie d'installations concernée s'avèreraient insuffisantes pour la protection de l'environnement. Ainsi ce régime simplifie la procédure pour l'industriel tout en maintenant le même niveau de garantie pour l'environnement et en permettant à l'inspection les installations classées de se concentrer sur les dossiers à enjeux importants.

Source : extrait du rapport de Mme Laure de la Raudière, septembre 2010

Le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions tenant compte des recommandations de ce rapport en matière d'ICPE : étude des modalités d'extension du régime d'enregistrement, précision des modifications d'une installation industrielle requérant le lancement d'une nouvelle procédure d'autorisation, critères de réutilisation d'études d'impacts existantes sur un territoire d'activité, système de consultation par Internet de l'avancement des procédures d'instruction des dossiers notamment.

Un commissaire à la simplification, rattaché au Secrétariat général du Gouvernement, a été nommé le 15 novembre 2010.

Néanmoins, toutes les recommandations n'ont pas été reprises à l'image de celle qui préconise une meilleure association des parties prenantes afin de garantir la proportionnalité des arrêtés de prescription générales. À cet égard et de façon plus générale, le syndicat des entreprises agro-alimentaires a déploré l'absence d'études d'impact sur la réglementation française et, le plus souvent, le manque de concertation pour leur réalisation s'agissant de la réglementation européenne.

Il conviendrait peut-être de mieux associer les acteurs industriels à l'élaboration des normes françaises et européennes, mais aussi à la réalisation des études de leur impact pour les secteurs concernés et au suivi de leur mise en oeuvre.

(4) La logique de « guichet unique » pour les entreprises doit être étendue

La complexité des démarches administratives pour créer ou reprendre une entreprise peuvent constituer un frein à « l'esprit entrepreneurial ». En outre, les entreprises, une fois installées, ont souvent difficilement accès à l'information relative aux aides pour lesquelles elles pourraient être éligibles et dont elles pourraient bénéficier, que ce soit au niveau national ou au niveau européen.

La multiplicité des interlocuteurs pour les entreprises, des étapes administratives et des formalités à effectuer peut également constituer un frein pour l'attractivité de notre territoire.

Conformément à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, l'article 2 de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, modifié par l'article 8 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, prévoit un « guichet unique » pour toutes les formalités administratives incombant à un entrepreneur lorsqu'il crée son entreprise et confie ce rôle aux centres de formalités des entreprises (CFE).

Ce rôle de « point d'entrée » unique pour les entreprises a été précisé par le décret du 1 er mars 2010 qui permet aux CFE de recevoir les dossiers de demandes concernant les autorisations que l'entreprise doit obtenir pour l'accès à certaines activités et leur exercice.

L'existence de ces centres évite aux entreprises la multiplication des démarches auprès d'organismes distincts (greffe du tribunal de commerce, chambre de métiers et de l'artisanat, URSSAF et autres organismes sociaux concernés, INSEE, services fiscaux...). Ces CFE sont généralement gérés par les chambres de commerce et d'industrie ou par les chambres de métiers.

Fort utiles pour la création et la reprise d'entreprises, ces centres ne permettent pas toujours en revanche d'informer les PME sur l'ensemble des aides nationales ou européennes pour lesquelles elles pourraient être éligibles. Des dispositifs d'aide ont certes été mis en place, au niveau européen comme au niveau national, mais il n'existe pas de « guichet unique » qui permettrait aux PME de pouvoir facilement s'orienter vers les aides adaptées.

Un guichet unique « entreprise » a été mis en place sur le site Internet de la Commission européenne dans le but de renseigner les entreprises sur les politiques communautaires qui ont une incidence sur leur activité et de les conseiller.

En France, les entreprises peuvent se tourner vers différents acteurs pour les guider vers les aides auxquelles elles peuvent prétendre :

- la cellule « Entreprises et coopération » de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- vers la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) ;

- ou encore vers l'Agence pour la création d'entreprise.

Quant aux entreprises étrangères souhaitant s'implanter en France, elles peuvent bénéficier du soutien des services de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), qui ont pour mission de leur apporter toute l'aide et l'expertise nécessaires (informations détaillées sur les réglementations, avantages financiers disponibles, contacts avec les administrations et les collectivités territoriales).

