B. POUR UNE POLITIQUE MONÉTAIRE FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

1. Un taux de change trop souvent néfaste pour la compétitivité des entreprises européennes
a) Le lien entre taux de change et exportations

Les variations des taux de change affectent directement le commerce international et peuvent pénaliser les prix des biens à l'exportation 145 ( * ) .

Dans les cas où les ventes de produits industriels se font en dollar, à l'instar de certains secteurs comme l'aéronautique, l'impact est particulièrement sensible en termes de résultats de ventes.

Lors du déplacement de la mission à Toulouse le 30 septembre 2010, M. Fabrice Brégier, directeur général d'Airbus, a ainsi rappelé que l'activité de son entreprise étant essentiellement orientée vers l'exportation, ses résultats dépendent fortement, face au concurrent américain Boeing, du taux de change entre l'euro et le dollar, marqué par le niveau élevé de la monnaie européenne et par une grande variabilité.

b) Le cas de l'euro

Au cours de la dernière décennie, l'euro s'est apprécié , notamment sous l'effet des politiques menées par les banques centrales. Ainsi, après avoir atteint son maximum à plus de 1,50 dollar le 3 décembre 2009, il s'est déprécié jusqu'à moins de 1,2 dollar le 8 juin 2010, mais a de nouveau dépassé le seuil de 1,4 dollar au mois de mars 2011.

Le taux de change de l'euro de 1999 à 2010

(euro/dollar)

Source : Banque centrale européenne

L'euro s'appréciant face au dollar depuis le début de l'année 2001, le taux de change apparaît à juste titre trop souvent défavorable à la compétitivité des entreprises européennes . Lors de leurs auditions par la mission, plusieurs chefs d'entreprise ont déploré que le taux de change de l'euro face au dollar soit un frein à leur développement international.

La mission concède volontiers que les fluctuations du taux de change ne suffisent pas à elles seules à expliquer les déséquilibres de nos échanges extérieurs, mais la question du taux de change de l'euro ne parait pas faire l'objet d'une prise en charge à la hauteur de ses enjeux alors qu'elle constitue à l'évidence un facteur de moindre compétitivité.

La mission déplore en particulier que les dix-sept États européens membres de la zone euro semblent être impuissants à pallier cette situation tandis que les États-Unis et la Chine continuent de mener des politiques monétaires très expansionnistes qui leur garantissent une place plus favorable dans les échanges commerciaux internationaux.

2. Prendre des initiatives en matière monétaire
a) Dévaluer l'euro ?

Les taux de change ont été stabilisés dès 1997 au sein de la future zone euro 146 ( * ) et, depuis, l'idée d'une dévaluation monétaire est écartée.

La politique monétaire commune est aujourd'hui adoptée dans la zone euro, en fonction des traités communautaires, par la banque centrale européenne (BCE) en relation avec l'Euro-groupe, qui est une réunion mensuelle informelle des ministres des Finances des États membres de la zone euro, en vue d'y coordonner leur politique économique. L'objectif principal de cette politique est la lutte contre l'inflation .

Or, une politique de dévaluation s'opposerait frontalement à celle dite de « désinflation compétitive », qui a souvent inspiré les politiques monétaires en Europe ces deux dernières décennies. La politique de « désinflation compétitive » vise en effet, à l'inverse, à freiner l'inflation dans le but d'obtenir, sur le long terme, une tendance à la baisse des coûts et donc, théoriquement, une meilleure compétitivité économique de la zone euro.

En outre, la mission souligne que la pratique de la dévaluation compétitive n'a le plus souvent que des effets de court terme . Au pire, elle peut même provoquer une perte de compétitivité, à l'opposé de l'effet recherché.

Certes, la dévaluation entraîne à court terme une augmentation des exportations et décourage les importations, ce qui peut relancer la croissance. Toutefois, cette pratique a des effets beaucoup plus contestables à long terme. En effet, le plus souvent, la perte de valeur de la monnaie accélère l'inflation, ce qui provoque, in fine , une perte de compétitivité.

b) Élargir les objectifs de la politique monétaire ?

Sans dévaluer officiellement l'euro, l'Europe saurait certainement mieux échapper aux contraintes actuelles en se dotant d'une stratégie en ce domaine face aux États-Unis et à ses autres concurrents.

Il pourrait s'agir par exemple de compléter les objectifs de la politique monétaire d'un objectif de compétitivité . La France aurait probablement des difficultés à convaincre ses partenaires dans la mesure où des pays comme l'Allemagne se satisfont du niveau élevé de l'euro et ont une balance commerciale excédentaire. La mise en oeuvre d'une stratégie européenne de compétitivité pour l'industrie justifie pourtant un aménagement de notre politique de changes.

Le président de la République a, d'ailleurs, à plusieurs reprises, déploré la faiblesse du dollar par rapport à l'euro en estimant que les disparités monétaires représentent un problème absolument considérable. À l'occasion de ses voeux aux « forces économiques », le 6 janvier 2010, il a ainsi déclaré « Si on fabrique en zone euro et qu'on vend en zone dollar, avec le dollar qui tombe et l'euro qui monte, comment pouvez-vous compenser le déficit de compétitivité des entreprises françaises ? ». Il s'est, en outre, engagé à ce que la question du système monétaire international soit au centre des débats internationaux, sous l'impulsion de la présidence française du G20 en 2011, en vue d'éviter les phénomènes de « dumping monétaire ».


* 145 Un bien d'une valeur de 100 euros produit en France et vendu aux USA coûtera 125 dollars aux consommateurs américains avec un taux de change de 1,25 dollar pour un euro. A l'inverse, une baisse du taux de change à 1,10 dollar pour un euro fera chuter le prix à l'exportation à 110 dollars (et une hausse du taux de change l'augmentera symétriquement).

* 146 Cette stabilisation a pris la forme de l'Union économique et monétaire (UEM).

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