L'extension de la logique du « guichet unique » aux aides dont peuvent bénéficier les entreprises pourrait améliorer la lisibilité de ces démarches pour les entreprises , améliorant ainsi leur accès à des financements, et constituer un facteur d'attractivité pour les investissements internationaux.

b) Mettre en place un véritable réseau d'aide aux entreprises à l'étranger sur le modèle japonais et allemand

La mission estime que la question de l'appui à l'international est aujourd'hui essentielle . On constate, en effet, que les entreprises étrangères, notamment allemandes, sont soutenues par l'action économique de leurs ambassades, ce qui n'est pas suffisamment le cas en France. C'est un véritable problème de culture, là encore, qui apparaît ici, par ce déficit d'accompagnement de nos PME à l'international.

Or, il ne suffit plus aujourd'hui d'exporter, il faut aussi s'implanter pour s'adapter aux besoins du marché local et maîtriser les délais.

Le modèle allemand se base, lui, sur une véritable « culture de l'export », qui fait du commerce extérieur une priorité.

Le rapport « Deutschland 2035 », publié en 2010 par l'Institut de recherche Prognos, projette l'économie allemande à l'horizon de 2035 : une diminution de la population de 4 à 5 millions d'habitants induirait une croissance annuelle de la consommation intérieure de 1 % seulement, rendant ainsi impérative une augmentation des exportations. Pour maintenir une croissance supérieure à 2 %, ce rapport fixe la part souhaitable du commerce dans le PIB à 72 % contre 40 % aujourd'hui.

Les groupes industriels allemands cherchent ainsi de plus en plus systématiquement à promouvoir les PME qui participent à leur activité dans leur développement à l'étranger, au sein d'un système où les entreprises « chassent en meutes », gage de performance pour la conquête des marchés internationaux.

En France, ce modèle d'insertion de nos entreprises dans la mondialisation doit contribuer à une réflexion pour un renforcement du soutien de nos PME à l'international.

Aujourd'hui, les entreprises ont plusieurs outils à leur disposition, notamment la Coface et Ubifrance.

La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) a été fondée en 1946 en tant qu'agence spécialisée dans l'assurance-crédit à l'exportation. Elle a été privatisée en 1994 et est aujourd'hui une société anonyme filiale à 100 % du groupe bancaire Natixis.

Elle propose à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, leur secteur d'activité et leur nationalité, une gamme complète et modulable de prestations : l'assurance-crédit (qui protège les entreprises contre les risques de défaillance financière de leurs clients) ; l'affacturage (qui permet aux entreprises de financer leur poste clients en le transférant à un tiers qui se charge d'en opérer le recouvrement) ; les services de notation et d'information d'entreprise (qui permettent d'évaluer la situation financière de leurs partenaires commerciaux et leur capacité à honorer leurs engagements, mais aussi pour détecter des opportunités commerciales) et les services de gestion de créances.

Ubifrance , établissement public industriel et commercial (EPIC) créé par la loi sur l'initiative économique du 1 er août 2003, a pour mission de favoriser l'internationalisation des entreprises françaises, notamment les PME, et leur développement sur les marchés extérieurs en réalisant ou coordonnant des actions d'information, de promotion, de coopération technologique et de volontariat international.

Bras armé de la DGCIS pour les opérations de pôles à l'étranger, Ubifrance constitue ainsi par exemple le relais sur le terrain du projet de plateforme reliant les clusters de différents pays européens mené à Sophia Antipolis.

En 2009, Ubifrance, qui travaille en lien avec la Coface et Oséo pour l'essentiel des demandes de financement, a distribué au total 24 millions d'euros de subventions aux entreprises.

Oséo, en effet, s'est doté d'une direction internationale en vue d'un soutien à l'export. La priorité est donnée au développement à l'international au sein de la communauté « Oséo excellence ».

L'avis budgétaire présenté à l'Assemblée nationale par Mme Geneviève Fioraso au nom de la commission des affaires économiques sur le PLF 2011 123 ( * ) souligne le manque de coordination et de mutualisation de l'action d'Ubifrance avec les structures aux missions équivalentes sur le terrain, qu'elles soient coordonnées par les régions, les organismes consulaires ou les départements. Il avait ainsi estimé que s'imposaient « une mutualisation des actions et une mise en réseau (...) pour plus d'efficacité et moins de redondance » , et par ailleurs que « des actions communes avec les pôles de compétitivité pour accompagner les PMI PME innovantes et les start-ups à l'export (devaient) être également davantage développées ».

Dans cette optique, la mission estime qu'il convient de développer le volontariat international en entreprise (VIE) , dispositif qui donne satisfaction et qui devrait être étendu, d'autant que les jeunes aujourd'hui parlent mieux anglais et sont davantage tournés vers l'international. Il est indispensable d'orienter ces jeunes VIE dans les PME et pas seulement dans les grands groupes (pour éviter un effet d'aubaine trop fort). En effet, le handicap à l'export constitue une des faiblesses récurrentes des PME françaises.

Elle souhaite également reprendre à son compte les recommandations émises dans le rapport de l'Assemblée nationale :

- renforcer le travail en réseau d'Ubifrance , en s'appuyant davantage sur les dispositifs régionaux favorisant efficacement l'export, en particulier dans l'accompagnement des PMI-PME qui nécessitent des actions de proximité comme les pôles de compétitivité par exemple ;

- mieux faire connaître les représentants interrégionaux d'Ubifrance et les insérer dans les dispositifs existants ;

- favoriser les liens entre les grands groupes et les PMI-PME et start-ups.

Il recommande également d'améliorer le partenariat entre Oséo et Ubifrance en matière d'aide à l'export.

Tout comme l'accompagnement des PME à l'export, l'internationalisation des groupes a tendance aujourd'hui à devenir davantage un atout que le développement des exportations.

La mission a pu sur ce sujet entendre M. Reinold Geiger, PDG de l'Occitane en Provence, à qui les services de la Coface ont paru trop coûteux dans leur stratégie d'implantation à l'étranger et qui a autofinancé le développement de son entreprise à l'export. « Les dispositifs proposés manquaient d'efficacité pour notre activité particulière » , a-t-il indiqué.

Témoignage de M. Reinold Geiger, président-directeur général
du groupe l'Occitane en Provence : le rôle d'un patron de PME

Après avoir dirigé plusieurs entreprises, M. Geiger a repris la totalité de la société l'Occitane en 1996, à un moment où les pertes représentaient 20 % du chiffre d'affaires.

Mais cette entreprise avait un fort potentiel de développement international.

À partir d'une position forte en France, il a développé un réseau de filiales dans les grands pays du monde. La part du chiffre d'affaires réalisée à l'étranger est ainsi passée de 15 % à l'époque à 85 % aujourd'hui. Ouverture d'entre 100 et 200 magasins par an dans le sud-est asiatique, soit en direct, soit avec des partenariats.

Est devenue « l'Occitane en Provence » afin de rappeler ses racines et de tirer parti de l'image forte de cette région en matière de produits de la nature.

Handicaps :

- taux de change de l'euro face au dollar : un taux de 1 dollar à 1,10 dollar pour un euro serait mieux adapté ;

- les relations avec le personnel sont différentes par exemple aux États Unis ;

- manque de fiabilité du port de Marseille.

Source : audition du 6 octobre 2010.

La mission estime que le rôle du patron d'une PME est essentiel : il doit mener lui-même la stratégie de l'entreprise, notamment à l'export.

Ainsi, elle propose la mise en place d'un dispositif en deux phases :

- dans un premier temps, une aide financière permettrait au patron d'assurer la prospection et l'analyse d'implantation. Le paiement serait réalisé pour moitié au début de la mission et pour moitié après évaluation ;

- dans une seconde phase, un accompagnement structurel apporterait un soutien sur le terrain. Les services consulaires pourraient apporter une aide pour la mise en place des rendez-vous par exemple.

Elle recommande également de cibler l'aide des services consulaires aux PME .

3. Poursuivre la mobilisation des services déconcentrés de l'État et des opérateurs de réseau auprès des entreprises
a) Réduction des délais de gestion des dossiers d'implantation

Le rapport de la Raudière sur la simplification de la réglementation et la compétitivité industrielle, précédemment cité, faisait suite à une recommandation adoptée dans le cadre des États généraux de l'industrie, qui constatait la lourdeur excessive d'un certain nombre de procédures administratives, celles-ci pouvant constituer des freins à la création d'entreprises sur les territoires.

Les services déconcentrés de l'État sont des acteurs incontournables de l'accueil et de l'accompagnement des industriels désireux de s'implanter sur un territoire, d'autant plus que la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, dite directive « services », prévoit l'obligation pour les États membres de créer des guichets uniques offrant au créateur d'entreprise toute l'information sur les exigences applicables à ses activités et l'accomplissement des procédures, formalités et demandes d'autorisations nécessaires.

L'organisation des services locaux de l'État est déterminante pour le succès d'une implantation industrielle.

C'est dans cet esprit que le rapport de la Raudière préconise l'expérimentation puis la généralisation, sur le modèle de ce qui s'est déjà fait en Eure-et-Loir en octobre 2004, de chartes d'accueil des entreprises industrielles par les services de l'État dans les préfectures.

Les nouvelles directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) jouent un rôle essentiel en matière d'accueil des entreprises sur les territoires.

La mise en oeuvre d'objectifs en matière de délais de gestion des dossiers d'implantation pourrait permettre une réactivité plus grande sur les territoires de même que la désignation par le préfet, au niveau local, d'un « chef de projet » dans les services de l'État pour les actions qui le nécessitent.

b) La mobilisation du service public de l'emploi

La mobilisation des services de Pôle emploi constitue également un facteur important pour l'assimilation des mutations économiques et industrielles auxquelles sont confrontés bon nombre de territoires, notamment en période de crise.

En effet, la mobilisation du service public de l'emploi porte principalement sur l'efficacité de l'intermédiation entre les besoins des entreprises et les disponibilités en main d'oeuvre qualifiées. Pôle emploi joue un rôle privilégié au sein du SPE dont il est l'acteur majeur en apportant aux demandeurs d'emploi un ensemble de prestations couvrant l'inscription, l'indemnisation et l'accompagnement personnalisé, qui peut être renforcé selon les situations. Par ailleurs, Pôle emploi propose aux entreprises de prendre en charge le recrutement de leurs collaborateurs en s'appuyant sur la large palette des aides ciblées financées par l'État et parfois par les partenaires sociaux, pour favoriser l'embauche de profils adaptés.

c) Améliorer la réactivité des opérateurs de réseau

Outre les formalités administratives et le dossier d'implantation, une entreprise qui s'installe sur un territoire doit pouvoir compter le plus rapidement possible sur la réactivité des opérateurs de réseau afin de pouvoir bénéficier dans les meilleurs délais d'une installation électrique, d'une ligne téléphonique ou encore d'un accès à Internet.

Lors d'un déjeuner de travail à la mairie de Caudry dans le Nord-Pas-de-Calais, plusieurs représentants de la filière textile et dentelle ont mis en cause la réactivité des services d'ERDF et d'Orange, dont la défaillance peuvent avoir pour conséquence de compromettre les projets de développement des entreprises (délais de réponse pour le branchement d'un nouveau magasin supérieur à six mois ; installation d'une ligne de téléphone en septembre mais facturée dès le mois de mai...).


* 121 Conférence nationale de l'industrie ; pacte pour une Europe industrielle ; valorisation du « made in France » ; création d'une « semaine de l'industrie » ; renforcement des liens entre industrie, éducation nationale et enseignement supérieur ; revalorisation du rôle « industriel » de l'État actionnaire ; incitation à la réindustrialisation et promotion de l'emploi sur les territoires ; transmission des savoirs industriels stratégiques ; gestion de l'emploi et des compétences au niveau territorial ; amélioration de la conditionnalité des aides publiques ; comités stratégiques filières ; médiateur de la sous-traitance ; appel à projets structurants en région ; prêts verts bonifiés ; simplification de la réglementation ; procédure unifiée d'information des PME en région ; fonds start-ups universités grandes écoles ; remboursement anticipé du crédit impôt recherche pour les PME ; fiscalité incitative à l'exploitation en France des brevets ; Fonds d'investissement France Brevets ; orientation de l'épargne et du crédit bancaire vers l'industrie ; observatoire du financement de l'industrie rattaché au Médiateur du Crédit ; financement de l'industrie par les établissements bancaires en phase de sortie de crise.

* 122 Avis n° 2860 - Tome II présenté au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2011 par Mme Geneviève Fioraso.

* 123 Avis n° 2860 du 14 octobre 2010.

Page mise à jour le

Partager cette page